ARRÊT DU
27 Janvier 2023
N° 134/23
N° RG 20/02235 – N° Portalis DBVT-V-B7E-TIYV
LB/VDO
Jugement du
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de VALENCIENNES
en date du
15 Octobre 2020
(RG 19/00177 -section )
GROSSE :
aux avocats
le 27 Janvier 2023
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
– Prud’Hommes-
APPELANT :
M. [V] [B]
[Adresse 3]
représenté par Me Patrick LEDIEU, avocat au barreau de CAMBRAI substitué par Me Jean-Noel LECOMPTE, avocat au barreau de CAMBRAI
INTIMÉS :
Me [Z] [X] es qualité de mandataire liquidateur de la SAS LA MIE DE SEBOURG
[Adresse 1]
N’ayant pas constitué avocat, déclaration d’appel signifiée le 02/12/2020 à personne morale
Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 5]
[Adresse 2]
représentée par Me Thibaut CRASNAULT, avocat au barreau de VALENCIENNES
DÉBATS : à l’audience publique du 10 Novembre 2022
Tenue par Laure BERNARD
magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : Valérie DOIZE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Pierre NOUBEL
: PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Virginie CLAVERT
: CONSEILLER
Laure BERNARD
: CONSEILLER
Le prononcé de l’arrêt est prorogé du 16 décembre 2022 au 27 janvier 2023 pour plus ample délibéré
ARRÊT : réputé contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 27 Janvier 2023,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Pierre NOUBEL, Président et par Annie LESIEUR, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 20 octobre 2022
EXPOSE DU LITIGE
La société La Mie de Sebourg exerçait une activité dans le secteur de la boulangerie’; la convention collective applicable est celle de la boulangerie-pâtisserie.
M. [V] [B] a été engagé par contrat d’apprentissage en date du 20’octobre’2018, à échéance du 31’août’2019, dans le cadre de la préparation d’une mention boulangerie spécialisée complémentaire à son CAP Chocolatier, dispensée par l’URMA de [Localité 4].
Par jugement rendu le 14 janvier 2019, le tribunal de commerce de Valenciennes a ordonné la liquidation judiciaire de la société La Mie de Sebourg et a désigné Maître [X] en qualité de mandataire liquidateur.
Par courrier du 28 janvier 2019, Maître [X], agissant en qualité de liquidateur, a notifié à M. [V] [B] la rupture anticipée de son contrat d’apprentissage.
Le 31 mai 2019, M. [V] [B] a saisi le conseil de prud’hommes de Valenciennes aux fins notamment d’obtenir un rappel de salaire jusqu’au 31’août’2019 et les congés payés afférents, un rappel d’heures supplémentaires, ainsi que des dommages et intérêts pour rupture anticipée du contrat d’apprentissage.
Par jugement rendu le 15’octobre’2020, la juridiction prud’homale a’:
– rejeté la demande d’annulation du contrat d’apprentissage de M. [V] [B],
– débouté M. [V] [B] de l’ensemble de ses demandes,
– débouté le CGEA AGS de [Localité 5] de sa demande reconventionnelle,
– dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens.
M. [V] [B] a régulièrement interjeté appel contre ce jugement par déclaration en date du 12’novembre’2020.
Aux termes de ses conclusions transmises par RPVA le 19’avril’2021, M. [V] [B] demande à la cour de’:
– infirmer le jugement déféré sauf en ce qu’il a confirmé la validité de son contrat d’apprentissage,
– fixer sa créance dans la liquidation judiciaire de la société La Mie de Sebourg aux sommes suivantes’:
* 7 973,35’euros à titre de dommages et intérêts pour rupture anticipée du contrat d’apprentissage,
* 3 000’euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonner l’inscription desdits montants sur son relevé des créances salariales,
– dire et juger qu’en cas de défaillance, le CGEA sera tenu de régler dans la limite des dispositions des articles L.3253-6 et suivants du code du travail et D.3253-5 du code du travail.
