Nullité de contrat : 2 mars 2023 Cour d’appel de Chambéry RG n° 21/00379

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Nullité de contrat : 2 mars 2023 Cour d’appel de Chambéry RG n° 21/00379

COUR D’APPEL de CHAMBÉRY

2ème Chambre

Arrêt du Jeudi 02 Mars 2023

N° RG 21/00379 – N° Portalis DBVY-V-B7F-GUED

Décision déférée à la Cour : Jugement du Juge des contentieux de la protection d’ANNECY en date du 18 Décembre 2020, RG 1120000136

Appelante

Mme [C] [L]

née le [Date naissance 3] 1979, demeurant [Adresse 2]

Représentée par Me Stéphany MARIN PACHE, avocat au barreau d’ANNECY

Intimée

S.A. BANQUE POSTALE CONSUMER FINANCE anciennement dénommée SA BANQUE POSTALE FINANCEMENT, dont le siège social est sis [Adresse 1] – prise en la personne de son représentant légal

Représentée par la SELARL EUROPA AVOCATS, avocat postulant au barreau de CHAMBERY et la SELARL LEXWAY, avocat plaidant au barreau de GRENOBLE

-=-=-=-=-=-=-=-=-

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l’audience publique des débats, tenue le 03 janvier 2023 avec l’assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière,

Et lors du délibéré, par :

– Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente

– Monsieur Edouard THEROLLE, Conseiller,

– Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller,

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EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 4 août 2011, la société Banque Postale Financement, devenue la société Banque Postale Consumer Finance, a consenti à Mme [C] [L] un prêt à la consommation de 14 095 euros remboursable en 84 mois au taux débiteur fixe de 6,50 % l’an.

Par avenant du 23 janvier 2013, le montant des mensualités a été ramené à 143,17 euros pour une durée de 125 mois à compter du 10 mars 2013. Le taux d’intérêt demeurait inchangé.

Mme [C] [L] a cessé de payer les mensualités à compter de l’été 2017. Par courrier recommandé en date du 16 janvier 2018, distribué le18 janvier 2018, elle a été mise en demeure d’apurer l’arriéré pour un montant de 1 104,90 euros, sous peine de déchéance du terme.

Le 30 janvier 2018, la déchéance du terme a été prononcée.

Depuis lors, Mme [C] [L] réalise mensuellement des versements auprès de l’étude chargée du recouvrement de sa créance.

Par acte du 10 février 2020, Mme [C] [L] a assigné la société Banque Postale Consumer Finance aux fins de prononcer la déchéance du droit aux intérêts contractuels et légaux, d’annuler la déchéance du prêt, d’ordonner le remboursement des frais bancaires et d’huissier occasionnés par la déchéance à hauteur de 2 606,89 euros et de condamner la banque au paiement de plusieurs sommes.

Par jugement avant dire droit du 7 septembre 2020, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire d’Annecy a soulevé la question de la forclusion de l’action en paiement ainsi que différents motifs de déchéance du droit aux intérêts, notamment l’absence de production de la fiche d’informations précontractuelles et l’absence de vérification de la solvabilité de l’emprunteur.

Par décision réputée contradictoire du 18 décembre 2020, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire d’Annecy a :

– constaté la carence probatoire de Mme [C] [L],

– rejeté en conséquence l’ensemble de ses demandes,

– condamné Mme [C] [L] aux dépens.

Par déclaration du 19 février 2021, Mme [C] [L] a interjeté appel de la décision.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 15 novembre 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, Mme [C] [L] demande à la cour de :

– réformer la décision entreprise en ce qu’elle a constaté la constaté sa carence probatoire et rejeté toutes ses demandes,

– prononcer la déchéance du droit aux intérêts contractuels et légaux,

– annuler la déchéance du terme du prêt,

– ordonner le remboursement des frais bancaires et d’huissier occasionnés par la déchéance du terme abusive à hauteur de 3 132,83 euros,

– ordonner le remboursement des frais de remboursement anticipé du crédit soit 3 471,63 euros,

