Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 1
ARRÊT DU 24 FÉVRIER 2023
(n° , 8 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/11252 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CD4BP
Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Mai 2021 -Tribunal judiciaire de PARIS
RG n° 19/12805
APPELANTE
Madame [E] [X]
[Adresse 1]
[Adresse 2]
née le 19 juin 1968 à Odder (Danemark)
Représentée et assistée de Me Philippe MARION, avocat au barreau de PARIS, toque : C1354
INTIMÉ
Monsieur [Z] [N]
[Adresse 2]
[Adresse 1]
né le 28 octobre 1971 à [Localité 3]
Représenté par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SCP SCP NABOUDET – HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046 assisté de Me Georges SIMONIAN, avocat au barreau de PARIS, toque : B0581
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 janvier 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Mme Corinne JACQUEMIN, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Claude CRETON, président de chambre
Mme Corinne JACQUEMIN, Conseillère
Mme Catherine GIRARD-ALEXANDRE., conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Marylène BOGAERS.
ARRÊT :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Monsieur Claude CRETON , Président de chambre et par Madame Marylène BOGAERS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
Par acte authentique en date du 28 juillet 2017, Madame [X] a acquis de Monsieur [N] un appartement et une cave correspondant aux lots de copropriété n°9 et 36 d`un ensemble immobilier situé [Adresse 1] au prix de 693 600 euros, outre 6 400 euros au titre des biens meubles.
Il était prévu à l’acte que ‘1 ‘acquéreur s ‘obligeait à restituer au vendeur la totalité des sommes qui lui seraient versées postérieurement à la date de la vente par le syndic par imputation au crédit de son compte de copropriétaire au titre de ladite vente de parties communes (loge du gardien) et ce, au plus tard dans le délai de 15 jours ouvrés de leur encaissement.
La loge du gardien a été vendue en janvier 2018 au prix de 165 000 euros.
Faisant valoir l’absence de versement amiable par Mme [X] de la somme de 1 l 925,67
euros, M. [N] l’a, suivant acte d’huissier du 11 octobre 2018, assignée en paiement de cette somme.
Par jugement du 19 mai 2021, le tribunal judiciaire de Paris a fait droit à cette demande et a prononcé la condamnation de Mme [X] à payer à M. [N] la somme de 11 925,57 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de l’acte introductif d’instance et a rejeté les demandes de condamnation sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Mme [X] a également été déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral condamnée aux dépens.
M. [N] a été débouté de sa demande de dommages et intérêts.
Pour statuer ainsi, le tribunal a rejeté la demande de nullité de la clause litigieuse n°35.8.3.1.1. de l’acte de vente au motif que la somme à restituer, qui peut être qualifiée de partie du prix était aisément déterminable. En conséquence, elle ne pouvait être considérée comme ayant été dissimulée.
Les premiers juges ont retenu qu’il résultait du grand livre du syndic que ce dernier a versé à Mme [X] le 22 mars 2018 la somme de 11 925,57 euros.
Le tribunal a enfin estimé qu’il résultait des procès-verbaux d`assemblées générales de 2014 à 2017 et des travaux visés dans l’état transmis pour la vente, que la somme de
3 774.66 euros a été appelée au débit de M. [N] la somme de 3 774.66 euros pour son lot de copropriété au titre des 145/2000éme des parties communes générales et que si cette somme n’était pas équivalente à la somme revenant au lot litigieux au titre de la vente de la loge, elle en représentait néanmoins 31.65 % , de sorte que la contrepartie ne peut être qualifiée d’illusoire ou de dérisoire.
Dès lors, la demande en paiement de M. [N] a été déclarée bien-fondée en son principe et en son quantum.
Mme [X] a régulièrement interjeté appel de cette décision le
Aux termes de ses conclusions communiquées par voie électronique le 08 septembre 2021, Mme [X] demande à la cour d’ infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et jugeant à nouveau de :
‘ déclarer nulle et non avenue pour dol et absence de contrepartie la clause stipulée à l’article 358.3.1.2 C de l’acte de vente de l’appartement sis [Adresse 1] conclue le 28 juillet 2017 avec M. [N] suivant acte notarié établi par Maître [B], notaire à [Localité 3] ;
‘ condamner M. [N] à lui payer à la somme de 11 925,57 euros , outre les intérêts et les dépens.
A titre infiniment subsidiaire,
‘ limiter la condamnation à la somme de 1 951,81euros correspondant à la contrepartie réelle à laquelle M. [N] peut prétendre compte tenu des travaux qu’il a effectivement supportés ;
‘ condamner M. [N] à lui restituer la somme de 9 973,86 euros au titre de l’exécution provisoire du jugement du tribunal judiciaire de Paris du 19 Mai 2021, outre 632,57 euros au titre des intérêts calculés et 348,46 euros au titre de l’état de frais
En tout état de cause,
‘ débouter M. [N] de l’ensemble de ses demandes ;
‘ condamner M. [N] à lui payer à la somme de 5 000 euros au titre de l’indemnisation de son préjudice moral ;
‘ condamner M. [N] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l’art. 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens.