Aux termes de ses conclusions transmises par RPVA le 1er mars 2021, l’AGS CGEA de [Localité 5] demande à la cour de’:
– infirmer le jugement rendu en ce qu’il a rejeté la demande de nullité du contrat d’apprentissage de M. [V] [B] conclu pendant la période suspecte,
– confirmer le jugement rendu pour le surplus,
– débouter M. [V] [B] de l’ensemble de ses demandes,
– reconventionnellement, condamner M. [V] [B] à lui rembourser la somme de 2’159,08’euros au titre des salaires avancés,
– condamner M. [V] [B] au paiement de la somme de 800’euros sur le fondement de l’article 700 du code procédure civile,
– condamner M. [V] [B] au paiement des entiers frais et dépens de l’instance,
– dire et juger que s’il y a lieu à fixation de sa garantie, celle-ci ne pourra intervenir que dans les limites de la garantie légale,
– dire et juger qu’en tout état de cause, la garantie prévue aux dispositions de l’article L.3253-6 du code du travail ne peut concerner que les seules sommes dues en exécution du contrat de travail au sens dudit article L.3253-8 du Code du travail, les astreintes, dommages et intérêts mettant en ‘uvre la responsabilité de droit commun de l’employeur ou article 700 du Code de procédure civile étant ainsi exclus de la garantie,
– dire et juger qu’en tout état de cause la garantie de l’AGS ne pourra excéder, toutes créances avancées pour le compte du salarié confondues, l’un des trois plafonds des cotisations maximum du régime d’assurance chômage mentionnés à ces articles,
– statuer ce que de droit quant aux frais d’instance sans qu’ils puissent être mis à la charge de l’AGS.
Maître [X] ès qualités, bien que s’étant vu signifier la déclaration d’appel, les conclusions d’appelant et ses pièces par acte d’huissier du 22 décembre 2020, n’a pas constitué avocat et n’a pas conclu.
Pour un exposé complet des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère aux conclusions écrites transmises par RPVA en application de l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 20’octobre’2022.
MOTIFS DE LA DECISION
A titre liminaire il sera observé que la demande de rappel de salaires présentée en première instance n’a pas été reformulée en appel dans le dispositif des conclusions de l’intimé, de sorte que la cour n’est pas saisie de cette demande, en application de l’article 954 du code de procédure civile.
Sur la demande de nullité du contrat d’apprentissage
L’appelant invoque la nullité du contrat d’apprentissage souscrit entre la société La Mie de Sebourg et M. [V] [B], faisant valoir que celui-ci a été conclu pendant la période suspecte et qu’il a créé lors de sa conclusion un déséquilibre entre les droits et obligations des parties puisque l’employeur n’était pas en mesure de faire face financièrement au paiement des salaires de M. [V] [B], qui avaient en outre vocation à augmenter à compter du mois de janvier 2019.
M. [V] [B] soutient qu’il n’existait aucun déséquilibre entre les droits et obligations des parties au moment de la conclusion du contrat d’apprentissage, puisque ce contrat prévoyait une rémunération en contrepartie de l’exécution de son travail, sachant qu’il était déjà diplômé dans ce domaine d’activité.
Sur ce,
En application des dispositions de l’article L.6222-18 du code du travail dans sa version applicable au litige, le contrat d’apprentissage peut être rompu par l’une ou l’autre des parties jusqu’à l’échéance des quarante-cinq premiers jours, consécutifs ou non, de formation pratique en entreprise effectuée par l’apprenti. Passé ce délai, la rupture du contrat, pendant le cycle de formation, ne peut intervenir que sur accord écrit signé des deux parties. A défaut, la rupture du contrat conclu pour une durée limitée ou, pendant la période d’apprentissage, du contrat conclu pour une durée indéterminée, ne peut être prononcée que par le conseil de prud’hommes, statuant en la forme des référés, en cas de faute grave ou de manquements répétés de l’une des parties à ses obligations ou en raison de l’inaptitude de l’apprenti à exercer le métier auquel il voulait se préparer.
En cas de liquidation judiciaire sans maintien de l’activité ou lorsqu’il est mis fin au maintien de l’activité en application du dernier alinéa de l’article L.641-10 du code de commerce et qu’il doit être mis fin au contrat d’apprentissage, le liquidateur notifie la rupture du contrat à l’apprenti. Cette rupture ouvre droit pour l’apprenti à des dommages et intérêts d’un montant au moins égal aux rémunérations qu’il aurait perçues jusqu’au terme du contrat.
L’article L.632-1 du code de commerce dispose, en outre, qu’est nul, lorsqu’il est intervenu depuis la date de cessation des paiements, le contrat commutatif dans lequel les obligations du débiteur excèdent notablement celles de l’autre partie.
Le contrat d’apprentissage entre dans la définition des contrats commutatifs visés à l’article L.632-1 du code de commerce.
La période suspecte est l’intervalle de temps compris entre la date effective de la cessation des paiements et celle du jugement d’ouverture de la procédure collective qui constate cet état.
