Nullité de contrat : 19 avril 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 19/10138

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Nullité de contrat : 19 avril 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 19/10138

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 3

ARRÊT DU 19 AVRIL 2023

(n° , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/10138 – N° Portalis 35L7-V-B7D-B76ER

Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Janvier 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – 18ème chambre 2ème section – RG n°17/11931

APPELANTE AU PRINCIPAL et APPELANTE EN INTERVENTION FORCEE EN REPRISE D’INSTANCE

S.A.S. SAMKA, immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 533 838 371 exerçant sous l’enseigne Les Trois Marmites, agissant en la personne de son président domicilié en cette qualité au siège social situé

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Mathieu JUNQUA-LAMARQUE de la SCP GAUDIN JUNQUA-LAMARQUE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque R 243

INTIMEE

Madame [B] [R] [P] [X]

Née le 1er février 1954 à Paris (75020)

De nationalité française

Demeurant [Adresse 1]

Représentée par Me Arthur ANQUETIL du Cabinet ANQUETIL ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque D 156

INTERVENANTE VOLONTAIRE EN REPRISE D’INSTANCE et comme telle INTIMEE

Madame [L] [Z] [A] [E] épouse [S],

agissant en sa qualité d’ayant-droit de Monsieur [K] [V] [T] [X]

Née le 12 décembre 1981 à Les Lilas

De nationalité française

Exerçant la profession de commerçante

Demeurant [Adresse 6]

Représentée par Me Arthur ANQUETIL du Cabinet ANQUETIL ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque D 156

INTERVENANTE FORCEE EN REPRISE D’INSTANCE et comme telle INTIMEE

S.A.S. BDR & ASSOCIES, immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 844 765 487, prise en sa qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la SAS MO & LO

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Georges-Henri LAUDRAIN, avocat au barreau de PARIS, toque A 174

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Marie GIROUSSE, Conseillère, chargée d’instruire l’affaire,

Mme Marie GIROUSSE a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Gilles BALAY, Président

M. Douglas BERTHE, Conseiller

Mme Marie GIROUSSE, Conseillère

Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT

ARRET :

Contradictoire

Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme Marie GIROUSSE en l’empêchement du Président, et par Mme Laurène BLANCO, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 1 juillet 2011 intitulé « renouvellement du bail commercial », Mme [G] [N] a donné à bail commercial à la société Maître Queux, pour une durée de 9 ans à compter du 1 juillet 2011, pour finir le 30 juin 2020, un local commercial dépendant d’un immeuble sis [Adresse 5] , à destination de restaurant. La société Maître Queux a vendu à cette même date à la société Aviven le fonds de commerce, en ce compris le droit au bail, exploité par elle dans les locaux susvisés.

Par acte sous seing privé du 15 octobre 2016 intitulé « contrat de location gérance du local commercial dénommé ‘Les 3 marmites’ situé [Adresse 5] vers la société MO&LO », la société SAMKA a autorisé « la société MO&LO à exploiter à son profit le local commercial dénommé « Les 3 marmites » dont il est détenteur du bail commercial et lui ( a donné) à loyer les locaux (…) ‘ désignés au bail commercial du 1er juillet 2011 susvisé, pour une durée de deux années entières et consécutives à compter du 21 octobre 2016 pour finir le 31 octobre 2018, avec possibilité de renouvellement une ou plusieurs fois dans la limite d’une durée maximale de deux années à compter de sa date de prise d’effet initiale. L’ article 5 ‘Loyer et conditions financières’ , précisait :ce contrat « est consenti et accepté pour un loyer annuel de 17.960, 64 euros, toutes charges comprises, payable d’avance par mois soit 1.496,72 euros. À ce loyer s’ajoutent un droit d’exploitation forfaitaire dudit local commercial au profit de la société MO&LO versé par cette dernière à la société Samka d’un montant de 5.000 euros plus charges et taxes comprises et un dépôt de garantie de 10.000 euros payable en 10 versements de 1.000 euros chacun à compter du 31 novembre 20l6 ».

Par acte extrajudiciaire du 29 mai 2017, la société SAMKA a signifié à la société MO&LO un commandement de payer la somme de 8.998,87 euros au titre des loyers impayés.

