COUR D’APPEL DE BORDEAUX
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
————————–
ARRÊT DU : 02 MARS 2023
F N° RG 19/04484 – N° Portalis DBVJ-V-B7D-LFZY
Association GIRONDINS DE BORDEAUX OMNISPORTS
c/
SAS BECI
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 30 juillet 2019 – 7èME chambre – (R.G. 18/08015) par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d’appel du 06 août 2019
APPELANTE :
Association GIRONDINS DE BORDEAUX OMNISPORTS
demeurant [Adresse 6]
Représentée par Me Anne CADIOT de la SELARL CADIOT-FEIDT, avocat au barreau de BORDEAUX
Assistée par Me Bernard CADIOT de la SELARL CADIOT-FEIDT, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉE :
SAS BECI prise en la personne de son représentant légal domicilié en
cette qualité audit siège
demeurant [Adresse 1]
Représentée par Me Philippe LECONTE de la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX
Assistée par Me RAIMBERT Benoit, avocat au barreau de PARIS,
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 17 janvier 2023 en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Paule POIREL, Président,
Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller,
Monsieur Rémi FIGEROU, Conseiller,
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Clara DEBOT
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE :
Aux termes d’un ‘protocole d’accord’ du 29 novembre 2016, l’association Girondins de Bordeaux Omnisports ( L’association) et la SAS Beci acceptaient réciproquement le principe de la cession par la première au profit de la seconde, sous différentes conditions dont la réalisation d’un projet d’aménagement et de construction, de quatre parcelles situées à [Localité 8], cadastrées section [Cadastre 4], [Cadastre 2] et [Cadastre 3] et [Localité 7], cadastrée section [Cadastre 5], pour une superficie totale de 28 000 m².
La valorisation globale de ces terrains était chiffrée par ce protocole à la somme de 1 000 000 euros.
Il prévoyait le versement immédiat par l’acquéreur d’un acompte de 200 000 euros et celui-ci s’engageait en outre à effectuer, à titre de paiement partiel du prix, différents travaux non encore précisément définis sur le Club House de l’association, la SAS Beci projetant également la construction d’un hôtel de 150 chambres sur la parcelle [Cadastre 4] et d’un bâtiment à usage de bureaux et de commerces de 1 000 m² au sol.
L’association conservait quant à elle la charge du réaménagement des parkings devant le Club House et de l’espace vert central destiné à une utilisation partagée tout en assurant le dépôt des demandes de permis de construire et d’autorisations d’urbanisme, y compris commercial, nécessaires au projet, lesquelles devaient faire l’objet d’un avenant technique entre les parties.
L’acte authentique de vente devait intervenir au plus tard le 31 décembre 2017.
Le 16 décembre 2016, une révision du plan local d’urbanisme a modifié le classement administratif d’une partie des terrains objet des conventions susvisées en autorisant les projets d’initiative privée et l’association a alors sollicité la renégociation du prix de vente, tout en contestant le coût de l’aménagement de la partie des parkings restant à sa charge.
Un avenant du 3 novembre 2017 subordonnait la vente à l’obtention de l’autorisation d’urbanisme sur l’ensemble du projet, l’acte intervenant au plus tard dans les six mois, les dépôts des demandes de permis de construire par l’association devant être effectifs au plus tard le 30 juin 2018. Il était également stipulé que les travaux de restructuration du Club House ne devaient pas dépasser un coût de 200 000 euros.
Aucun acte constatant la cession des terrains n’est intervenu.
Par acte du 14 mai 2018 la SAS Beci a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Bordeaux d’une demande d’exécution forcée des termes du protocole du 29 novembre 2016 relatifs à la parcelle [Cadastre 4].
Par ordonnance du 25 juin 2018, le juge des référés rejetait la demande au motif que la réalisation des accords entre les parties nécessitait la conclusion préalable d’un avenant technique portant sur les différents projets, et notamment sur l’aménagement de l’espace vert central, qui devait rester à la charge de l’association et qu’en l’absence d’élément permettant de définir les caractéristiques techniques de cet aménagement, les obligations de l’association n’étaient pas clairement et objectivement établies de telle sorte que son refus du projet d’aménagement proposé par la société Beci constituait une contestation sérieuse sans être caractéristique d’un trouble manifestement illicite.
