Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
4e chambre civile
ARRET DU 23 FEVRIER 2023
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 20/02339 – N° Portalis DBVK-V-B7E-OTCY
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 14 avril 2020 du tribunal de proximité de Millau
N° RG 19-000146
APPELANT :
Monsieur [N] [O]
né le 28 Février 1955 à [Localité 7]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 2]/FRANCE
Représenté par Me Julien CODERCH de la SCP SAGARD – CODERCH-HERRE ET ASSOCIES, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES, avocat postulant ayant plaidé pour Me François DUFFAU, avocat au barreau de PAU
INTIMEES :
S.A Franfinance
représenté par son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentée par Me Gilles ARGELLIES de la SCP GILLES ARGELLIES, EMILY APOLLIS – AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant ayant plaidé pour Me Olivier LE GAILLARD, avocat au barreau de ROANE)
S.E.L.A.R.L. [V] [D] es qualité de mandataire à la liquidation judiciaire de la Sarlu Andrea Energy
immatriculée au registre du commerce et des sociétés de LYON sous le n°789 128 394, dont le siège social est à [Adresse 8]
[Adresse 5]
[Localité 4]/FRANCE
assigné par acte remis à personne habilitée le 10 septembre 2020
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 02 JANVIER 2023,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marianne FEBVRE, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre
Mme Cécile YOUL-PAILHES, Conseillère
Madame Marianne FEBVRE, Conseillère
Greffier lors des débats : Mme Henriane MILOT
ARRET :
– réputé contradictoire ;
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Henriane MILOT, Greffier.
*
* *
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Concomitamment à la signature le 7 janvier 2016 d’un bon de commande avec la Sarlu Andréa Energy en vue de la pose et l’installation de panneaux photovoltaïque sur la toiture de son domicile, Monsieur [N] [O] a accepté l’offre de la société Franfinance (Franfinance, ci-après) pour un prêt personnel amortissable de 22.900 € destiné à financer l’opération, avec une franchise de remboursement de 6 mois suivie de 12 mensualités de 78 € puis 126 mensualités de 269,47 € hors assurance.
Après la livraison de la centrale le 1er février 2016 et la signature d’une attestation de fin de travaux et d’une attestation de livraison ne comportant aucune réserve, un litige a opposé Monsieur [O] à la société Andrea Energy sur la qualité des prestations réalisées. Le client a alors fait appel à un expert judiciaire près la cour d’appel de Toulouse pour vérifier la conformité de son installation et sa capacité de rendement. Ce dernier a rendu un rapport amiable contradictoire le 19 décembre 2018.
La société Andrea Energy a été placée en liquidation judiciaire par une décision du 5 avril 2018 du tribunal de commerce de Lyon qui a désignée Maître [S] en qualité de liquidateur judiciaire. Suite à la propre liquidation judiciaire de ce mandataire, celui-ci a été substitué par la Selarl [V] [D].
C’est dans ce contexte que, par actes des 5 et 18 juillet 2018, Monsieur [O] a fait assigner la Selarl [V] [D] ès qualités ainsi que Franfinance en nullité ou résolution du bon de commande, nullité ou résolution du contrat de crédit affecté, remise en état des lieux, remboursement de l’intégralité des échéances déjà acquittées et paiement de dommages-intérêts.
L’affaire a été radiée du rôle faute de diligence des parties le 8 octobre 2019, puis réinscrite à la demande de Monsieur [O] et appelée à l’audience du 10 mars 2020.
Vu le jugement contradictoire en date du 14 avril 2020 par lequel le tribunal de proximité de Millau a rejeté ces demandes, dit y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile et dit que chacune des parties supportera la charge de ses propres dépens,
Vu la déclaration d’appel de Monsieur [O] en date du 12 juin 2020,
Vu les dernières conclusions en date du 24 octobre 2022 par lesquelles ce dernier demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, en substance, de :
– annuler le bon de commande et le crédit affecté datés du 7 janvier 2016, condamner Franfinance à lui restituer la somme de 24.967,98 € et débouter cette dernière de ses demandes à son encontre,
– à défaut, déchoir totalement Franfinance du droit aux intérêts et condamner cette dernière à lui rembourser la somme de 2.067,98 €,
– condamner Franfinance à lui payer la somme de 6.000 € au titre des frais irrépétibles ainsi qu’aux entiers dépens, avec distraction au profit de son avocat,
Vu les uniques conclusions, en date du 4 décembre 2020 pour le compte de Franfinance, aux fins de voir :
– à titre principal, confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
– à titre subsidiaire, débouter Monsieur [O] de sa demande de restitution,
– à titre très subsidiaire, fixer au passif de la société Andrea Energy la somme de 22.900 € correspondant au montant du prêt débloqué entre ses mains,
– en tout état de cause, débouter Monsieur [O] de toute autre demande et le condamner au paiement de la somme de 3.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens et dire que dans l’hypothèse d’une exécution forcée, le montant des sommes retenues par l’huissier de justice seront supportées par le débiteur en sus de l’application de l’article 700 du code de procédure civile,
Vu l’absence de constitution pour le compte du liquidateur judiciaire de la société Andrea Energy et ce, malgré la signification, le 10 septembre 2020 par un acte délivré à personne habilitée à le recevoir, de la déclaration d’appel et des premières conclusions de l’appelant, et également des conclusions de Franfinance intimée par un acte du 9 décembre 2020 délivré de la même manière,
Vu l’ordonnance de clôture en date du 12 décembre 2022,
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère au jugement ainsi qu’aux conclusions écrites susvisées.
MOTIFS
La déclaration d’appel et les conclusions de l’appelant ainsi que les conclusions de Franfinance co-intimée ont été régulièrement signifiées à la Selarl [V] [D] en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Andrea Energy par acte remis à personne habilitée à recevoir et remplissant les conditions des articles 654 du code de procédure civile.
Ce mandataire judiciaire n’ayant pas constitué avocat, l’arrêt sera qualifié de contradictoire à signifier conformément aux dispositions de l’article 473 du même code.
L’article 472 précise que si le défendeur ne comparaît pas, le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et fondée, au seul vu des pièces fournies par le demandeur.
En l’espèce, les demandes qui sont régulières en la forme et recevables, peuvent être examinées au fond. A cet égard, il convient de rappeler qu’en vertu de l’article 1315 devenu 1353 du code civil, il appartient à celui qui réclame exécution d’une obligation de la prouver conformément aux règles de preuve légalement admissibles, étant précisé que l’insuffisance de preuve est toujours retenue au détriment de celui qui a la charge de la preuve.
Sur l’annulation du bon de commande et du contrat de crédit affecté
Pour débouter Monsieur [O] de ses prétentions au titre de la nullité du contrat principal pour manquement aux dispositions du code de la consommation ainsi que du crédit affecté, le tribunal a constaté que les dispositions de l’article L.121-21 et suivants du code de la consommation applicables en cas de démarchage à domicile n’avaient pas été respectées puisque le bon de commande signé le 7 janvier 2016 – qui visait juste une ‘installation solaire photovoltaique d’une puissance de 3 wc comprenant 12 panneaux photovoltaiques et système d’intégration au bati-ondulateur – coffret de protection-dijoncteur – coffret parafoudre’ -, ne comportait aucune précision sur la marque, le fabricant, les références des produits vendus, qu’il était particulièrement succinct et ne permettait en aucune manière de renseigner correctement 1’acquéreur, consommateur non averti, sur les caractéristiques techniques des produits achetés, sur les résultats attendus de l’utilisation ou sur la garantie décennale, les coordonnées de l’assureur ainsi que sur la couverture géographique de sa garantie.
S’agissant des délais de livraison des biens, ou d’exécution de la prestation de service, le tribunal a également relevé que les mentions qui visaient une ‘installation au plus tard dans les trois mois à compter de la réception de l’avis de conformité’ ne permettaient pas de connaître de façon exacte la date de la livraison et la date de l’installation des biens achetés. Enfin, après avoir observé que les mentions relatives au prix global de 22.900 € étaient conformes au texte, le premier juge a retenu que le formulaire de rétractation figurant sur le bon de commande était également ‘affecté de manquements au formalisme légal’.
Le tribunal a cependant retenu que le client avait renoncé à se prévaloir de la nullité du bon du commande du fait qu’il avait apposé sa signature après la mention ‘je déclare être d’accord et avoir pris connaissance des articles L.121-23 à L.121-26 du code de la consommation applicables lors de la vente à domicile ainsi que d’avoir recu l’exemplaire de ce présent contrat’ alors que cet exemplaire reproduisait intégralement les articles en question, si bien qu’il avait eu connaissance des vices invoqués. Le tribunal a en effet considéré qu’en poursuivant néanmoins l’exécution du contrat, notamment en acceptant la livraison des marchandises et la mise en service de l’installation et en signant l’attestation de livraison donnant pour instruction à Franfinance de verser les fonds à l’intallateur et, enfin, en procédant au paiement de l’intégralité des sommes dues au titre du crédit affecté, Monsieur [O] avait confirmé l’acte nul au sens de l’article 1338 du code civil dont les deux conditions étaient remplies (connaissance des vices de 1’acte litigieux et volonté de purger lesdits vices sans aucun équivoque).
Le tribunal a également rejeté la demande de nullité de l’opération pour dol fondée sur l’affirmation du client qu’il n’avait pas été informée de son caractère en réalité déficitaire, le tribunal a retenu que Monsieur [O] ne produisait aucun élément démontrant l’existence d’une manoeuvre dolosive à son encontre, alors qu’il n’était pas question de rentabilité sur le bon de commande tandis que le client percevait désormais les revenus de l’électricité produite pas l’installation litigieuse, peu important qu’ils soient moins importants que ce qu’il espérait.
Au soutien de son appel, Monsieur [O] ne reprend pas le moyen fondé sur le dol mais réitère que le bon de commande ne comporte pas les mentions nécessaires à sa validité.
En effet et comme justement constaté en première instance, le bon de commande ne remplissait pas les conditions posées à peine de nullité par le code de la consommation et notamment :
– il ne précisait pas la marque, le nom du fabricant ni les références des produits vendus, ni leurs caractéristiques essentielles,
– mais surtout, la mention relative au délai de livraison du bien et d’exécution de la prestation (‘installation au plus tard dans les trois mois à compter de la réception de l’avis de conformité’) était insuffisante pour répondre aux exigences de l’article L.111-1, 3°, du code de la consommation, dès lors qu’elle ne permettait pas à l’acquéreur de déterminer de manière suffisamment précise quand le vendeur aurait exécuté chacune de ses différentes obligations.
L’appelant conteste par ailleurs à juste titre toute confirmation de sa part au sens de l’article 1338 ancien devenu 1182 nouveau du code civil, dont il résulte que la confirmation d’un acte nul procède de son exécution volontaire en connaissance du vice qui l’affecte.
Or, en l’occurrence, le bon de commande du 7 janvier 2016 mentionne les articles L.121-23 à L.121-26 du code de la consommation qui avaient été abrogés par la loi n°2014-344 du 17 mars 2014, si bien que Monsieur [O] objecte à juste titre qu’il n’est pas démontré qu’il aurait eu l’intention – en exécutant le contrat – de réparer des vices dont il n’avait pas eu connaissance lorsqu’il l’avait signé.
En effet, la confirmation ne se présume pas tandis que Franfinance qui l’invoque ne conteste pas que les dispositions du code de la consommation mentionnées au verso du contrat n’étaient pas celles en vigueur à l’époque de sa signature. Elle n’est donc pas fondée à affirmer que ‘Monsieur [O] avait ainsi parfaitement conscience’ des informations qui devaient figurer sur un bon de commande, alors que précisément l’article L.123-21 visé avait été abrogé et qu’à la date du contrat il ne contenait aucune indication sur les mentions obligatoires d’un contrat signé dans le cadre d’une opération de démarchage.
A défaut de preuve d’un acte ultérieur révélant chez Monsieur [O] l’existence d’une « volonté univoque de ratifier le contrat en toute connaissance de cause », le jugement sera infirmé et la cour prononcera la nullité du contrat principal passé avec la société Andrea Energy et celle – subséquente – du contrat de crédit affecté, par application de l’article 312-55 du code de la consommation
Sur les remises en état et les restitutions
L’annulation du contrat de crédit oblige le prêteur à restituer les échéances réglées et les emprunteurs à restituer le capital emprunté – peu important que les fonds aient été versés directement entre les mains du vendeur -, sauf si ces derniers établissent l’existence d’une faute de l’établissement de crédit et d’un préjudice consécutif à cette faute.
Pour être déchargé totalement ou partiellement de leur obligation de restituer le capital, l’emprunteur doit donc rapporter la preuve d’une faute du prêteur, celle d’un préjudice subi, et celle d’un lien de causalité entre le faute et le préjudice.
En l’espèce, Monsieur [O] fait valoir que Franfinance a commis une faute en versant les fonds entre les mains de la société Andrea Energy le montant du capital emprunté, sans procéder, préalablement aux vérifications qui lui auraient permis de constater que le bon de commande était affecté d’une cause de nullité, au regard des textes d’ordre public du code de la consommation en matière de vente par démarchage à domicile. Il en déduit que le prêteur est privé de son droit à restitution du capital emprunté alors surtout qu’il n’a commis aucune diligence avant d’accorder le financerment de l’exécution complète des obligations du vendeur.
Pour caractériser son préjudice, il fait valoir que les productions sont très faibles et que la station photovoltaique a une production très faible faute pour l’installation d’avoir été réalisée dans les règles de l’art selon l’expert dans son rapport du 18 décembre 2018.
La cour observe cependant qu’aucun document contractuel ne précisait le rendement attendu tandis que Monsieur [O] a accepté l’installation sans émettre la moindre réserve, puis il a signé l’attestation de livraison donnant pour instruction au prêteur de débloquer les fonds et il a payé son crédit sans faire état de difficulté. Il n’est pas démontré que l’installation est défaillante et quand bien même le client estime sa rentabilité insuffisante au regard d’attentes qui ne sont pas contractuelles, il ne justifie pas d’un préjudice en relation avec la ou les fautes alléguées.
Monsieur [O] sera donc condamné à restituer le capital emprunté, soit la somme de 22.900 € et Franfinance à lui restituer les échéances réglées à savoir un total de 23.531,22 € au vu de l’historique versé aux débats par le prêteur. Il sera parallèlement fait droit à sa demande subsidiaire de fixation d’une créance de 22.900 € au passif de la liquidation judiciaire de la société Andrea Energy.
Il n’y a pas lieu de statuer sur les autres demandes (résolution de la vente et du contrat de crédit affecté, déchéance du droit aux intérêts) rendues inopérantes au regard des solutions adoptées ci-dessus.
Parties perdantes au sens de l’article 696 du code de procédure civile, et compte tenu de l’infirmation du jugement entrepris, la société Andrea Energy en liquidation judiciaire et Franfinance supporteront les dépens de première instance et d’appel et cette dernière sera condamnée à payer à Monsieur [O] une indemnité au titre des frais qu’il a dû exposer dans le cadre de la présente procédure.
PAR CES MOTIFS
Statuant par arrêt contradictoire à signifier, et mis à la disposition des parties au greffe,
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Prononce la nullité du bon de commande et celle du contrat de crédit affecté signés par Monsieur [N] [O] le 7 janvier 2016, le premier avecla société Andrea Energy aujourd’hui en liquidation judiciaire et le second avec la société Franfinance ;
Condamne la société Franfinance à restituer à Monsieur [N] [O] les échéances réglées pour un total de 23.531,22 € ;
Condamne Monsieur [N] [O] à lui restituer le capital emprunté, à savoir la somme de 22.900 € ;
Ordonne la compensation de ces dettes réciproques ;
Fixe la créance de la société Franfinance au passif de la société Andrea Energy en liquidation judiciaire à la somme de 22.900 € ;
Condamne la société Franfinance à payer à Monsieur [N] [O] la somme de 3.500 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Franfinance aux entiers dépens de première instance et d’appel, avec application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile au profit de l’avocat qui affirme son droit de recouvrement concernant ces derniers.
LE GREFFIER LE PRESIDENT