Nullité de contrat : 20 avril 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/11463

·

·

Nullité de contrat : 20 avril 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/11463

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 10

ARRÊT DU 20 AVRIL 2023

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/11463 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCGRJ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Juin 2020 – Tribunal judiciaire d’EVRY COURCOURONNES RG n° 18/05887

APPELANTE

Madame [N] [G]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée et et assistée par Me Aurélien BONANNI, avocat au barreau d’ESSONNE

INTIMÉE

S.A.S. SOCIETE D’EXPLOITATION DU GARAGE ROBINSON, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée et assistée à l’audience de Me Matthieu MALNOY de la SELAS L ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P550

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été plaidée le 16 Février 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Florence PAPIN, Présidente

Mme Valérie MORLET, Conseillère

M. Laurent NAJEM, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Monsieur [R] [K], dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Ekaterina RAZMAKHNINA

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Florence PAPIN, Présidente et par Catherine SILVAN, greffier, présent lors de la mise à disposition.

***

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 

Le 21 mai 2015, Mme [N] [G] a acquis auprès de la SOCIETE D’EXPLOITATION DU GARAGE DE ROBINSON un véhicule de marque Nissan modèle Qashqai, immatriculé [Immatriculation 5], pour un prix de 27 764,94 euros, sous déduction d’une reprise de son ancien véhicule pour la somme de 18 247,57 euros.

Faisant valoir qu’elle avait crû acquérir un véhicule neuf, alors qu’il s’agissait d’un véhicule d’occasion mis en circulation pour la première fois le 31 juillet 2014, par acte d’huissier de justice délivré le 17 janvier 2018, Mme [G] a fait assigner la SAS SOCIETE D’EXPLOITATION DU GARAGE DE ROBINSON devant le tribunal d’instance d’EVRY aux fins de voir prononcer la nullité de la vente et condamner la défenderesse au paiement de la somme de 26 840 euros en restitution du prix, outre la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Par jugement en date du 30 avril 2018, le tribunal d’instance d’EVRY s’est déclaré incompétent pour statuer sur les demandes de Mme [G] et a désigné le tribunal de grande instance d’EVRY pour en connaître.

Le 22 juin 2020, le tribunal judiciaire d’EVRY a :

– Débouté Mme [G] de sa demande en nullité du contrat de vente en date du 21 mai 2015,

– Débouté Mme [G] de sa demande en paiement de la somme de 26.840 euros,

– Condamné Mme [G] à payer à la SOCIETE D’EXPLOITATION DU GARAGE DE ROBINSON la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamné Mme [G] aux dépens et autorisé l’avocat de la SOCIETE D’EXPLOITATION DU GARAGE DE ROBINSON à recouvrer directement contre elle ceux dont il a fait l’avance sans avoir reçu provision, en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Mme [G] a interjeté appel du jugement le 31 juillet 2020.

Par ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 19 octobre 2020, Mme [G] demande à la cour de :

– Infirmer le jugement du 22 juin 2020 du tribunal judiciaire d’EVRY-Courcouronnes,

Et par conséquent,

– Prononcer la nullité de la vente du véhicule Nissan conclue le 21 mai 2015,

– Condamner la SOCIETE D’EXPLOITATION DU GARAGE DE ROBINSON à la restitution du prix de vente, soit la somme de 14.286,36 euros, à titre de reliquat à la suite de la revente du véhicule,

– Condamner la SOCIETE D’EXPLOITATION DU GARAGE DE ROBINSON au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance au titre de la première instance et 2 000 euros au titre de l’appel.

Elle fait valoir qu’elle a acquis son véhicule en pensant légitimement qu’il était neuf et non d’occasion ; que le prix était le seul critère déterminant en sa qualité de consommatrice ; que le prix en cause est similaire à celui de véhicules neufs.

Elle expose qu’elle ne pouvait savoir que le véhicule avait été mis en circulation le 31 juillet 2014, soit une année avant la livraison litigieuse.