Par arrêt confirmatif du 4 juin 2019 statuant sur appel de la SAS Beci qui avait modifié ses demandes en soutenant désormais une prétention indemnitaire en demandant la constatation de la résiliation du protocole à l’initiative de l’association, la cour d’appel de Bordeaux a débouté l’appelante en raison de l’existence d’une contestation sérieuse résultant de l’absence d’avenant technique.
Par acte du 6 septembre 2018, l’association Girondins de Bordeaux Omnisports a saisi le tribunal de grande instance de Bordeaux d’une action au fond dirigée contre la SAS Beci aux fins d’annulation du protocole du 29 novembre 2016 en raison du déséquilibre financier l’affectant à son détriment et paiement de la somme indemnitaire de 100 000 euros.
Par jugement du 30 juillet 2019, le tribunal de grande instance de Bordeaux a :
– ordonné la révocation de l’ordonnance de clôture et prononcé une nouvelle ordonnance de clôture au 4 juin 2019, après réouverture des débats,
– débouté l’association Girondins de Bordeaux Omnisports de sa demande d’annulation du protocole conclu le 29 novembre 2016 ainsi que son avenant du 3 novembre 2017,
– donné acte à l’association Girondins de Bordeaux Omnisports de la restitution de la somme de 200 000 euros versée par la SAS Beci le 29 novembre 2016,
– débouté l’association Girondins de Bordeaux Omnisports de sa demande de dommages et intérêts,
– condamné l’association Girondins de Bordeaux Omnisports à payer à la SAS Beci la somme de 318 138,47 euros à titre d’indemnité conventionnelle,
– débouté la SAS Beci de sa demande de dommages et intérêts complémentaires,
– autorisé la SAS Beci à inscrire au service de publicité foncière compétent son droit de préférence portant sur les terrains 1 et 2 à son bénéfice,
– condamné l’association Girondins de Bordeaux Omnisports à payer à la SAS Beci la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles,
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire du présent jugement,
– condamné l’association Girondins de Bordeaux Omnisports aux dépens, le recouvrement s’effectuant conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
L’association Girondins de Bordeaux Omnisports a relevé appel du jugement le 6 août 2019.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 15 décembre 2022, l’association Girondins de Bordeaux Omnisports sollicite l’entière réformation du jugement attaqué et demande à la cour sur le fondement des articles 1106, 1107, 1169, 1582, 1591, 1240 du code civil et les articles 15, 16 et 232 du code de procédure civile :
– d’infirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions,
– de déclarer la demande de l’association des Girondins de Bordeaux Omnisports recevable et bien fondée, et en conséquence,
– de déclarer nul pour vil prix le protocole conclu le 29 novembre 2016 entre l’association des Girondins de Bordeaux Omnisports et la société Beci, ainsi que son avenant du 3 novembre 2017,
– de commettre toute personne de son choix pour l’éclairer par des constatations, par une consultation ou par une expertise sur la valeur des parcelles objets des accords à la date du 27 novembre 2016 et du 3 novembre 2017 si la cour estimait avoir besoin des lumières d’un technicien,
– de dire et juger que faute de présentation de l’avenant technique prévu au protocole du 29 novembre 2016 et d’accord sur les obligations techniques respectives des parties qui devaient en découler, l’association n’a fait preuve d’aucune mauvaise volonté ou mauvaise foi et n’a a fortiori commis aucune faute en ne déposant pas la demande de permis de construire avant le 30 juin 2018,
– de constater que, selon les dires de Beci, c’est en suite des discussions et des négociations qu’elle a menées avec la mairie de [Localité 8] et l’OIM qu’elle a rédigé l’APS qui a fait difficulté, les obligations fixées par ces deux autorités et qu’elle a considéré que la décision de ces deux autorités l’ont empêché de le modifier pour ne pas nuire aux intérêts légitimes de l’association,
– de dire et juger que l’association n’a jamais renoncé, expressément ou tacitement, à céder à la société Beci les terrains visés au protocole d’accord de vente et qu’elle n’est en conséquence débitrice d’aucune indemnité à ce titre,
– de donner acte à l’association des Girondins de Bordeaux Omnisports de ce qu’elle a restitué la somme de 200 000 euros versée par Beci à la date de la signature du protocole d’accord le 29 novembre 2016,
– de débouter la société Beci de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
– de condamner la société Beci à payer à l’association des Girondins de Bordeaux Omnisports la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux frais et dépens,
– d’ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir nonobstant appel et sans caution.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 30 janvier 2020, la SAS Beci demande à la cour, sur le fondement des articles 1136 et 1169 du code civil, de :
– débouter l’association des Girondins de Bordeaux Omnisports de ses entières demandes, fins et conclusions,
– confirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions,
y ajoutant que l’association Girondins de Bordeaux Omnisports sera,
– condamnée à payer à la SAS Beci la somme de 200 000 euros pour violation du pacte de préférence prévu par l’article 4 du protocole et pour faute en exécutant de mauvaise foi le protocole,
– condamnée à payer à la société Beci la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance d’appel.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 3 janvier 2023.