Par acte du 3 août 2017, la société MO&LO a fait assigner la société SAMKA et la société Solution de Gestion Immobilières Valorisée (ci-après la société SGIV) devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins notamment de requalifier le contrat de location-gérance en bail de sous-location soumis au statut des baux commerciaux, et à défaut, de constater la nullité du contrat de location-gérance.

Par jugement du 24 janvier 2019, le tribunal de grande instance de Paris a :

– déclaré recevables Mme [B] [X] et M. [K] [X] en leur intervention volontaire;

– rejeté la fin de non-recevoir soulevée par ces derniers et déclaré la société MO&LO recevable en ses demandes ;

– mis la société SGIV hors de cause ;

– requalifié en contrat de sous-location le contrat du 15 octobre 2016 ;

– dit que ce contrat n’est pas soumis au statut des baux commerciaux ;

– dit sans objet les demandes en nullité du contrat de location-gérance, d’autorisation à rester dans les lieux, de séquestre et de paiement de la somme de 39.471 euros correspondant aux loyers versés depuis le 15 octobre 2016, de la somme de 87.033 euros correspondant au préjudice résultant de la nullité du contrat de location-gérance et de la somme de 10.000 euros correspondant à la réparation du préjudice moral subi en raison de la précarité de son statut d’occupante sans droit ni titre formulées « à défaut » par la société MO&LO ;

– dit sans objet la demande en nullité du contrat de location-gérance du 15 octobre 2016 et les demandes subséquentes en constat de l’occupation sans droit ni titre des locaux par la société MO&LO, d’expulsion de celle-ci, de fixation de l’indemnité d’occupation et de condamnation de la société MO&LO à payer à ce titre la somme de 130.850,58 euros arrêtée en février 2018 avec intérêts au taux légal formulées par la société SAMKA ;

– dit sans objet la demande de M. et Mme [X] tendant à voir dire et juger que le contrat de location-gérance du 15 octobre 2016 leur est inopposable ;

– débouté M. et Mme [X] de leur demande tendant à voir constater que la société MO&LO est occupante sans droit ni titre des locaux et de leurs demandes subséquentes en expulsion et séquestration mobilière ;

– condamné la société SAMKA aux dépens, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

– condamné la société SAMKA à payer à la société MO&LO la somme de 4.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– débouté la société MO&LO de sa demande formulée à l’encontre de M. et Mme [X] en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– débouté M. et Mme [X] de leur demande formulée à l’encontre de la société MO&LO en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– débouté les parties du surplus de leurs demandes plus amples ou contraires.

Par déclaration en date du 10 mai 2019, la société SAMKA a interjeté appel de ce jugement.

La société MO&LO a été expulsée des locaux le 18 juin 2020 en exécution d’une ordonnance de référé rendue par le président du tribunal de commerce de Paris du 11 décembre 2019.

Par ordonnance du 16 janvier 2020, le conseiller de la mise en état a :

– rejeté la demande de la société MO&LO tendant à voir déclarer caduc l’appel interjeté par la société SAMKA ;

– condamné à titre provisionnel la société MO&LO à payer à la société SAMKA une somme provisionnelle totale de 49.392,60 euros, pour la période écoulée entre le 1 avril 2017 et le 31 décembre 2019 ;

– rejeté pour le surplus les demandes des parties ;

– dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la société MO&LO aux dépens.

Par jugement du 08 janvier 2021, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’égard de la société MO&LO et désigné la société BDR & Associés prise en la personne de Maître [C] [I] en qualité de liquidateur.

Par ordonnance du 25 février 2021, le conseiller de la mise en état a constaté l’interruption de l’instance.

Par acte d’huissier en date du 7 avril 2021, la société SAMKA a fait assigner en intervention forcée la société BDR & Associés prise en la personne de Maître [C] [I] en qualité de liquidateur.

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 17 août 2021, la société SAMKA demandait à la cour de :

In limine litis,

– Déclarer la Société SAMKA recevable et bien fondée en sa demande d’intervention forcée de la société BDR & Associés, ès qualités de mandataire judiciaire-liquidateur de la société MO&LO dans la procédure actuellement pendante et ordonner la jonction avec cette procédure,

– Recevoir la société SAMKA en son appel, l’y déclarer fondée et y faisant droit ;

– Infirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de Paris en date du 24 janvier 2019 ;

Statuant à nouveau,

– Débouter la société MO&LO et la société BDR & Associés, ès qualités de mandataire judiciaire-liquidateur de la société MO&LO de l’ensemble de leurs demandes, fins, moyens et prétentions ;

À titre principal,

– Prononcer la nullité du contrat du 15 octobre 2018 faute de capacité juridique de la société MO&LO au jour de sa signature ;

– Juger, en conséquence, la société MO&LO occupante sans droit ni titre depuis le 10 novembre 2016, date de son immatriculation ;

– Constater l’exploitation par la société MO&LO du fonds dénommé « Les Trois Marmites » sis [Adresse 5] de manière continue du 10 novembre 2016 au 18 juin 2020 et appartenant à la société SAMKA ;

– Juger cette exploitation sans droit ni titre au préjudice de la société SAMKA, propriétaire du fonds;

– Condamner la société MO&LO à payer à la société SAMKA en réparation de cet enrichissement sans cause une indemnité mensuelle du 10 novembre 2016 au 18 juin 2020 de 6.496,72 euros sans pouvoir, subsidiairement, être inférieure à 1.496,72 euros montant des loyers payés pour les locaux aux bailleurs par la société SAMKA ;

En conséquence, condamner in solidum la société MO&LO et la société BDR &Associés, ès qualités de mandataire judiciaire de la société MO&LO, à payer à la société SAMKA une somme de 285.855,68 euros à titre de dommages et intérêts sans pouvoir, subsidiairement être inférieure à 65.855,68 euros.

Subsidiairement,

– Qualifier le contrat du 15 octobre 2016 de contrat de location-gérance, et subsidiairement de contrat de sous-location non soumis au statut des baux commerciaux ;

– Prononcer la résolution judiciaire du contrat du 15 octobre 2016 aux torts exclusifs de la société MO&LO à effet du 1 avril 2017 ;

– Condamner en conséquence in solidum la société MO&LO et la société BDR & Associés, ès qualités de mandataire judiciaire de la société MO&LO, à payer à la société SAMKA :

– une somme de 4.496,72 euros au titre des arriérés contractuels dus au 31 mars 2017 ;

– une indemnité mensuelle de 6.496,72 euros sans pouvoir être inférieure à 1.496,72 euros du 1 avril 2017 au 18 juin 2020 sans prorata temporis ;

Très subsidiairement,

– Juger que le contrat du 15 octobre 2016 a pris fin le 31 octobre 2018,

En conséquence,

– Condamner in solidum la société MO&LO et la société BDR & Associés, ès qualités de mandataire judiciaire de la société MO&LO, à payer à la société SAMKA une somme de :

– 4.496,72 euros au titre des arriérés contractuels dus au 31 mars 2017 ;

– la rémunération mensuelle de 6.496,72 euros sans pouvoir être inférieure à 1.496,72 euros du 1 avril 2017 au 31 octobre 2018 ;

– une indemnité égale à 6.496,72 euros mensuelle sans pouvoir être inférieure à 1.496,72 euros au titre de l’exploitation du fonds appartenant à la société SAMKA sans droit ni titre, et ce du 1 novembre 2018 au 18 juin 2020 sans prorata temporis.

En tout état de cause,

– Constater l’expiration le 31 octobre 2018 du contrat du 15 octobre 2016 ;

– Constater que la société MO&LO s’est maintenue sans droit ni titre dans les lieux sis 8 rue Julien à Paris (75020) depuis le 1 novembre 2018 et ce jusqu’au 18 juin 2020 ;

– Condamner la société MO&LO à payer des dommages et intérêts d’un montant mensuel de 6.496,72 euros à compter du 1 novembre 2018 jusqu’au 10 juin 2020 sans prorata temporis sans qu’elle puisse être inférieure à la somme mensuelle de 1.496,72 euros ;

– Dire et juger que le dépôt de garantie sera conservé par la société SAMKA à titre d’indemnité ;

– Ordonner la compensation entre les créances et dettes réciproques entre les parties prononcées ou résultant de l’arrêt à intervenir ;

– Condamner la société MO&LO et la société BDR & Associés, ès qualités de mandataire judiciaire-liquidateur de la société MO&LO à payer à la société SAMKA la somme de 15. 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile de première instance et d’appel ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Dans leurs dernières conclusions notifiées par le RPVA le 17 juin 2021, la société BDR & Associés es qualité mandataire liquidateur de la société MO&LO et la société MO&LO demandaient à la cour de :

– Donner acte à la Société BDR & Associés, mandataire liquidateur de la société MO&LO de son intervention ;

– Débouter les Consorts [X] et la société SAMKA de l’intégralité de leurs prétentions ;

– Confirmer le jugement attaqué ;

et l’infirmant partiellement:

– Constater que la société SGIV ainsi que les ayants droits ne pouvaient ignorer la présence de la société MO&LO dans les locaux sis au [Adresse 5] ;

– Requalifier le contrat de location-gérance en bail de sous-location soumis au statut des baux

commerciaux ;

– Condamner solidairement la société SAMKA, les Consorts [X] et la société SGIV au règlement de la somme de 10 000 euros correspondant au préjudice lié à la précarité du contrat de location en raison du contrat de location-gérance ;

– Condamner la société SAMKA à reverser à la société SGIV la somme de 39.471 euros correspondant aux loyers versés par la société MO&LO depuis le 15 octobre 2016 ;

– Condamner la société SAMKA à régler à la société MO&LO la somme de 87.033 euros non actualisé correspondant au préjudice résultant de la nullité du contrat de location-gérance lié à la perte de clientèle commerciale ou de la perte du fonds de commerce, aux investissements à perte, en raison de la précarité de son statut d’occupante sans droit ni titre ;

– Condamner solidairement les Consorts [X], la société SAMKA et la société SGIV au paiement de la somme de 6000 euros au titre de l’article 700 du CPC au profit de la Société BDR & Associés, mandataire liquidateur de la société MO&LO ;

– Rappeler à la société SAMKA l’obligation d’exécuter le jugement la condamnant au règlement de la somme de 4000 euros au titre de l’article 700 du CPC au profit de la société BDR & Associés, mandataire liquidateur de la société MO&LO.

Dans leurs conclusions notifiées par le RPVA le 08 novembre 2021, Mme [B] [X] et Mme [L] [S] née [E], demandaient à la cour de :

– Dire et juger recevable l’intervention volontaire de Madame [L] [S] en sa qualité d’ayant-droit de Monsieur [K] [X] ;

– Les dire et juger recevables et bien fondés en leur appel incident et en toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

– Débouter la société MO&LO de son appel incident et de toutes ses demandes, fins et conclusions;

– Débouter la société BDR & Associés, ès qualités de mandataire liquidateur de la société MO&LO, de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

– Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

– Déclaré recevables Madame [B] [X] et Monsieur [K] [X] en leur intervention volontaire ;

– Mis la société Solution de Gestion Immobilière Valorisée hors de cause ;

– Infirmer le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions ;

Statuant à nouveau :

– Dire et juger que le contrat signé le 15 octobre 2016 entre les sociétés SAMKA et MO&LO, quelle que soit sa qualification juridique, est inopposable à Madame [B] [X] et Madame [L] [S] en sa qualité d’ayant-droit de Monsieur [K] [X] ;

– Dire et juger irrecevables et en tout état de cause mal fondées toutes les demandes de la société MO&LO et de la société BDR & Associés, ès qualités de mandataire liquidateur de la société MO&LO ;

En conséquence ;

– Débouter la société MO&LO et la société BDR & Associés, ès qualités de mandataire liquidateur de la société MO&LO, de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

– Constater que la société MO&LO est sans droit ni titre d’occupation du local commercial,

– Ordonner l’expulsion de la société MO&LO et de tout occupant de son chef, avec si besoin le concours d’un serrurier et de la force publique;

– Condamner solidairement la société MO&LO et la société BDR & Associés, ès qualités de mandataire liquidateur de la société MO&LO, à payer à Madame [B] [X] et à Monsieur [K] [X], la somme de 6.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile;

– Condamner solidairement la société MO&LO et la société BDR & Associés, ès qualités de mandataire liquidateur de la société MO&LO, en tous les frais et dépens.

Par arrêt du 26 janvier 2022, la Cour de céans a:

Déclaré recevable l’intervention forcée aux débats de la société BDR & Associés ès qualités de liquidateur de la société MO&LO,

Déclaré recevable l’intervention volontaire aux débats de Mme [L] [E] épouse [S],

Confirmé le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par les consorts [X] et dit sans objet leur demande tendant à leur voir déclarer inopposable le contrat de location-gérance conclu le 15 octobre 2016,

Infirmé le jugement entrepris en ce qu’il a requalifié en contrat de sous-location le contrat de location-gérance conclu le 15 octobre 2016,

Statuant à nouveau de ce chef,

Prononcé la nullité du contrat de location-gérance conclu le 15 octobre 2016,

Dit que la société MO&LO a occupé les locaux sans droit ni titre du 10 novembre 2016 au 18 juin 2020,

Avant dire droit sur le surplus,

Révoqué l’ordonnance de clôture prononcée le 13 octobre 2021,

Ordonné la réouverture des débats afin que les parties puissent faire des observations au visa des articles L. 622-21, L. 622-22 et L. 641-3 du code de commerce sur le prononcé d’une condamnation à paiement à l’encontre de la société MO&LO et de son liquidateur pour son occupation des locaux pour la période antérieure à l’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire,

Renvoyé l’affaire,

Sursis à statuer sur les autres demandes,

Réservé les dépens.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.

MOTIFS DE L’ARRET

Sur la demande d’indemnisation de la société SAMKA

La société SAMKA sollicite en conséquence de la nullité du contrat du 15 octobre 2016 prononcée par l’arrêtdu 26 janvier 2022, la réparation de l’enrichissement sans cause dont a bénéficié la société MO&LO en exploitant sans droit ni titre son fonds de commerce.

Elle a adressé à ce titre, le 21 janvier 2021, à Maître [I] es qualité de liquidateur sa déclaration de créance au passif de la liquidation judiciaire de la société MO & LO, soit à titre chirographaire et définitif 65.645,34 €, à titre privilégié 167,32 € et à titre chirographaire provisoire 229.667, 31 €.

Elle sollicite la fixation de sa créance au passif de la société MO&LO à la somme de 285.855,68 euros correspondant à une indemnité mensuelle de 6.496,72 euros pour la période du 10 novembre 2016 au 18 juin 2020, date de l’expulsion de cette société et subsidiairement, à la somme de 65.855,68 euros correspondant à une indemnité mensuelle minimale de 1.496,72 euros pour la même période.

Aux termes de l’article 1303 du code civil, reprenant l’application jurisprudentielle constante des anciennes dispositions de l’article 1371 du même code, ‘celui qui bénéficie d’un enrichissement injustifié au détriment d’autrui doit à celui qui s’en trouve appauvri, une indemnité égale à la moindre des deux valeurs de l’enrichissement et de l’apauvrissement’. Il incombe à celui qui se prévaut d’un enrichissement sans cause de caractériser l’enrichissement du tiers à son préjudice, dont il demande à être indemnisé. La détermination et le calcul de l’indemnité se fait en application des nouvelles dispositions de l’article 1303 du code civil d’application immédiate sur ce point.

En l’espèce, la nullité du contrat prononcée par l’arrêt du 26 janvier 2022 emporte son effacement rétroactif et a pour effet de remettre les parties dans leur état initial. Il en résulte que la société MO&LO doit indemniser la société SAMKA de l’enrichissement sans cause dont elle a bénéficié puisqu’elle exploitait un commerce dont cette dernière payait le loyer en qualité de locataire principale, depuis son entrée dans les lieux le 10 novembre 2016 jusqu’à son expulsion le 18 juin 2020.

A l’appui de sa demande, la société SAMKA se prévaut des redevances prévues au contrat du 15 octobre 2016, de ses comptes des années 2014 et 2015, dont il résulte que les chiffres d’affaires net étaient respectivement de 338.362 € et 306.113 € avec des bénéfices respectivement de 22.492 € et 47.861 €, ainsi que du montant des redevances prévues au contrat du 15 octobre 2016 .

L’indemnisation de l’enrichissement sans cause ne correspond pas au montant de la redevance convenue dans le contrat annulé mais au montant effectif de l’enrichissement tel que défini à l’article 1303 précité qu’il appartient d’établir à celui qui s’en prévaut.

Dès lors que la société SAMKA a dû payer le loyer des locaux en qualité de preneur principal et que la société MO&LO a pu jouir de ces locaux, l’indemnisation de l’enrichissement sans cause relatif à cette occupation correspond au montant fixé dans le contrat du 15 octobre 2016 prévoyant pour les locaux un loyer mensuel de 1.496,72 € soit 17.960,64 € par an, que la société SAMKA est fondé à solliciter à ce titre.

La société MO&LO conteste qu’il y ait eu, en outre, une mise à disposition du fonds de commerce et en particulier de sa clientèle.

S’agissant de l’exploitation du fonds de commerce, le contrat stipulait ‘à ce loyer s’ajoute (nt) un droit d’exploitation forfaitaire dudit local commercial au profit de la société MO&LO SAS à la société SAS SAMKA d’un montant de 5.000 € plus charges et taxes comprises et (…)’. Ce contrat ne précise pas que si ce droit serait dû mensuellement et les redevances facturées mentionnées dans les commandements de payer sont contradictoires, les pièces visées dans ces actes n’étant d’ailleurs pas produites. Ainsi, le commandement de payer du 29 mai 2017 mentionne une somme totale due de 8.796,72 € pour les mois de janvier à avril 2017 tandis que le commandement de payer du 21 septembre 2017 mentionne une somme due de 2.300 € pour janvier 2017, de 4.296,72 € pour février 2017, de 4.806 € pour chacun des loyers de mars et avril 2017 puis de 8.796,72 € pour tous les mois de mai à septembre 2017.

Aucun élément n’est produit de nature à établir que l’exploitation du fonds de commerce de la société SAMKA a eu pour effet d’enrichir la société MO&LO, alors que cette société a fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire ouverte par jugement du 8 janvier 2021 fixant à dix huit mois auparavant, soit au 8 juillet 2019 la date de cessation des paiements. Il n’y a donc pas lieu de retenir une indemnisation au titre de l’exploitation du fonds.

La société MO&LO indique qu’elle aurait versé des loyers à hauteur de 39.471 € depuis le 15 octobre 2016, dont elle demande le versement par la société SAMKA à la bailleresse, mais elle ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de ces paiements, de sorte qu’il n’en sera pas tenu compte.

Dès lors, conformément aux dispositions précitées de l’article 1303 du code civil, il convient de fixer le montant de l’indemnisation au montant prévu dans le contrat pour l’occupation des locaux et de faire droit à la demande subsidiaire de la société SAMKA en fixation l’indemnisation qui lui est due à la somme de 65.855,68 € pour la période de novembre 2016 jusqu’à la libération des lieux en juin 2020 ( 44X1.462,72 €).

Sur les demandes de la SAS BDR&associés es qualité de mandataire liquidateur de la Sté MO&LO:

La SAS BDR & associés es qualité de mandataire liquidateur de la société MO&LO demande la condamnation solidaire de la société SAMKA, des consorts [X] et de la société SGIV à payer la somme de 10.000 € en réparation du préjudice lié à la précarité résultant du contrat conclu le 15 octobre 2016 ainsi que la condamnation de la société SAMKA à lui payer la somme de 87.033 € en réparation du préjudice résultant de la nullité du contrat de location-gérance lié à la perte de clientèle, du fonds de commerce et des investissements en raison de la précarité de son statut d’occupant sans droit ni titre.

Le contrat du 15 octobre 2016 a été annulé par arrêt du 26 janvier 2022 en ce qu’il a été conclu au nom d’une personne n’ayant pas capacité pour agir. Dès lors, il n’apparaît pas que la société SAMKA, les consorts [X] et la société SGIV aient commis une faute à l’égard de la société MO&LO ayant entraîné une précarité préjudiciable dans son occupation des locaux ou étant à l’origine de la nullité du contrat et des conséquences en résultant telles que la perte de la clientèle et des investissements réalisés dans les locaux. Ces demandes seront rejetées.

De même, dès lors qu’il résulte de l’arrêt du 26 janvier 2022 que la société MO&LO n’est pas titulaire d’un contrat de bail, la demande de la SAS BDR & associés es qualité, au demeurant irrecevable, aux fins de voir condamner la société SAMKA à reverser à la société SGIV la somme de 39.471 € correspondant aux loyers versés par la société MO&LO depuis le 15 octobre 2016 sera rejetée.

Sur les autres demandes:

Il est constant que les locaux ont été restitués par la société MO&LO depuis 18 juin 2020. Les demandes des consorts [X] aux fins de voir ordonner son expulsion et les demandes subséquentes seront donc déclarées sans objet.

La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.Il n’y a pas lieu de statuer sur les demandes aux fins de voir ‘constater’, ‘juger’, lorsqu’elles ne constituent pas des prétentions visant à confèrer un droit à la partie qui les requiert et ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.

La société MO&LO succombant à titre principal, il convient d’infirmer le jugement rendu le 24 janvier 2019 par le Tribunal de Grande Instance de Paris en ce qu’il a condamné la société SAMKA aux dépens et au paiement d’une somme de 4.000 € à la société MO&LO en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Il convient de condamner la SAS BDR & associées en la personne de Maître [I] es qualité de mandataire liquidateur de la société MO&LO aux dépens de première instance et d’appel et de la débouter de ses demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile.

L’équité et la situation économique respective des parties commande de ne pas faire droit aux demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile,

Les autres demandes seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Vu l’arrêt du 26 janvier 2022 ayant statué sur certaines demandes et sursis à statuer sur certaines demandes,

Y ajoutant,

INFIRME le jugement du 24 janvier 2019 en ce qu’il a requalifié le contrat du 15 octobre 2016 en contrat de sous-location non soumis au statut des baux commerciaux; qu’il a dit sans objet les demandes en nullité de ce contrat, aux fins d’être autorisé à rester dans les lieux, de séquestre, aux fins de paiement des somme de 39.471 € au titre des loyers versés, de 87.033 € au titre du préjudice résultant de la nullité du contrat, de 10.000 € au titre du préjudice moral résultant de la précarité de l’occupation, aux fins de constat de l’occupation sans droit ni titre des locaux, aux fins d’expulsion, de fixation d’indemnité d’occupation et de condamnation au paiement de 130.850,58 € avec intérêts au taux légal; qu’il a débouté les consorts [X] de leur demande tendant à voir constater que la société MO&LO est occupante sans droit ni titre des locaux en cause et de leurs demandes subséquentes en expulsion et séquestration; qu’il a condamné la société SAMKA aux dépens et au paiement à la société MO&LO d’une somme de 4.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Confirme les autres dispositions de ce jugement qui n’ont pas été infirmées par l’arrêt du 26 janvier 2022 et par le présent arrêt,

Fixe la créance indemnitaire de la société SAMKA au passif de la société MO&LO à la somme de 65.855,68 €

Déboute la la SAS BDR & associées en la personne de Maître [I] es qualité de mandataire liquidateur de la société MO&LO de sa demande aux fins de voir condamner solidairement de la société SAMKA, les consorts [X] et la société SGIV à payer la somme de 10.000 € en réparation du préjudice lié à la précarité résultant pour la société MO&LO du contrat conclu le 15 octobre 2016,

Déboute la la SAS BDR & associées en la personne de Maître [I] es qualité de mandataire liquidateur de la société MO&LO de sa demande aux fins de voir condamner la société SAMKA à reverser à la société SGIV la somme de 39.471 € correspondant aux loyers versés par la société MO&LO depuis le 15 octobre 2016,

Déboute la la SAS BDR & associées en la personne de Maître [I] es qualité de mandataire liquidateur de la société MO&LO de sa demande aux fins de voir condamner la société SAMKA à payer à la société MO&LO la somme de 87.033 € en réparation du préjudice résultant de la nullité du contrat de location-gérance lié à la perte de clientèle, du fonds de commerce et des investissements en raison de la précarité de son statut d’occupant sans droit ni titre,

Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile,

Déclare sans objet les demandes aux fins de voir ordonner l’expulsion de la société MO&LO ainsi que les demandes subséquentes,

Rejette les autres demandes,

Condamne la SAS BDR & associées en la personne de Maître [I] es qualité de mandataire liquidateur de la société MO&LO aux dépens de première instance et d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA CONSEILLERE

EN L’EMPECHEMENT

DU PRESIDENT

 


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