Nullité de contrat : 26 janvier 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 21/07137

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Nullité de contrat : 26 janvier 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 21/07137

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

————————–

ARRÊT DU : 26 JANVIER 2023

F N° RG 21/07137 – N° Portalis DBVJ-V-B7F-MPSQ

[E] [U]

c/

[Z] [J] veuve [A]

[F] [G]

[O] [U]

[K] [R]

Nature de la décision : AU FOND

SUR RENVOI DE CASSATION

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décisions déférées à la Cour : sur renvoi de cassation d’un arrêt rendu le 10 novembre 2021 (Pourvoi N° U 20-22.108) par la 3ème chambre civile de la Cour de Cassation sur un arrêt rendu le 18 mai 2020 (RG 17/1559) par la 1ère chambre civile de la Cour d’Appel de d’AGEN en suite d’un jugement du tribunal de grande instance de CAHORS du 24 novembre 2017 (RG 16/00099), suivant déclaration de saisine en date du 28 décembre 2021

DEMANDEUR :

[E] [U]

né le 02 Janvier 1973 à [Localité 15],

demeurant [Adresse 7]

Représenté par Me Philippe DUPRAT de la SCP DAGG, avocat au barreau de BORDEAUX

et assisté de Me Camille MALLEMOUCHE avocat au barreau de CAHORS

DEFENDERESSE :

[Z] [J] VEUVE [A] veuve [A]

née le 09 Mai 1948 à [Localité 1] ([Localité 1])

de nationalité Française

Retraitée,

demeurant [Adresse 12]

Représentée par Me Dominique LAPLAGNE, avocat au barreau de BORDEAUX

INTERVENANTS :

[F] [G]

né le 27 Mai 2003 à [Localité 16]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 7]

[O] [U]

née le 26 Juillet 2009 à [Localité 5] ([Localité 5])

de nationalité Française

Collégienne,

demeurant [Adresse 7]

représentée par son père Monsieur [E] [U]

[K] [R]

née le 21 Juillet 2012 à [Localité 6] ([Localité 6])

de nationalité Française

[Adresse 11],

demeurant [Adresse 7]

représentée par son père Monsieur [E] [U]

Représentés par Me Philippe DUPRAT de la SCP DAGG, avocat au barreau de BORDEAUX

et assistés de Me Camille MALLEMOUCHE avocat au barreau de CAHORS

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 21 novembre 2022 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Paule POIREL, Président,

Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller,

Monsieur Rémi FIGEROU, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Annie BLAZEVIC

Greffier lors du prononcé : Audrey COLLIN

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

Le 28 mars 2014, Mme [Z] [J] veuve [A] a signé une promesse de vente avec M. [E] [U] et Mme [I] [D] épouse [U] portant sur :

– une parcelle de terrain à bâtir cadastrée section [Cadastre 9], sur laquelle existait une construction en état de ruine,

– des parcelles de terrains agricoles à diviser cadastrées section [Cadastre 8], [Cadastre 3], [Cadastre 4] et [Cadastre 2], ces biens étant situés dans la commune de [Localité 14] (46), au lieudit [Adresse 13].

Le montant du prix de vente pour l’ensemble de ces propriétés a été fixé à la somme de 35 000 euros.

En pages 8 et 9 de l’acte est mentionné qu’un certificat d’urbanisme a été délivré le 12 novembre 2012 par le maire de la localité de [Localité 14] (46), que sa durée de validité est de 18 mois et que le vendeur a déclaré avoir déposé auprès des services compétents une demande de prorogation dudit certificat. Ce document atteste également la possibilité de restauration de l’habitat existant sur le terrain cadastré [Cadastre 9].

La demande de prorogation de ce certificat d’urbanisme présentée le 12 mars 2014 par Mme [J] veuve [A] a été refusée par arrêté du maire de [Localité 14] du 21 mars 2014. L’autorité municipale a considéré que le régime de R.A.P. A (redevance d’archéologie préventive) avait été modifié à la suite de la loi de finance n°2012-1509 du 29 décembre 2012 pour l’année 2013.