Par conclusions communiquées par voie électronique le 23 novembre 2021, M. [N] demande à la cour de au visa des articles 1101, 1103 et suivants, 1188 et 1192 et 1231-6 du Code civil, de débouter Mme [X] de son appel et de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Y ajoutant,
– condamner Mme [X] à lui verser les sommes de :
*10 000,00 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la résistance abusive à l’exécution d’un contrat régulièrement signé et de sa mauvaise foi à transmettre les informations à son cocontractant.
* 5 000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner Mme [X] aux dépens de première instance et d’appel dont recouvrement aux soins de la SCP Caroline Hatet, avocat aux offres de droit, et ce, dans les conditions prévues par l’article 699 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 15 décembre 2022 et l’audience de plaidoiries a été fixée au 13janvier 2023.
Il convient de se reporter aux énonciations de la décision déférée pour plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure, ainsi qu’aux écritures susvisées pour l’exposé des moyens des parties devant la cour.
SUR CE :
Concernant les charges de copropriété il résulte de l’acte de vente du 28 juillet 2017 que:
1. Concernant les charges courantes : le vendeur devait supporter celles-ci jusqu’à l’entrée en jouissance de l’acquéreur.
2. Concernant les travaux : le vendeur devait supporter le coût des travaux de copropriété décidés jusqu’au 24 avril 2017, date de l’avant contrat que ces travaux soient exécutés ou non ou en cours d’exécution,
3. Une convention particulière était insérée dans la clause 35.8.3.1.2. concernant la vente de la loge de concierge et il était prévu expressément :
‘C’ Convention particulière concernant la vente de la loge de la concierge
Le VENDEUR rappelle :
– que l’assemblée générale des copropriétaires a décidé à la 11ème résolution du procès-verbal
du 28 mars 2017 précité la vente des lots de copropriété issus des parties communes moyennant
un prix entre 150.000 euros et 160.000 euros net vendeur ;
– que cette résolution a été adoptée en considération du financement des gros travaux votés au
cours des dernières années par le syndicat des copropriétaires et dont il conservera la charge
définitive au vu des conventions qui précèdent ;
– que la vente des lots issus des parties communes est appelée à se réaliser après la réalisation
des présentes et que le profit qui en résultera sera en conséquence porté au crédit de
l’ACQUEREUR en cas de réalisation ;
– qu’il entend conserver le bénéfice du crédit afférant aux lots vendus et résultant de cette vente
de parties communes, ce que l’ACQUEREUR accepte.
En conséquence, l’ACQUEREUR s’obligera à restituer au VENDEUR, la totalité des sommes qui lui seraient versées postérieurement à la date des présentes par le syndic par imputation au crédit de son compte de copropriétaire au titre de ladite vente de parties communes et ce, au plus tard dans le délai de quinze (15) Jours ouvrés de leur encaissement.’ (pièce n° 1 du dossier de M. [N]) .
Sur le dol
Mme [X] fait valoir qu’elle a été victime d’un dol en raison de la présentation fallacieuse des faits par M. [N], qui a surpris son consentement, par l’indication selon laquelle la vente de la loge de la concierge serait faite par le syndicat des copropriétaires en considération du financement des gros travaux déjà exécutés et ceux votés et dont il devait conserver la charge définitive mais qu’il est apparu que le vendeur n’avait en fait pas supporté de gros travaux au cours des dernières années.
M. [N] répond que la signature de la vente du 28 juillet 2017 a été établie en totale transparence et en présence du notaire choisi par l’acquéreur elle-même, ce dernier lui
donnant toutes les informations juridiques et techniques indispensables tant concernant la signature de la promesse de vente que lors de la passation de l’acte authentique ; un traducteur a permis à Mme [X] , danoise, de parfaitement maîtriser les obligations qui découlaient des actes ratifiés.
L’ancien article 1116 devenu l’article 1137 du Code civil dispose que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces manoeuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté. Il ne se présume pas, et doit être prouvé.
Le dol ne se présumant pas, il doit être prouvé par Mme [X].
Or, si cette dernière établit que les travaux votés et payés par M. [N] n’étaient pas compensés par la vente de la loge de l’immeuble et ce, d’autant que certains travaux, notamment la réfection des peintures de la cage d’escalier, avaient fait l’objet de plusieurs reports dans l’attente de la vente de la loge, il résulte du dossier que le vendeur a communiqué non seulement les procès-verbaux des Assemblées Générales de 2014 à 2017 mais également les procès-verbaux antérieurs de 2007 à 2014 ainsi que le carnet d’entretien qui apportait toute
précision sur lesdits travaux.
Aucune tromperie n’étant en conséquence établie et il ne sera donc pas fait droit à la demande de nullité du contrat de vente pour dol.
Le jugement déféré est confirmé sur ce point.
Sur la demande de nullité de la clause stipulée à l’article 35. 8.3. 1.1 de l’acte de vente
Mme [X] fait grief au tribunal :
– d’avoir dénaturé la clause en litige
– de ne pas avoir constaté que la clause n’avait qu’une contrepartie dérisoire.
