Nullité de contrat : 23 février 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 20/05959

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Nullité de contrat : 23 février 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 20/05959

N° RG 20/05959 – N° Portalis DBVX-V-B7E-NGXV

Décision du Tribunal de proximité de Villeurbanne

du 07 septembre 2020

RG : 11-18-002357

[W]

C/

S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE

S.E.L.A.F.A. MANDATAIRES JUDICIAIRES ASSOCIÉS ‘MJA’

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

6ème Chambre

ARRET DU 23 Février 2023

APPELANT :

M. [L] [W]

né le [Date naissance 3] 1948 à [Localité 7] ([Localité 7])

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représenté par Me Yves PHILIP DE LABORIE de la SELARL BDL AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : T.566

INTIMEES :

S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Amélie GONCALVES de la SELARL LEVY ROCHE SARDA, avocat au barreau de LYON, toque : T.1740

SELAFA MANDATAIRES JUDICIAIRES ASSOCIÉS, en qualité de mandataire liquidateur de la SCEH SERVICE CONFORT ÉNERGÉTIQUE DE L’HABITAT

[Adresse 2]

[Localité 6]

défaillante

* * * * * *

Date de clôture de l’instruction : 17 Mai 2022

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 24 Janvier 2023

Date de mise à disposition : 23 Février 2023

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

– Dominique BOISSELET, président

– Evelyne ALLAIS, conseiller

– Stéphanie ROBIN, conseiller

assistés pendant les débats de Julien MIGNOT, greffier

A l’audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.

Arrêt réputé contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Dominique BOISSELET, président, et par William BOUKADIA, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

FAITS, PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIES

Suivant offre préalable du 17 octobre 2016, la société BNP Paribas Personal Finance, exerçant sous la dénomination Cetelem, a consenti à [L] [W] un prêt personnel, accessoire à une prestation de rénovation de façade, de 26.000 euros remboursable en 120 mensualités de 290,23 euros au TEG de 3,90 %.

Le 5 octobre 2017, le prêteur a prononcé la déchéance du terme de ce prêt en l’absence de réglement par M. [W] qui a contesté la réalité des travaux et tout engagement de sa part.

Par acte d’huissier de justice du 27 juin 2018, la société BNP Paribas Personal Finance a assigné M. [W] à comparaître devant le tribunal d’instance de Villeurbanne pour demander, en principal, sa condamnation au paiement de la somme de 28.702,41 euros à titre principal outre intérêts au taux de 3,83 % à compter du 5 octobre 2017, date de la mise en demeure.

Par acte d’huissier de justice du 7 février 2019, M. [W] a assigné en intervention forcée devant le tribunal d’instance de Villeurbanne la société Service Confort Energique de l’Habitat (ci-aprés dénommée société SCEH), société en liquidation judiciaire représentée par la société Mandataires Judiciaires Associés, pour voir juger nul le contrat de travaux intervenu le 17 octobre 2016 entre la société SCEH et M. [W] et, en conséquence, le contrat accessoire de crédit consenti par la société BNP Paribas Personal Finance.

Après jonction des procédures et plusieurs renvois, l’affaire a été retenue à l’audience du 15 juin 2020 du juge des contentieux de la protection de Villeurbanne.

La société BNP Paribas Personal Finance a demandé au juge de :

– déclarer M. [W] irrecevable en ses demandes et de le débouter de ses demandes,

– le condamner à payer la somme de 28.702,41 euros a titre principal outre intérêts au taux de 3,83 % à compter du 5 octobre 2017,

subsidiairement, en cas d’annuIation du contrat de prêt,

– le condamner au paiement de la somme de 26.000,00 euros au titre du remboursement du capital,

en tout état de cause,

– le condamner à payer 750 euros au titre de I’article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

– ordonner l’exécution provisoire.