Le 6 janvier 2023, la société Beci a pris de nouvelles écritures et a communiqué quatre nouvelles pièces. Par de nouvelles conclusions déposées le 10 janvier 2023, l’association a demandé à la cour de déclarer irrecevables les dernières conclusions et pièces de l’intimée.
Lors de l’audience, les parties ont maintenu leurs positions.
L’incident a été joint au fond.
MOTIFS
Sur la clôture
Aux termes de l’article 802 du code de procédure civile : « Après l’ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d’irrecevabilité prononcée d’office.Sont cependant recevables les demandes en intervention volontaire, les conclusions relatives aux loyers, arrérages, intérêts et autres accessoires échus et aux débours faits jusqu’à l’ouverture des débats, si leur décompte ne peut faire l’objet d’aucune contestation sérieuse, ainsi que les demandes de révocation de l’ordonnance de clôture.Sont également recevables les conclusions qui tendent à la reprise de l’instance en l’état où celle-ci se trouvait au moment de son interruption. »
D’autre part seul un motif grave justifie la révocation de l’ordonnance de clôture.
En l’espèce, il convient de constater que l’appelante a déposé de nouvelles conclusions le 15 décembre 2022, sans communiquer de nouvelles pièces, et sans ajouter de demande nouvelle, et ce pour actualiser la relation processuelle des parties après l’incident qui venait d’être retiré.
Aussi, la cour décide que l’intimée disposait d’un temps suffisant pour y répondre avant que la clôture ne soit rendue, en sorte qu’il n’existe aucun motif grave de révocation de l’ordonnance de clôture et que ses conclusions et pièces communiquées après l’ordonnance de clôture sont irrecevables.
Sur la demande d’annulation de la vente
Le tribunal a considéré qu’aucun accord n’était intervenu entre les parties portant sur le prix de la vente, et en l’absence d’accord valant vente, il ne pouvait être procédé à l’annulation de celle-ci. L’association soutient que la vente passée entre les parties le 29 novembre 2016 était parfaite ; nonobstant la rédaction de cet acte intitulé « protocole d’accord » et qui précisait qu’il ne s’agissait « en aucune manière d’un compromis de vente » ; et demande à la cour d’appel de la déclarer nulle, ainsi que son avenant intervenu le 3 novembre 2017, au motif que l’appelante s’est trompée sur la valeur des terrains qu’elle a cédés à vil prix au regard de leur valeur réelle ; que cette erreur n’a pas été provoquée par la révision du PLU qui était connu des parties au jour de leur engagement, qu’en outre les obligations mises à la charge de la société Beci ne constituaient pas des charges de nature à augmenter le prix réel de la cession.
L’association fait en outre valoir qu’elle n’a jamais renoncé à la vente, alors que notamment elle était en droit de refuser, sans la signature d’un avenant, de déposer une demande de permis de construire prévoyant la préemption au profit de la société Beci de ses parkings dès lors que ceux-ci n’étaient pas l’objet de la vente, que n’ayant pas renoncé à vendre les terrains litigieux, elle n’a pas à verser l’indemnité conventionnelle qui n’était prévue qu’en cas de renonciation expresse.
