ARRET N°
N° RG 21/00480
N��Portalis DBWA-V-B7F-CIFS
S.A. BPCE LEASE REUNION
C/
M. [E] [B]
COUR D’APPEL DE FORT DE FRANCE
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 21 MARS 2023
Décision déférée à la cour : Jugement du Juge des Contentieux de la Protection, près le Tribunal Judiciaire de Fort de France, en date du 14 Juin 2021, enregistré sous le n° 20/000507 ;
APPELANTE :
S.A. BPCE LEASE REUNION, Anciennement dénommée OCEOR LEASE REUNION, agissant poursuites et diligences de son Directeur Général en exercice domicilié ès qualités audit siège
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 3] / LA REUNION
Représentée par Me Fabrice MERIDA, avocat postulant, au barreau de MARTINIQUE
Me Myriam WIN BOMPARD, avocat plaidant, au bareau de GUADELOUPE
INTIME :
Monsieur [E] [B]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représenté par Me Alexandra CHALVIN, avocat au barreau de MARTINIQUE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 28 Octobre 2022, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Claire DONNIZAUX, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte dans le délibéré de la cour, composée de :
Présidente : Mme Christine PARIS, Présidente de Chambre
Assesseur : Mme Claire DONNIZAUX, Conseillère
Assesseur : M. Thierry PLUMENAIL, Conseiller
Greffière, lors des débats : Mme Micheline MAGLOIRE,
Les parties ont été avisées, dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, de la date du prononcé de l’arrêt fixée le 10 janvier 2023, prorogée au 14 février 2023, puis au 21 Mars 2023
ARRÊT : Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
EXPOSE DU LITIGE :
Selon un offre de location avec promesse de vente acceptée le 30 octobre 2017, la société OCEOR LEASE REUNION a consenti à M. [E] [B] un crédit pour un montant de 33 900 euros remboursable en 60 loyers mensuels de 657,12 euros portant sur l’achat d’un véhicule JEEP RENAGADE immatriculé [Immatriculation 4].
A la suite d’incidents de paiement, la SA BPCE LEASE REUNION a provoqué la déchéance du terme par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 9 janvier 2020 et sollicité la restitution du véhicule.
Par acte d’huissier délivré le 3 juillet 2020, la SA BPCE LEASE REUNION a fait assigner M. [E] [B] devant le juge des contentieux de la protection de Fort-de-France, pour obtenir sa condamnation au paiement de la somme de 26 511,66 euros avec intérêts légaux de retard à compter du 9 janvier 2020, la capitalisation des intérêts, la restitution du véhicule, sa condamnation aux dépens et au paiement de la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, le tout avec exécution provisoire.
Par jugement contradictoire en date du 14 juin 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Fort-de-France a constaté la nullité de l’assignation, déclaré irrecevable l’action engagée par la société BPCE LEASE REUNION, débouté les parties de toute prétention plus ample ou contraire, dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile et laissé les dépens de l’instance à la charge de la requérante.
Par déclaration électronique du 12 août 2021, la BPCE LEASE REUNION a interjeté appel du jugement en toutes ses dispositions.
L’affaire a été orientée à la mise en état.
Aux termes de ses conclusions d’appelant notifiées par voie électronique le 30 novembre 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la BPCE LEASE REUNION, se disant anciennement dénommée OCEOR LEASE REUNION, demande à la cour « de :
– infirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions,
– débouter M. [E] [B] de toutes ses fins demandes et conclusions comme infondées et injustifiées en ce y compris sa demande reconventionnelle en dommages intérêts pour prétendue perte de chance et sa demande subsidiaire fondée sur les dispositions de l’article 1343-5 du code civil,
par la suite,
– condamner M. [E] [B] à lui payer la somme de 26.511,66 euros ainsi que les intérêts légaux de retard, sur le fondement de l’article 1231-6 du code civil à compter la notification de résiliation précitée du contrat en date du 9 janvier 2020,
– prononcer pareillement la capitalisation des intérêts au visa de l’article 1343-2 du code civil,
– condamner en outre l’intimé au paiement à la société BPCE LEASE REUNION de la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner encore l’intimé à procéder à la restitution du véhicule JEEP RENEGADE LTD 2.01 MULTIJET ‘ immatriculé [Immatriculation 4] N° de SERIE 1C4BU0000GPD64843 sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir,
– condamner l’intimé en tous les dépens dont distraction au profit de Me Fabrice MERIDA avocat sur sa due affirmation de droit en application de l’article 699 du code de procédure civile. »
Aux termes de ses conclusions d’intimé notifiées par voie électronique le 17 décembre 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, M. [E] [B] demande à la cour « de :
– débouter la société BPCE LEASE REUNION de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
– confirmer le jugement rendu le 14 juin 2021 par le Juge des contentieux de la protection du Tribunal judiciaire de Fort de France;
En conséquence,
Statuant à nouveau,
A titre principal,
– prononcer que l’offre de location avec promesse de vente soumise par la société BPCE LEASE REUNION, n° 40409 contestée par M. [E] [B] repose sur une assignation dont la requérante n’avait pas qualité à agir, entachant la recevabilité de l’assignation et la procédure liée et pendante et l’ordonner irrecevable,
– ordonner que le changement juridique de bailleur non notifié au locataire, est de nature à causer un grief à M. [B], le privant d’une information capitale du contrat et l’empêchant de réagir, entachant de nullité ledit contrat,
– prononcer l’inopposabilité de la livraison du bien et de l’offre
du financement du contrat en raison de son caractère abusif, le bien ayant été remis le même jour que le contrat, privant le locataire du délai de réflexion prévu par la loi et ORDONNER la nullité du contrat,
– prononcer que l’offre de location avec promesse de vente soumise par la société BPCE LEASE REUNION, n° 40409 contestée par M. [E] [B] est rédigée en police de caractère de taille inférieure à 8, que de ce fait les informations contractuelles prévues à l’article L.312-28 du Code de la consommation, ne pouvaient être considérées comme claires et lisibles, que de facto, la déchéance générale du droit aux intérêts est acquise,
– prononcer que l’offre de location avec promesse de vente soumise par la société BPCE LEASE REUNION, n° 40409 contestée par M. [E] [B] n’a fait l’objet d’aucune mise en demeure régulière préalable recevable avant la résiliation du contrat et que celui-ci de facto ne peut être résilié dans ces conditions et est frappé de nullité,
– prononcer que le calcul de l’indemnité de résiliation demandée à M. [E] [B] est erroné, de par l’absence de la prise en compte de la valeur vénale HT du véhicule en question à restituer, manquement imputable à l’inaction du bailleur et celle-ci sera rejetée,
– prononcer de tous ces faits la nullité de l’offre de location avec promesse de vente soumise par n°40409 conclu entre la société BPCE LEASE REUNION et M. [E] [B],
ordonner que M. [E] [B] se replacera en situation ante, et que les sommes restantes dû au titre du capital emprunté seront considérées comme dommages et intérêts à son bénéfice, au titre de son indemnisation pour l’opportunité manquée à ne pas contracter cette dette, pour la somme de 26.511,66 euros,
– ordonner cette compensation valant indemnisation entre la créance due à la société BPCE LEASE REUNION et celle de M. [E] [B], au titre du contrat de LOA n°40409 à parfaire au jour du jugement,
– ordonner la restitution à M. [E] [B] des intérêts déjà versés, au titre du contrat de location n°40409, à parfaire au jour du prononcé de l’arrêt ;
A titre subsidiaire,
– prononcer le fait que la société BPCE LEASE REUNION a manqué à ses obligations réglementaires, imposées par le code de la consommation et a été défaillante sur l’information de l’ emprunteur, sur le formalisme et la motivation de la déchéance du terme opposée, sur les conditions de l’offre de prêt, sur la taille irrégulière des caractères lettres du contrat, inférieure à la taille 8, sur l’interrogation du fichier FICP et la composition de la fiche d’information « revenus et charges » de l’emprunteur [B], du fait des omissions considérables dans la constatation de son niveau d’endettement ;
En conséquence,
– ordonner que la société BPCE LEASE REUNION doit être déchue de ses droits à intérêts pour le contrat de location n°40409 la liant à M [E] [B] et que ceux déjà versés, soient restitués aux emprunteurs M. [E] [B] après que soit parfait l’état du compte emprunteur considéré,
– ordonner que la déchéance du terme mal prononcée pour ce – contrat de prêt est de fait sans effet et la rejeter,
– ordonner que la restitution du véhicule JEEP RENEGADE, immatriculé, [Immatriculation 4], est devenue sans objet et que l’appelante ne pourra y faire droit ;
A titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire M [E] [B] devait succomber,
– accorder à M. [E] [B] de larges délais de paiement,
– ordonner que M. [E] [B] pourrait suspendre pendant 24 mois la reprise du paiement des mensualités prévues au contrat de location, sans pénalité et sans déchéance du terme, par application de l’article 1343-5 du code civil avec imputation prioritaire des paiements sur le capital dû ;
En tout état de cause,
– condamner la société BPCE LEASE REUNION à verser à M. [E] [B] la somme de 3.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens. »
L’instruction a été clôturée le 21 avril 2022. L’affaire a été appelée à l’audience du 28 octobre 2022, et mise en délibéré par mise à disposition au greffe le 10 janvier 2023, prorogé jusqu’au 21 mars 2023.