M. [W] a demandé au juge de :

– déclarer recevable et bien fondée sa demande dirigée contre la société CDEH, représentée par son liquidateur judiciaire,

– prononcer la nullité du contrat principal du 17 octobre 2016 pour dol, défaut de contrepartie et absence de fourniture d’un exemplaire du contrat,

– prononcer la nullité du contrat de crédit du 17 octobre 2016 pour non respect des exigences de l’article L.311-10 du code de la consommation,

– juger qu’il n’est redevable d’aucune somme à la société BNP Paribas Personal Finance,

à titre subsidiaire,

– prononcer la nullité du contrat accessoire de crédit du 17 octobre 2016 en raison de la nullité du contrat principal du 17 octobre 2016,

– juger que la société BNP Paribas Personal Finance a commis une faute en débloquant les fonds empruntés au profit de la société SCEH et la débouter de sa demande de remboursement du capital emprunté, malgré la nullité prononcée.

en tout état de cause,

– condamner la société BNP Paribas Personal Finance à lui payer la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et la condamner aux dépens.

La société SCEH, représentée par son liquidateur judiciaire, est restée défaillante.

Par jugement en date du 7 septembre 2020, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Villeurbanne a :

– rejeté la fin de non recevoir de la demande en nullité du contrat principal de M. [W] contre la société SCEH, représentée par la société Mandataires Judiciaires Associés et dit cette demande recevable en la forme,

– prononcé la nullité du contrat conclu le 17 octobre 2016 entre la société SCEH d’une part, et M. [W] d’autre part,

– constaté, en conséquence, la résolution de plein droit du contrat de prêt conclu le 17 octobre 2016 entre M. [W] d’une part et la société BNP Paribas Personal Finance d’autre part,

– condamné M. [W] à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 26.000 euros au titre du remboursement du capital emprunté par contrat de crédit du 17 octobre 2016 résolu, sous déduction des échéances payées, outre intérêts au taux légal à compter du jugement,

– rejeté toutes les autres demandes contraires ou plus amples des parties,

– condamné M. [W] aux dépens,

– et ordonné l’exécution provisoire du jugement.

M. [W] a relevé appel de cette décision par déclaration reçue au greffe de la Cour le 29 octobre 2020.

Par ordonnance du 13 décembre 2021, le conseiller de la mise en état a débouté M. [W] de sa demande de vérification d’écritures et de signature, au motif que la mesure demandée n’est pas utile à la manifestation de la vérité, dès lors que le simple examen des pièces contratuelles suffit à établir que M. [W] n’est pas le signataire du contrat Cetelem.

En ses dernières conclusions du 13 janvier 2022, [L] [W] demande à la Cour ce qui suit, au visa des articles 1353 du code civil, L.31-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution, 331 du code de procédure civile, 1353, 1104, 1130, 1131, 1137, 1163 et 1178 du code civil, L.752-1, L.311-13, L.312-48, L.312-55, L.221-9 et L.242-1 du code de la consommation :

* confirmer le jugement du 7 septembre 2020 en ce qu’il a :

– rejeté la fin de non-recevoir de la demande en nullité du contrat principal de M. [W] contre la société SCEH,

– prononcé la nullité du contrat conclu le 17 octobre 2016 entre la société SCEH d’une part, et M. [W] d’autre part pour défaut de fourniture du contrat,

– constaté en conséquence la résolution de plein droit du contrat de prêt conclu le 17 octobre 2016 entre M. [W] d’une part et la société BNP Paribas Personal Finance d’autre part,

* infirmer pour le surplus le jugement du 7 septembre 2020 et, statuant à nouveau :

à titre principal,

– juger que les documents versés au soutien des prétentions de la société BNP Paribas Personal Finance sont des faux,

– juger que la société BNP Paribas Personal Finance ne rapporte pas la preuve des prétentions qu’elle allègue,

par conséquent :

– débouter la société BNP Paribas Personal Finance de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

– condamner la société BNP Paribas Personal Finance à radier ou faire radier l’incident qu’elle a attribué à M. [W] au FICP, sous astreinte provisoire d’une durée de trois mois et d’un montant de 150 euros par jour à compter de l’expiration d’un délai de quinze jours suivant la signification de l’arrêt à intervenir,

à titre subsidiaire,

– juger que la société SCEH a eu recours à des man’uvres dolosives afin de tromper M. [W],

– juger que la société SCEH n’a jamais entendu fournir de contrepartie à l’engagement qui aurait été souscrit par M. [W],

