COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 30Z
12e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 16 MARS 2023
N° RG 21/03418 – N° Portalis DBV3-V-B7F-UQ7V
AFFAIRE :
S.A.R.L. CAPITAL AUTOMOBILE
C/
S.C.I. [Adresse 7]
…
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 07 Avril 2021 par le TJ de Nanterre
N° Chambre : 8
N° RG : 17/04284
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Fabrice ORLANDI
Me Martine DUPUIS
TJ NANTERRE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SEIZE MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
S.A.R.L. CAPITAL AUTOMOBILE
RCS Nanterre n° 480 159 094
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Fabrice ORLANDI de la SCP ORLANDI-MAILLARD & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0066
APPELANTE
****************
S.C.I. VANVES 39 SADI CARNOT représentée par son liquidateur la société BASSAC
RCS Nanterre n° 539 861 823
[Adresse 2]
[Localité 4]
Société BASSAC anciennement dénommée LES NOUVEAUX CONSTRUCTEURS
RCS Nanterre n° 722 032 778
[Adresse 2]
[Localité 4]
SA LES NOUVEAUX CONSTRUCTEURS anciennement dénommée LES NOUVEAUX CONSTRUCTEURS INVESTISSEMENT
RCS Nanterre n° 325 356 079
[Adresse 2]
[Localité 4]
S.C.S. PREMIER LES NOUVEAUX CONSTRUCTEURS
RCS Nanterre n° 333 286 466
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentées par Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 et Me Karima BELLAHOUEL de l’AARPI OCKHAM AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2155
INTIMEES
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 07 Février 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Bérangère MEURANT, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur François THOMAS, Président,
Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,
Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,
Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT
EXPOSE DU LITIGE
Le 6 septembre 2008, la SCI du [Adresse 3] a donné à bail commercial à la SARL Capital Automobile une partie d’un bâtiment située dans un ensemble immobilier sis [Adresse 6], pour une durée de neuf ans.
Envisageant d’acquérir l’ensemble immobilier libre de toute occupation, la SCI Vanves 39 Sadi Carnot, représentée par son gérant la société Les Nouveaux Constructeurs, a, le 26 avril 2012, conclu avec la société Capital Automobile un protocole d’accord prévoyant la résiliation amiable du bail commercial dont était titulaire cette dernière contre le versement d’une indemnité de 500.000 euros H.T. destinée à couvrir les préjudices liés à son départ des locaux occupés.
Le 27 avril 2012, par un avenant au protocole d’accord, la société Capital Automobile a informé la SCI Vanves 39 Sadi Carnot de l’existence d’un contentieux l’opposant à son bailleur : » Le preneur informe la SCI qu’elle est actuellement en cours de contentieux avec la SCI du [Adresse 3] pour trouble de jouissance dans l’occupation des locaux loués, l’affaire se trouvant actuellement devant la Cour d’appel de Versailles ‘ « .
Considérant que la SCI Vanves 39 Sadi Carnot avait violé la clause de confidentialité insérée au protocole d’accord vis à vis de son bailleur, la société Capital Automobile, par courriers de son conseil des 28 février et 3 mars 2014, a adressé un nouveau projet de protocole à la société Les Nouveaux Constructeurs.
La SCI Vanves 39 Sadi Carnot et la société Les Nouveaux Constructeurs n’ont pas signé le nouveau protocole et le projet d’acquisition de l’ensemble immobilier n’a pas abouti.
La SCI Vanves 39 Sadi Carnot a fait l’objet d’une liquidation amiable dont les opérations ont été clôturées le 31 décembre 2015.
A la fin de l’année 2016, la société Capital Automobile a libéré les locaux loués.
Par jugement du tribunal de commerce de Paris du 10 mai 2016, la société Capital Automobile a fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire convertie par jugement du 30 juin 2016 en liquidation judiciaire. La SCP BTSG Paris, ci-après dénommée BTSG, prise en la personne de Me [K], a été désignée en qualité de liquidateur.
Par courriers recommandés des 23 et 29 mars 2017, la société Capital Automobile a mis en demeure la SCI Vanves 39 Sadi Carnot et la société Les Nouveaux Constructeurs d’avoir à lui régler l’indemnité de 500.000 € prévue au protocole d’accord du 26 avril 2012.
