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Arrêt n° 23/00027
24 janvier 2023
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N° RG 21/00730 –
N° Portalis DBVS-V-B7F-FOUB
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Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de FORBACH
11 février 2021
20/00110
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE METZ
Chambre Sociale-Section 1
ARRÊT DU
Vingt quatre janvier deux mille vingt trois
APPELANT :
M. [S] [T]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Me Thomas BECKER, avocat au barreau de SARREGUEMINES
INTIMÉE :
S.A.S. SNACK CHEZ UMIT prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Laurent PATE, avocat au barreau de METZ
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 septembre 2022, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant M. Benoit DEVIGNOT, Conseiller, chargé d’instruire l’affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre
Mme Anne FABERT, Conseillère
M. Benoit DEVIGNOT, Conseiller
Greffier, lors des débats : Mme Catherine MALHERBE
ARRÊT : Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile;
Signé par Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre, et par Mme Catherine MALHERBE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Selon contrat à durée déterminée et à temps partiel, la SAS Snack chez Umit a engagé, du 1er décembre 2018 au 31 mai 2019, à raison de 43,33 heures par mois, M. [S] [T] en qualité d’employé, niveau I échelon 1.
Par avenant du 29 mai 2019, le contrat a été reconduit pour une durée d’un an.
À compter du 1er octobre 2019, la relation de travail s’est poursuivie, moyennant une rémunération de 1 521,25 euros brut par mois, à durée indéterminée et à temps complet avec la stipulation suivante :
« Votre horaire de travail est déterminée à 35 heures par semaine répartie du mardi au samedi selon le planning défini par la société, et de ses aménagements éventuels ».
La convention collective nationale de la restauration rapide était applicable à la relation de travail.
Par lettre du 2 juillet 2020, la société Snack chez Umit a rompu le contrat de travail pour le motif suivant :
« Nous sommes au regret de vous notifier par la présente, la rupture de votre contrat de travail en raison de l’absence de titre de séjour vous permettant de travailler régulièrement sur notre territoire.
Lors de votre embauche, vous nous avez assuré détenir la nationalité française.
Nous vous avons par la suite sommé, tant par courrier recommandé que par lettre remise en main propre contre décharge, de nous en communiquer un justificatif. Vous n’avez pu nous remettre aucun document à cette fin, nous avouant même dernièrement être en situation irrégulière.
Ne disposant d’aucun titre de séjour, nous nous voyons contraint de mettre un terme à votre contrat de travail, avec effet de ce jour, conformément aux stipulations des articles L. 8252-2 2° et suivants du code du travail.
Etant dans l’impossibilité de l’effectuer, aucun préavis ne vous est applicable ».
Estimant notamment que le contrat de travail à durée déterminée devait être requalifié en contrat de travail à durée indéterminée, que le contrat était nul et que l’employeur restait lui devoir tant des heures impayées que des indemnités de rupture et une indemnité pour travail dissimulé, M. [T] a saisi, le 3 juillet 2020, la juridiction prud’homale du litige l’opposant à la société Snack chez Umit.
Par courrier du 18 juillet 2020, M. [T] a adressé à son employeur un courrier de démission.
Par jugement contradictoire du 11 février 2021, la formation paritaire de la section commerce du conseil de prud’hommes de Forbach a :
– condamné, sur le fondement de l’article L. 8252-2 al.2 du code du travail, la société Snack chez Umit à payer à M. [T] une indemnité forfaitaire égale à trois mois de salaire, soit la somme de 4 618,35 euros net ;
– débouté M. [T] de l’ensemble de ses autres demandes ;
– condamné la société Snack chez Umit aux dépens, ainsi qu’à payer à M. [T] la somme de 100 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
M. [T] a interjeté appel par voie électronique le 23 mars 2021, soit dans le délai légal d’un mois à compter de la notification à lui faite le 26 février 2021.