– condamner la banque à verser 6 000 euros de dommages et intérêts,

– condamner la banque à verser 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– rejeter toutes les demandes reconventionnelles de la banque,

– condamner la banque aux dépens.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 22 décembre 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, la société Banque Postale Consumer Finance demande à la cour de :

– juger l’appel de Mme [C] [L] recevable mais non-fondé,

– confirmer la décision entreprise en ce qu’elle déboute Mme [C] [L] de toutes ses prétentions,

– débouter Mme [C] [L] de l’intégralité de ses demandes et prétentions,

– condamner Mme [C] [L] au paiement d’une somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 5 décembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la régularité de l’offre

Mme [C] [L] expose que la banque ne démontre pas que son offre de prêt comporte toutes les mentions obligatoires. Toutefois, elle ne précise pas quelles mentions obligatoires auraient été omises par la banque dans son offre. Cependant, Mme [C] [L] expose que les mentions obligatoires devant figurer dans l’offre ne sont pas présentées de manière claire et lisible.

Selon l’article R. 311-5 du code de la consommation, dans sa version applicable au contrat litigieux, le contrat de crédit prévu à l’article L. 311-18 est rédigé en caractères dont la hauteur ne peut être inférieure à celle du corps huit. Il convient donc de vérifier la mesure d’un paragraphe sans interligne, en millimètres, du haut d’une lettre montante au bas d’une lettre descendante, en divisant la hauteur par le nombre de lignes. Le coefficient obtenu doit être au moins égal à trois millimètres.

En l’espèce, que ce soit sur la version versée par la banque ou sur celle fournie par l’emprunteuse, il découle de la mesure du paragraphe IV 1 du contrat (pièce n°1) que le coefficient obtenu est de 2,73 millimètres de sorte que les caractères du contrat litigieux ne respectent pas les prescriptions afférentes au corps huit d’imprimerie.

L’article L. 311-48 du code de la consommation, dans sa version applicable au contrat litigieux précise que le prêteur qui remet à l’emprunteur un contrat qui ne respecte pas les prescriptions de l’article L. 311-18 est déchu de son droit aux intérêts. Dans ce cas, le texte ajoute que l’emprunteur n’est tenu qu’au seul remboursement du capital suivant l’échéancier prévu, ainsi que, le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n’a pas été déchu. Les sommes perçues au titre des intérêts, qui sont productives d’intérêts au taux de l’intérêt légal à compter du jour de leur versement, sont restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû.

Toutefois, Mme [C] [L] ne formule, dans le dispositif de ses conclusions, aucune demande quant au remboursement des intérêts payés.

Dans la mesure où un des éléments soulevés permet de prononcer la déchéance du droit aux intérêts, il n’est pas nécessaire d’examiner les autres moyens pouvant y conduire.

Sur le déblocage des fonds avant le 7ème jour

L’article L. 311-14 du code de la consommation dans sa version applicable au contrat litigieux précise que pendant un délai de sept jours à compter de l’acceptation du contrat par l’emprunteur, aucun paiement, sous quelque forme et à quelque titre que ce soit, ne peut être fait par le prêteur à l’emprunteur ou pour le compte de celui-ci, ni par l’emprunteur au prêteur. Pendant ce même délai, l’emprunteur ne peut non plus faire, au titre de l’opération en cause, aucun dépôt au profit du prêteur ou pour le compte de celui-ci. Si une autorisation du prélèvement sur son compte bancaire est signée par l’emprunteur, sa validité et sa prise d’effet sont subordonnées à celles du contrat de crédit.

La jurisprudence sanctionne, sur le fondement de l’article 6 du code civil, le non respect de cette obligation par la nullité du contrat.