Elle estime que les mentions « Commentaire : EX DEMO n°[Immatriculation 5] » du 31/07/2014 avec 100 Kms ENVIRON » sont très peu explicites pour un profane et ne sauraient constituer une information complète.

Elle considère que le véhicule soit vendu au prix neuf l’a nécessairement trompé.

Elle soutient que s’il est considéré que la société intimée n’a pas usé de man’uvres particulières pour la tromper, il n’en demeure moins que son consentement a été vicié par les informations parcellaires figurant sur le bon de commande ; que le kilométrage pouvait correspondre au « rodage » du véhicule ; qu’il y a eu a minima erreur sur la chose.

Par ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 12 janvier 2021, la SAS SOCIETE D’EXPLOITATION DU GARAGE DE ROBINSON demande à la cour de :

– Confirmer en toutes ses dispositions le Jugement prononcé par le Tribunal Judiciaire d’EVRY le 22 juin 2020, dont appel,

Ce faisant :

A titre principal :

Sur l’absence de dol :

Constatant qu’il était précisé sur le bon de commande du 21 avril 2015 que le véhicule était un modèle d’exposition mis en circulation le 31 juillet 2014,

Constatant que Mme [G] a paraphé et signé le bon de commande,

Constatant, en conséquence, qu’elle ne pouvait ignorer ces informations,

Constatant que le garage de Robinson a satisfait à son obligation de renseignement,

Constatant que les conditions du dol ne sont pas réunies,

– Confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté Mme [G] de sa demande de nullité de la vente conclue le 21 mai 2015, sur le fondement du dol,

Sur l’absence d’erreur :

Constatant que Mme [G] ne démontre pas que le fait que le véhicule qu’elle voulait acquérir soit neuf constituait une qualité substantielle pour elle,

Constatant qu’il ne ressort pas du bon de commande signé et paraphé par Mme [G] que le fait que le véhicule soit neuf ait été intégré au champ contractuel,

Constatant que Mme [G] a commis une erreur inexcusable dès lors qu’elle avait connaissance de la date de mise en circulation du véhicule,

– Confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté Mme [G] de sa demande de nullité de la vente conclue, sur le fondement de l’erreur,

A titre subsidiaire :

Constatant que la vente a été conclue pour un montant de 26 739 euros TTC,

Constatant que depuis lors, Mme [G] a régulièrement utilisé son véhicule et a parcouru plus de 25 000 km à ses dires,

Constatant que Mme [G] a obtenu la reprise de son véhicule dans les conditions du contrat qu’elle avait signé en son temps,

– Dire et juger n’y avoir lieu à condamnation du garage de Robinson,

En tout état de cause :

– Condamner Mme [G] à verser au garage de Robinson une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la présente instance, et confirmer le jugement en ce qu’il a condamné Mme [G] à payer au garage de Robinson une somme de 2 000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance,

– Condamner Mme [G] aux dépens de première instance et d’appel, dont distraction au profit de maître Malnoy, dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.

Elle rappelle le caractère nécessairement intentionnel du dol et le fait que les man’uvres qui n’ont pas pour but de provoquer une erreur et qui ne sont pas déterminantes dans le consentement ne peuvent recevoir cette qualification.

Elle considère que la mention portée sur le bon de commande fait bien référence à une mise en circulation le 31 juillet 2014 et au fait qu’il s’agit d’un véhicule de démonstration. Elle souligne néanmoins que le véhicule est neuf et n’a jamais roulé.

Elle fait valoir qu’elle n’a jamais usé de man’uvres ; qu’elle n’a pas menti sur la date de mise en circulation ; que Mme [G] ne saurait soutenir que seul le prix de vente ait été un élément déterminant de la vente lui laissant penser que le véhicule était neuf.

S’agissant de l’erreur, elle soutient que Mme [G] n’apporte pas la preuve de ses dires ; qu’il ne ressort pas du contrat que le fait que le véhicule soit neuf était une qualité substantielle à laquelle était subordonné le consentement.