La société Beci considère pour sa part que le tribunal a fait une appréciation globale de l’ensemble des obligations des parties pour considérer à juste titre que les accords des parties devaient être qualifiés de contrat de négociation, et non de vente, et que si on devait cependant qualifier de vente ce contrat, celle-ci ne pourrait être annulée alors que l’erreur sur la valeur des biens vendus alléguée par l’appelante ne pourrait aux termes de l’article 1136 du code civil entrainer la nullité de la vente.
****
L’article 1582 du code civil dispose : « La vente est une convention par laquelle l’un s’oblige à livrer une chose, et l’autre à la payer. Elle peut être faite par acte authentique ou sous seing privé. »
L’article 1583 du même code ajoute : « Elle est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l’acheteur à l’égard du vendeur, dès qu’on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n’ait pas encore été livrée ni le prix payé. »
En l’espèce, il résulte de la convention passée entre les parties 29 novembre 2016, et de son avenant du 3 novembre 2017 que les parties étaient convenus que leur accord n’était en aucune manière « un compromis de vente » mais un protocole d’accord bilatéral permettant de préparer la cession à venir. (cf : article 1 du protocole du 29 novembre 2016).
Cette déclaration liminaire est conforme aux obligations des parties car si les parcelles objet de la future vente étaient précisément déterminées, en revanche les nombreuses obligations des parties restaient vagues et non encore précisément définies, si bien que la référence à un prix de valorisation de la future cession n’était qu’un élément du prix de vente lui-même qui ne pouvait être apprécié qu’au regard de l’ensemble des obligations et des frais que devait en outre dépenser le cessionnaire, mais aussi le cédant.
Notamment il était mis à la charge de la société Beci sur le terrain numéro 1, la réalisation d’un bâtiment de commerces et de bureaux de 1000 m² au sol et « d’un ou deux » complexes hôteliers d’une capacité de 150 chambres environ chacun. Parallèlement il a été mis à la charge de l’association le réaménagement « sans limite de montant » du parking et de l’espace vert.
Aussi, la cour retient que les obligations des parties quant à ces travaux n’étaient pas chiffrables, alors que pour l’acquéreur la charge des constructions envisagées allait du simple au double, et que le coût d’aménagement des parkings et espaces verts était pour l’association sans limite. En conséquence, au jour de la rupture des pourparlers les obligations des parties n’étaient pas chiffrées ni chiffrables et dépendaient nécessairement de discussions et d’accords futurs.
Par ailleurs, l’avenant au protocole d’accord intervenu près d’un an après ce dernier ne modifiait que le délai pour formaliser la cession des biens immobiliers, limitait le coût des travaux d’aménagement intérieur du club house de l’association par la société Beci, précisait les obligations administratives de l’association, et prévoyait la création d’une association syndicale libre ( ASL) pour dresser la liste des servitudes existantes, et fixer la répartition des coûts d’entretien et de rénovation des installations à usage commun. En conséquence, l’accord passé entre les parties était destiné à préparer la vente et ne constituait nullement une vente, ce que les parties avaient en outre expressément exclu dans leur protocole.
Ceci est si vrai que par courriel du 15 janvier 2018 l’association adressait à la société Beci une proposition différente de prix d’achat des terrains, ce qui sera regardé par cette dernière comme une remise en cause du protocole ( cf : courriel de la société Beci du 17 janvier 2018 ‘pièce n° 16 de l’intimée)
Aussi, ces échanges démontrent que les parties étaient toujours dans le cadre de pourparlers, et qu’aucun accord n’avait été trouvé sur la chose et sur le prix si bien que l’appelante ne peut solliciter l’annulation d’une vente qui n’a pas été réalisée. Elle sera également déboutée de sa demande de consultation ou d’expertise car si l’ensemble des éléments de la vente n’étaient pas déterminés, il ne sert à rien de rechercher la seule valeur des terrains, laquelle ne constituait qu’un élément du contrat. En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté l’association de sa demande de nullité de la vente.
Sur l’initiative de la rupture des pourparlers contractuels et sur leurs conséquences
Le tribunal a considéré qu’aucune des parties n’avait contrevenu à son obligation de bonne foi et n’avait commis de faute permettant de lui imputer la rupture du processus de négociation. Par voie de conséquence, il a débouté l’association de sa demande indemnitaire. Toutefois, il a considéré que l’association avait renoncé à la cession des terrains en raison du vil prix qui avait été convenu, et dans la mesure où l’intimée n’était pour rien dans la fixation de ce prix elle était, en application du protocole fondée à solliciter le paiement des frais qu’elle avait engagés pour la planification des travaux, mais non celui d’une indemnité au titre du gain manqué qui ne relevait pas d’une disposition contractuelle.