Elle fait valoir que les gros travaux invoqués lors de la vente n’avaient en fait pas été votés et donc réalisés puisqu’ils ont été votés après la vente de la loge, lors de l’AG du 20 Juin 2018, lorsqu’elle était déjà propriétaire. (sa pièce 8).
Elle ajoute qu’ à tout le moins la contrepartie de la restitution du prix de vente de la loge était dérisoire au vu des travaux réellement financés par M. [N].
L’intimé répond que les travaux décidés lors de l’assemblée générale de 28 mars 2017 ainsi que les honoraires de maîtrise d »uvre et de syndic ont été pris en charge par ses soins conformément aux clauses et conditions du contrat de vente ; qu’il avait ainsi assuré un montant total des travaux pour une somme de 9 089,96.
En application de l’article 1169 du code civil : « Un contrat à titre onéreux est nul lorsque, au moment de sa formation, la contrepartie convenue au profit de celui qui s’engage est illusoire ou dérisoire. » ; par ailleurs, l’article 1190 du Code civil indique que, dans le doute, le contrat de gré à gré s’interprète contre le créancier et en faveur du débiteur, et le contrat d’adhésion contre celui qui l’a proposé.
Il ressort des pièces du dossier que M. [N] a assumé le paiement de charges concernant les différents travaux effectués correspondent à un total de 44 331,50 € pour la totalité des charges dont il était détenteur de 144/2000èmes pour le lot n° 9 et de 1/2000èmes pour le lot n° 36 (cave) soit 145/2000èmes a donc assumé 3 214,03 € somme à laquelle il faut convient d’ajouter les travaux de l’année 2016 dont Mme [X] a eu connaissance puisque figurant dans l’état daté annexé à l’acte authentique de vente (page 285 sur 316) pour le montant de 5 875,93 euros.
Ainsi l’intimé justifie avoir assuré un montant total des travaux de 9 089,96 euros.
Le moyen de Mme [X] tiré de ce qu’en 2011, une annulation d’appel de fonds a eu lieu et que M. [N] a alors bénéficié d’un remboursement de charges qu’il n’avait pas payées puisqu’il n’était propriétaire qu’en 2010, est inopérant dès lors que ce point est sans rapport avec la clause en litige qui concerne le ‘ financement des gros travaux votés au cours des dernières années par le syndicat des copropriétaires’.
De même, l’appelante ne peut utilement soutenir qu’elle a dû payer des charges importantes après l’assemblée générale de copropriété du 20 juin 2018, ce fait découlant de la vente elle-même et se trouve sans rapport avec la clause en litige qui ne concernait que des charges passées.
Au demeurant il n’est nullement établi par Mme [X] que les travaux visés dans la clause comme ayant été payés par M. [N] ont été reportés sur l’année suivante.
Au regard de l’ensemble de ces éléments, la cour considère que la contrepartie au versement de la quote part du prix de vente de la loge n’était pas dérisoire .
De plus aucun élément du dossier ne permet de réduire le montant convenu qui était déterminable.
Il convient dès lors de condamner Mme [X] au paiement de la somme de 11 925,57 euros avec les intérêts au taux légal à compter de l’assignation de la débouter de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral.
Le jugement entrepris est ainsi confirmé.
Sur la demande reconventionnelle de M. [N] en dommages et intérêts
M. [N] soutient que Mme [X] a commis une faute en lui cachant que la loge était vendue de manière à ne pas respecter les termes de son engagement de remboursement de la quote part qu’elle a perçue.
D’une part il résulte des appels de charge du 03 Octobre 2018 et du 11 janvier 2019 que la répartition du prix de vente de la loge n’est apparue (pièces 9 et 10 du dossier de Mme [X] ), soit très peu de temps avant le mail de M. [N] demandant de paiement du 18 février 2019 (pièce 2).
L’intimé ne démontre aucune mauvaise foi de Mme [X] qui soutient qu’elle attendait que la somme soit portée au crédit de son compte bancaire personnel pour adresser le virement convenu, afin que l’opération ne lui fasse supporter aucune charge complémentaire, conformément aux indications qui lui avaient été données lors de la vente.
En tout état de cause, M. [N] ne justifie d’aucun autre préjudice que celui déjà réparé par la condamnation au paiement de la somme dues assortie des intérêts au taux légal et notamment pas de l’existence d’un préjudice moral.
En conséquence, l’intimé doit être débouté de sa demande de dommages et intérêts.
Le jugement déféré est confirmé de ce chef.
Sur les autres demandes
Le jugement entrepris est confirmé en ses dispositions concernant les dépens et de l’application de l’article 700 du code de procédure civile.
Mme [X] qui succombe à hauteur d’appel est, en application de l’article 696 du code de procédure civile, condamnée aux dépens de la procédure d’appel et déboutée de sa demande de frais irrépétibles.
Par application de de l’article 700 du code de procédure il convient de condemner Mme [X] à payer à la M. [N] la somme de 3000 euros .
PAR C ES MOTIFS : statuant publiquement,
La Cour, par arrêt prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Ajoutant :
Condamne Mme [E] [X] à payer à M. [Z] [N] la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure ;
Condamne Mme [E] [X] aux dépens d’appel.
LE GREFFIER,
L E PRÉSIDENT,