A défaut de réponse, par acte d’huissier du 13 avril 2017, la société Capital Automobile, représentée par la SCP BTSG, prise en la personne de Me [K], ès qualités, a fait assigner la SCI Vanves 39 Sadi Carnot et la société Les Nouveaux Constructeurs devant le tribunal de grande instance de Nanterre afin d’obtenir leur condamnation solidaire au paiement de la somme de 500.000 € au titre de l’indemnité transactionnelle, outre celle de 250.000 € au titre du préjudice moral résultant de la violation de la clause de confidentialité figurant au protocole du 26 avril 2012 et celle de 50.000 € au titre de leur résistance abusive.
Par actes d’huissier du 17 mai 2018, la société Capital Automobile a fait assigner en intervention forcée les deux associées de la SCI Vanves 39 Sadi Carnot, les sociétés Premier Les Nouveaux Constructeurs et Les Nouveaux Constructeurs Investissement, nouvellement dénommée Les Nouveaux Constructeurs.
La jonction de ces instances a été prononcée le 14 janvier 2019.
Par jugement du 7 avril 2021, le tribunal judiciaire de Nanterre a :
– Déclaré la société Capital Automobile irrecevable en ses demandes dirigées contre la société Vanves 39 Sadi Carnot en raison de la dissolution de cette société antérieure à l’assignation;
– Rejeté le surplus des moyens d’irrecevabilité soutenus en défense ;
– Débouté la société Capital Automobile de l’intégralité de ses demandes ;
– Débouté la société les Nouveaux constructeurs, la société Les Nouveaux Constructeurs Investissement et la société Premier Les Nouveaux Constructeurs Investissement de leurs demandes reconventionnelles aux fins de condamnation pour procédure abusive ;
– Condamné la société Capital Automobile à payer les sommes de :
– 2.000 € à l’égard de la société les Nouveaux Constructeurs,
– 2.000 € à l’égard de la société les Nouveaux Constructeurs Investissement,
– 2.000 € à l’égard de la société Premier Les Nouveaux Constructeurs Investissement ;
sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Rejeté toutes autres demandes.
Par déclaration du 27 mai 2021, la société Capital Automobile, représentée par la SCP BTSG, prise en la personne de Me [K], ès qualités, a interjeté appel du jugement.
PRETENTIONS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 1er février 2022, la société Capital Automobile et la SCP BTSG, ès qualités, demandent à la cour de :
– Infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nanterre le 7 avril 2021 en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a jugé que la clause de confidentialité incluait le propriétaire des locaux ;
– Rejeter l’ensemble des demandes formulées par les sociétés Vanves 39 Sadi Carnot, Les Nouveaux Constructeurs, nouvellement désignée la société Bassac, Les Nouveaux Constructeurs Investissement, nouvellement désignée la société Les Nouveaux Constructeurs et Premier Les Nouveaux Constructeurs Investissement ;
En conséquence, et statuant à nouveau :
– Recevoir la société Capital Automobile, prise en la personne de son liquidateur, en ses demandes et les dire bien fondées ;
– Constater les fautes contractuelles commises par la société Vanves 39 Sadi Carnot et la société Les Nouveaux Constructeurs, nouvellement désignée la société Bassac, dans le cadre de l’exécution de leurs obligations au titre de leurs obligations au titre de l’accord transactionnel signé avec la société Capital Automobile, prise en la personne de son liquidateur, le 26 avril 2012 ;
– Constater les préjudices subis par la société Capital Automobile, prise en la personne de son liquidateur ;
– Dire et juger la société Vanves 39 Sadi Carnot, prise en la personne de ses associés, les sociétés Les Nouveaux Constructeurs Investissement, nouvellement désignée Les Nouveaux Constructeurs, et Premier Les Nouveaux Constructeurs Investissement, ainsi que la société Les Nouveaux Constructeurs, nouvellement désignée la société Bassac, solidairement responsables des préjudices subis par la société Capital Automobile, prise en la personne de son liquidateur;
En conséquence :
– Condamner solidairement la société Vanves 39 Sadi Carnot, prise en la personne de ses associés, les sociétés Les Nouveaux Constructeurs Investissement, nouvellement désignée Les Nouveaux Constructeurs, et Premier Les Nouveaux Constructeurs, nouvellement désignée la société Bassac, à verser à la société Capital Automobile, prise en la personne de son liquidateur, la somme de 500.000 euros H.T. au titre du préjudice résultant de l’inexécution su protocole signé le 26 avril 2012 ;