– juger qu’il appartenait à la société BNP Paribas Personal Finance de s’assurer de la totale exécution des travaux litigieux et de l’authenticité de la signature de M. [W],

– juger que la société BNP Paribas Personal Finance n’a procédé à aucune vérification en ce sens et a donc commis une faute en débloquant la totalité des fonds au profit de la société SCEH,

– prononcer la nullité du contrat conclu le 17 octobre 2016 entre la société SCEH d’une part, et d’autre part pour dol et pour défaut de contrepartie en sus du défaut de fourniture du contrat,

– juger que la société BNP Paribas Personal Finance doit être déchue de sa créance de restitution,

– débouter la société BNP Paribas Personal Finance de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

en tout état de cause,

– condamner la société BNP Paribas Personal Finance à verser à M. [W] la somme de 5.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la même aux entiers dépens de l’instance.

Par dernières conclusions du 14 mars 2022, la SA BNP Paribas Personal Finance demande à la Cour de statuer comme suit en visant l’article L.312-39 du code de la consommation :

à titre principal,

‘ réformer le jugement rendu le 7 septembre 2020 par le tribunal de proximité de Villeurbanne en ce qu’il a rejeté la fin de non-recevoir et prononcé la nullité des contrats,

statuant à nouveau,

‘ débouter M. [W] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

‘ condamner M. [W] à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 28.702,41 euros, outre les intérêts contractuels au taux de 3,83 % à compter du 5 octobre 2017 ;

à titre subsidiaire,

‘ confirmer le jugement rendu le 7 septembre 2020 par le tribunal de proximité de Villeurbanne en ce qu’il a condamné M. [W] à régler à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 26.000 euros ;

‘ débouter M. [W] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

en tout état de cause,

‘ condamner M. [W] à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

‘ condamner M. [W] aux entiers dépens.

La SAS Société Confort Energétique de l’Habitat, représentée par son liquidateur la Selafa Mandataires Judiciaires Associés, n’a pas constitué avocat.

La déclaration d’appel et les conclusions de l’appelant lui ont été signifiées le 24 décembre 2020 au siège du liquidateur.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 17 mai 2022.

Il est expressément renvoyé aux dernières conclusions des parties pour l’exposé exhaustif de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l’action en nullité du contrat de travaux

La société BNP Paribas Personal Finance soutient que l’action de M. [W] est irrecevable, au visa des dispositions de l’article L.622-1 du code de commerce, interdisant notamment l’exercice d’une action en justice tendant à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent.

En premier lieu, la société BNP Paribas Personal Finance n’a pas qualité pour se prévaloir d’un moyen d’irrecevabilité propre à une autre partie, en l’occurrence le liquidateur judiciaire représentant la masse des créanciers de la société SCEH.

En second lieu, contrairement à ce que soutient l’intimée, l’action de M. [W] visant à faire prononcer l’annulation du contrat souscrit auprès de la société SECH, n’est pas une demande en paiement d’une somme d’argent et ne ressort pas des dispositions de l’article L.622-1 du code de commerce.

Les conséquences du prononcé de la nullité ou de la résolution du contrat sont en effet une obligation de faire, quant à la remise des parties en leur état antérieur au contrat, et non une obligation à paiement.

Etant au surplus observé que M. [W] ne formule aucune demande à l’encontre de la société SCEH, représentée par son liquidateur judiciaire.

L’absence de déclaration de créance de M. [W] dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société SCEH est ainsi sans incidence sur la recevabilité de son action, engagée après l’ouverture de la procédure collective et ne portant pas sur une demande de condamnation au paiement d’une somme d’argent.

Le jugement doit être confirmé en ce qu’il a rejeté le moyen d’irrecevabilité soulevé par la banque BNP Paribas Personal Finance.

Sur la nullité des contrats

M. [W] expose qu’il a fait réaliser des travaux de rénovation de la façade de sa maison en 2014 par la société Solisol, moyennant le prix de 9.500 euros ttc réglé au moyen d’un crédit souscrit auprès de la société Sofinco.

En octobre 2016, il a été démarché par un représentant de la société SCEH qui l’a convaincu de lui remettre les copies des factures émises par Solisol, son RIB et son avis d’imposition, au prétexte de lui faire bénéficier d’une subvention européenne.

