RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 10
ARRÊT DU 02 MARS 2023
(n° , 5 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 22/16612 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGOMW
Décision déférée à la cour :
Jugement du 01 septembre 2022-Juge de l’exécution de Créteil-RG n° 22/00012
APPELANTE
Madame [R] [D] [C]
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée par Me Emmanuel FOTSO POUOKAM, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE
S.A. BANQUE POSTALE
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Sylvie EX-IGNOTIS de la SCP SCP FOUCHE-EX IGNOTIS, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 155
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 1 février 2023, en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre
Madame Catherine LEFORT, conseiller
Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
GREFFIER lors des débats : Monsieur Grégoire GROSPELLIER
ARRÊT
-contradictoire
-par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
-signé par Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre et par Monsieur Grégoire GROSPELLIER, greffier présent lors de la mise à disposition.
Selon acte authentique passé pardevant Maître [E] [L], notaire, en date du 21 décembre 2018, Mme [R] [D] [C] a acquis un bien immobilier sis [Adresse 2], à [Localité 5], moyennant un prêt consenti par la SA Banque Postale, d’un montant en capital de 23.638 euros au taux fixe de 1,65% l’an remboursable en 300 mensualités sur une durée de 25 ans.
En exécution de cet acte notarié, la société Banque Postale a fait signifier à Mme [C], le 29 octobre 2021, un commandement de payer aux fins de saisie immobilière portant sur le bien immobilier sis à [Localité 5], commandement qui a été publié au service de la publicité foncière de [Localité 6] 2 le 1er décembre 2021 sous le volume 2021 D n°38783, pour avoir paiement de la somme de 229.608,69 euros, arrêtée au 22 septembre 2021.
Par acte d’huissier du 2 février 2022, la société Banque Postale a assigné Mme [C] à l’audience d’orientation du 10 mars 2023 devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Créteil.
Après un renvoi ordonné à cette audience du 10 mars 2023 à l’audience du 23 juin 2023 pour constitution d’un avocat au barreau du Val-de-Marne, à cette dernière audience, le juge de l’exécution a soulevé d’office, et soumis à la contradiction des parties, l’éventuelle nullité du contrat au regard de l’article L. 313-34 du code de la consommation, en cas de non-respect du délai de dix jours pour l’acceptation de l’offre préalable, la prescription biennale prévue à l’article L. 218-2 du code de la consommation ainsi que l’éventuelle déchéance du droit aux intérêts à défaut de production :
des éléments prévus à l’article L. 313-11 du code de la consommation et notamment de la fiche d’information standardisée européenne exigée à l’article L. 313-7 du même code,
des éléments se rapportant à la vérification de la solvabilité des emprunteurs, notamment par la consultation du FICP, (article L. 313-16 du code de la consommation)
de la notice d’assurance conforme remise aux emprunteurs (article L. 313-29 du même code).
A cette audience du 23 juin 2022, ni Mme [C] ni l’avocat qu’elle venait de constituer n’ont comparu. Son avocat a adressé son acte de constitution le jour même, sollicitant un nouveau renvoi au motif qu’il plaidait devant une autre juridiction le même jour.
Par jugement contradictoire en date du 1er septembre 2022, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Créteil a ordonné la vente forcée du bien objet des poursuites et a fixé la créance de la société Banque Postale à la somme de 217.651,21 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 20 août 2021.
Par déclaration du 30 septembre 2022, Mme [C] a interjeté appel de ce jugement. Par ordonnance du premier président de la cour du 8 novembre 2022, elle a été autorisée à assigner à jour fixe à l’audience du 1er février 2023.
L’assignation à jour fixe a été délivrée par acte du 16 décembre 2022 à la société Banque Postale. Elle a été adressée au greffe par voie électronique le 26 janvier 2023.