– Condamner la société Les Nouveaux Constructeurs, nouvellement désignée la société Bassac, à verser à la société Capital Automobile, prise en la personne de son liquidateur, la somme de 250.000 € au titre du préjudice moral résultant de la violation de la clause de confidentialité figurant au protocole du 26 avril 2012 ;
– Condamner solidairement la société Vanves 39 Sadi Carnot, prise en la personne de ses associés, les sociétés Les Nouveaux Constructeurs Investissement, nouvellement désignée Les Nouveaux Constructeurs, et Premier Les Nouveaux Constructeurs Investissement, ainsi que la société Les Nouveaux Constructeurs, nouvellement désignée la société Bassac, à verser à la société Capital Automobile, prise en la personne de son liquidateur, la somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts pour la résistance abusive manifestée dans l’exécution du protocole;
En tout état de cause :
– Condamner solidairement la société Vanves 39 Sadi Carnot, prise en la personne de ses associés, les sociétés Les Nouveaux Constructeurs Investissement, nouvellement désignée Les Nouveaux Constructeurs, et Premier Les Nouveaux Constructeurs Investissement ainsi que la société Les Nouveaux Constructeurs, nouvellement désignée la société Bassac, à verser à la société Capital Automobile, prise en la personne de son liquidateur, la somme de 500.000 € à titre de dommages et intérêts pour violation de l’obligation de confidentialité stipulée à l’article 10 du protocole signé le 26 avril 2012 ;
– Condamner solidairement la société Vanves 39 Sadi Carnot, prise en la personne de ses associés, les sociétés Les Nouveaux Constructeurs Investissement, nouvellement désignée Les Nouveaux Constructeurs, et Premier Les Nouveaux Constructeurs Investissement, et la société Les Nouveaux Constructeurs, nouvellement désignée la société Bassac, à verser à la société Capital Automobile, prise en la personne de son liquidateur, la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamner solidairement la société Vanves 39 Sadi Carnot, prise en la personne de ses associés, les sociétés Les Nouveaux Constructeurs Investissement, nouvellement désignée Les Nouveaux Constructeurs, et Premier Les Nouveaux Constructeurs Investissement, et la société Les Nouveaux Constructeurs, nouvellement désignée la société Bassac, aux entiers dépens ;
– Assortir les causes du jugement des intérêts au taux légal à compter du 29 mars 2017, date de la dernière mise en demeure, et à compter de la présente assignation au surplus ;
– Ordonner l’exécution provisoire.
Par dernières conclusions notifiées le 28 octobre 2021, la société Vanves 39 Sadi Carnot, représentée par la société Bassac, anciennement dénommée Les Nouveaux Constructeurs et la société Bassac, anciennement dénommée Les Nouveaux Constructeurs, la société Les Nouveaux Constructeurs, anciennement dénommée Les Nouveaux Constructeurs Investissement, et la société Premier Les Nouveaux Constructeurs demandent à la cour de :
– Confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nanterre le 7 avril 2021 en ce qu’il a:
– Déclaré irrecevables les demandes de la société Capital Automobile à l’encontre de la société Vanves 39 Sadi Carnot ;
– Débouté la société Capital Automobile de l’intégralité de ses demandes ;
– Condamné la société Capital Automobile à payer sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile les sommes de :
– 2.000 € à l’égard de la société Les Nouveaux Constructeurs Investissement ;
– 2 000 € à l’égard de la société Premier Les Nouveaux Constructeurs Investissement;
-Ordonné l’exécution provisoire ;
-Condamné la société Capital Automobile aux dépens de l’instance ;
– Débouter la société Capital Automobile, prise en la personne de son liquidateur, la SCP B.T.S.G. Paris, de l’intégralité de ses demandes ;
– Condamner la société Capital Automobile, prise en la personne de son liquidateur, la SCP B.T.S.G. Paris, au versement de la somme de 10.000 € au profit de chacune des sociétés Les Nouveaux Constructeurs, désormais dénommée Bassac, de la société Les Nouveaux Constructeurs Investissement, désormais dénommée Les Nouveaux Constructeurs, et de la société Premier Les Nouveaux Constructeurs, au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
-Condamner la société Capital Automobile aux entiers dépens de l’appel.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 1er décembre 2022.