En l’espèce, M. [V] [B] a été engagé par la société La Mie de Sebourg par contrat d’apprentissage en date du 20’octobre’2018, à échéance du 31’août’2019, dans le cadre de la préparation d’une mention boulangerie spécialisée complémentaire à son CAP Boulanger Pâtissier Chocolatier, dispensée par l’URMA de [Localité 4].
Par jugement rendu le 14 janvier 2019, le tribunal de commerce de Valenciennes a ordonné la liquidation judiciaire de la société La Mie de Sebourg et a désigné Maître [X] en qualité de mandataire liquidateur.
Le contrat d’aprentissage, qui a été conclu entre la société La Mie de Sebourg et M. [V] [B] après la date de cessation des paiements et avant l’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire est susceptible d’encourir la nullité prévue à l’article L.632-1 du code de commerce.
Cependant, les salaires que la société La Mie de Sebourg s’est engagé à verser à M. [V] [B], au demeurant d’un montant très modeste au regard de sa situation d’apprentissage, constituaient la contrepartie de l’exécution d’un travail effectif, étant observé en outre que M. [V] [B] était déjà titulaire d’un CAP chocolatier et qu’il était dès lors déjà un salarié qualifié et formé aux bases du métier, malgré sa situation d’apprenti ; qu’au regard de ces éléments et des avantages liés au dispositif du contrat d’apprentissage (notamment le salaire peu élevé) il n’est pas caractérisé de déséquilibre entre les parties au détriment de l’employeur au moment de la conclusion du contrat, nonobstant la situation de cessation des paiements qui a été constatée le 14 janvier 2019.
Le jugement de première instance sera en conséquence confirmé en ce qu’il a débouté le CGEA de sa demande de nullité du contrat d’apprentissage.
Sur les conséquences de la rupture anticipée du contrat d’apprentissage
Conformément à l’article L.6222-18 du code du travail en cas de liquidation judiciaire sans maintien de l’activité ou lorsqu’il est mis fin au maintien de l’activité en application du dernier alinéa de l’article L. 641-10 du code de commerce et qu’il doit être mis fin au contrat d’apprentissage, le liquidateur notifie la rupture du contrat à l’apprenti. Dans cette hypothèse, les dispositions de l’article L. 1243-4 du présent code s’appliquent, à l’exception de celles relatives à l’indemnité prévue à l’article L. 1243-8.
L’article L.1243-4 du code du travail prévoit que la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée qui intervient à l’initiative de l’employeur, en dehors des cas de faute grave, de force majeure ou d’inaptitude constatée par le médecin du travail, ouvre droit pour le salarié à des dommages et intérêts d’un montant au moins égal aux rémunérations qu’il aurait perçues jusqu’au terme du contrat.
L’indemnité prévue à l’article L.6222-18 du code du travail n’étant pas subordonnée à la démonstration par l’apprenti d’un préjudice spécifique, M. [V] [B] est bien fondé à obtenir le montant des rémunérations qu’il aurait perçu jusqu’au terme du contrat.
Par conséquent, par infirmation du jugement de première instance, la somme de 7’973,35’euros sera fixée au passif de la liquidation judiciaire de la société La Mie de Sebourg à titre d’indemnité de rupture anticipée du contrat d’apprentissage conformément à la demande de M. [V] [B].
Sur la garantie du CGEA
Il sera rappelé que le CGEA, auquel la présente décision est opposable, devra garantie dans les limites légales et règlementaires applicables.
Sur les dépens et l’indemnité de procédure
Le liquidateur sera condamné au dépens, qui seront recouvrés selon les règles applicables à la liquidation judiciaire ;
Il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. Les parties seront donc déboutées de leur demande présentée sur ce fondement.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire mis à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement rendu le 15 octobre 2020 par le conseil de prud’hommes de Valenciennes sauf en ce qu’il a débouté M. [V] [B] de sa demande d’indemnité pour rupture anticipée du contrat d’apprentissage ;
Statuant à nouveau,
FIXE au passif de la liquidation de la société La Mie de Sebourg la somme de 7’973,35’euros à titre d’indemnité de rupture anticipée du contrat de travail ;
RAPPELLE que le CGEA, auquel la présente décision est opposable, devra garantie dans les limites légales et règlementaires applicables ;
CONDAMNE Maître [X], agissant en qualité de liquidateur de la société La Mie de Sebourg aux dépens, qui seront recouvrés selon les règles applicables à la liquidation judiciaire ;
DEBOUTE les parties de leur demande présentée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER
Annie LESIEUR
LE PRESIDENT
Pierre NOUBEL