L’association considère que les premiers juges ont justement statué en droit mais se sont mépris en fait. Elle poursuit qu’elle s’est trompée sur la valeur des terrains qu’elle a cédés pour s’apercevoir par la suite que ce prix était vil, que toutefois, elle n’a jamais renoncé à vendre ces terrains, mais a exigé la signature d’un avenant technique avant de déposer la demande de permis de construire prévoyant la préemption de ses propres parkings au profit du futur hôtel de l’intimé, ce qui n’avait pas été prévu dans le protocole d’accord, mais qui avait été exigé par les autorités administratives (OMI).
Elle soutient ainsi que c’est en raison d’une exigence extérieure à la volonté des parties que la vente n’est pas intervenue, ce à quoi elle pouvait s’opposer dans le cadre des pourparlers en cours, qu’en conséquence, la société Beci est mal fondée à solliciter le paiement des frais engagés par ses soins, ainsi qu’une indemnité au titre du gain manqué.
La société Beci sollicite la confirmation du jugement.
***
L’article 4 du protocole du 29 novembre 2016 disposait notamment : « ‘ les parties n’ont aucune faculté de résiliation de la présente convention. Si la cession des parcelles cités à l’article deux ne se réalisait pas pour causes fortuites ou étrangères aux parties, les engagements issus de la présente convention ne trouveront plus à s’appliquer entre les parties et l’acompte versé par la société à l’association, au jour de la conclusion de la présente convention, sera restitué sans délai, à peine de pénalité de 500 € par jour de retard après mise en demeure réalisée par lettre recommandée avec accusé de réception restée infructueuse. Les obligations techniques exécutées resteront à la charge de la partie qui les a exécutées. Si l’association renonce à céder les terrains visés plus haut, elle versera à la société Beci une indemnité de compensation des frais engagés par cette dernière pour la planification des travaux de construction (architectes, bureaux d’études, géomètre’) majoré de 30 % et remboursera dans les conditions évoquées ci-dessus, l’acompte versé par la société Beci’ ».
Il résulte de l’échange des courriels des parties à partir du 15 janvier 2018 (pièces 7,8 et 9 de l’appelante), que la commune de [Localité 8] a exigé tardivement la démolition des parkings existants et la construction d’un parking circulaire, ce qui constituait une charge supplémentaire non prévue jusque-là par les parties. En outre, l’autorité administrative a également exigé la préemption des parkings appartenant à l’association par la société Beci, ce qui n’était pas prévu par les parties.
Ces modifications imprévues ont modifié l’économie de la cession envisagée.
Aussi, cette charge supplémentaire pour l’association qui l’obligeait à préempter ses parkings au profit de la société Beci, l’autorisait dans le cadre des pourparlers contractuels à renégocier les éléments de l’opération, ce que la société Béci a accepté mais dans une proportion limitée (cf : son courriel du 17 janvier 2018)
Par ailleurs, l’utilisation des parkings existants ou la création de nouveaux parkings partagés n’avait pas été évoquée dans le protocole d’accord, et faisait ainsi partie des points de discussions pour aboutir à un accord complet. Aussi, la préemption des parkings demandée par l’autorité administrative au regard des surfaces construites par la société Beci apparait être un élément qui a modifié les intérêts respectifs des parties, et chacune d’entre elle était en droit de défendre ses intérêts, et notamment l’association était légitime à demander dans ces conditions une augmentation du prix de ses terrains nus.
En conséquence, en application de l’article 4 du protocole, la cour retient que la cession des parcelles cités à l’article deux du protocole ne s’est pas réalisée pour une cause étrangère aux parties, si bien que les engagements issus de cette convention ne trouvent pas à s’appliquer entre les parties et l’acompte versé par la société à l’association, au jour de la conclusion de la présente convention, doit lui être restitué ; ce qui a déjà été entrepris ; et les obligations techniques exécutées par la société Beci doivent ainsi rester à sa charge.