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur la recevabilité de l’action dirigée à l’encontre de la SCI Vanves 39 Sadi Carnot
Les intimées font valoir que la SCI Vanves 39 Sadi Carnot n’a plus de personnalité morale pour avoir été liquidée amiablement et dissoute, la clôture des opérations de liquidation étant intervenue le 31 décembre 2015. Elles considèrent donc que l’action de la société BTSG ès qualités est irrecevable à son égard en application des dispositions de l’article 32 du code de procédure civile.
La société BTSG, ès qualités, répond que la personnalité morale d’une société liquidée et dissoute subsiste aussi longtemps que les droits et obligations à caractère social ne sont pas liquidés. Elle soutient que les obligations contractées au titre des protocoles signés les 26 et 27 avril 2012 ont un caractère social, de sorte que son action à l’encontre de la SCI Vanves 39 Sadi Carnot est recevable. Elle ajoute que les deux associées de la SCI, les sociétés Premier Les Nouveaux Constructeurs et les Nouveaux Constructeurs Investissement, nouvellement dénommée Les Nouveaux Constructeurs, doivent répondre indéfiniment des dettes de la SCI Vanves 39 Sadi Carnot en application de l’article 1857 du code civil.
*****
L’article 32 du code de procédure civile dispose que : » Est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir « .
Par ailleurs, l’article L.237-2 du code de commerce énonce que : » La société est en liquidation dès l’instant de sa dissolution pour quelque cause que ce soit sauf dans le cas prévu au troisième alinéa de l’article 1844-5 du code civil. Sa dénomination sociale est suivie de la mention » société en liquidation « .
La personnalité morale de la société subsiste pour les besoins de la liquidation, jusqu’à la clôture de celle-ci.
La dissolution d’une société ne produit ses effets à l’égard des tiers qu’à compter de la date à laquelle elle est publiée au registre du commerce et des sociétés « .
Enfin, l’article 1857 alinéa 1er du code civil prévoit que : » A l’égard des tiers, les associés répondent indéfiniment des dettes sociales à proportion de leur part dans le capital social à la date de l’exigibilité ou au jour de la cessation des paiements « .
En l’espèce, il ressort de l’extrait Kbis de la SCI Vanves 39 Sadi Carnot que la société a été liquidée amiablement et que la clôture des opérations de liquidation est intervenue le 15 décembre 2015, puis publiée le 30 septembre 2016.
Comme le soutient la société BTSG ès qualités, en application des dispositions précitées de l’article 1857 alinéa 1er du code civil, la personnalité morale d’une société dissoute subsiste aussi longtemps que les droits et obligations à caractère social ne sont pas liquidés. Cependant, la créance revendiquée par la société BTSG ès qualités ne s’analyse nullement en une créance à caractère social.
Le jugement déféré doit donc être confirmé en ce qu’il a déclaré irrecevable l’action de la société Capital Automobile, représentée par son liquidateur la société BTSG ès qualités, dirigée contre la SCI Vanves 39 Sadi Carnot.
Sur la demande en paiement au titre du protocole transactionnel
La société BTSG ès qualités soutient que la SCI Vanves 39 Sadi Carnot et la société Les Nouveaux Constructeurs, nouvellement dénommée Bassac, ont gravement manqué aux obligations contractuelles résultant du protocole d’accord de résiliation amiable du 26 avril 2012, d’une part, en ne versant pas à la société Capital Automobile l’indemnité de départ et d’autre part, en violant la clause de confidentialité.
Elle explique que la société Capital Automobile a quitté les locaux loués à la fin de l’année 2016 afin de permettre à la SCI Vanves 39 Sadi Carnot d’acquérir l’ensemble immobilier, alors que la société Les Nouveaux Constructeurs a refusé de signer le nouveau protocole en 2014 et que la société Capital Automobile n’a jamais été informée de l’abandon du projet d’achat. Elle indique que le déménagement et la réorganisation des locaux et de l’activité commerciale de la société Capital Automobile ont généré un déficit budgétaire à l’origine de sa liquidation judiciaire.
