Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 9 – A
ARRÊT DU 02 FÉVRIER 2023
(n° , 8 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/06857 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDO7F
Décision déférée à la Cour : Jugement du 8 décembre 2020 – Juge des contentieux de la protection de PARIS – RG n° 11-19-008437
APPELANT
Monsieur [I] [C]
né le [Date naissance 3] 1954 à [Localité 7] (LIBAN)
[Adresse 4]
[Localité 6]
représenté par Me Amele FAOUSSI, avocat au barreau de PARIS
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/018109 du 20/05/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PARIS)
INTIMÉE
La société LE CRÉDIT LYONNAIS – LCL, société anonyme agissant poursuites et diligences de son directeur général domicilié en cette qualité audit siège
N° SIRET : 954 509 741 00011
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée et assisté de Me François MIGNON, avocat au barreau de PARIS, toque : B1039
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 7 décembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre
Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère
Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère
Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par acte sous seing privé du 24 mars 1999, Mme [W] [C], titulaire dans les livres de la société Le Crédit Lyonnais (la société LCL) d’un compte de dépôt, a souscrit un prêt personnel d’un montant de 100 000 francs (soit 15 244,90 euros). Mme [C] est décédée des suites d’une longue maladie le [Date décès 1] 1999.
Le 9 juin 2000, M. [I] [C] a souscrit un prêt personnel de 75 000 francs (soit 11 433 euros) mis à disposition sur son compte de dépôt et remboursable en 60 mensualités. Les deux prêts ont été soldés les 4 juillet 2000 et 6 juin 2005.
Saisi le 13 juin 2019 par M. [C] d’une demande tendant principalement à l’annulation des deux contrats de prêt, au remboursement des sommes versées et au versement de dommages intérêts, le tribunal judiciaire de Paris, par un jugement contradictoire rendu le 8 décembre 2020 auquel il convient de se reporter, a :
– déclaré irrecevables les demandes de M. [C] relatives au prêt souscrit par Mme [W] [C] faute de justification de sa qualité à agir,
– dit que la demande de nullité du contrat de prêt souscrit au nom de M. [C] est prescrite en tant qu’elle est fondée sur l’absence de consentement de celui-ci,
– dit que la demande de nullité du contrat de prêt souscrit au nom de M. [C] n’est pas prescrite en tant qu’elle est fondée sur le non-respect du formalisme prévu par le code de la consommation,
– rejeté la fin de non-recevoir tirée de la reconnaissance de dette,
– débouté M. [C] de sa demande de nullité du contrat de prêt souscrit en son nom auprès de la société LCL,
– condamné M. [C] à payer à la banque LCL la somme de 900 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Après avoir retenu l’irrecevabilité des demandes concernant [W] [C] en l’absence de qualité à agir, le premier juge a constaté la recevabilité de l’action concernant le crédit souscrit par M. [C] avant de rappeler que le non-respect du formalisme du code de la consommation n’était pas sanctionné par la nullité mais par la déchéance du droit aux intérêts contractuels. Il a constaté que le demandeur ne rapportait pas la preuve d’une faute imputable à la banque ou d’un préjudice et l’a débouté de ses demandes.
Par une déclaration en date du 8 avril 2021, M. [C] a relevé appel de cette décision.
Aux termes de conclusions remises le 8 juillet 2021, l’appelant demande à la cour :
– d’infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
– de déchoir la société LCL de son droit aux intérêts au titre du prêt souscrit par Mme [C],
– de condamner la banque à lui payer la somme de 2 357,80 euros en remboursement des intérêts du prêt majoré au taux d’intérêt légal compter de la date de souscription du prêt soit le 1er mars 1999,
– d’enjoindre à la banque de justifier de la destination des sommes saisies sur le compte de Mme [C] assortie d’une obligation de rembourser les sommes indûment perçus sous astreinte de 500 euros par jour de retard,
– de déchoir la société LCL de son droit aux intérêts,
– de condamner la société LCL au remboursement de l’intégralité des intérêts perçus au titre dudit prêt soit la somme de 3 000 euros majoré au taux d’intérêt légal à compter de la date de soi-disant souscription dudit prêt soit au 1er juin 2000,
– de condamner la banque LCL à lui payer la somme 45 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de ses préjudices moral et financier,
– de dire que chaque partie conservera la charge de ses frais et dépens.
Concernant le prêt souscrit par sa défunte épouse, l’appelant dénonce une violation des dispositions des articles L. 311-8, L. 311-12 et L. 311-10 du code de la consommation. Il soutient que la banque ne prouve pas le consentement de l’emprunteuse ni le respect des mentions légales afférentes à la conclusion du contrat. Il dénonce une réticence dolosive imputable à l’intimée qui refuse de produire les pièces réclamées, puis souligne que la banque a saisi et ponctionné les comptes de Mme [C] sans lui fournir aucune information. Il soutient avoir intérêt à agir, la banque l’ayant sollicité pour payer les échéances à venir.