Le 31 mars 2014, Mme [J] veuve [A] a sollicité la délivrance d’un nouveau certificat d’urbanisme permettant la restauration de la ruine et la construction d’une maison d’habitation sur la parcelle [Cadastre 9]. Cette demande a été refusée par décision du Maire en date du 24 avril 2014 au motif que ‘l’article N1 du règlement du PLU relatif aux occupations du sol interdites en zone N qui dispose que sont interdites les constructions ou installations destinées à l’habitation’.

Par acte authentique du 25 avril 2014, la vente a été réitérée entre les parties.

Suivant une lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 28 novembre 2015, M. et Mme [U] ont reproché à Mme [J] veuve [A] la dissimulation, lors de la réitération de la vente, des deux décisions de refus du maire de la commune.

Dans leur courrier recommandé avec demande d’avis de réception du 14 octobre 2015, M. et Mme [U] ont, par l’intermédiaire de leur avocat, mis en demeure Mme [J] veuve [A] de leur payer la somme de 35 000 euros sous quinzaine au motif que la valeur réelle du terrain était de 1 000 euros.

Suivant un acte d’huissier du 18 janvier 2016, M. et Mme [U] ont assigné Mme [S] veuve [A] devant le tribunal de grande instance de Cahors afin d’obtenir sa condamnation, sur le fondement de l’article 1116 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance numéro 2016-131 du 10 février 2016 applicable au litige, au paiement de la somme de 34 000 euros, outre 2 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Le jugement rendu le 24 novembre 2017 par le tribunal de grande instance de Cahors a :

– débouté M. et Mme [U] de l’intégralité de leur demande,

– condamné M. et Mme [U] à payer à Mme [J] la somme totale de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit n’y avoir lieu à prononcer l’exécution provisoire,

– condamné M. et Mme [U] aux tiers dépens.

M. et Mme [U] ont relevé appel de cette décision.

Par arrêt rendu le 18 mai 2020, la cour d’appel d’Agen a confirmé le jugement en toutes ses dispositions et condamné M. et Mme [U] au paiement à Mme [J] veuve [A] de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens qui pourront être recouvrés directement par Me Bayard-Thibault conformément aux dispositions de l’article 699 du même code.

Sur le pourvoi formé par M. et Mme [U], la Troisième chambre civile de la Cour de cassation a, par arrêt rendu le 10 novembre 2021 (pourvoi n° 20-22.108) :

– cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 18 mai 2020, entre les parties, par la cour d’appel d’Agen ;

– remis l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d’appel de Bordeaux ;

– condamné Mme [A] aux dépens ;

– en application de l’article 700 du code de procédure civile, rejeté la demande de Mme [A] et l’a condamnée à payer à M. et Mme [U] la somme de 3 000 euros ;

– dit que sur les diligences du procureur général près la cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Par déclaration de saisine du 28 décembre 2021, M. [U] a saisi la cour d’appel de renvoi.

Les ayants droit de Mme [I] [U], à savoir M. [F] [G], Mlle [O] [U] et Mlle [K] [U], sont intervenus volontairement à l’instance à la suite du décès de leur mère survenu le 1er juillet 2021.

M. [E] [U] ainsi que Mme [I] [U], à savoir M. [F] [G], Mlle [O] [U] et Mlle [K] [U] (les consorts [U]), dans leurs dernières conclusions d’appelants du 14 avril 2022, demandent à la cour, au visa des 1109, 1110, 1116, 1131, 1134 et 1382 articles du code civil :

– de constater l’intervention volontaire d'[F] [G], [O] [U], représentée par son père [E] [U], [K] [U] représentée par son père [E] [U] à la suite du décès de leur mère [I] [U] le 1er juillet 2021,

– d’infirmer en toutes ses dispositions le jugement de première instance du 24 novembre 2017 et, statuant à nouveau :

A titre principal :

– dire et juger que Mme [J] veuve [A] s’est rendue coupable de dol,

– prononcer l’annulation de la vente régularisée par Maître [M] [W], notaire à Puy L’Evèque, suivant acte authentique du 25 avril 2014, publié et enregistré le 26 mai 2014 au service de la publicité foncière de [Localité 6] sous la référence 2014 P n°3672, portant sur les parcelles suivantes situées [Adresse 13] :

