Nullité de contrat : 20 avril 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 22/02255

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Nullité de contrat : 20 avril 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 22/02255

20/04/2023

ARRÊT N°287/2023

N° RG 22/02255 – N° Portalis DBVI-V-B7G-O2ZZ

CBB/CD

Décision déférée du 05 Mai 2022 – Juge de la mise en état de TOULOUSE ( 21/01854)

Mme KINOO

S.A.R.L. SOCIETE 2 V AUTO

C/

[C] [H]

CONFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

3ème chambre

***

ARRÊT DU VINGT AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANTE

S.A.R.L. SOCIETE 2 V AUTO

Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Julia BONNAUD-CHABIRAND, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et Me Fabienne PARPIROLLES, avocat plaidant au barreau de TOULOUSE

INTIMÉ

Monsieur [C] [H]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Anne-sophie BRUNET, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 22 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant C. BENEIX-BACHER, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. BENEIX-BACHER, président

O. STIENNE, conseiller

E.VET, conseiller

Greffier, lors des débats : I. ANGER

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par C. BENEIX-BACHER, président, et par I. ANGER, greffier de chambre

FAITS

M. [H] a fait l’acquisition le 6 octobre 2015 d’un véhicule d’occasion de marque Audi A5 Quattro auprès de la SARL 2V Auto.

Au moment de le revendre en 2019, il a appris du concessionnaire Audi, le garage Audi Toulouse Sterling Automobiles le 29 janvier 2019 qu’il s’agissait d’un modèle de l’année 2011 alors qu’il avait cru acquérir un modèle de l’année 2012.

Il a sollicité la résolution amiable de la vente à la suite d’une expertise amiable réalisée le 29 mars 2020 par M. [J] confirmant l’année 2011 comme année de modèle.

PROCEDURE

Par acte en date du 31 mars 2021, M. [H] a fait assigner la SARL 2V Auto devant le tribunal judiciaire de Toulouse pour obtenir, sur le fondement des articles L111-1, L217-4 et suivants du code de la consommation et 1131 et suivants du code civil, la nullité de la vente pour vices du consentement et subsidiairement, pour voir déclarer la responsabilité de la SARL 2V Auto en raison du manquement à son obligation pré-contractuelle d’information, outre le paiement de la somme de 1500€ à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi.

Le 15 novembre 2021, la SARL 2 V Auto a saisi le juge de la mise en état de conclusions d’incident tendant à voir déclarer l’action de M. [H] irrecevable pour cause de prescription.

Par ordonnance contradictoire en date du 5 mai 2022, le juge de la mise en état a’:

– déclaré recevable l’action de M. [C] [H] à l’encontre de la SARL 2 V Auto sur le fondement des articles 1130, 1137 du code civil et L.111-1 du code de la consommation,

– déclaré irrecevable l’action en garantie légale de conformité de M. [C] [H] à l’encontre de la SARL 2V Auto sur le fondement de la garantie légale de conformité;

– réservé les demandes formulées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la SARL 2V Auto aux dépens de l’incident ;

– renvoyé le dossier à l’audience de mise en état du jeudi 16 juin 2022 à 8h30 avec injonction de conclure péremptoire à Me Parpirolles conseil de la SARL 2 V Auto, au plus tard le 13 juin 2022.

Par déclaration en date du 15 juin 2022, la SARL 2V Auto a interjeté appel de l’ordonnance. La décision est critiquée en ce qu’elle a’:

– déclaré recevable l’action de M. [C] [H] à l’encontre de la SARL 2 V Auto sur le fondement des articles 1130, 1137 du code civil et L.111-1 du code de la consommation ;

– condamné la SARL 2V Auto aux dépens de l’incident ;

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

La SARL 2 V Auto, dans ses dernières écritures en date du 26 juillet 2022, demande à la cour au visa des articles 789 du code de procédure civile, L111-1 du code de la consommation, L110-4 du code de commerce, 1130 et suivants, 2224 du code civil et du décret n°78-993 du 4 octobre 1978, de’:

– réformer la décision entreprise en ce qu’elle a déclaré recevable l’action de M. [C] [H] à l’encontre de la SARL 2V Auto sur le fondement des articles 1130, 1137 du code civil et L111-1 du code de la consommation

et statuant à nouveau, à titre principal,

– juger que l’action introduite par M. [C] [H] est prescrite,

en conséquence,

– déclarer l’action introduite par M. [C] [H] irrecevable,

– débouter M. [C] [H] de l’ensemble de ses demandes fins et prétentions,

à titre subsidiaire,

– juger que l’action introduite par M. [C] [H] est prescrite,

en conséquence,

– déclarer l’action introduite par M. [C] [H] irrecevable,

– débouter M. [C] [H] de l’ensemble de ses demandes fins et prétentions,

en tout état de cause

– réformer la décision entreprise en ce qu’elle a mis les dépens de l’incident à la charge de la SARL 2V AUTO

statuant à nouveau,

– ordonner que chaque partie conserve la charge de ses dépens d’incident

– débouter M. [C] [H] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

– condamner M. [C] [H] à payer à la société 2V Auto la somme de 2.500,00€ sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

Elle soutient que’:

– suivant l’article 2224 du Code civil, le point de départ de la prescription se situe au jour où le titulaire du droit a eu connaissance ou aurait dû avoir connaissance du fait lui permettant d’exercer l’action’; mais ce délai est enfermé dans celui de 5 ans de l’article L 110-4 du code de commerce lorsque comme en l’espèce, l’action est née d’un contrat conclu entre un commerçant et un non commerçant’; donc le point de départ de l’action doit en l’espèce, être fixé au jour de la vente soit le 6 octobre 2020,

– subsidiairement, l’action est irrecevable dès lors que M. [H] avait connaissance de la date de mise en circulation du véhicule au jour de la vente,

– M. [H] soutient qu’il a été induit en erreur au vu de la date de mise en circulation visée sur la facture et, du prix qui correspond au modèle 2012 et non pas au modèle 2011′; mais un véhicule mis en circulation en 2012 n’a pas pu être fabriqué en 2012 de sorte qu’il connaissait ou aurait dû connaître l’année du modèle du véhicule qu’il achetait’; d’autant qu’il reconnaît qu’il souhaitait faire l’acquisition d’un véhicule dont le modèle venait d’être mis en circulation en août 2011′; elle précise que la notion de millésime n’existe plus depuis 2000′;

– en l’absence de preuve de man’uvres frauduleuses l’action fondée sur le dol est infondée,

– les deux modèles présentent des différences évidentes notamment esthétiques,

– la puissance fiscale des deux modèles ne détermine pas l’année de fabrication.

M. [H], dans ses dernières écritures en date du 19 août 2022, demande à la cour au visa des articles 112 du code de procédure civile, 1304 ancien, 1144 et 2224 du code civil et L.110-4 du code de commerce, de’:

– rejeter toutes les demandes et les conclusions contraires comme injustes et mal fondées,

par conséquent,

– confirmer l’ordonnance rendue le 05 mai 2022 par le Juge de la mise en état près le tribunal judiciaire de Toulouse en toutes ses dispositions ;

– débouter la SARL 2 V Auto de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

y ajoutant, en tout état de cause :

– condamner la SARL 2 V Auto à payer la somme de 3.000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner la SARL 2 V Auto aux entiers dépens d’appel.

Il soutient que’:

– l’expertise amiable est contradictoire’; il y est conclu que’:

« Le véhicule de Monsieur [H] est une Audi A5 (8T) PHASE 1 2P3.0 TDI V6 DPF Ambition Luxe Quattro S Tronic.

Ce modèle a été construit de Juillet 2007 à Juillet 2011.

Sur le numéro de série à 17 caractères (WAUZZZ8T1BA105513) en 9 ème position se trouve le chiffre 1 qui confirme que le véhicule est de l’année 2011.

En Août 2011, est apparu le nouveau modèle de A5 PHASE 2, toujours en 8T, présentant des améliorations techniques et esthétiques ainsi qu’une augmentation du prix de vente.

Le véhicule vendu à Monsieur [H] est de l’année 2011 et non 2012. »

– la seule question en débat devant le conseiller de la mise en état est de savoir si M. [H] savait avoir acquis un modèle 2011 au jour de la vente ou si cette information lui a été révélée ultérieurement afin de déterminer le point de départ de la prescription,

– or, la prescription de l’action en nullité pour erreur ou dol ne court qu’à compter du jour où ils ont été découverts par le titulaire (article 1304 ancien du code civil et 2224),

– et les erreurs affectant le véhicule n’étaient pas visibles le jour de la vente; il ne pouvait donc pas savoir qu’il acquérait un véhicule 2011 au lieu de 2012′;

– Sur l’article L 110-4 du code de commerce’: l’action est engagée sur le terrain de la nullité de la vente et non de la garantie des vices cachés de sorte que la question de l’enfermement du délai de l’action de l’article 1641 du code civil est inopportune,

– et l’article 110-4 du code de commerce n’exclut pas la computation du délai de 5 ans à compter du jour où le titulaire du droit a eu connaissance des faits sur lesquels l’action repose avec un délai butoir de 20 ans (art 2224).

L’ordonnance de clôture est intervenue le 6 février 2023.