La société BTSG ès qualités ajoute que la SCI Vanves 39 Sadi Carnot a violé la clause de confidentialité, condition essentielle du protocole, applicable en premier lieu à l’égard de son bailleur, dès lors que ce dernier en était informé. Elle rappelle que la société Capital Automobile était en litige avec son bailleur et indique que la violation de la clause de confidentialité a eu pour conséquence le refus de la SCI du [Adresse 3] de céder l’ensemble immobilier à la SCI Vanves 39 Sadi Carnot. Elle estime par conséquent que cette dernière et la société Les Nouveaux Constructeurs sont responsables, sur le fondement contractuel, de la défaillance de la condition suspensive qui a affecté le paiement de l’indemnité de résiliation anticipée du bail.
Elle invoque également :
– la responsabilité délictuelle de la société Les Nouveaux Constructeurs au titre de la violation de la clause de confidentialité, en sa qualité de mandataire,
– le manquement de la société Les Nouveaux Constructeurs à l’obligation de bonne foi, posée à l’article 1134 du code civil, dans la période précontractuelle, dès lors qu’elle savait, lors de la signature du protocole d’accord, que la confidentialité de son objet était compromise puisqu’elle l’avait révélé à la SCI du [Adresse 3] en toute connaissance du caractère conflictuel de leurs relations.
Les intimées répondent que l’appelante ne peut fonder son action à la fois sur le fondement contractuel et le fondement délictuel. Elles soutiennent que l’inexécution contractuelle n’est pas caractérisée, dès lors que le versement de l’indemnité était conditionné à la réalisation de la vente qui n’a pas eu lieu, entrainant la caducité du protocole. Elles soulignent que le projet de protocole du 28 février 2014 n’a pas été signé par la SCI Vanves 39 Sadi Carnot. S’agissant de la violation de la clause de confidentialité, elles rappellent que l’obligation est née au jour de la signature du protocole et ne peut donc viser des échanges intervenus avant cette date, alors que l’appelante ne démontre pas que des échanges auraient eu lieu avec le bailleur postérieurement à la signature du protocole. Elles soutiennent qu’en tout état de cause, le montant de l’indemnité de résiliation anticipée et l’existence même du protocole ne pouvaient pas constituer une information confidentielle à l’égard de la SCI du [Adresse 3] qui, en tant que bailleresse, devait être loyalement informée des discussions entre son locataire et le candidat acquéreur. Elles précisent qu’une telle information était par ailleurs rendue nécessaire au regard de l’obligation de la SCI du [Adresse 3], en cas de conclusion de la promesse de vente, de communiquer une information complète sur le prix de vente, en ce compris ses compléments, à l’administration fiscale ainsi qu’à la ville au titre du droit de préemption urbain. Les intimées soulignent que le protocole ne fait pas de la clause de confidentialité une condition essentielle de l’accord et que la sanction de la violation d’une telle obligation est la nullité du contrat. Elles considèrent que la responsabilité contractuelle de la société Les Nouveaux Constructeurs ne peut être engagée, dès lors que nonobstant sa qualité de gérante de la SCI Vanves 39 Sadi Carnot, elle n’est pas signataire du protocole litigieux. Pour les mêmes motifs, les intimées contestent toute faute délictuelle de la société Les Nouveaux Constructeurs. Elles dénient enfin tout manquement de cette dernière à son obligation de loyauté dans la phase précontractuelle, dès lors qu’elle n’est pas signataire du protocole. Elles relèvent que l’appelante n’explique pas en quoi il était déterminant que la SCI révèle à la société Capital Automobile que son bailleur était informé des conditions du protocole à la date de sa signature. Elles ajoutent que le caractère intentionnel du manquement n’est pas démontré et que sa sanction est la nullité du contrat. Enfin, les intimées considèrent que le lien de causalité entre les manquements invoqués et le préjudice allégué n’est pas établi, dès lors que la SCI [Adresse 3] a décidé de vendre à un meilleur offrant et que le bail de la société Capital Automobile a été résilié au 5 septembre 2017 par l’effet du congé délivré par le bailleur.
