Nullité de contrat : 2 mars 2023 Cour d’appel de Limoges RG n° 22/00270

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Nullité de contrat : 2 mars 2023 Cour d’appel de Limoges RG n° 22/00270

ARRET N° 80

N° RG 22/00270 – N° Portalis DBV6-V-B7G-BIKHE

N° RG 22/291 (joint)

AFFAIRE :

S.A.S. FRANCE ECO ENERGY

S.A. COFIDIS

C/

M. [N] [Y],

S.A. COFIDIS

S.A.S. FRANCE ECO ENERGY

GS/LM

Prêt – Demande en nullité du contrat ou d’une clause du contrat

Grosse délivrée aux avocats

COUR D’APPEL DE LIMOGES

Chambre civile

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ARRET DU 02 MARS 2023

—===oOo===—

Le DEUX MARS DEUX MILLE VINGT TROIS la chambre civile a rendu l’arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe :

ENTRE :

S.A.S. FRANCE ECO ENERGY, demeurant [Adresse 5]

représentée par Me Emmanuel RAYNAL de la SELARL RAYNAL-DASSE, avocat au barreau de LIMOGES

S.A. COFIDIS, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Laetititia DAURIAC de la SELARL DAURIAC et Associés, avocat au barreau de LIMOGES

APPELANTES d’une décision rendue le 21 MARS 2022 par le TRIBUNAL JUDICIAIRE DE TULLE

ET :

Monsieur [N] [Y]

né le [Date naissance 1] 1952 à [Localité 3], demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Audrey PASCAL, avocat au barreau de LIMOGES

S.A.S. FRANCE ECO ENERGY, demeurant [Adresse 5]

représentée par Me Emmanuel RAYNAL de la SELARL RAYNAL-DASSE, avocat au barreau de LIMOGES

S.A. COFIDIS, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Laetititia DAURIAC de la SELARL DAURIAC et Associés, avocat au barreau de LIMOGES

INTIMES

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Suivant avis de fixation du Président de chambre chargé de la mise en état, l’affaire a été fixée à l’audience du 05 Janvier 2023. L’ordonnance de clôture a été rendue le 23 novembre 2022.

La Cour étant composée de Mme Corinne BALIAN, Présidente de chambre, de Monsieur Gérard SOURY et de Madame Marie-Christine SEGUIN, Conseillers, assistés de Mme Mandana SAFI, Greffier. A cette audience, Monsieur Gérard SOURY, Conseiller, a été entendu en son rapport oral, les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.

Puis Mme Corinne BALIAN, Présidente de chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 02 Mars 2023 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.

—==oO§Oo==—

LA COUR

FAITS et PROCÉDURE

Le 19 novembre 2018, M. [N] [Y] a conclu avec la société France eco Energy (le vendeur) un contrat portant sur la vente et l’installation d’une centrale photovoltaïque et d’un chauffe-eau thermodynamique, le prix étant financé par un crédit affecté de 26 500 euros souscrit le même jour auprès de Projexio, filiale de la société Cofidis (la banque).

Déçu par les performances de l’installation, M. [Y] a assigné, par actes des 17 et 22 avril 2020, le vendeur et la banque devant le tribunal judiciaire de Tulle pour voir:

– prononcer l’annulation de la vente pour violation des dispositions d’ordre public du code de la consommation, et par voie de conséquence, celle du crédit affecté,

– condamner la banque à lui restituer les sommes versées,

– constater la faute de la banque qui a négligé de vérifier la régularité du bon de commande et la conformité de l’installation.

Par jugement du 21 mars 2022, le tribunal judiciaire a accueilli les demandes de M. [Y].

Le vendeur et la banque, par déclarations d’appel distinctes, ont relevé appel de ce jugement.

MOYENS et PRÉTENTIONS

Le vendeur conclut à l’absence de nullité des contrats, lesquels ont parfaitement été exécutés et respectent les dispositions du code de la consommation et qu’en tout état de cause les irrégularités formelles alléguées ont été couvertes par l’exécution volontaire de M. [Y], dont le consentement n’a pas été obtenu par suite de manoeuvres frauduleuses.

La banque demande la confirmation du jugement, mais uniquement en ce qu’il a retenu la nullité des contrats, et sollicite en conséquence de cette nullité, la condamnation de M. [Y] à lui rembourser le montant du capital prêté, ce dernier ne justifiant d’aucun préjudice imputable aux fautes qu’elle aurait commises dans la libération des fonds. Elle conclut également à la condamnation du vendeur à la garantir de toutes condamnations qui pourraient être mises à sa charge.

Subsidiairement, si M. [Y] était dispensé de lui rembourser le montant du capital prêté, elle demande la condamnation du vendeur à lui payer la somme de 32 662,51 euros, ou subsidiairement la somme de 26 500 euros.

M. [Y] conclut à la confirmation du jugement, sauf à majorer le montant des sommes devant lui être restituées par la banque au titre des mensualités déjà payées.

Subsidiairement, il sollicite la condamnation du vendeur à lui rembourser le montant du capital emprunté, ainsi qu’à récupérer l’installation et le ballon thermo-dynamique vendus, à charge pour ce dernier de remettre les lieux dans leur état antérieur, à ses frais exclusifs, dans un délai de douze mois.

MOTIFS

Sur la nullité des contrats.