E 3176 Les cailloux 00 ha 06 a 78 ca

E 3178 Les cailloux 00 ha 01 a 76 ca

E 3180 Les cailloux 00 ha 00 a 85 ca

E 3182 Les cailloux 00 ha 01 a 31 ca

E 963 Les cailloux 00 ha 09 a 30 ca

– en conséquence, condamner Mme [J] veuve [A] au paiement des sommes de :

– 35.000 euros, somme portant intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure du 14 octobre 2015,

– 3.465,12 euros correspondant aux frais de vente, somme portant intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure du 14 octobre 2015,

– 2.000 euros à titre de dommages et intérêts, somme portant intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement,

A titre subsidiaire :

– dire et juger que leur consentement a été vicié par erreur,

– prononcer l’annulation de la vente régularisée par Maître [M] [W], notaire à Puy L’Evèque, suivant acte authentique du 25 avril 2014, publié et enregistré le 26 mai 2014 au service de la publicité foncière de [Localité 6] sous la référence 2014 P n°3672, portant sur les parcelles suivantes situées [Adresse 13]) : Section N° Lieudit

Surfaces :

E 3176 Les cailloux 00 ha 06 a 78 ca

E 3178 Les cailloux 00 ha 01 a 76 ca

E 3180 Les cailloux 00 ha 00 a 85 ca

E 3182 Les cailloux 00 ha 01 a 31 ca

E 963 Les cailloux 00 ha 09 a 30 ca

-condamner en conséquence Mme [J] veuve [A] au paiement des sommes de :

– 35.000 euros, somme portant intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure du 14 octobre 2015,

– 3.465,12 euros correspondant aux frais de vente, somme portant intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure du 14 octobre 2015,

– 2.000 euros à titre de dommages et intérêts, somme portant intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement,

A titre très subsidiaire :

– constater et juger que Mme [J] veuve [A] a engagé sa responsabilité à l’égard des époux [U] en application de l’article 1382 devenu 1240 du code civil en ne respectant pas son obligation d’information et de loyauté,

– condamner Mme [J] veuve [A] à payer la somme de 34.000 euros à titre de dommages et intérêts, somme portant intérêt au taux légal à compter du 14 octobre 2015,

En tout état de cause :

– débouter Mme [J] veuve [A] de l’ensemble de ses demandes,

– condamner Mme [J] veuve [A] au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Mme [J] veuve [A] aux entiers dépens de l’instance qui seront recouvrés par la SCP d’Avocats DAGG dans les formes et conditions de l’article 699 du code de procédure civile.

Mme [J] veuve [A], dans ses dernières conclusions d’intimée du 4 mars 2022, demande à la cour, au visa des articles du code civil et du code de procédure civile, de :

A titre principal :

– confirmer en toutes ses dispositions le jugement critiqué ;

– débouter les consorts [U] et [G] de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions ;

– condamner les consorts [U] et [G] in solidum à lui payer la somme de 8 000 euros à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, outre aux dépens dont distraction au profit de Maître Dominique Laplagne, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

A titre subsidiaire :

– condamner les consorts [U] et [G] à lui verser la somme de 500 euros par an à compter du 25 avril 2014 jusqu’au jour de l’annulation judiciaire de la vente ;

– condamner les consorts [U] et [G] in solidum à lui payer la somme de 8 000 euros à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre aux dépens dont distraction au profit de Maître Dominique Laplagne, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

A titre infiniment subsidiaire :

– juger qu’elle ne peut être responsable que d’une perte de chance de 10% de se soustraire à la transaction ou de réaliser la transaction dans des conditions plus avantageuses ;

– juger que la somme mise à sa charge ne saurait excéder 3 400 euros ;

– juger que la somme mise à sa charge de Mme [A] au titre des frais irrépétibles ne saurait excéder 2 000 euros.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 7 novembre 2022.

Pour une plus ample connaissance du litige et des prétentions et moyens des parties, il est fait expressément référence aux dernières conclusions et pièces régulièrement communiquées par les parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la portée de la cassation

Conformément aux dispositions de l’article 624 du code de procédure civile, la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l’arrêt qui la prononce.

Elle s’étend également à l’ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d’indivisibilité ou de dépendance nécessaire.

