CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 16 mars 2023
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 189 F-D
Pourvoi n° V 21-26.000
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 MARS 2023
Mme [R] [Z], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 21-26.000 contre l’arrêt rendu le 7 décembre 2021 par la cour d’appel de Caen (1re chambre civile), dans le litige l’opposant à la société Normandie aménagement, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Farrenq-Nési, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de Mme [Z], de la SCP Didier et Pinet, avocat de la société Normandie aménagement, après débats en l’audience publique du 31 janvier 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Farrenq-Nési, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Caen, 7 décembre 2021), le 27 octobre 2017, un contrat de réservation pour des locaux professionnels et des places de stationnement dans un immeuble en cours de construction a été conclu par acte notarié, mentionnant comme réservant la société Normandie aménagement et comme réservataire Mme [Z], courtier.
2. Il contenait une condition suspensive d’obtention de prêts par le réservataire et prévoyait un dépôt de garantie ainsi qu’une clause pénale, la signature de l’acte authentique étant fixée au 26 février 2018.
3. Le 7 juin 2018, la société Normandie aménagement a fait délivrer à Mme [Z] une sommation interpellative, à laquelle celle-ci a répondu qu’elle ne maintenait pas la réservation faute d’obtention des prêts nécessaires.
4. La lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 15 juin 2018 lui demandant de régler le montant de la clause pénale et le solde du dépôt de garantie n’ayant pas été suivie d’effet, la société Normandie aménagement a assigné Mme [Z] en paiement du solde du dépôt de garantie et en dommages-intérêts.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. Mme [Z] fait grief à l’arrêt d’accueillir la demande de la société Normandie aménagement, alors « que l’arrêt a constaté que la société Normandie aménagement avait donné pouvoir à un clerc de notaire pour régulariser un contrat de réservation au profit de M. [N] ou toute société pouvant se substituer à lui, non avec Mme [Z] ; qu’il en résultait que le contrat de réservation conclu avec cette dernière était inexistant, son consentement n’ayant pas rencontré celui de la société Normandie aménagement représentée par le clerc de notaire, et que Mme [Z] n’était pas engagée par ce contrat inexistant ; qu’en décidant le contraire, au motif inopérant que Mme [Z] et la société Normandie aménagement ne demandaient pas la nullité du contrat, que Mme [Z] s’était reconnue partie à ce contrat et qu’elle n’invoquait pas un vice de son consentement, la cour d’appel a violé l’article 1128 du code civil. »
Réponse de la Cour
6. La cour d’appel a relevé que Mme [Z], qui ne contestait pas sa qualité de réservataire, confirmée par son comportement, se prévalait de l’inexistence du contrat sans en demander la nullité.
7. Elle a constaté que, si la société Normandie aménagement avait donné pouvoir au clerc de l’office notarial pour régulariser le contrat de réservation au profit de M. [N], Mme [Z] figurait au contrat de réservation sous la qualité de courtier et avait été destinataire des sommations interpellatives et mises en demeure adressées par le réservant.
8. La société Normandie aménagement n’ayant pas sollicité la nullité du contrat mais son application, la cour d’appel, au visa des articles 1128, 1130 et 1131 du code civil, en a exactement déduit, dès lors qu’en l’absence d’un élément essentiel du consentement le contrat encourait la nullité relative qui ne pouvait être demandée que par le contractant victime d’une atteinte à son intérêt privé, qu’un contrat de réservation existait entre la société Normandie aménagement et Mme [Z].
9. Le moyen n’est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [Z] aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [Z] et la condamne à payer à la société Normandie aménagement la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize mars deux mille vingt-trois.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour Mme [Z]
L’arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU’il a condamné Mme [Z] à payer à la société Normandie aménagement les sommes de 88 770 € à titre de dommages-intérêts et de 3 772,18 € au titre du solde restant dû sur le dépôt de garantie, et dit que celui-ci est acquis à la société Normandie aménagement et se compensera avec les sommes dues par Mme [Z] ;
ALORS QUE l’arrêt attaqué a constaté que la société Normandie aménagement avait donné pouvoir à un clerc de notaire pour régulariser un contrat de réservation au ·profit de M. [C] [N] ou toute société pouvant se substituer à lui, non avec Mme [Z] ; qu’il en résultait que le contrat de réservation conclu avec cette dernière était inexistant, son consentement n’ayant pas rencontré celui de la société Normandie aménagement représentée par le clerc de notaire, et que Mme [Z] n’était pas engagée par ce contrat inexistant ; qu’en décidant le contraire, au motif inopérant que l’exposante et la société Normandie aménagement ne demandaient pas la nullité du contrat, que Mme [Z] s’était reconnue partie à ce contrat et qu’elle n’invoquait pas un vice de son consentement, la cour d’appel a violé l’article 1128 du code civil.