Nullité de contrat : 23 mars 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 21/03498

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Nullité de contrat : 23 mars 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 21/03498

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 1

ARRÊT DU 23/03/2023

N° de MINUTE : 23/305

N° RG 21/03498 – N° Portalis DBVT-V-B7F-TWTJ

Jugement (N° 20-002297) rendu le 10 Mai 2021 par le Juge des contentieux de la protection de Lille

APPELANTS

Madame [J] [L] épouse [O]

née le [Date naissance 3] 1951 à [Localité 8] – de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 5]

Monsieur [B] [O]

né le [Date naissance 2] 1950 à [Localité 7] – de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentés par Me Jérémie Boulaire, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

INTIMÉE

SA Cofidis

[Adresse 6]

[Localité 4]

Représentée par Me Xavier Hélain, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

DÉBATS à l’audience publique du 11 janvier 2023 tenue par Catherine Ménegaire magistrat chargé d’instruire le dossier qui a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Gaëlle Przedlacki

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Yves Benhamou, président de chambre

Catherine Ménegaire, conseiller

Catherine Convain, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 23 mars 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Yves Benhamou, président et Gaëlle Przedlacki, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 11 janvier 2023

EXPOSE DU LITIGE

Le 8 septembre 2010, M. [B] [O] a contracté auprès de la société Hawak France une prestation relative à l’installation d’un système photovoltaïque pour un montant de 21 400 euros dans le cadre d’un démarchage à domicile.

Le même jour, M. [O] et Mme [J] [L] épouse [O] ont accepté une offre préalable de crédit auprès de la société Sofemo exerçant sous l’enseigne ‘Sofemo Financement’ affecté à la réalisation d’une prestation de ‘solaire photovoltaïque’ d’un montant de 21 400 euros remboursable en 180 mensualités, incluant les intérêts au taux nominal annuel de 5,54 %.

Suivant jugement du 17 janvier 2012, le tribunal de commerce du Mans a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’encontre de la société Hawak Fance et a désigné Me [V] es qualité de liquidateur de la société. Suivant jugement en date du 3 février 2015, le tribunal de commerce du Mans a prononcé la clôture pour insuffisance d’actifs.

Suivant ordonnance du 6 août 2020, le Tribunal de commerce du Mans a désigné la Selarl [P] [C] en qualité de mandataire ad hoc avec mission de resprésenter la société Hawak dans l’instance introduite devant le juge des contentieux de la protection de Lille et ses suites.

Par acte d’huissier en date des 20 et 21 août 2020, M. [O] et Mme [L] ont fait assigner la Selarl le [C] représentée par [P] [C] venant aux droits de la société Hawak et la société Cofidis venant aux droits de la société groupe Sofemo en justice aux fins de voir constater et prononcer la nullité des contrats de vente et de crédit affecté.

Par jugement réputé contradictoire en date du 10 mai 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lille a :

– déclaré irrecevable l’action en nullité des contrats de vente et de crédit affecté intenté par M. [O] et Mme [L],

– débouté en conséquence M. [O] et Mme [L] du surplus de leurs demandes,

– condamné in solidum M. [O] et Mme [L] à payer à la société Cofidis la somme de 850 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné in solidum M. [O] et Mme [L] aux dépens,

– rappelé que l’exécution provisoire est de droit.

Par déclaration reçue par le greffe de la cour le 29 juin 2021, M. [O] et Mme [L] ont relevé appel de l’ensemble des chefs de ce jugement.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 22 décembre 2022, ils demandent à la cour de :

Vu l’article liminaire du code de la consommation,

vu les anciens articles 1109 et 1116 du code civil,

vu l’article 16 de la loi de finance rectificative pour 2012, loi n° 2012-354 du 14 mars 2012,

vu les articles L.121-23 à L.121-26 du code de la consommation, dans leur version issue de la loi n° 93-949 du 26 juillet 1993,

vu l’article L.121-28 tel qu’issu de la loi du 4 août 2008, n° 2008-776,

– infirmer la décision entreprise en ce qu’elle les a déclarés irrecevables pour cause de prescription de leur action,

– déclarer en conséquence leurs demandes recevables et bien fondées,

– infirmer le jugement rendu par le juge des contentieux la protection de Lille le 10 mai 2021 en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau et y ajoutant,

– prononcer la nullité du contrat de vente conclu entre la société Hawak France et M. [O] et Mme [L],

– prononcer la nullité du contrat de prêt affecté conclu entre M. [O] et Mme [L] et la société Cofidis venant aux droits de la société Groupe Sofemo,

– constater que la société Cofidis venant aux droits de la société Groupe Sofemo a commis une faute dans le déblocage des fonds, et a engagé sa responsabilité à ce titre,

– déclarer que la société Cofidis sera par conséquent privée de sa créance de capital emprunté,

en conséquence,

– condamner la société Cofidis à leur verser :

– 21’400 euros correspondant à l’intégralité du prix de vente de l’installation,

– 16’758,20 euros correspondant aux intérêts conventionnels et frais payés à la société Cofidis en exécution du prêt souscrit,

– 5 000 euros au titre du préjudice moral,

– 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– rejeter toutes demandes plus amples ou contraires aux présentes,

– condamner la société Cofidis à supporter les dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions par voie électronique le 13 décembre 2022, la société Cofidis demandent à la cour de :

– la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes fins et conclusions, y faisant droit

– confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

y ajoutant,

– condamner solidairement M. [O] et Mme [L] à payer la somme de

2 000 euros de dommages-intérêts pour procédure abusive,

– condamner solidairement M. [O] et Mme [L] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux écritures des parties pour l’exposé de leurs moyens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 11 janvier 2023, au jour de l’audience des plaidoiries.

MOTIFS

Sur la demande de nullité du contrat de vente et du contrat de prêt

Les consorts [O] sollicitent la nullité du contrat de vente et celle subséquente du contrat de crédit sur le fondement de l’article L.311-21 dans sa rédaction issue de la loi n° 93-949 du 26 juillet 1993, devenu L.312-55 du code de la consommation.

Toutefois, ils ne sont pas recevables à solliciter la nullité du contrat de vente de matériel photovoltaïque conclu avec la société Hawak faute d’avoir intimé leur cocontractant/vendeur représenté désormais par la selarl [C] es qualité de mandataire ad hoc.

Dès lors, leurs demandes tendant à voir prononcer la nullité du contrat de vente, et en conséquence la nullité du contrat de crédit affecté en application de l’article L.311-21 dans sa rédaction issue de la loi n° 93-949 du 26 juillet 1993 ne sont pas recevables.

Le jugement entrepris qui a déclaré l’action en nullité des contrats de vente et de crédit affecté à raison de la prescription sera donc confirmé par substitution de motifs.

Sur la faute de la banque

Les époux [O] font valoir que la banque a commis une faute en se rendant complice du dol commis par le vendeur et en débloquant les fonds sans vérifier la conformité du bon de commande aux dispositions du code de la consommation, et qu’elle doit en conséquence être privé de son droit à restitution du capital emprunté. Ils forment à ce titre des demandes en remboursement du montant du crédit à hauteur de 21 400 euros, des intérêts à hauteur de 16 758,20 euros et de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral.

La société Cofidis fait valoir que l’action en responsabilité à son égard est prescrite. Elle ajoute que nonobstant le fait qu’elle ait absorbé la société Groupe Sofemo en octobre 2015, elle n’a jamais eu la moindre relation contractuelle avec les époux [O], et ne trouve pas trace de leur dossier de prêt, l’expliquant par le fait que, soit que le crédit a été remboursé il y a plus de 5 ans, soit que le crédit n’a jamais été accordé. Elle fait valoir que ces derniers ne produisent aucune pièce justifiant de leurs relations contractuelles avec elle malgré la sommation de communiquer qu’elle leur a adressée de produire les échanges de courriers avec la banque concernant le prêt, le tableau d’amortissement, et leurs relevés bancaire jusqu’au remboursement du prêt, que les époux [O] ne justifient pas davantage avoir obtenu le prêt et l’avoir remboursé, et ne justifient d’aucune faute qui aurait été commise par elle.

Aux termes de l’article L 311-20 du code de la consommation dans sa rédaction issue de la loi n° 93-949 du 26 juillet 1993 en vigueur à la date de conclusion du contrat de crédit litigieux, dans le cadre d’un crédit affecté, les obligations de l’emprunteur ne prennent effet qu’à compter de la livraison du bien ou de la fourniture de la prestation.

En conséquence, le prêteur qui délivre les fonds au vendeur sans s’assurer que celui-ci a exécuté son obligation commet une faute.

La vérification, avant de délivrer les fonds, de ce que le vendeur a exécuté son obligation impose à l’organisme de crédit qui finance l’achat de biens ou la prestation de services par un consommateur de s’assurer de la régularité formelle du contrat principal et de sa complète exécution.

L’absence d’action en annulation ou en résolution du contrat principal n’ interdit pas aux époux [O] de se prévaloir de la violation par la banque des dispositions de l’article L 311-20 du code de la consommation sus citées, pour agir en responsabilité de celle-ci à raison d’une libération fautive des fonds prêtés.

Toutefois, aux termes de l’article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits permettant de l’exercer.

La prescription d’une action en responsabilité contractuelle ne court qu’à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il s’est révélé à la victime si celle-ci établit qu’elle n’en avait pas connaissance.

En l’espèce, le dommage résultant du manquement de la banque dans le déblocage des fonds consiste en la perte de chance de ne pas contracter le crédit et s’est en conséquence réalisé dès le déblocage des fonds entraînant l’obligation par les emprunteurs de rembourser le prêt.

Les consorts [O], malgré la sommation qui leur a été faite par la société Cofidis, ne produisent strictement aucun élément afférents au crédit et son remboursement, si ce n’est une simple copie du recto de l’acte.

Il ressort que ce crédit a été souscrit le 8 septembre 2010, pour une durée de 180 mois, avec un différé de remboursement de 170 jours ; Si le déblocage des fonds a eu lieu, il a nécessairement été effectué par la banque Sofemo au plus tard le 24 février 2011, (8 septembre 2010 + 170 jours), soit plus plus de cinq ans avant l’assignation des consort [O] en date du 21 août 2020, en sorte que l’action en responsabilité des époux [O] contre la banque à raison de sa faute dans le déblocage des fonds est manifestement prescrite, et partant irrecevable.

Les appelants prétendent encore que la banque aurait commis une faute en ce qu’elle aurait participé au dol commis par la société venderesse. Mais, à supposer même qu’une telle faute aurait été commise par la banque, ce qui n’est pas démontré, force est de constater que le point de départ de la prescription de l’action en responsabilité à l’égard la banque de ce chef devrait être situé à la découverte du dol allégué, soit à reception de la première facture d’achat d’électricité (dont le montant ne correspondrait pas à ce qu’il leur aurait été prétenduement promis), facture qui date de l’année 2012.

Dès lors, l’action en responsabilité engagée contre la banque à raison de sa faute consistant à avoir participé au dol commis par la société venderesse par exploit d’huissier du 21 août 2020, soit plus de cinq ans après la première facture d’électricité, est dès lors manifestement prescrite.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

En application de l’article 1240 du code civil et de l’article 32-1 du code de procédure civile, l’exercice du droit d’agir en justice ne dégénère en abus que s’il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi, une malveillance manifeste ou une légèreté blâmable.

En l’espèce, les consorts [O] ont agit contre la société Cofidis alors que l’action est manifestement prescrite ; malgré la sommation de communiquer qu’il leur a été faite, ils n’ont pas versé la moindre pièce justifant du bien fondée de leur demandes à son encontre, ni aucun éléments afférent à l’emprunt souscrit avec la société Sofemo, se bornant à produire une copie incomplète du contrat de crédit. Ils ont ainsi agit avec une légèreté blâmable en sorte qu’ils seront condamnés à payer à la socité Cofidis la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Sur les demandes accessoires

Les motifs du premier juge méritant d’être adoptés, le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile.

Succombant en appel, les époux [O] seront condamnés in solidum aux dépens d’appel en application de l’article 699 du code de procédure civile, et condamné à payer à la société cofidis la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire ;

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant ;

Déclare irrecevables commes prescrites les demandes de M. [B] [O] et Mme [J] [L] à l’encontre de la société Cofidis ;

Condamne in solidum M. [B] [O] et Mme [J] [L] à payer à la société Cofidis la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Condamne in solidum M. [B] [O] et Mme [J] [L] à payer à la société Cofidis la somme de 1 000 euros au titre de ses frais irrépétibles d’appel ;

Condamne in solidum M. [B] [O] et Mme [J] [L] aux dépens de première instance et d’appel.

Le greffier, Le président,

G. PRZEDLACKI Y. BENHAMOU

 


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