La cassation annule intégralement le chef de dispositif qu’elle atteint quel que soit le moyen qui a déterminé la cassation et la cour de renvoi n’est pas liée par les motifs de l’arrêt cassé, étant tenue d’examiner tous les moyens soulevés devant elle.

Il résulte par ailleurs des dispositions de l’article 625 que sur les points qu’elle atteint la décision replace les parties dans l’état où elles se trouvaient avant l’arrêt cassé.

La cour de renvoi est ainsi saisie par l’acte d’appel initial, dans les limites du dispositif de l’arrêt de cassation.

En l’espèce, par arrêt rendu le 10 novembre 2021, la cour de cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions l’arrêt rendu le 18 mai 2020 pas la cour d’appel d’Agen, étant précisé que la déclaration d’appel portait sur tous les chefs du jugement.

Dès lors, la cour d’appel de renvoi est saisie de l’entier litige soumis au tribunal.

Sur la demande d’annulation de la vente pour dol

L’intervention volontaire des ayants droit de Mme [U] n’est pas contestée par Mme [J] veuve [A].

Aux termes de l’article 1116 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance numéro 2016-131 du 10 février 2016, le dol est une nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces manoeuvres, l’autre partie n’aura pas contracté. Le dol ne se présume point et doit être prouvé.

Afin d’appréhender le présent litige, qui porte exclusivement sur la parcelle [Cadastre 10] sur laquelle se trouvait une ruine, les autres parcelles ne constituant que des terres à vocation agricole, il convient de préciser à titre liminaire que M. [U] exerce la profession d’agriculteur.

A la date de signature de la promesse de vente, soit le 28 mars 2014, les acquéreurs étaient pleinement informés qu’un certificat d’urbanisme avait été délivré par l’autorité municipale le 12 novembre 2012. Il était indiqué que ce document précisait que le terrain-objet de la demande pouvait être utilisé pour la réalisation de l’opération envisagée, en l’occurrence l’établissement de l’habitation du couple sur cette parcelle constructible. Il était enfin mentionné que la durée de validité de ce certificat était de 18 mois.

En conséquence, les époux [U] avaient connaissance de l’expiration de la validité de ce certificat à la date du 12 mai 2014 sans que cette situation caractérise un aléa comme le soutient Mme [J] veuve [A], ceux-ci ayant été de surcroît rassurés sur la faisabilité de leur projet immobilier par les éléments susvisés, à tort comme les événements ultérieurs le démontreront, par Me [W] par l’insertion d’une clause en page 9 de l’acte.

La promesse de vente précisait en outre en page 9 que le ‘vendeur déclare avoir déposé auprès des services compétents une demande de prorogation’ dudit certificat.

Or, il s’avère que cette demande avait été déjà rejetée à la date de la signature du compromis. En effet, Mme [J] veuve [A] reconnaît avoir été en possession de la décision négative émanant de l’autorité municipale en date du 21 mars 2014.

La venderesse ne justifie cependant pas en avoir informé les acquéreurs ce que confirme maître [W] dans son courrier du 11 décembre 2014 adressé au Maire de la commune de [Localité 14].

Contrairement à ce qu’affirme Mme [J] veuve [A], la promesse du 28 mars 2014 ne précise pas qu’une nouvelle demande devait être déposée auprès de l’autorité municipale. En conséquence, cet argument tendant à démontrer que les époux [U] connaissait l’existence du refus doit être écarté.

Une nouvelle demande de prolongation de la validité du certificat d’urbanisme, déposée par Mme [J] veuve [A] le 31 mars 2014, soit quelques jours après la signature de la promesse, a été rejetée le 24 avril 2014, soit la veille de la signature de l’acte authentique de vente.

Cette décision a été motivée par le fait que la demande devait s’analyser en une construction nouvelle contraire à l’article N1 du règlement du plan local d’urbanisme alors en vigueur interdisant en zone N les constructions ou installations destinées à l’habitation.