A titre subsidiaire, elle relève que Mme [G] ne peut réclamer une somme plus importante que celle qu’elle a réglée. Elle fait valoir que le véhicule a été régulièrement utilisé pendant 18 mois et 25 000 kilomètres, de sorte qu’elle ne peut prétendre qu’à un reliquat d’un montant de 14 286,36 euros.

La clôture a été prononcée le 18 janvier 2023.

MOTIFS DE L’ARRÊT

Sur le dol

Aux termes de l’article 1116 (ancien) du code civil, dans sa rédaction antérieure au 1er octobre 2016, issue de l’ordonnance n°2016-31 du 10 février 2016 et applicable en l’espèce :

« Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les man’uvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces man’uvres, l’autre partie n’aurait pas contracté.

Il ne se présume pas et doit être prouvé. »

En l’espèce, Mme [G] ne démontre aucunement l’existence de man’uvres destinées à lui faire croire que le véhicule était neuf et non d’occasion.

Le seul fait qu’un véhicule du même modèle se vende à des prix similaires à celui qu’elle a réglé (27 784,94 euros) ne saurait à lui seul établir l’existence d’un dol.

En effet, le bon de commande, paraphé et signé par Mme [G], porte la mention suivante : « Commentaire : EX DEMO N°[Immatriculation 5] DU 31/07/2014 avec 100 KMS ENVIRON (‘)».

Or, il peut en être déduit a minima deux éléments particulièrement explicites, même pour un non professionnel : le fait que le véhicule a parcouru 100 kilomètres environ et une mise en circulation du 31 juillet 2014 alors que la vente est intervenue le 21 mai 2015, soit 10 mois plus tard.

Le certificat d’immatriculation confirme la date du 31 juillet 2014.

Il en résulte que le fait que le véhicule était « d’occasion » – même si ce terme doit être relativisé au vu des 100 kms indiqués ‘ est bien entré dans le champ contractuel.

La cour observe au demeurant que Mme [G] a revendu le véhicule le 1er août 2019 – après avoir parcouru la distance non négligeable de 62300 kms (sa pièce 7) – de sorte qu’elle ne pourrait pas en tout état de cause le restituer en contrepartie du prix de vente, conséquence nécessaire de la nullité qu’elle poursuit pourtant.

C’est à bon droit que les premiers juges ont débouté Mme [G] de sa demande de nullité sur ce premier fondement.

Sur l’erreur

Aux termes de l’article 1110 (ancien) du code civil, dans sa rédaction antérieure au 1er octobre 2016, issue de l’ordonnance n°2016-31 du 10 février 2016 et applicable en l’espèce :

« L’erreur n’est une cause de nullité de la convention que lorsqu’elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l’objet.

Elle n’est point une cause de nullité lorsqu’elle ne tombe que sur la personne avec laquelle on a intention de contracter, à moins que la considération de cette personne ne soit la cause principale de la convention. »

Mme [G] ne démontre pas qu’elle aurait spécifié qu’elle entendait acheter un véhicule neuf.

En outre, la comparaison qu’elle fait avec le prix d’un véhicule neuf ne tient pas compte de ce qu’elle a bénéficié, au moment de la reprise d’un ancien véhicule, pour un montant de 18 247,57 euros dans des conditions commerciales qui ne sont pas explicitées.

Il convient en tout état de cause de relever de nouveau l’existence de la mention : « Commentaire : EX DEMO N°[Immatriculation 5] DU 31/07/2014 avec 100 Kms ENVIRON », suffisamment explicite pour démentir l’erreur invoquée par l’appelante.

La décision sera également confirmée en ce qu’elle a débouté Mme [G] de sa demande sur ce second fondement.

Sur les demandes accessoires

Les dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles seront confirmées.

A hauteur d’appel, Mme [G] sera condamnée aux dépens (avec distraction dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile) et à payer une somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant

Condamne Mme [N] [G] à payer à la SAS SOCIETE D’EXPLOITATION DU GARAGE DE ROBINSON la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [G] aux dépens d’appel, avec distraction au profit de Maître Matthieu MALNOY, dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,

 


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x