La cour observe que si la question du déblocage des fonds avant le 7ème jour est posée par l’emprunteuse, elle n’en tire aucune conséquence dans le dispositif de ses conclusions. Au demeurant, il résulte du décompte de la banque (pièce 14) que les fonds ont été débloqués le 18 août 2011 alors que l’offre avait été acceptée le 4 août 2011. La débitrice ayant expressément demandé à ce que l’argent soit débloqué au 8ème jour, aucune nullité du contrat n’est ici encourue. Le moyen soulevé n’était donc pas fondé.

Sur la forclusion

La cour observe qu’à la supposer acquise, la forclusion permettrait à Mme [C] [L] de s’opposer à une demande en paiement de la banque. Or celle-ci n’en formule aucune. La question se trouve donc sans objet.

Sur le manquement à l’obligation de mise en garde

Mme [C] [L] expose qu’elle n’a jamais fait l’objet d’une étude personnalisée de sa situation financière et que l’établissement de crédit n’a jamais formé aucun conseil dans la gestion de son budget et a préféré octroyer un crédit pour satisfaire des besoins personnels.

Il résulte cependant des pièces versées aux débats que Mme [C] [L] a remis à la société Banque Postale Consumer Finance une fiche d’information sur ses revenus et charges (pièce n°5). Il en ressort qu’elle déclare des revenus mensuels à hauteur de 1 945 euros et des charges mensuelles de 248 euros. Elle déclare également être débitrice de plusieurs prêts envers différents établissements bancaires, le total des mensualité étant de 483,10 euros. Or le crédit litigieux constituait une opération dite de regroupement de crédits permettant de faire diminuer la charge mensuelle des remboursements de crédit en la faisant passer initialement à 218,11euros par mois. La société Banque Postale Consumer Finance a vérifié les ressources annoncées à l’aide des bulletins de paie versés.

En droit, si le banquier dispensateur de crédit est tenu d’un devoir de mise en garde, sa responsabilité peut être engagée pour manquement à ce devoir si l’engagement du débiteur n’est pas adapté soit à ses capacités financières, soit au risque d’endettement excessif né de l’octroi du prêt. Or il résulte de ce qui précède que le prêt, permettant à Mme [C] [L] de diminuer ses charges mensuelles était parfaitement adapté à ses capacités financières, aucun risque d’endettement n’étant en l’espèce ni prévisible ni établi.

Sur le manquement à l’obligation d’information en matière d’assurance

Mme [C] [L] explique avoir valablement cru souscrire une bonne assurance qui couvrait les risques d’arrêts de travail mais qu’il s’avère que la banque ne l’a pas valablement informée sur les garanties de l’assurance. Elle se plaint de ce que cette assurance ne couvrait pas la garantie perte d’emploi et l’invalidité partielle. Elle estime que, dès lors que le banquier savait que sa cliente empruntait à la suite de l’adoption de deux enfants et qu’il aurait dû lui conseiller de prendre une assurance plus complète.

La cour observe qu’il résulte de la ‘fiche conseil assurance’ (pièce banque n°3) signée par Mme [C] [L], qu’au regard de sa situation il lui était préconisé de souscrire une assurance  »décès invalidité’ et ‘perte d’emploi’. Pour autant elle a restreint le choix de son assurance au seule item ‘décès invalidité’ et l’a nécessairement fait en connaissance de cause (la fiche d’information est particulièrement claire à ce sujet) et après avoir pris connaissances des préconisations de la banque. Elle ne justifie pas avoir communiqué à la banque des besoins spécifiques en terme d’assurance. Le fait d’avoir adopté deux enfants ne constitue pas l’expression d’un tel besoin particulier.

Aucun manquement de la banque à ses obligations en la matière ne peut donc être relevé.