Dans ses dernières conclusions déposées par voie électronique le 8 avril 2021, M. [T] requiert la cour de :
– condamner la société Snack chez Umit à lui verser la somme de 21 154,60 euros brut au titre des heures de travail impayées, ainsi que la somme de 5 501,30 euros brut à titre d’indemnité de repos compensateur ;
– requalifier le contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ;
– condamner la société Snack chez Umit à lui payer la somme de 1 500 euros net à titre d’indemnité de requalification ;
– prononcer la nullité du contrat de travail ;
– fixer la date de rupture au 30 juin 2020 ;
– condamner la société Snack chez Umit à lui payer :
* 2 357,47 euros brut au titre du préjudice résultant de la perte de l’indemnité compensatrice de congés payés ;
* 1 539,45 euros brut au titre du préjudice découlant de la perte de l’indemnité compensatrice de préavis ;
* 153,49 euros brut au titre du préjudice découlant de la perte de l’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ;
* 800,92 euros net au titre du préjudice découlant de la perte de l’indemnité légale de licenciement ;
* 6 000 euros net au titre du préjudice découlant de la rupture du contrat de travail ;
* 9 236,70 euros net d’indemnité pour travail dissimulé ;
– subsidiairement, condamner la société Snack chez Umit à lui payer la somme de 4 618,35 euros net au titre de l’emploi illicite d’un travail étranger ;
– condamner la société Snack chez Umit à lui délivrer un certificat de travail et une attestation Pôle emploi mentionnant une annulation du contrat de travail, et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 15è jour suivant la « notification » du jugement à intervenir ;
– condamner la société Snack chez Umit au paiement d’une indemnité de 2 400 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
À l’appui de ses prétentions, il expose :
– qu’il est ressortissant algérien ne détenant aucun titre de séjour en France ;
– que l’employeur a systématiquement méconnu la réglementation du temps de travail le soumettant à des amplitudes horaires non conformes aux dispositions légales et conventionnelles, ainsi qu’en s’abstenant de lui payer l’intégralité des heures travaillées ;
– que sa lettre de démission stigmatisait les manquements de l’employeur ;
– qu’il travaillait chaque semaine, y compris les jours fériés, selon un horaire constant, à savoir du mardi au samedi de 11h00 à 14h00 et de 17h00 à 23h00, puis le dimanche de 17h00 à 23h00, ce qui correspondait à plus de 51 heures de travail, en partie non rémunérées ;
– qu’il travaillait selon un horaire et un calendrier constants ;
– qu’il est en droit de prétendre à un repos compensateur de 271 heures ;
– qu’il conteste formellement l’authenticité des fiches de présence produites par la société Snack chez Umit, de sorte qu’une vérification d’écritures doit être opérée à partir des pièces originales, étant ajouté qu’il a déposé plainte pour faux.
Il estime que la société Snack chez Umit ne justifie pas de la réalité du surcroît temporaire d’activité mentionné au contrat de travail à durée déterminée.
Il affirme :
– qu’il n’a jamais disposé d’une autorisation de travail pour exercer une activité salariée en France ;
– que le contrat de travail est ainsi illicite et que l’annulation de celui-ci s’impose ;
– que la société Snack chez Umit engage sa responsabilité et doit être condamnée au paiement de l’ensemble des indemnités afférentes à un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il ajoute :
– qu’à la rupture du contrat de travail, il pouvait prétendre à 27 jours de congés payés ;
– que le préavis d’un mois n’a pas été respecté ;
– qu’il justifie d’une année et six mois d’ancienneté ;
– que la rupture du contrat de travail lui a occasionné un préjudice financier de 2 000 euros par mois, mais aussi un préjudice moral, en ce qu’il a été maintenu durablement dans la précarité et a vu anéantir quelques-unes des meilleures années de sa carrière professionnelle ;
– que l’infraction de travail dissimulé a bien un caractère volontaire, en ce que la société ne pouvait pas ignorer son temps de travail, alors qu’elle le côtoyait quotidiennement ;
– que, subsidiairement, il a droit à l’indemnité forfaitaire de trois mois pour emploi illicite d’un travailleur étranger ;
– que, si la société Snack chez Umit ne voulait pas employer un étranger en situation irrégulière, elle ne l’aurait pas embauché aussi longtemps.
Dans ses conclusions déposées par voie électronique le 28 juin 2021, la société Snack chez Unit sollicite que la cour rejette les demandes de M. [T] et le condamne à lui payer la somme de 300 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle réplique :
– qu’elle a recruté M. [T] sur la foi des renseignements donnés lors de l’embauche ;
– que son gérant n’a eu cesse de réclamer au salarié, oralement puis par courrier, sa carte d’identité ;
– qu’en l’absence de titre de séjour régulier, elle a notifié la rupture du contrat de travail.
Elle ajoute, s’agissant de la demande d’heures supplémentaires :
– que M. [T] ne produit pas de décompte des heures de travail, se bornant à communiquer des attestations insuffisamment précises ;
– que le salarié a travaillé selon les horaires indiqués dans les contrats de travail ;
– que les relevés individuels d’heures qui ont été signés par le salarié contredisent les affirmations de celui-ci.