MOTIVATION

Suivant assignation du 31 mai 2021, M. [H] a engagé à l’encontre de la SARL 2V Auto une action en responsabilité pour manquement à

l’ obligation pré contractuelle d’information de l’article L 111-1 du code de la consommation, une action en nullité de la vente sur le fondement de l’article 1130 du code civil pour vice du consentement (erreur sur les qualités substantielles et/ou dol) et sur le fondement de l’article L 217-4 du code de la consommation pour défaut de conformité contractuelle du véhicule.

Le premier juge a déclaré prescrite cette dernière action sur le fondement de l’article L 211-12 du code de la consommation (devenu L 217-12) dans sa rédaction applicable à la cause. Cette disposition n’est pas contestée.

L’action en responsabilité de l’article 1112-1 al6 du code civil se prescrit par 5 ans en vertu de l’article 2224 du code civil à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

L’action en nullité du contrat pour erreur ou dol se prescrit par 5 ans à compter du jour de la connaissance du vice du consentement en vertu de l’article 1304 ancien du code civil.

L’action entre un commerçant et un non commerçant de l’article L 110-4 du code de commerce se prescrit par 5 ans.

M. [H] soutient n’avoir eu connaissance de la véritable année de fabrication qu’à l’occasion de la revente de ce véhicule par le concessionnaire Audi le 28 janvier 2019 qui indiquait l’année 2011 comme année de production et la puissance de 240 chx au lieu de 245 figurant sur le bon de commande du 1er octobre 2015.

C’est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a considéré que les indices visés par la SARL 2V Auto étaient trop techniques, incompréhensibles voire ténus pour un consommateur lambda normalement avisé pour pouvoir considérer que M. [H] savait qu’il se portait acquéreur d’un véhicule fabriqué en 2011 plutôt qu’en 2012′:

– différences esthétique et visuelle ténues entre les deux modèles,

– silence du bon de commande et de la facture quant à la date de fabrication,

– illisibilité de l’année de fabrication au seul vu du numéro de série qui vise en 9ème position le chiffre «’1’» qui identifie l’année 2011 selon l’expert [J] dans son avis du 29 mars 2020.

Il convient seulement d’ajouter que tant le bon de commande que la facture visent 245 chevaux fiscaux alors que le véhicule vendu n’en comporte que 240 soit exactement la puissance fiscale du véhicule fabriqué en 2011.

Donc, il ne peut être affirmé que M. [H] savait au jour de la vente le 6 octobre 2015 que le véhicule acheté avait été fabriqué en 2011 et non pas en 2012. Et la SARL 2V Auto ne peut être suivie dans son argumentation’:

– lorsqu’elle déduit cette connaissance’des recherches affinées de M. [H] sur internet ou «’le bon coin’» avant la vente voire de l’essai du véhicule’;

– ou encore quand elle soutient la correspondance des informations figurant sur le bon de commande et la facture à celles données par le concessionnaire Audi en 2019 et leur préconisation par la législation en vigueur ce qui excluerait un défaut d’information.

Ainsi, l’information sur l’année de fabrication du véhicule apparaît n’avoir été révélée à M. [H] que par le concessionnaire Audi Toulouse Sterling Automobiles le 28 janvier 2019, date à partir de laquelle le point de départ de la prescription de l’action a commencé à courir.

La SARL 2V Auto soutient que le délai de prescription de l’article 2224 du code civil est enfermé dans le délai de l’article L110-4 du code de commerce qui court à compter de la vente du 6 octobre 2015′; de sorte que le vice ayant été découvert le 28 janvier 2019, M. [H] disposait d’un délai expirant le 6 octobre 2020 pour agir. Ainsi l’action engagée par l’assignation du 31 mars 2021 serait prescrite.

Ce faisant, elle applique à l’action en responsabilité ou en nullité de la vente les principes de l’action en garantie des vices cachés qui n’est pourtant pas le fondement des actions engagées.

Or, en matière de responsabilité ou de nullité de la vente à défaut de précision du texte de l’article L 110-4, le point de départ de ces actions doit être fixé conformément aux dispositions de droit commun de l’article 2224 du Code civil, et donc à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer soit en l’espèce à compter du 28 janvier 2019.

L’assignation du 31 mars 2021 a donc bien été délivrée dans le délai de 5 ans de la connaissance les faits permettant à M. [H] d’exercer une action en responsabilité pour défaut d’information pré contractuelle et de la connaissance du vice du consentement pour pouvoir engager une action en nullité de la vente.

PAR CES MOTIFS

La cour

– Confirme l’ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Toulouse en toutes ses dispositions soumises à la cour.

– Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la SARL 2V Auto à verser à M. [H] la somme de 1500€.

– Condamne la SARL 2V Auto aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

I. ANGER C. BENEIX-BACHER

 


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