L’appelant conteste avoir consenti au prêt souscrit en son nom, précise que sa situation financière ne permettait aucunement l’octroi d’un tel prêt et dénonce les man’uvres de la banque qui lui a imposé la souscription de ce crédit. Il ajoute que cette dernière a initié les ordres de virement depuis son compte bancaire en violation des dispositions de l’article L. 133-1 du code monétaire et financier avant de demander la déchéance du droit aux intérêts de la banque en raison des irrégularités formelles affectant l’acte.
Il soutient que les agissements de la banque lui ont causé un important préjudice matériel, financier et moral dont il demande réparation à hauteur de 50 000 euros et ajoute que l’intimée a spolié les sommes du compte de Mme [C] suite à son décès.
Par des conclusions remises le 7 octobre 2021, la société LCL demande à la cour :
– de constater que sont abandonnées en cause d’appel les demandes de nullité des contrats de prêts et de déclarer irrecevables car nouvelles en cause d’appel les demandes visant à la déchoir de son droit aux intérêts des prêts souscrits par M. et Mme [C],
– subsidiairement, de confirmer le jugement en ce qu’il a jugé M. [C] dépourvu de qualité à agir au titre du prêt souscrit par Mme [C],
– de dire prescrites les actions en déchéance du droit aux intérêts, et tout aussi prescrites les demandes en répétition de l’indu et les demandes d’indemnisation formées par M. [C],
– en tout état de cause, de débouter M. [C] de ses demandes de déchéance du droit de la banque aux intérêts,
– de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [C] de ses demandes d’indemnisation,
– de condamner M. [C] à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
L’intimée relève que l’appelant a abandonné ses demandes d’annulation des prêts souscrits. Elle rappelle que ce dernier n’a pas qualité à agir, qu’il n’était qu’administrateur judiciaire de la succession lorsque ses fils étaient mineurs et qu’il ne saurait contester la validité du prêt souscrit par sa défunte épouse.
La banque ajoute que l’action en nullité du prêt souscrit le 24 mars 1999 par [W] [C] est irrecevable car prescrite depuis 2009. Elle soutient que les demandes de l’appelant tendant à la déchéance du prêteur de son droit aux intérêts sont nouvelles en cause d’appel, donc irrecevables conformément aux dispositions de l’article 564 du code de procédure civile. Elle rappelle que le moyen tendant à cette déchéance du droit aux intérêts est également prescrit, puis relève qu’il est infondé et qu’aucune irrégularité formelle n’est caractérisée.
S’agissant du prêt souscrit par M. [C] le 9 juin 2000, la banque relève que l’action en nullité est également prescrite, que l’emprunteur a expressément reconnu avoir souscrit le prêt aux termes de son assignation et que sa demande de déchéance du droit aux intérêts est irrecevable car tardive. Elle ajoute que l’appelant a procédé au remboursement anticipé de l’intégralité du prêt litigieux, ce qui constitue une reconnaissance de dette.
La banque soutient que l’emprunteur ne rapporte pas la preuve de l’irrégularité formelle de l’offre de prêt qu’il allègue, conteste avoir commis la moindre faute dans la gestion des prêts litigieux suite au décès de [W] [C]. Elle conteste avoir saisi les sommes figurant sur le compte de la défunte et soutient que M. [C] a lui-même effectué les virements. La banque explique avoir accompagné son client suite au décès de son épouse, conteste avoir commis la moindre faute et relève que les préjudices allégués par l’appelant ne sont pas établis, ou en tout état de cause ne lui sont pas imputables.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 4 octobre 2022 et l’affaire a été appelée à l’audience du 7 décembre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de l’action en nullité du contrat de prêt souscrit par [W] [C]
Bien qu’il n’ait, à hauteur d’appel, formulé aucune demande en nullité du contrat de prêt souscrit par [W] [C] le 24 mars 1999, M. [C] demande l’infirmation du jugement sur ce point et que son action en nullité soit déclarée recevable.
Il ne formule cependant aucune critique des motifs du jugement sur l’irrecevabilité faute d’intérêt à agir prononcée. Il affirme que la banque aurait transféré les obligations de Mme [C] au titre de ce contrat dans son patrimoine et qu’il est devenu redevable de cette obligation.
Pour autant, comme l’a relevé à juste titre le premier juge, pas plus en première instance qu’en appel, M. [C] ne justifie de sa qualité d’ayant-droit de [W] [C], et donc de sa qualité à agir au titre du prêt souscrit il y a 20 ans par cette dernière. Sa dévolution successorale n’est pas démontrée.
Partant, le jugement est confirmé en ce qu’il a jugé l’appelant irrecevable en ses demandes au titre du prêt souscrit par [W] [C].
Sur la recevabilité des demandes de déchéance du droit aux intérêts
Comme le souligne à juste titre la société LCL, l’appelant n’a formulé en appel, dans le dispositif de ses conclusions, aucune demande d’annulation des contrats de crédits litigieux mais réclame désormais la déchéance du droit aux intérêts de la banque, qu’elle estime être une demande nouvelle irrecevable.
L’appelant n’a pas répondu à ce moyen.