Elle estime que le contrat de travail à durée déterminée et son avenant de prolongation ont été conclus pour un motif régulier, à savoir un surcroît d’activité, la reprise de l’entreprise ayant généré une clientèle nouvelle.
Elle soutient :
– qu’en vertu de l’article L. 8252-2 du code du travail, M. [T] ne peut prétendre ni à une indemnité compensatrice de préavis ni à des dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail ;
– que l’appelant ne peut pas davantage prétendre à l’indemnité légale de licenciement ;
– que M. [T] a déjà perçu une somme de 1 692,65 euros au titre des congés payés avec son solde de tout compte ;
– que l’indemnité pour travail dissimulé n’est pas due, M. [T] ayant été déclaré auprès de l’URSSAF et les cotisations régulièrement payées ;
– que M. [T] n’a pas retiré le courrier recommandé de transmission des documents de fin de contrat.
Par ordonnance du 1er décembre 2021, le magistrat chargé de la mise en état a donné la clôture de l’instruction.
MOTIVATION
Sur la nullité du contrat de travail
Les premiers juges ont omis de statuer sur ce point.
L’alinéa 1 de l’article L. 8251-1 du code du travail dispose que nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France.
La nullité du contrat de travail d’un salarié étranger pour défaut d’un titre autorisant l’exercice d’une activité en France est une nullité d’ordre public dont toute personne intéressée peut se prévaloir.
En l’espèce, M. [T] reconnaissant n’avoir détenu aucun titre l’autorisant à séjourner en France, n’avait a fortiori pas le droit d’y travailler.
Il convient, dès lors, au regard de la demande de M. [T], de prononcer la nullité du contrat de travail du 1er décembre 2018 et, par conséquent, de ses deux avenants, à savoir l’avenant du 29 mai 2019 prolongeant la période d’embauche jusqu’au 31 mai 2010, puis l’avenant du 30 septembre 2019 emportant poursuite de la relation de travail à durée indéterminée et à temps complet.
Sur la requalification du contrat et la date de rupture du contrat
Les premiers juges ont omis de statuer sur ces deux points.
En raison de la nullité du contrat de travail, la demande de requalification du contrat à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée, ainsi que celle en fixation de la date de rupture du contrat, sont rejetées comme étant sans objet.
Sur les heures supplémentaires
En cas de nullité du contrat, le salarié doit être indemnisé pour les prestations qu’il a fournies, mais ne peut pas prétendre au paiement de salaires.
En l’espèce, M. [T] sollicite le paiement d’heures supplémentaires et de repos compensateur, ce qui équivaut à des salaires qu’il ne peut en réalité plus demander en raison du prononcé de la nullité du contrat.
Surabondamment, en application de l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures de travail qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
En l’espèce, M. [T] verse aux débats neuf attestations :
– M. [D] [I] concernant M. [T] : « Je peux affirmer qu’il travaillait dur au SNACK en continuité du Mardi au Dimanche y compris les jours fériés jusqu’à tardivement le soir après 23 h » ;
– M. [E] [U] : « Notre association était située proche du snack il nous arrive de prendre commande que ce soit à Midi ou le soir tard et c’est toujours M. [T] [S] [X] qui est présent et qui prend nos commandes par téléphone » ;
– M. [F] [C] : M. [T] « était toujours présent à Midi et le soir » ;
– M. [S] [A] : « Courant 2018 des travaux ont était effectué dans la cage d’escalier par M. [K] ainsi qu’un jeune homme prénommé [X].
Par la suite je rencontrais quotidiennement Mr [X] au SNACK qui travaillais dans la vente de kebab. Je le croisais à l’ouverture et la fermeture tous les jours sauf le lundi. J’ai quitté le logement en Mars 2019 et Monsieur [X] y travaillais encore ».