Or, l’acte réitératif de vente du 25 avril 2014 ne mentionne pas l’existence tant du premier que du second refus émanant de l’autorité municipale. Il informe simplement les acquéreurs, qui déclarent en faire leur affaire personnelle, que les zones A, qui concernent la parcelle [Cadastre 10], ‘sont en principe inconstructibles comme étant réservées aux activités agricoles, en conséquence seules sont admises les constructions directement liées et nécessaires aux exploitations ainsi que le logement des exploitants eux-mêmes. Par suite, la vente d’une habitation construite en zone non constructible à une personne n’exerçant pas une activité agricole est autorisée, mais un refus du permis de construire pour transformation du bien peut leur être opposé’.

Mme [J] veuve [A] démontre toutefois, en fournissant la copie de l’enveloppe qui contenait l’information relative au second refus, qu’elle ne pouvait connaître cette décision à la date de la signature de l’acte réitératif.

Ainsi, s’il ne peut être reproché à la venderesse d’avoir sciemment caché l’existence de la seconde décision négative émanant de l’autorité municipale, il doit cependant être constaté qu’elle a volontairement omis d’informer tant les acquéreurs que le notaire instrumentaire de l’existence du premier refus et du dépôt de sa nouvelle demande effectué le 31 mars 2014.

Ces deux omissions constituent bien plus qu’un simple manquement à un devoir d’information pesant sur la venderesse mais portent sur un élément déterminant du contrat de vente.

En effet, il résulte clairement de la lecture de la promesse que la volonté des époux [U] était de démolir la ruine existante sur la parcelle [Cadastre 10] et d’édifier en lieu et place un immeuble.

Les consorts [U] démontrent également après la date de signature de l’acte réitératif, par la réalisation de deux démarches auprès de l’autorité administrative, avoir constamment maintenu leur volonté de construire une maison sur cette parcelle sans lien direct avec leur exploitation agricole.

Il importe donc peu de constater que le compte rendu du conseil municipal du 3 décembre 2015 mentionne qu’il a été décidé avec le directeur de la DDT de ‘rebasculer’, la parcelle litigieuse en zone A lors de la modification simplifiée du PLU, ‘permettant ainsi à M. [U] eu égard à sa qualité d’agriculteur de construire selon la tolérance du code de l’urbanisme’.

En effet, aucun acte officiel n’entérine d’une part cette modification. D’autre part, il doit être constaté que le classement en zone agricole, à supposer avéré, impose le respect de conditions particulièrement restrictives pour pouvoir construire de sorte que la réussite du projet immobilier apparaît pour le moment hypothétique, les consorts [U] justifiant actuellement avoir essuyé deux refus à leurs demandes par décisions des 13 novembre 2014 et 19 mai 2015 émanant du Maire de la commune concernée.

Au regard de ces éléments, il y a lieu dès lors de constater que la possibilité pour les consorts [U] de construire un bien immobilier sur la parcelle [Cadastre 10] constituant un élément déterminant du contrat de vente.

Victimes d’une dissimulation intentionnelle par Mme [J] veuve [A] d’une information dont elle connaissait le caractère déterminant pour les acquéreurs de sorte que le consentement de ces derniers a été vicié, les acquéreurs sont donc bien fondés à obtenir l’annulation de la transaction portant sur l’ensemble des parcelles concernées.

Il convient en conséquence d’infirmer le jugement ayant rejeté la demande de nullité du contrat présentée par les consorts [U].

Sur les autres demandes des consorts [U]

Les consorts [U] sollicitent tout d’abord l’octroi le remboursement des frais de vente représentant la somme de 3 465,12 euros.

En réponse, Mme [J] veuve [A] sollicite le rejet de cette prétention sans cependant apporter des éléments contestant le montant réclamé.

La rétroactivité découlant de la nullité de la vente emporte la destruction des actes accomplis depuis la formation du contrat.

Selon l’état de frais établi par Me [W], les frais de vente se sont élevés à la somme de 3 465,12 euros.

Mme [J] veuve [A] sera donc condamnée au paiement de ce montant aux consorts [U]. Cette somme ne portera pas intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure du 14 octobre 2015 car cette demande ne figurait pas dans le courrier de mise en demeure adressé à la venderesse.

Les consorts [U] réclament ensuite le versement par Mme [J] veuve [A] d’une somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts au titre d’un préjudice moral sans apporter cependant la démonstration d’une atteinte à leur honneur et leur considération. Le rejet de cette prétention prononcé par le premier juge sera donc confirmé.