C’est par une exacte appréciation des mentions du bon de commande que le premier juge a considéré que le document contractuel était nul faute de satisfaire aux exigences des articles L 111-1 et L 221-5 du code de la consommation, dans leur version applicable au litige, dès lors que :

* les seules références à ‘la fourniture et la pose de capteurs solaires 10 panneaux 300 wc’, aux ‘coffrets de protection AC/DC’, au ‘système de pilotage intelligent des consommations électriques’ et au ‘chauffe-eau sanitaire thermo-dynamique, 250 litres’, sans aucune autre indication, n’apportent pas de précisions suffisantes sur les caractéristiques essentielles des biens achetés, cette irrégularité formelle ne pouvant être supplée par la remise à l’acheteur, non justifiée en l’espèce, de notices techniques relatives aux équipements,

* l’identité complète (nom et prénom) du conseiller à la vente n’a pas été renseignée dans la rubrique dédiée à cet effet, seul un nom difficilement lisible étant apparent au-dessus d’une signature,

* aucun prix n’est fourni pour les équipements achetés, seul le montant de l’emprunt étant renseigné, caractérisant l’impossibilité pour l’acheteur de consentir sur le prix des biens acquis.

La circonstance que le contrat de vente a été exécuté par la livraison et l’installation du matériel au domicile de M. [Y], qui n’a pas la qualité de consommateur averti, ne suffit pas à caractériser une volonté claire et non équivoque de ce dernier de couvrir les irrégularités affectant ce contrat, irrégularités dont il n’est pas démontré qu’il ait eu conscience.

Il s’ensuit que le jugement sera confirmé en ce qu’il a déclaré nul le contrat de vente et d’installation de la centrale photovoltaïque et du chauffe-eau thermodynamique.

C’est à juste titre que le tribunal judiciaire, sur le fondement des dispositions de l’article L 312-55 du code de la consommation, a prononcé la nullité du contrat de crédit affecté par voie de conséquence de la nullité du contrat principal, ce que la banque ne conteste pas.

Sur les restitutions.

La nullité des contrats de vente et de crédit affecté emporte de plein droit l’obligation de remettre les parties dans l’état où elles se trouvaient antérieurement. En conséquence, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu’il a :

– dit que M. [Y] doit tenir l’installation photovoltaïque et le ballon thermodynamique à disposition du vendeur pendant une durée d’un an, à charge pour ce dernier de déposer ou faire déposer ces équipements et de remettre la toiture en état, à ses frais ;

– condamné la banque à rembourser à M. [Y] le montant total des échéances du prêt déjà payées, soit la somme, actualisée au 5 avril 2022 et non contestée, de 8 706,56 euros.

L’annulation du contrat de crédit ouvre droit au remboursement au profit de la banque du capital prêté, qui a été versé entre les mains de la société venderesse, sauf si cet établissement de crédit a manqué à ses obligations et qu’il en est résulté un préjudice pour l’emprunteur.

Si la banque reconnaît avoir manqué à son obligation de vérification en acceptant de délivrer les fonds sur la base d’un bon de commande affecté d’irrégularités formelles, ce qui a justifié son annulation, elle conteste tout préjudice découlant de cette faute pour M. [Y].

En raison du manquement reconnu par la banque dans la délivrance des fonds, M. [Y], emprunteur non averti, n’a pas été informé de l’existence des irrégularités affectant le bon de commande, et a été de ce fait privé de la possibilité de mettre un terme à l’opération financée avant la délivrance des fonds.

En tout état de cause, M. [Y] n’a jamais été destinataire des fonds empruntés, directement versés entre les mains du vendeur, et s’il a été livré de l’installation photovoltaïque, il doit la tenir à disposition de ce dernier.

En conséquence, le manquement de la banque est à l’origine d’un préjudice pour M. [Y] justifiant que cette dernière soit privée de son droit à remboursement. Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

Sur le recours formé par la banque à l’encontre du vendeur.

Il ressort de l’article 3 de la convention de crédit vendeur signée le 10 mars 2017 entre le vendeur et la banque que cette dernière s’engage notamment à ‘remettre au vendeur des formulaires de documents pré-contractuels et contractuels, le Vendeur étant mandaté par COFIDIS pour les compléter et les soumettre à l’acceptation des clients’.

En fournissant au vendeur, qui n’est pas un professionnel du droit, un imprimé modèle de bon de commande insuffisamment précis pour permettre un descriptif des caractéristiques essentielles des biens achetés répondant aux prescriptions légales, ce qui a justifié son annulation, et en manquant à son obligation de vérification du bon de commande avant de procéder à la libération des fonds alors qu’elle dispose d’un service juridique spécialisé, la banque a commis des fautes qui sont à l’origine exclusive de son propre préjudice.

En conséquence, il y a lieu de rejeter la demande de condamnation formée par la banque à l’encontre du vendeur.

PAR CES MOTIFS

La cour d’appel statuant en audience publique, rendu contradictoirement, par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

ORDONNE la jonction entre les affaires enregistrées sous le n° RG 22/00270 et sous le n° RG 22/00291 ;

CONFIRME le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Tulle le 21 mars 2022 sauf à porter à 8 706,56 euros (au lieu de 6 257,84 euros) le montant des sommes dues par la société Cofidis à M. [N] [Y] en remboursement des échéances déjà payées au titre du prêt,

CONDAMNE in solidum la société Cofidis et la société France Eco Energy à payer à M. [N] [Y] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum la société Cofidis et la société France Eco Energy aux dépens.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Line MALLEVERGNE. Corinne BALIAN.

 


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