En décembre 2016, M. [W] a été contacté par la société CA Consumer Finance, gestionnaire de Sofinco, qui s’enquérait de la réalisation par SCEH de travaux de toitures que M. [W] n’a jamais commandé et qui n’ont pas été exécutés. Après intervention de l’association UFC-Que Choisir, CA Consumer Finance n’a pas débloqué les fonds.

Par la suite, M. [W] a appris qu’un contrat avait été souscrit auprès de Cetelem le 17 octobre 2016 par l’intermédiaire de SCEH en vue d’une rénovation de façade. Les fonds ont été débloqués par BNP Paribas Personal Finance sur la base d’un bon d’accord de fin de travaux et d’une facture du 3 novembre 2016 alors que ces travaux n’ont jamais été exécutés par SCEH, ayant déjà été réalisés en 2014 par Solisol.

Contrairement à ce qui est indiqué dans le jugement, M. [W] conteste être le signataire des contrats et du bon de fin de travaux, ce qui était d’ailleurs déjà indiqué dans un courrier de l’UFC-Que Choisir du 28 juin 2017 adressé à Cetelem.

En appel, il fournit les copies du bon de commande et de la facture des travaux de 2014, au nom d’une société CDD (Conseil en Développement Durable) et les justificatifs du crédit Sofinco.

Ainsi que l’a observé le conseiller de la mise en état dans son ordonnance du 13 décembre 2021,le graphisme des signatures portées sur les documents litigieux ne correspond pas à celui, homogène, des signatures de M. [W] sur diverses autres pièces, y compris sur sa carte nationale d’identité dont la copie a été remise au prêteur et les accusés de réception des lettres de la banque en dates des 13 septembre et 10 octobre 2017.

Au regard de ces éléments, il est établi que la BNP Paribas Personal Finance a été victime d’une escroquerie de la part de la société SCEH, au moyen de faux documents, en déboursant les fonds pour le financement de travaux inexistants.

En conséquence, il n’existe aucun lien contractuel entre M. [W] et la société BNP Paribas Personal Finance. Statuant dans les limites de sa saisine, la Cour ne peut néanmoins que confirmer le prononcé de la nullité du contrat comme demandé par M. [W], le prêteur étant en outre débouté de sa demande en paiement du capital.

Sur les autres demandes

La BNP Paribas Personal Finance est tenue de donner mainlevée de l’inscription de M. [W] au FICP, mesure qui sera ordonnée sous astreinte pour assurer sa bonne exécution.

La BNP Paribas Personal Finance, partie perdante en principal, supporte les dépens d’appel, conserve la charge des frais irrépétibles qu’elle a exposés et doit indemniser M. [W] de ses propres frais à hauteur de 3.000 euros.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Confirme le jugement prononcé le 7 septembre 2020 par le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Villeurbanne en ce qu’il a :

– rejeté la fin de non-recevoir de la demande en nullité du contrat principal de [L] [W] contre la société Service Confort Energétique de l’Habitat,

– prononcé la nullité du contrat conclu le 17 octobre 2016 entre la société Service Confort Energétique de l’Habitat d’une part, et [L] [W] d’autre part pour défaut de fourniture du contrat,

– constaté en conséquence la résolution de plein droit du contrat de prêt conclu le 17 octobre 2016 entre M. [W] d’une part et la société BNP Paribas Personal Finance,

Le réforme en ses autres dispositions et, statuant à nouveau,

Déboute la SA BNP Paribas Personal Finance de toutes ses demandes ;

Condamne la SA BNP Paribas Personal Finance à donner mainlevée auprès de la Banque de France de l’incident de paiement inscrit au nom de [L] [W] au titre du contrat litigieux, sous astreinte de 150 euros par jour à compter de l’expiration d’un délai de 15 jours suivant la signification du présent arrêt, l’astreinte courant pendant une durée de 3 mois ;

Condamne la SA BNP Paribas Personal Finance aux dépens de première instance et d’appel ;

Condamne la SA BNP Paribas Personal Finance à payer à [L] [W] la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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