En application de l’article 564 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité soulevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter des prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.
Selon l’article 565 du même code, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.
En application de l’article 954 al.3, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.
En l’espèce, même si M. [C] a développé des moyens relatifs à la nullité des contrats litigieux, force est de constater que le dispositif des conclusions de l’appelant ne formule aucune demande de nullité desdits contrats. M. [C] est par conséquent présumé avoir abandonné ces demandes.
La cour constate que pour la première fois le 8 juillet 2021, M. [C] formule dans le dispositif de ses écritures une demande de déchéance du droit aux intérêts.
Néanmoins, force est de constater que les contrats de prêts ayant été remboursés et soldés, la déchéance du droit aux intérêts tend aux mêmes fins que les demandes de nullité initialement réclamées puisqu’une annulation du contrat de prêt entraîne de droit des restitutions réciproques, du capital emprunté d’une part et des intérêts contractuels d’autre part.
Aucune irrecevabilité n’est donc encourue en application de l’article 564.
A titre subsidiaire, l’intimée fait valoir que cette demande est prescrite.
L’appelant n’a pas répondu à ce moyen.
En application de l’article 1304 du code civil dans sa rédaction applicable au litige, dans tous les cas où l’action en nullité d’une convention n’est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans.
Selon l’article 2224 du même code, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
En application de l’article L. 110-4 du code de commerce, les obligations nées à l’occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes.
Il est admis que la prescription court à compter de la date de signature du contrat, date à laquelle l’acquéreur disposait des éléments nécessaires d’information pour en apprécier son éventuelle irrégularité sur le fondement des articles L. 121-23 et suivants du code de la consommation.
En l’espèce, au visa des articles L. 311-8, L. 311-12 et L. 311-10 du code de la consommation dans leur version applicable au litige, M. [C] réclame une déchéance du droit aux intérêts.
Pour autant, le crédit ayant été intégralement remboursé le 6 juin 2005, il n’a été formulé aucune demande en paiement du solde du crédit. Dès lors cette demande ne saurait être considérée comme un moyen de défense pouvant être présenté par M. [C] pour la première fois en cause d’appel mais relève des règles de prescription applicables à toute demande en justice.
Cette demande de déchéance, présentée le 8 juillet 2021, soit 21 ans après la souscription du crédit et 16 ans après l’avoir soldé, est prescrite depuis le 9 juin 2010 concernant le contrat signé le 9 juin 2000.
Enfin il ne saurait être reproché à l’intimée de ne pas produire le contrat litigieux, puisqu’en application de l’article L. 123-22 du code de commerce, les documents comptables et les pièces justificatives sont conservées pendant dix ans.
De surcroît, le courrier du conseil de M. [C], adressé le 11 février 2019, évoque la souscription par ce dernier d’un prêt personnel n° OLF902417054S001 et l’assignation précise qu’il s’est acquitté du remboursement de ce prêt jusqu’au 5 juin 2005, aveu judiciaire qui permet de fixer le point de départ du délai de prescription à la date de signature du contrat.
Partant, la demande de déchéance du droit aux intérêts est déclarée irrecevable comme étant prescrite par application des textes susvisés.
Sur les demandes d’indemnisation
L’appelant réclame une somme globale de 50 000 euros de dommages-intérêts en réparation de ses préjudices financier, matériel et moral causés par les comportements fautifs de la banque.
Pour rejeter cette demande, le premier juge a relevé que M. [C] ne rapportait pas la preuve d’une faute imputable à la banque à l’origine des préjudices invoqués.
Aux termes de l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
Aux termes de l’article 1315 devenu1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver, celui qui s’en prétend libéré doit justifier le fait qui a produit l’extinction de son obligation.
Dans ses écritures, M. [C] accuse la banque de l’avoir spolié, d’avoir commis de graves malversations sur le compte de la défunte. Il soutient qu’elle a procédé à une saisie de ses comptes.
Ces allégations, intégralement contestées par l’intimée, ne sont étayées d’aucune preuve malgré la gravité des fautes invoquées.
Les relevés de compte produits par la banque mentionnent des virements effectués en juin 2000 qui n’ont jamais été contestés par M. [C] avant la saisine du médiateur en novembre 2017.
Les griefs invoqués particulièrement tardivement relèvent également d’affirmations péremptoires sans aucune justification. Rien ne permet de les étayer, pas plus que les quantums exorbitants réclamés.
Partant, le jugement est confirmé en ce qu’il a rejeté ces demandes.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
M. [C], partie succombante est condamné aux dépens de l’appel.
Il n’apparaît pas inéquitable d’accorder à l’intimée une somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire rendu en dernier resoort, mis à disposition au greffe,
Constate que les demandes de nullité des contrats de prêts ne sont pas maintenues en appel ;
Déclare irrecevables comme étant prescrites les demandes de déchéance du droit aux intérêts ;
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne M. [I] [C] à payer à la société Le Crédit Lyonnais une somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [I] [C] aux dépens d’appel.
La greffière La présidente