– M. [B] [Y] : « M. [T] [X] travaillait au SNACK chez UMIT et (…) pratiquement à chaque occasion où je m’y rendais j’était servie par lui, que ce soit entre Midi ou le Soir (…) » ;
– Mme [R] [N] épouse [M] confirme « avoir vue régulièrement M. [T] [X] au snack chez Umit A [Localité 4] place du marché durant la période Mi-2018 jusque 2020 avant le confinement. (‘) A chaque fois que j’allais mangé ou récupérer des commandes il était toujours présent sois entre midi sois le soir. » ;
– Mme [Z] [T], s’ur de l’appelant : « Lors de sa période de travail au snack « chez Umit », j’ai pu constater que mon frère était très rarement à la maison parce qu’il travaillait à partir de 11h de matin jusque très tard le soir et je ne le voyais que très rarement alors que nous habitons ensemble. De plus, quand je le voyais, il était épuisé et déprimé à cause du surmenage qu’il subissait au quotidien. Ce travail a eu un réel impact sur la santé psychologique de mon frère » ;
– M. [L] [V] : « J’ai connu personnellement (M. [T] [S] [X]) en tant que serveur et employé polyvalent au Snack chez Umit. Ces prestations ont toujours été aimables. A midi comme le soir. »
M. [H] [P] a témoigné en faveur de M. [T] avant de prétendre que son attestation initiale n’avait pas été rédigée de sa main et qu’elle avait été « faite pour favorisé l’obtention de ces papier ».
Les attestations ci-dessus ne sont pas assez circonstanciées et concordantes pour déterminer la période concernée, ainsi que l’amplitude horaire et la durée exacte de travail accomplies par l’appelant.
Au demeurant, M. [T] ne produit aucun relevé ou détail de ses heures de travail pendant les cinquante-neuf semaines en litige, se contentant d’indiquer qu’il «a toujours travaillé chaque semaine, y compris les jours fériés, selon un horaire constant, du mardi au samedi de 11h à 14h00 et de 17h à 23h00 et le dimanche de 17heures à 23 heures, ce qui impliquait l’accomplissement de plus de 51 heures de travail hebdomadaire » avant d’évoquer, à la page suivante de ses conclusions, « 49 heures de travail par semaine ».
M. [T] ne présente donc pas d’éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies pour permettre à l’employeur de répondre utilement.
En définitive, sans qu’il soit nécessaire de statuer sur la valeur probante des relevés quotidiens individuels d’heures produits par l’employeur (pièce n° 15), pour lesquels M. [T] conteste sa signature et a porté plainte pour faux, la demande de rappel d’heures supplémentaires et la demande de repos compensateurs présentées par l’appelant sont rejetées, comme l’ont fait les premiers juges.
Sur le préjudice découlant de la perte de l’indemnité compensatrice de congés payés
Les premiers juges n’ont pas statué sur ce point.
L’article L.3141-3 du code du travail dispose que le salarié a droit à un congé de deux jours et demi ouvrables par mois de travail effectif chez le même employeur.
L’article L. 3141-28 du même code ajoute que, lorsque le contrat de travail est rompu avant que le salarié ait pu bénéficier de la totalité du congé auquel il avait droit, il reçoit, pour la fraction du congé dont il n’a pas bénéficié, une indemnité compensatrice de congé déterminée d’après les articles L. 3141-24 à L. 3141-27.
En l’espèce, le bulletin de paie du mois de juin 2020 fait apparaître qu’il restait dû à M. [T] 27 jours correspondant à l’année N et 1,33 jour correspondant à l’année N-1.
Il lui a déjà été versé à ce titre une indemnité compensatrice de congés payés d’un montant de 1 692,65 euros brut.
Il ne justifie pas qu’un reliquat lui resterait dû, alors que ses demandes d’heures supplémentaires et de repos compensateur ont été rejetées.
En conséquence, M. [T] est débouté de sa demande au titre du préjudice résultant de la perte de l’indemnité compensatrice de congés payés.
Sur le préjudice découlant de la perte des indemnités de rupture
Les premiers juges ont omis de statuer sur ce point.
Si l’irrégularité de la situation du travailleur étranger constitue en soi et nécessairement une cause justifiant la rupture, elle ne le prive pas pour autant des indemnités de rupture qui sont visées expressément au 2° de l’article L. 8252-2 du code du travail, peu important que l’employeur ait ou non connu l’irrégularité de la situation administrative du travailleur étranger lors de l’embauche.
Toutefois, ces indemnités ne sont pas cumulatives, mais alternatives avec l’indemnité forfaitaire de trois mois prévue au même texte.
Il sera ainsi alloué au travailleur le plus élevé des deux montants suivants : soit celui de l’indemnité forfaitaire de trois mois, soit le total des indemnités de rupture, s’il y a droit.
En l’espèce, le total des indemnités de rupture sollicitées par M. [T] au titre des articles L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail est inférieur au montant de l’indemnité forfaitaire de trois mois qui lui est allouée ci-après.