En conséquence, le jugement sera réformé en ce qu’il a condamné l’association à rembourser à l’intimée les frais qu’elle a exposés au titre des obligations techniques préalables.
Sur le pacte de préférence
Le tribunal a jugé que l’indemnité prévue à l’article 4 du protocole du 29 novembre 2016 aux termes duquel l’association devrait verser celle-ci à la société Beci pour le cas où elle méconnaitrait le pacte de préférence n’était pas due alors que le protocole n’envisageait l’hypothèse d’une renonciation unilatérale de l’association à céder ses terrains à l’issue des négociations, alors qu’en l’espèce les négociations n’ont pas abouti. Il a toutefois autorisé la société Beci a inscrire au service de la publicité foncière son droit de préférence sur les terrains 1 et 2 à son bénéfice.
La société Beci sollicite la réformation du jugement en ce qu’elle a été déboutée de sa demande de condamnation de l’association à lui verser l’indemnité prévue sur ce point considérant qu’elle n’aurait pas été mise en demeure d’exercer utilement son droit de préemption.
L’association sollicite le rejet des demandes de la société Beci soit la confirmation du jugement sur ce point.
***
L’article 1123 du code civil dispose : « Le pacte de préférence est le contrat par lequel une partie s’engage à proposer prioritairement à son bénéficiaire de traiter avec lui pour le cas où elle déciderait de contracter.
Lorsqu’un contrat est conclu avec un tiers en violation d’un pacte de préférence, le bénéficiaire peut obtenir la réparation du préjudice subi. Lorsque le tiers connaissait l’existence du pacte et l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir, ce dernier peut également agir en nullité ou demander au juge de le substituer au tiers dans le contrat conclu.
Le tiers peut demander par écrit au bénéficiaire de confirmer dans un délai qu’il fixe et qui doit être raisonnable, l’existence d’un pacte de préférence et s’il entend s’en prévaloir.
L’écrit mentionne qu’à défaut de réponse dans ce délai, le bénéficiaire du pacte ne pourra plus solliciter sa substitution au contrat conclu avec le tiers ou la nullité du contrat. »
L’article 4 du protocole d’accord du 29 prévoyait que « Si l’association cède les parcelles citées à l’article 2 des présentes à une autre personne physique ou morale que la société Beci, elle sera redevable envers la société Beci d’une indemnité équivalente à deux cent mille euros, les présentes valant pacte de préférence. »
Les parties sont d’accord pour considérer que le pacte de préférence avait une valeur autonome et a ainsi persisté malgré l’échec des pourparlers transactionnels sur le protocole d’accord du 29 novembre 2016. L’association démontre également qu’elle a respecté le pacte de préférence au profit de la société Beci laquelle a acquis dans ce cadre l’un des terrains (cf : pièce n° 18, 19 et 20 de l’appelante)
L’association démontre également que pour le terrain numéro 1 elle a proposé à la société Beci d’acquérir celui-ci dans le cadre de son droit de préférence mais que l’intimée n’a pas donné suite (cf : pièce n° 20 de l’intimée)
La société Beci ne peut soutenir que l’association lui aurait alors imposé des conditions impossibles à réaliser dans le délai qui lui était imparti, alors qu’il lui avait été notifié les conditions du candidat à l’acquisition, et le délai d’un mois pour faire connaitre sa décision apparait raisonnable.
Or, l’intimée ne démontre pas avoir fait connaitre son souhait d’acquérir ce terrain dans les conditions qui lui avaient été notifiées.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu’il a jugé que l’indemnité prévue au titre du pacte de préférence n’était pas due, mais que la société Beci était en droit d’inscrire au service de la publicité foncière compétent son droit de préférence sur les terrains 1 et 2 à son bénéfice.
Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens
Chacune des parties succombe partiellement devant la cour d’appel, et supportera ainsi ses dépens et ses frais non compris dans les dépens exposés en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Infirme partiellement le jugement entrepris.
Statuant à nouveau des chefs réformés:
Déboute la SAS Beci de sa demande à titre d’indemnité conventionnelle ;
Confirme le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions, y ajoutant :
Dit que chaque partie supportera ses dépens et ses frais non compris dans les dépens exposés en cause d’appel.
La présente décision a été signée par madame Paule POIREL, présidente, et madame Clara DEBOT, greffier placé, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE