COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 53I
13e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 18 AVRIL 2023
N° RG 22/00586
N° Portalis DBV3-V-B7G-U7E4
AFFAIRE :
[I] [T]
C/
SA STAR LEASE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 07 Décembre 2021 par le Tribunal de Commerce de PONTOISE
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 2020F00176
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Ondine CARRO
Me Anne-Laure DUMEAU
TC PONTOISE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX HUIT AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur [I] [T]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentant : Me Ondine CARRO, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C212 – N° du dossier 14720
Représentant : Me Thierry PIERRON de la SELARL CABINET TAIEB – PIERRON, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0831
APPELANT
****************
SA STAR LEASE
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentant : Me Anne-Laure DUMEAU, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628 – N° du dossier 43012
Représentant : Me Laurent GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0020
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 14 mars 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Véronique MULLER, Magistrat honoraire chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller faisant fonction de Président,
Madame Delphine BONNET, Conseiller,
Madame Véronique MULLER, Magistrat honoraire,
Greffier, lors des débats : Madame Sabine NOLIN,
Par contrat de crédit-bail mobilier du 9 juillet 2015, la SA Star lease a donné en location à la SARL ABL Productions, pour une durée de 60 mois, divers matériels de production pour boulangerie-pâtisserie d’une valeur totale de 135 765 euros, moyennant le paiement de loyers mensuels de 2 406,57 euros HT.
Par acte du 10 juillet 2015, M. [I] [T], gérant de la société ABL Productions, s’est porté caution solidaire de ladite société dans la limite de 176 494,50 euros couvrant le paiement du principal, des pénalités ou intérêts de retard susceptibles d’être dus par la société dans le cadre du contrat de crédit-bail.
Par jugements du tribunal de commerce Nanterre des 11 juillet 2017, puis 9 janvier 2018, la société ABL Productions a été placée en redressement, puis en liquidation judiciaire.
Dans le cadre des procédures collectives, la société Star lease a déclaré ses créances et sollicité la restitution des matériels loués.
Par jugement contradictoire assorti de l’exécution provisoire du 7 décembre 2021, le tribunal de commerce de Pontoise, saisi le 27 février 2020 sur assignation délivrée à M. [T] à l’initiative de la société Star lease, a :
– écarté des débats les notes des parties envoyées par courriels les 26 novembre et 2 décembre 2021 ;
– rejeté l’exception d’incompétence soulevée par M. [T], et s’est déclaré compétent pour juger du litige ;
– débouté M. [T] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
– condamné M. [T] à payer à la société Star lease la somme de 80 382,22 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 7 novembre 2019 ;
– condamné M. [T] à payer à la société Star lease la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouté M. [T] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné M. [T] aux entiers dépens de l’instance.
Par déclaration du 28 janvier 2022, M. [T] a interjeté appel du jugement.
Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 18 janvier 2023, il demande à la cour de :
– le dire et juger recevable et bien fondé en ses écritures ;
In limine litis,
– se déclarer incompétent au profit du tribunal judiciaire de Paris, et, à titre subsidiaire, au profit du tribunal de commerce de Paris ;
Au fond,
– infirmer le jugement ;
– rejeter la demande de la société Star lease dans son intégralité ;
– dire et juger que son engagement de caution fait état d’une disproportion manifeste au sens de l’article L.341-4 du code de la consommation ;
– dire et juger qu’il ne saurait être tenu au paiement des pénalités ou intérêts de retard échus depuis la précédente information jusqu’à la date de communication de la nouvelle information ;
– condamner la société Star lease à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– prononcer la déchéance pour la société Star lease du droit aux intérêts échus ;
Subsidiairement,
– si la cour devait le condamner, octroyer des délais de paiement dans la limite de 24 mois.
La société Star lease, dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 13 février 2023, demande à la cour de :
– déclarer M. [T] recevable mais mal fondé en son appel ;
– débouter M. [T] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
– confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
– condamner M. [T] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépetibles d’appel, ainsi qu’aux dépens de l’appel.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 9 mars 2023.
Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
SUR CE,
Aucun moyen n’étant soulevé ou susceptible d’être relevé d’office, il convient de déclarer recevable l’appel formé par M. [T].
1 – sur l’exception d’incompétence soulevée par M. [T]
M. [T] reprend, devant la cour, l’exception d’incompétence rejetée par le premier juge. Il fait valoir que l’acte de cautionnement contient une clause attributive de compétence au profit des tribunaux de Paris, de sorte que le tribunal de Pontoise aurait dû se déclarer territorialement incompétent. Il soutient en outre que le tribunal de commerce est incompétent dès lors qu’il n’a pas la qualité de commerçant, sollicitant à titre principal le renvoi de l’affaire devant le tribunal judiciaire de Paris, et à titre subsidiaire le renvoi devant le tribunal de commerce de Paris.
La société Star lease souligne que la clause attributive de compétence figurant à l’acte de caution est inapplicable dès lors que M. [T] n’a pas la qualité de commerçant. Elle soutient toutefois que le cautionnement est de nature commerciale, de sorte que le tribunal de commerce est bien compétent et que, au regard du domicile de la caution, c’est bien le tribunal de Pontoise qui est compétent.
Il résulte de l’article 42 du code de procédure civile que la juridiction territorialement compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur.
L’article 48 du même code dispose que toute clause qui, directement ou indirectement, déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu’elle n’ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu’elle n’ait été spécifiée de façon très apparente dans l’engagement de la partie à qui elle est opposée.
L’article L.121-1 du code de commerce dispose enfin que sont commerçants ceux qui exercent des actes de commerce et en font leur profession habituelle.
En l’espèce, l’article 12 de l’acte de cautionnement précise que : ‘le présent cautionnement est soumis au droit français, les tribunaux de Paris seront seuls compétents pour toute contestation.’
Les parties s’accordent à dire que cette clause attributive de compétence n’est applicable que si M. [T] a contracté en qualité de commerçant, ce qui est discuté.
Si le cautionnement donné par un gérant pour une dette de la SARL qu’il dirige est un cautionnement commercial dès lors que ce dernier y trouve un intérêt patrimonial personnel, comme c’est le cas en l’espèce, cet acte isolé ne confère pas pour autant à M. [T] la qualité de commerçant.
M. [T] reste ainsi une personne non commerçante, de sorte que la clause attributive de compétence est réputée non écrite à son égard.
Il convient dès lors de faire application des règles de compétence de droit commun. Le cautionnement étant un acte commercial, il relève du tribunal de commerce du domicile du défendeur, lequel est situé à Haute IStar lease (95), de sorte que le tribunal de commerce de Pontoise était seul compétent. Le jugement sera confirmé de ce chef.
2 – sur les demandes en paiement formées par la société Star lease
Pour s’opposer aux demandes en paiement formées par la société Star lease, M. [T] invoque divers moyens : la nullité du contrat de crédit-bail, l’irrecevabilité de l’action de la société Star lease, l’existence d’une disproportion manifeste entre son engagement et ses biens et revenus, le manquement de la société Star lease à son obligation de mise en garde, et enfin le défaut d’information annuelle. Il convient de les examiner successivement.
* sur la fin de non-recevoir tirée de l’absence d’information quant à la recevabilité de la déclaration de créance de la société Star lease
M. [T] soutient, sans préciser le fondement juridique de sa demande, que la société Star lease serait irrecevable à agir faute de justifier des suites données à sa déclaration de créance au passif de la liquidation de la société ABL Production.
Toutefois, la société Star lease produit aux débats les documents justifiant, d’une part de l’admission de sa créance au passif de la liquidation judiciaire, d’autre part de l’absence de répartition à son profit, selon courrier du mandataire en date du 9 février 2023.
La société Star lease a donc bien justifié des suites données à sa déclaration de créance, étant au surplus observé qu’une éventuelle absence d’information quant aux suites de cette dernière n’est pas une cause d’irrecevabilité de la demande.
* sur le moyen tiré de la nullité du contrat de crédit bail
M. [T] soutient que le contrat de crédit bail serait nul au motif que deux des machines commandées n’ont pas été livrées, s’agissant de l’emballeuse et de la diviseuse.
La société Star lease soutient d’une part que les procès-verbaux de livraison sont bien signés, ajoutant qu’en tout état de cause, l’éventuelle sanction d’un défaut de livraison n’est pas la nullité du contrat.
La société Star lease produit aux débats les deux procès-verbaux de réception de l’emballeuse et de la diviseuse, datés respectivement des 20 et 28 juillet 2015 (le premier enregistré chez Star lease le 21 août 2015) signés de M. [T] avec le tampon de la société ABL Production. M. [T] n’est donc pas fondé à soutenir que les machines n’ont pas été livrées. Ce moyen est donc inopérant.
* sur la proportionnalité du contrat de cautionnement aux biens et revenus de M. [T]
M. [T] demande que la fiche de renseignement produite par la société Star lease soit rejetée des débats car elle concerne un autre dossier de prêt conclu avec le Crédit du Nord, ajoutant que ses cautionnements antérieurs ne sont pas mentionnés (deux cautionnements de septembre 2014 et juin 2015), faisant valoir un total d’engagements à hauteur de 319 494 euros (en ce compris celui avec la société Star lease), de sorte que le dernier cautionnement serait manifestement disproportionné.
La société Star lease soutient qu’il importe peu que la fiche de renseignements soit à en-tête du Crédit du Nord, dès lors qu’elle est une filiale de cette banque, l’essentiel étant de constater que la fiche est concomittante de l’engagement de caution. Elle rappelle qu’elle n’avait pas à vérifier les informations portées sur cette fiche en l’absence d’anomalies apparentes et qu’il appartenait à M. [T] de faire état de ses véritables engagements de caution. Elle relève que le patrimoine de M. [T] s’élevait à 1,5 million d’euros et qu’il disposait d’un revenu annuel de 60 000 euros, de sorte que l’engagement pris n’était pas disproportionné.
Il résulte des dispositions de l’ancien article L 341-4 du code de la consommation applicables au cautionnement souscrit avant le 1er juillet 2016, qu’un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation. Ces dispositions s’appliquent que la caution, personne physique, soit ou non avertie, la preuve de la disproportion incombant à la caution.
En outre, lorsque la caution, lors de son engagement, a déclaré des éléments sur sa situation financière au créancier, celui-ci, en l’absence d’anomalies apparentes, peut se fonder sur ces seules déclarations de la caution dont il n’a pas à vérifier l’exactitude. Cette dernière n’est pas alors admise à établir devant le juge que sa situation financière était en réalité moins favorable sauf si le créancier professionnel a eu connaissance de l’existence d’autres charges pesant sur la caution.
Les revenus escomptés de l’opération garantie n’ont pas à être pris en considération et en l’absence de disproportion de l’engagement de caution au moment où il est conclu, il est inopérant de rechercher si le patrimoine de la caution lui permet de faire face à son obligation au moment où elle est appelée. Il doit être tenu compte des cautionnements déjà donnés à la date de l’engagement contesté.
En l’espèce, il importe peu que la fiche de renseignements soit établie à en-tête du Crédit du Nord, dès lors que le contrat de cautionnement est établi à en-tête de : ‘société Star lease – groupe Crédit du Nord’, la société intimée confirmant, sans observation de l’appelant, être une filiale de Crédit du Nord. L’essentiel est de constater que cette fiche de renseignements est datée du 1er juillet 2015, soit 9 jours seulement avant la conclusion du contrat de cautionnement. Il n’y a donc pas lieu d’écarter cette fiche des débats.
La fiche de renseignements porte la mention manuscrite suivante apposée par M. [T] juste avant sa signature : ‘je certifie l’exactitude des renseignements donnés ci-dessus et j’atteste n’avoir pas connaissance d’autres charges que celles énoncées.’
Cette fiche fait apparaître que M. [T] :
– est célibataire,
– dispose de revenus annuels de 60 000 euros,
– dispose d’une résidence secondaire d’une valeur de 550 000 euros,
– dispose d’un appartement situé à Paris par le biais d’une SCI , d’une valeur de 1 million d’euros,
– rembourse un crédit immobilier (Banque populaire) par échéances mensuelles de 1170 euros, l’échéance finale étant fixée en 2035, le montant restant dû étant de ‘200″ (ce qui doit se comprendre comme 200 000 euros, dès lors que tous les montants sont en Ke).
M. [T] justifie qu’il s’était en outre engagé en qualité de caution dans les conditions suivantes:
– cautionnement auprès du Crédit du Nord en date du 24 septembre 2014 pour un montant de 39000 euros (pour le compte de la société ABL Production),
– cautionnement auprès du Crédit du Nord en date du 11 juin 2015 pour un montant de 104 000 euros (pour le compte de la société ABL Production).
Le fait que ces deux cautionnements ne figurent pas sur la fiche de renseignements à en-tête du Crédit du Nord, alors même qu’ils ont été souscrits à l’égard de ce dernier, constitue une anomalie apparente dont il convient de tenir compte dans l’appréciation du caractère disproportionné ou non du cautionnement, le Crédit du Nord et sa filiale ayant nécessairement connaissance de ces engagements.
Il apparaît ainsi que M. [T] – qui n’allègue pas n’avoir détenu qu’une partie des parts de la SCI – disposait d’un revenu annuel de 60 000 euros, et d’un patrimoine net de 1 350 000 euros (soit : 1 550 000 euros – 200 000 euros d’emprunt immobilier), de sorte que le cautionnement à hauteur de 176 494 euros, même ajouté aux engagements antérieurs de 39 000 euros et 104 000 euros, n’était pas manifestement disproportionné à ses biens et revenus.
Au regard de l’absence de disproportion de l’engagement de caution au moment où il a été conclu, il n’y a pas lieu de rechercher si le patrimoine de M. [T] lui permettait de faire face à son obligation au moment où il a été appelé.
– sur l’éventuel manquement de la banque à son devoir de mise en garde
M. [T] affirme que : ‘en finançant des installations dont elle ne pouvait ignorer le caractère ruineux en cas d’impossibilité de remboursement, la société Star lease a nécessairement manqué à ses devoirs d’information, de mise en garde et de conseil quant à l’opportunité économique du projet.’ Elle ajoute que la société Star lease a commis une faute en livrant du matériel à la société ABL Production alors que celle-ci connaissait des difficultés de trésorerie et s’est trouvée rapidement dans l’impossibilité de rembourser.
La société Star lease n’a pas répondu sur ce point.
Le banquier dispensateur de crédit est tenu d’un devoir de mise en garde à l’égard de la caution non avertie lorsque, au jour de son engagement, celui-ci n’est pas adapté aux capacités financières de la caution ou il existe un risque d’endettement né de l’octroi du prêt garanti, lequel résulte de l’inadaptation du prêt aux capacités financières de l’emprunteur. La charge de la preuve d’un manquement de la banque à ce titre incombe à la caution qui l’invoque.
A l’égard de la caution avertie, le banquier n’est tenu d’un tel devoir que s’il avait sur les revenus de l’emprunteur, sur son patrimoine et ses facultés de remboursement raisonnablement prévisibles, en l’état du succès escompté de l’opération cautionnée, des informations que la caution ignorait.
Il a été démontré que l’engagement de la caution était adapté à ses capacités financières au jour où il est intervenu. Même si l’on devait admettre que M. [T] a la qualité de caution non avertie, ce qui n’est pas discuté, la seule affirmation du caractère ruineux des installations en cas d’impossibilité de remboursement de la société emprunteuse, qui n’est étayée par aucun élément précis, notamment quant à d’éventuelles difficultés de trésorerie de cette dernière, ne permet pas d’établir l’inadaptation du prêt aux capacités de l’emprunteur, ni un risque particulier d’endettement, de sorte que la preuve d’un manquement à l’obligation de mise en garde n’est pas rapportée.
– sur le non-respect de l’obligation d’information
M. [T] reproche encore à la société Star lease de ne pas avoir respecté certaines dispositions du code de la consommation (articles L.312-14, L.312-16 et L.314-25). Force est toutefois de constater que ces dispositions ne concernent pas les cautions, mais uniquement les emprunteurs (explications dues à l’emprunteur, vérification de sa solvabilité), de sorte que M. [T] ne peut s’en prévaloir.
M. [T] invoque également – sur le fondement de divers articles du code civil, du code de la consommation et du code monétaire et financier – le manquement de la société Star lease à ses obligations d’information du premier incident de paiement, et d’information annuelle, soutenant qu’il n’a pas été destinataire des lettres annuelles d’information, notamment en 2015, 2018 et 2019. Il sollicite donc la déchéance de la société Star lease du droit aux intérêts et pénalités de retard.
La société Star lease soutient que les dispositions invoquées par M. [T] (articles L 313-22 du code monétaire et financier et articles du code de la consommation) ne sont pas applicables au crédit-bail, dès lors que le crédit-bailleur n’est pas une banque et qu’il n’est donc pas tenu des obligations d’information annuelle et d’information du premier incident de paiement, ajoutant qu’il n’existait pas d’incident de paiement à la date du jugement de liquidation. Elle fait valoir qu’en tout état de cause l’indemnité de résiliation ne constitue pas une pénalité et qu’elle ne peut donc pas être déchue du droit au paiement de cette indemnité.
Les diverses dispositions invoquées par M. [T] (article L. 313-22 du code monétaire et financier, article 2293 du code civil, article L. 333-2 anciennement L. 341-6 du code de la consommation) ont été abrogés par l’ordonnance 2021-1192 du 15 septembre 2021.
En application de l’article 2302 du code civil, dans sa version modifiée par cette ordonnance du 15 septembre 2021, en vigueur, y compris pour les cautionnements constitués antérieurement, depuis le 1er janvier 2022 conformément à l’article 37 de cette ordonnance, le créancier professionnel est tenu, avant le 31 mars de chaque année et à ses frais, de faire connaître à toute caution personne physique le montant
du principal de la dette, des intérêts et autres accessoires restant dus au 31 décembre de l’année précédente au titre de l’obligation garantie, sous peine de déchéance de la garantie des intérêts et pénalités échus depuis la date de la précédente information et jusqu’à celle de la communication de la nouvelle information. Dans les rapports entre le créancier et la caution, les paiements effectués par le débiteur pendant cette période sont imputés prioritairement sur le principal de la dette.
En application de ces nouvelles dispositions – comme d’ailleurs le prévoyait déjà les articles L. 341-6 du code de la consommation et 2293 du code civil – l’obligation d’information annuelle s’applique à ‘tout créancier professionnel’, peu important que ce dernier ait la qualité de prêteur ou de crédit-bailleur. La société Star lease est donc soumise à l’obligation d’information annuelle.
La société Star lease ne produit aux débats qu’une seule lettre ‘d’information’, datée du 31 juillet 2017, cette lettre n’informant en réalité que de l’envoi de courriers aux organes de la procédure collective, sans indication du montant de la dette, de sorte qu’elle n’est pas conforme à l’article 2302 précité.
Le cautionnement ayant été conclu en juillet 2015, la première lettre d’information aurait dû être envoyée, non pas en 2015, mais avant le 31 mars 2016 (information au 31 décembre 2015). M. [T] ne soutient pas ne pas l’avoir reçue. Il n’est justifié d’aucune lettre d’information envoyée avant le 31 mars 2018 et 31 mars 2019 (pour les années 2017 et 2018), de sorte que la société Star lease sera déchue du droit aux intérêts et pénalités postérieurs au 31 mars 2018.
Ainsi que l’avait déjà relevé le premier juge, la société Star lease limite sa demande en paiement à la somme de 80 382,22 euros alors même que le décompte produit (déclaration de créance du 26 mars 2018) porte sur une somme de 80 899,39 euros. Ce décompte ne comprend pas d’intérêts. La créance dont il est demandé paiement est intitulée ‘indemnité de résiliation au 28/02/2018″. Elle se compose des 30 loyers restant à échoir à cette date, de l’option d’achat de fin de contrat, et d’une ‘peine encourue’ d’un montant de 7 364,07 euros, conformément à l’article 11.2 des conditions générales du contrat de crédit bail évoquant également une ‘peine’.
Contrairement à ce qui est soutenu par la société Star lease, la partie de l’indemnité de résiliation constituée de la ‘peine encourue’ constitue bien une pénalité, de sorte qu’elle sera déduite de la créance invoquée, compte tenu de la déchéance prononcée plus avant.
M. [T] sera donc condamné au paiement de la somme de : 80 382,22 euros – 7 364,07 euros = 73 018,15 euros, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 7 novembre 2019, le jugement étant ainsi infirmé sur le quantum de la condamnation.
3 – sur la demande de délais de paiement
M. [T] sollicite des délais de paiement sur 24 mois, faisant notamment valoir que la société Star lease est un ‘organisme financier puissant’ pouvant supporter un échelonnement de la dette.
La société Star lease s’oppose à la demande de délais de paiement, au motif de l’absence de toute pièce justificative, et du fait que M. [T] a déjà bénéficié d’un moratoire de cinq années depuis la mise en jeu de son engagement de caution.
Il résulte de l’article 1343-5 du code civil que, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues.
En l’espèce, les seuls justificatifs produits par M. [T] remontent à l’année 2018, attestant à cette date de revenus annuels de 16 500 euros, soit 1 375 euros par mois. Les délais de paiement sollicités, qui ne peuvent excéder 24 mois, aboutiraient à des mensualités de plus de 3 000 euros, qui ne sont manifestement pas compatibles avec les derniers revenus connus de M. [T], de sorte que la demande de délais de paiement ne peut qu’être rejetée.
Sur les dépens et frais irrépétibles
Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens. Chacune des parties succombant partiellement, elle conservera la charge des dépens exposés en cause d’appel. Il est équitable de laisser à chacune des parties la charge des frais irrépétibles qu’elle a exposés pour assurer sa défense.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Déclare recevable l’appel formé par M. [I] [T],
Confirme le jugement du tribunal de commerce de Pontoise du 7 décembre 2021 en ce qu’il s’est déclaré compétent, et en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens,
L’infirme pour le surplus,
Et statuant à nouveau,
Prononce la déchéance de la société Star lease du droit aux pénalités et intérêts de retard,
Condamne M. [I] [T] à payer à la société Star lease la somme de 73 018,15 euros, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 7 novembre 2019,
Rejette toutes autres demandes,
Laisse à chacune des parties la charge des dépens qu’elle a exposés en appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller faisant fonction de Président, et par Madame Sabine NOLIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Conseiller faisant fonction de Président,