Sur le non respect de l’obligation d’information pendant l’exécution du contrat

Mme [C] [L] se plaint du fait que la banque n’aurait pas transmis à l’assureur les arrêts de travail qu’elle lui a donné et qui aurait permis le déclenchement de la couverture en cas d’ITT après un délai de carence de 90 jours. Pour autant elle verse aux débats un courrier du 19 avril 2018 de la société Banque Postale Consumer Finance indiquant un accord de prise en charge par l’assurance des mensualités courant du 30 juillet 2017 au 10 octobre 2017, la somme concernée ayant été déduite des impayés (pièce emprunteuse n°11). Il en résulte que, nécessairement, les documents ont bien été transmis. Par ailleurs, par courrier du 13 décembre 2017 (pièce emprunteuse n°4), la banque, ‘récemment informée’ d’un arrêt de travail a sollicité un certain nombre de pièces justificatives et demandé à l’intéressée d’honorer les mensualités tant qu’une décision de l’assureur n’aura pas été prise. Mme [C] [L] ne peut donc pas prétendre avoir été prise au dépourvu.

Sur la nullité de la déchéance du terme

La cour note que le contrat litigieux prévoit qu’en cas de défaillance de l’emprunteur la banque pourra demander le remboursement immédiat des sommes dues, sans autre formalité. Alors même qu’aucune mise en demeure préalable n’est prévue et que Mme [C] [L] se plaint de ne pas en avoir reçu, elle produit elle-même une mise en demeure datée du 16 janvier 2018 indiquant qu’à défaut de paiement des mensualités impayées pour la somme de 1 002,19 avant le 31 janvier 2018, la déchéance du terme serait prononcée (pièce n°6). Tel a été le cas par courrier en date du 30 janvier 2018 (pièce emprunteur n°8). Par ailleurs, Mme [C] [L] ne peut pas à bon droit affirmer que la société Banque Postale Consumer Finance a continué à demander le règlement des échéances après la déchéance du terme. En effet sa pièce n°9 indique qu’un huissier a été saisi pour recouvrer la totalité de la dette. Si elle a effectué des paiements c’est donc nécessairement dans ce cadre et pour diminuer le montant de la somme due. Enfin s’agissant de la couverture éventuelle par l’assureur des échéances impayées, la cour observe au regard du contrat, qu’une telle couverture ne débute qu’au 91ème jour suivant la date d’interruption de travail. Or, en janvier 2018 il y avait déjà 7 mensualités impayées dont 4 seulement auraient été potentiellement prises en charge. Au surplus, Mme [C] [L] ne précise pas l’entendue des indemnités journalières qu’elle a pu percevoir pendant ses arrêts maladie pour compenser la perte de salaire lui permettant de face à ses échéances dans l’attente de la décision de l’assureur.

Il résulte de ce qui précède que la déchéance du terme a été régulièrement prononcée en l’espèce.

Sur la demande de remboursement des frais de remboursement anticipé des frais bancaires et des frais d’huissier occasionnés par la déchéance du terme

Dans la mesure où il a été jugé ci-dessus que la déchéance du terme est régulière, les demandes de Mme [C] [L] ne peuvent pas prospérer. Elle en sera donc déboutée.

Sur la demande de dommages et intérêts

Il résulte de ce qui précède qu’aucune faute ne peut être imputée à la banque dans l’exécution du contrat. En conséquence, Mme [C] [L] sera déboutée de dommages et intérêts.

Sur les dépens et les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Mme [C] [L] qui succombe sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel. Elle sera corrélativement déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile comme n’en remplissant pas les conditions d’octroi.

Aucune considération d’équité ne permet de faire supporter par Mme [C] [L] tout ou partie des frais irrépétibles non compris dans les dépens exposés par la société Banque Postale Consumer Finance. Elle sera déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par décision contradictoire,

Confirme le jugement déféré en ce qu’il a débouté Mme [C] [L] de l’ensemble de ses demandes et en ce qu’il l’a condamné aux dépens,

Y ajoutant,

Prononce la déchéance du droit aux intérêts du contrat de prêt conclu le 4 août 2018 entre la société Banque Postale Consumer Finance et Mme [C] [L], tel que modifié par avenant du 23 janvier 2013,

Condamne Mme [C] [L] aux dépens d’appel,

Déboute Mme [C] [L] et la société Banque Postale Consumer Finance de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Ainsi prononcé publiquement le 02 mars 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.

La Greffière La Présidente

 


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