Par conclusions notifiées le 30 janvier 2023, Mme [C] demande à la cour de :
prononcer l’annulation du jugement entrepris et en tirer toutes conséquences,
condamner la société Banque Postale à lui payer la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
condamner la société Banque Postale en tous les dépens.
Par conclusions notifiées le 24 janvier 2023, la société Banque Postale, demande à la cour de :
débouter Mme [C] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
condamner Mme [C] à lui payer la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
condamner Mme [C] aux entiers dépens.
MOTIFS
À l’appui de sa demande d’annulation du jugement entrepris, l’appelante fait valoir que le juge de l’exécution n’a pas respecté le principe du contradictoire, posé à l’article 16 du code de procédure civile, en retenant l’affaire malgré la demande de renvoi formulée par son avocat, lequel venait de se constituer, sans qu’elle ait pu faire connaître ses moyens ; que bien plus, le juge n’a pas motivé le rejet de sa demande de renvoi, en violation de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, imposant le respect du droit à un procès équitable mais aussi à l’assistance d’un avocat, enfin du droit de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense.
Elle critique l’ordonnance du premier président de la cour d’appel du 18 janvier 2023 qui a retenu à tort que le principe du contradictoire avait été respecté par le juge de l’exécution, et que celui-ci n’était pas tenu de motiver le refus de la demande de renvoi en l’absence de la partie et de son avocat pour soutenir la demande de renvoi.
Elle conclut qu’elle a ainsi été privée de la possibilité de contester la régularité et l’opportunité de la déchéance du terme et la régularité subséquente du commandement de payer valant saisie, moyens qu’elle sait ne plus pouvoir soulever à hauteur d’appel.
En réplique, la société Banque Postale conteste que le juge de l’exécution ait commis une quelconque violation du principe du contradictoire. Elle explique que Mme [C] a été régulièrement citée le 2 février 2022 pour l’audience d’orientation du 10 mars suivant ; que s’étant présentée à cette audience représentée par un avocat parisien, l’affaire a fait l’objet d’un renvoi relativement lointain au 23 juin suivant, pour qu’elle constitue un avocat du barreau du Val-de-Marne. Le jour même de cette audience de renvoi, un avocat s’est constitué pour Mme [C] en sollicitant un renvoi, mais sans qu’aucun des deux, ni l’intéressée ni son avocat, ne se soit présenté à l’audience pour soutenir sa demande de renvoi. Quant à la prétendue absence de motivation du rejet de la demande de renvoi, elle rappelle que la décision d’accorder ou refuser un renvoi est une mesure d’administration judiciaire, qui n’a pas à être motivée et n’est susceptible d’aucun recours conformément à l’article 537 du code de procédure civile ; que ces éléments ont été relevés par le premier président de la cour dans son ordonnance du 18 janvier 2023, rejetant la demande de sursis à exécution.
Aux termes de l’article 3 du code de procédure civile, le juge veille au bon déroulement de l’instance ; il a le pouvoir d’impartir des délais et d’ordonner les mesures nécessaires. L’article 537 du même code prévoit que les mesures d’administration judiciaire ne sont sujettes à aucun recours.
L’article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme pose le principe du droit à un procès équitable et, en vue du respect de ce droit, du droit de bénéficier de l’assistance d’un avocat, de disposer du temps et des moyens nécessaires à la préparation de sa défense, mais aussi du droit à voir rendre la justice dans un délai raisonnable.
Il résulte de la combinaison de ces dispositions que la faculté pour le juge d’ordonner le renvoi de l’affaire à une audience ultérieure constitue une mesure d’administration judiciaire non susceptible de recours, relevant d’un pouvoir discrétionnaire conciliant la nécessité de veiller au bon déroulement de l’instance avec le traitement de l’affaire dans un délai raisonnable.