Sur la demande d’indemnité d’occupation

A titre subsidiaire et en cas d’annulation de la transaction, Mme [J] veuve [A] sollicite la condamnation des consorts [U] à lui verser la somme de 500 euros par an au titre de l’occupation des parcelles à compter du 25 avril 2014.

Ces derniers réclament en réponse le rejet de cette demande en objectant très justement qu’en raison de l’effet rétroactif de l’annulation de la vente, le vendeur n’est pas fondé à obtenir une indemnité correspondant à la seule occupation de l’immeuble (Civ 3ème, 2 mars 2005, pourvoi n° 03-10.553).

En conséquence, la demande présentée par Mme [J] veuve [A] sera rejetée.

Sur l’article 700 du code de procédure civile

La demande en annulation de la vente présentée par les consorts [U] ayant été accueillie, il n’y a pas lieu de mettre à leur charge le paiement d’une indemnité en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. La décision attaquée sera donc réformée sur ce point et aucune partie ne sera condamnée de ce chef au stade de la première instance.

En cause d’appel, il convient de mettre à la charge de Mme [J] veuve [A] le paiement au profit des consorts [U], ensemble, le paiement d’une somme de 4 000 euros et de rejeter les autres demandes présentées sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement rendu le 24 novembre 2017 par le tribunal de grande instance de Cahors en ce qu’il a rejeté la demande des époux [U] tendant à obtenir la condamnation de Mme [Z] [J] veuve [A] au paiement :

– d’une somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation d’un préjudice moral ;

– d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

L’infirme pour le surplus, et statuant à nouveau :

– Prononce l’annulation de la vente conclue entre Mme [Z] [J] veuve [A] d’une part et M. [E] [U] et Mme [I] [D] épouse [U] d’autre part, régularisée par maître [M] [W], notaire à Puy L’Evèque, suivant acte authentique du 25 avril 2014, publié et enregistré le 26 mai 2014 au service de la publicité foncière de [Localité 6] sous la référence 2014 P n°3672, portant sur les parcelles suivantes situées [Adresse 13] :

E 3176 Les cailloux 00 ha 06 a 78 ca ;

E 3178 Les cailloux 00 ha 01 a 76 ca ;

E 3180 Les cailloux 00 ha 00 a 85 ca ;

E 3182 Les cailloux 00 ha 01 a 31 ca ;

E 963 Les cailloux 00 ha 09 a 30 ca ;

– Dit en conséquence que Mme [Z] [J] veuve [A] devra restituer à M. [E] [U], M. [F] [G], mesdames [O] [U] et [K] [U], ces deux dernières représentées par leur père M. [E] [U], la somme de 35 000 euros correspondant au montant du prix de vente, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 14 octobre 2015 ;

– Condamne Mme [Z] [J] veuve [A] à verser à M. [E] [U], M. [F] [G], mesdames [O] [U] et [K] [U], ensemble, ces deux dernières représentées par M. [E] [U], la somme de 3.465,12 euros correspondant aux frais de vente ;

– Rejette la demande présentée par Mme [Z] [J] veuve [A] tendant à obtenir de M. [E] [U], M. [F] [G], mesdames [O] [U] et [K] [U], ces deux dernières représentées par leur père M. [E] [U], le paiement d’une somme annuelle de 500 euros à compter du 25 avril 2014 jusqu’au jour de l’annulation judiciaire de la vente ;

– Rejette les demandes présentées par Mme [Z] [J] veuve [A] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamne Mme [Z] [J] veuve [A] au paiement des dépens de première instance ;

Y ajoutant ;

– Condamne Mme [Z] [J] veuve [A] à verser à M. [E] [U], M. [F] [G], mesdames [O] [U] et [K] [U], représentées par leur père M. [E] [U], ensemble, une somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Rejette les autres demandes présentées sur ce fondement ;

– Condamne Mme [Z] [J] veuve [A] au paiement des dépens d’appel qui pourront être directement recouvrés par la SCP d’avocats DAGG en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La présente décision a été signée par madame Paule POIREL, présidente, et madame Audrey COLLIN, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

 


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