MOTIFS :
Sur la recevabilité à agir de la BPCE LEASE REUNION :
La BPCE LEASE REUNION fonde son action sur une offre de location avec promesse de vente du 30 octobre 2017 formulée par l’entité « OCEOR LEASE REUNION ‘ SA au capital de 7 999 915 euros ‘ 310836614 RCS ‘ Siège social et bureaux : [Adresse 1] », dénommée le bailleur, et acceptée par M. [E] [B], dénommé le locataire.
La BPCE LEASE REUNION prétend être l’entité juridique co-contractante de M. [E] [B], dont la raison sociale, précédemment intitulée OCEOR LEASE REUNION, est devenue BPCE LEASE REUNION, avec le même numéro de RCS.
Pour cela, elle produit le contrat de location avec option d’achat, sur lequel n’est mentionnée que la société OCEOR LEASE REUNION, avec la précision selon laquelle cette société est une filiale de NATIXIS LEASE, ainsi que les autres documents contractuels ou pré-contractuels ne faisant référence qu’à la société OCEOR LEASE REUNION, établissant ainsi que le contractant est bien la société OCEOR LEASE REUNION.
Elle produit également les documents de suivi de compte, sur lequel la BPCE LEASE REUNION apparaît comme société de gestion, ainsi que les documents pré-contentieux (lettres de mise en demeure, décomptes de résiliation), tous libellés au seul nom de la BPCE LEASE REUNION, sans aucune référence à OCEOR LEASE REUNION.
Ces documents n’établissent aucun lien entre le bailleur co-contractant et l’appelante, si ce n’est le caractère identique de leur numéro RCS et de leur siège social, qui ne résulte pas nécessairement d’un simple changement de dénomination sociale.
En appel, la BPCE LEASE REUNION produit également une consultation Infogreffe non datée au nom de BPCE LEASE REUNION, sur laquelle ne figure aucune référence à une ancienne dénomination sociale, ainsi qu’un « rapport complet officiel » de la société Société.com et Dirigeant.com, daté du 26 novembre 2021, relatif à la société BPCE LEASE REUNION, document qui ne rapporte non plus aucune ancienne dénomination, et ne comporte d’une manière générale aucune référence à OCEOR LEASE REUNION.
Or, en dépit de l’irrecevabilité constatée à juste titre par le juge des contentieux et de la protection, eu égard à l’absence de production de Kbis ou d’élément démontrant la transformation de la société OCEOR LEASE REUNION en BPCE LEASE REUNION, la cour constate que l’appelante ne produit toujours pas son extrait Kbis, sur lequel figure nécessairement l’historique de la société, faisant apparaître les éventuels changements de dénomination sociale ainsi que les éventuelles fusions, absorptions ou cessions de l’entreprise, ni aucun autre document émanant de ses propres organes sociaux établissant la réalité du changement de dénomination sociale, et ce alors que les documents produits par l’intimé révèlent qu’il existe une confusion juridique au sujet des rapports entre la société BPCE LEASE REUNION et la société OCEOR LEASE REUNION.
L’intimé, qui soutient par ailleurs que dans le cadre d’une opération de fusion absorption, la société OCEOR LEASE REUNION serait devenue une filiale de la holding BPCE LEASE (et non BPCE LEASE REUNION), produit en effet un extrait des inscriptions au registre national du commerce et des sociétés concernant l’entreprise BPCE LEASE REUNION à la date du 3 décembre 2021, dans lequel OCEOR LEASE REUNION n’apparaît toujours pas comme ancienne dénomination sociale de BPCE LEASE REUNION, mais existe encore, sous la forme d’un établissement secondaire ayant la même activité de crédit bail en Guadeloupe.
Dans ces conditions, en l’absence d’éléments probants établissant avec certitude l’identité entre la société BPCE LEASE REUNION et la société OCEOR LEASE REUNION, donc la qualité à agir de la société BPCE LEASE REUNION sur le fondement d’un contrat conclu par la société OCEOR LEASE REUNION, le jugement querellé sera confirmé en ce qu’il a déclaré l’action de la société BPCE LEASE REUNION irrecevable.
Une fin de non recevoir tirée du défaut de qualité à agir n’ayant pas d’incidence sur la régularité formelle de l’acte introductif d’instance, le jugement sera infirmé en ce qu’il a prononcé la nullité de l’assignation, aucun autre moyen n’étant présenté au soutien de cette prétention.
Sur les demandes accessoires :
Succombant, la BPCE LEASE REUNION sera condamnée aux dépens d’appel.
Il n’apparaît pas inéquitable de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement querellé en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a constaté la nullité de l’assignation ;
Statuant à nouveau,
REJETTE la demande d’annulation de l’acte introductif d’instance ;
Y ajoutant,
DEBOUTE les parties de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la BPCE LEASE REUNION aux dépens d’appel.
Signé par Mme Christine PARIS, Présidente de Chambre et Mme Béatrice PIERRE-GABRIEL, Greffière, lors du prononcé à laquelle la minute a été remise.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,