En l’espèce, il convient de rappeler que Mme [C] a été assignée, par acte d’huissier du 2 février 2022, à l’audience d’orientation du 10 mars suivant ; qu’à cette audience, le juge de l’exécution constatant qu’elle était assistée par un avocat parisien n’étant pas habilité à la représenter devant la juridiction de Créteil, a renvoyé l’affaire à l’audience du 23 juin suivant pour lui permettre de constituer un avocat du Val-de-Marne. Ce faisant, il lui a octroyé un renvoi de trois mois et demi, particulièrement lointain eu égard à la matière des saisies immobilières. Il y a lieu de relever encore qu’à cette audience du 23 juin 2022, l’avocat de Mme [C] a adressé un acte de constitution du jour même, indiquant que sa cliente avait pris contact avec lui la veille de l’audience, et que lui-même sollicitait le renvoi, étant retenu à une audience devant une autre juridiction ce jour-là.
Il ressort de cette chronologie que Mme [C] a disposé d’un temps tout à fait suffisant pour bénéficier de l’assistance d’un avocat et pour préparer sa défense, ce d’autant plus que, la procédure devant le juge de l’exécution en matière de saisie immobilière étant écrite, il était parfaitement loisible à Maître [P], finalement constitué pour Mme [C], de faire parvenir ses conclusions devant le juge de l’exécution pour la date de l’audience, n’étant pas tenu d’y être présent et ainsi que son avocat le fait devant la cour. Si Mme [C] n’a pris contact avec cet avocat que la veille de l’audience, elle a fait preuve d’une diligence insuffisante, étant rappelé qu’elle avait été assignée le 2 février 2022. Elle ne saurait prétendre à une violation du principe de la contradiction du seul fait que le juge a mis l’affaire en délibéré, ce d’autant moins que, à cette audience du 23 juin 2022, le juge de l’exécution a soulevé d’office, au bénéfice de la débitrice, de multiples moyens, décrits à l’exposé du litige du présent arrêt et tirés des dispositions du code de la consommation. Puis, dans son jugement et par application de ces dispositions, il a vérifié que la créance n’était pas prescrite au regard de l’article L. 218-2 du code de la consommation, que la société Banque Postale justifiait avoir communiqué la notice d’information sur l’assurance, que la société Banque Postale pouvait se prévaloir d’une créance liquide et exigible, la déchéance du terme ayant été régulièrement prononcée à la suite d’une lettre recommandée du 20 août 2021, avec avis de réception signé par Mme [C] le 1er septembre 2021 ; qu’enfin et surtout, il a appliqué la déchéance totale du droit du créancier aux intérêts et réduit le montant de la créance alléguée par le créancier poursuivant de 229.608,69 euros, outre intérêts au taux légal majoré, à 217.651,21 euros, outre intérêts au taux légal non majoré.
Ainsi les dispositions de l’article 16 du code de procédure civile et de l’article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme ont-elles été parfaitement respectées par le premier juge. En outre, contrairement à ce que soutient l’appelante qui invoque une jurisprudence émanant de la chambre criminelle de la Cour de cassation, le second de ces textes n’impose nullement au juge civil de motiver le rejet d’une demande de renvoi, qui est une mesure d’administration judiciaire comme rappelé supra, et alors que les circonstances ci-dessus décrites faisaient apparaître avec évidence que le juge n’était pas tenu de faire droit à une demande de second renvoi, alors qu’un renvoi lointain avait déjà été accordé une première fois.
Il n’y a donc pas lieu à annulation du jugement entrepris, étant observé que la nullité du jugement est la seule prétention présentée par Mme [C] devant la cour, hormis ses demandes accessoires.
Sur les autres demandes
L’issue du litige commande de condamner l’appelante, qui succombe en ses prétentions, aux dépens d’appel, ainsi qu’au paiement d’une indemnité de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Dit n’y avoir lieu à annulation du jugement entrepris ;
Condamne Mme [R] [D] [C] à payer à la Sa Banque Postale la somme de 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [R] [D] [C] aux dépens d’appel.
Le greffier, Le président,