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CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 25 janvier 2023
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 78 F-D
Pourvoi n° P 21-12.930
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 JANVIER 2023
La société Le Belvédère, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° P 21-12.930 contre l’arrêt rendu le 2 mars 2021 par la cour d’appel de Paris (pôle 4, chambre 4), dans le litige l’opposant :
1°/ à la société M & A Partners, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la société Moray & associés, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à M. [L] [P], domicilié [Adresse 4], pris en qualité de mandataire judiciaire et de commissaire à l’exécution du plan de la société Moray & associés,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Aldigé, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi, avocat de la société Le Belvédère, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société M & A Partners et de M. [P], ès qualités, après débats en l’audience publique du 13 décembre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Aldigé, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 2 mars 2021), le 6 novembre 2003, la société Le Belvédère (la bailleresse) a donné à bail à la société Moray & associés (la locataire) des locaux à usage de bureaux pour une durée de neuf ans.
2. Par avenant du 6 février 2013, le bail a été renouvelé pour une durée de douze ans.
3. Le 9 octobre 2017, la bailleresse a délivré à la locataire un commandement de payer visant la clause résolutoire insérée au bail.
4. Le 6 novembre 2017, la locataire a assigné la bailleresse en opposition au commandement de payer et en annulation du bail et de son avenant sur le fondement de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation.
5. La locataire, placée en redressement judiciaire le 6 juillet 2017, a bénéficié d’un plan de redressement arrêté par un jugement du 6 septembre 2018.
6. A la suite d’une transmission universelle de patrimoine intervenue le 28 décembre 2018, la société M & A Partners est venue aux droits de la locataire.
7. La bailleresse a soulevé l’irrecevabilité de la demande en annulation comme étant prescrite, et a demandé, à titre subsidiaire, la condamnation de la société M & A Partners au paiement d’une indemnité d’occupation.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
8. La bailleresse fait grief à l’arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action en nullité, de prononcer la nullité du bail, de son avenant et du commandement de payer, alors :
« 1°/ que la règle selon laquelle l’exception de nullité est perpétuelle, d’une part, ne s’applique que si l’action en exécution de l’obligation litigieuse est introduite après l’expiration du délai de prescription de l’action en nullité, d’autre part, ne peut être invoquée qu’en tant que moyen de défense opposé à une demande d’exécution d’un acte irrégulièrement passé et non par la demanderesse qui agit par voie d’action et enfin, peut seulement jouer pour faire échec à la demande d’exécution d’un acte qui n’a pas encore été exécuté ; qu’en l’espèce, en se bornant, pour écarter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’exception de nullité du contrat de bail invoquée par la société M & A Partners, à retenir qu’il s’agissait d’une défense au fond qui pouvait être proposée en tout état de cause, sans constater, ainsi qu’il lui incombait pourtant, la réunion des trois conditions susmentionnées, la cour d’appel a entaché sa décision d’un défaut de base légale au regard des articles L. 145-60 du code de commerce, 1304 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats et du principe selon lequel l’exception de nullité est perpétuelle est manifeste ;
2°/ que, en se bornant, pour écarter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’exception de nullité du contrat de bail invoquée par la société M & A Partners, à retenir qu’il s’agissait d’une défense au fond pouvant être proposée en tout état de cause, la cour d’appel s’est prononcée par des motifs impropres à caractériser son imprescriptibilité et, partant, a entaché sa décision d’un défaut de base légale au regard des articles L. 145-60 du code de commerce, 1304 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats et du principe selon lequel l’exception de nullité est perpétuelle est manifeste ;
3°/ que, la règle selon laquelle l’exception de nullité est perpétuelle peut seulement jouer pour faire échec à la demande d’exécution d’un acte qui n’a pas encore été exécuté ; qu’en l’espèce, en rejetant la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’exception de nullité du contrat de bail invoquée par la société M & A Partners, lorsqu’il résultait de ses propres constatations que le contrat de bail litigieux avait fait l’objet d’une exécution au moins partielle, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 145-60 du code de commerce, 1304 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats et le principe selon lequel l’exception de nullité est perpétuelle est manifeste ;
4°/ que, la règle selon laquelle l’exception de nullité est perpétuelle ne peut être invoquée qu’en tant que moyen de défense opposé à une demande d’exécution d’un acte irrégulièrement passé et non par la demanderesse qui agit par voie d’action ; qu’en l’espèce, en rejetant la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’exception de nullité du contrat de bail invoquée par la société M & A Partners, lorsqu’il résultait de ses propres constatations que la société Moray & associés, aux droits de laquelle vient la M & A Partners, avait assigné la société Le Belvédère en opposition au commandement de payer et en nullité du contrat de bail du 6 novembre 2003 et de son avenant du 6 février 2013, la cour d’appel qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles L. 145-60 du code de commerce, 1304 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats et le principe selon lequel l’exception de nullité est perpétuelle est manifeste ;
5°/ que constitue une défense au fond tout moyen qui tend à faire rejeter comme non justifiée, après examen au fond du droit, la prétention de l’adversaire ; qu’en l’espèce, en retenant, pour rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’exception de nullité du contrat de bail invoquée par la société M & A Partners, que cette dernière était une défense au fond, lorsqu’il résultait de ses propres constatations que la société Moray & associés, aux droits de laquelle vient la société M & A Partners, avait assigné la société Le Belvédère en opposition au commandement de payer et en nullité du contrat de bail du 6 novembre 2003 et de son avenant du 6 février 2013, la cour d’appel qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l’article 71 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
9. Ayant, par motifs adoptés, constaté, d’une part, que la locataire sollicitait le prononcé de la nullité du bail par application de l’article L. 631-7 du code de la construction de l’habitation, sans fonder son action sur le statut des baux commerciaux, demandant au contraire qu’il soit déclaré inapplicable, d’autre part, que la bailleresse soulevait la fin de non-recevoir de cette action sur le seul fondement de l’article L.145-60 du code de commerce, la cour d’appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action.
Mais sur le second moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
10. La bailleresse fait grief à l’arrêt de limiter à une certaine somme le montant de la condamnation de la locataire au paiement d’une indemnité d’occupation, alors « que, les restitutions consécutives à une annulation ne relèvent pas de la répétition de l’indu mais seulement des règles de la nullité ; qu’en l’espèce, en retenant que les indemnités d’occupation due par la société M & A Partners ne devaient être calculées que sur les cinq dernières années ayant précédé le jugement entrepris, lorsqu’il résultait de ses propres constatations que le délai de prescription ne pouvait courir qu’à compter du prononcé judiciaire de la nullité du contrat de bail commercial par le tribunal de grande instance de Paris le 5 octobre 2016, de sorte que la prescription n’était pas acquise, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 1304 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats et, 2277 du même code, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2006-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile. »