En conséquence, ses demandes au titre du préjudice découlant de la perte de l’indemnité compensatrice de préavis, de l’indemnité de congés payés y afférents et de l’indemnité légale de licenciement sont rejetées.
Sur les dommages-intérêts au titre du préjudice découlant de la rupture du contrat de travail
Les premiers juges ont omis de statuer sur ce point.
Lorsque l’employeur, comme c’est le cas en l’espèce, a invoqué uniquement l’irrégularité, non contestée, de la situation administrative de l’étranger comme cause de la rupture, il n’y a pas lieu à appréciation de la cause réelle et sérieuse ‘ et donc à l’octroi d’une indemnité pour rupture abusive.
Au demeurant, M. [T] ne démontre pas que le préjudice financier et le préjudice moral qu’il évoque n’ont pas déjà été intégralement réparés par l’octroi de l’indemnité forfaitaire de trois mois ci-après.
Sa demande de dommages-intérêts « au titre du préjudice découlant de la rupture du contrat de travail » est donc rejetée.
Sur l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé
Les premiers juges ont omis de statuer sur ce point.
Conformément à l’article L. 8223-1 du code du travail, en cas de rupture de la relation de travail, lorsqu’il y a eu travail dissimulé caractérisé par une volonté manifeste de l’employeur de frauder, le salarié a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
En l’espèce, la société Snack chez Umit a adressé plusieurs courriers à M. [T] à fin de « communication de documents administratifs » (lettres des 5 mars 2019 et 11 septembre 2019) ou vérification de l’autorisation de travailler en France (mise en demeure du 31 décembre 2019), puis a rompu la relation de travail pour situation irrégulière.
Au demeurant, il n’est pas contesté que M. [T] a toujours été déclaré à l’URSSAF par l’intimée.
L’intention frauduleuse de l’employeur n’est pas établie.
En conséquence, la demande d’indemnité forfaitaire de six mois est rejetée.
Sur la demande subsidiaire d’indemnité forfaitaire pour emploi d’un travailleur étranger en situation irrégulière
Le salarié en situation irrégulière dont le contrat est rompu a droit, quelle que soit son ancienneté, à une indemnité forfaitaire égale à trois mois de salaire, conformément à l’article L. 8252-2 (2°) du code du travail.
En l’espèce, la société Snack chez Umit est donc condamnée à payer à M. [T] la somme de 4 618,35 euros, comme l’ont décidé les premiers juges.
Sur la remise sous astreinte de documents de fin de contrat
Les premiers juges ont omis de statuer sur ce point.
La société Snack chez Umit justifie :
– avoir établi un certificat de travail pour la période allant du 1er décembre 2018 au 2 juillet 2020 (pièce n° 10) ;
– avoir adressé ce document à M. [T] par courrier recommandé avec accusé de réception (pièce n° 12) ;
– que M. [T] n’a pas retiré la lettre, comme le montre la mention apposée par la poste « Pli avisé et non réclamé ».
Le document figurant parmi les pièces versées aux débats, M. [T] a ainsi pu l’obtenir.
Par ailleurs, au moment de la rupture de la relation de travail, l’employeur n’est pas tenu de délivrer à l’étranger irrégulièrement embauché une attestation Pôle emploi.
En conséquence, la demande de remise sous astreinte d’un certificat de travail et d’une attestation Pôle emploi mentionnant l’annulation du contrat de travail est rejetée.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Confirme le jugement ;
Y ajoutant,
Prononce la nullité du contrat de travail du 1er décembre 2018 et, par conséquent, de ses deux avenants des 29 mai 2019 et 30 septembre 2019 ;
Rejette comme étant sans objet la demande de M. [S] [T] de requalification du contrat à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée, ainsi que celle de fixation de la date de rupture du contrat ;
Rejette les demandes présentées par M. [S] [T] au titre du préjudice découlant de la perte de l’indemnité compensatrice de congés payés et de la perte des indemnités de rupture, ainsi qu’au titre du préjudice découlant de la rupture du contrat de travail et au titre de l’indemnité forfaitaire de six mois pour travail dissimulé ;
Rejette la demande présentée par M. [S] [T] de remise sous astreinte d’un certificat de travail et d’une attestation Pôle emploi mentionnant l’annulation du contrat de travail ;
Condamne la SAS Snack chez Umit aux dépens d’appel ;
Dit n’y avoir lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en cause d’appel.
La Greffière La Présidente de chambre