*****
L’article 1240 du code civil énonce que : » Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer « .
Par ailleurs, l’article 1217 du même code dispose que : » La partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou l’a été imparfaitement, peut :
– refuser d’exécuter ou suspendre l’exécution de sa propre obligation ;
– poursuivre l’exécution forcée en nature de l’obligation ;
– obtenir une réduction du prix ;
– provoquer la résolution du contrat ;
– demander réparation des conséquences de l’inexécution.
Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s’y ajouter « .
La société BTSG ès qualités sollicite la condamnation de la société Les Nouveaux Constructeurs, nouvellement dénommée Bassac, à titre principal sur le fondement contractuel, puis subsidiairement, sur le fondement délictuel, de sorte qu’aucune méconnaissance du principe de non cumul des responsabilités n’est caractérisée.
La société Les Nouveaux Constructeurs, nouvellement dénommée Bassac, en qualité de gérant de la SCI Vanves 39 Sadi Carnot n’était pas signataire de l’accord du 26 avril 2012, puisqu’elle n’apparaît qu’en qualité de représentant de la SCI Vanves 39 Sadi Carnot. Sa responsabilité contractuelle, en cette qualité, ne peut donc être engagée.
Il ressort néanmoins des éléments de la procédure que la société Les Nouveaux Constructeurs, est la nouvelle dénomination de la société Les Nouveaux Constructeurs Investissement, qui, avec la société Premier Les Nouveaux Constructeurs, sont les anciens associés de la SCI Vanves 39 Sadi Carnot.
Comme l’ont pertinemment rappelé les premiers juges, un manquement contractuel est susceptible de caractériser une faute délictuelle.
Il ressort de l’acte de » résiliation de bail sous condition suspensive » conclu entre la société Capital Automobile et la SCI Vanves 39 Sadi Carnot, représentée par la société Les Nouveaux Constructeurs, le 26 avril 2012 que la SCI s’est engagée à verser à la société Capital Automobile une indemnité de 500.000 € afin de réparer tous les préjudices consécutifs à la résiliation amiable et anticipée du bail commercial en cause, sous la condition suspensive et déterminante du transfert de propriété de l’ensemble immobilier sis [Adresse 6] au profit de la SCI Vanves 39 Sadi Carnot ou de toute personne morale qu’elle se sera substituée.
Or, il n’est pas discuté que cette vente ne s’est pas réalisée, les intimées produisant aux débats une attestation de Me [I], notaire, du 14 avril 2017 indiquant que malgré l’ouverture d’un dossier de vente en son étude le 13 janvier 2012 entre la SCI du [Adresse 3], propriétaire de l’ensemble immobilier, et la société Les Nouveaux Constructeurs, aucune promesse de vente, ni acte authentique de vente n’a été régularisé.
La société Capital Automobile estime que l’indemnité est néanmoins due dans la mesure où elle a libéré les locaux et que la société les Nouveaux Constructeurs a manqué à l’obligation de bonne foi stipulée à l’article 9 du protocole d’accord en renonçant à signer un nouveau protocole, en ne l’informant pas de sa décision d’abandonner le projet d’achat de l’ensemble immobilier et en ne répondant pas à ses deux mises en demeure des 23 et 29 mars 2019.
L’article 9 du protocole d’accord stipule que :
» Chacune des parties s’engage expressément à exécuter la présente convention de bonne foi, s’agissant pour elles d’une condition fondamentale (‘) – en cas d’inexécution par l’une des parties de ses engagements et obligations, l’autre partie sera elle-même libérée de ses propres obligations et engagements ou à son libre choix, pourra l’y contraindre par la voie judiciaire « .
Au soutien de ses dires, la société BTSG ès qualités produit deux courriers que le conseil de la société Capital Automobile a adressé à la société Les Nouveaux Constructeurs les 28 février et 3 mars 2014 en vue de la signature d’un avenant au protocole de résiliation anticipée. Cependant, il n’est justifié d’aucun élément probant démontrant l’accord de la société Les Nouveaux Constructeurs pour négocier un second protocole qu’elle n’a pas signé.
Alors que l’accord du 26 avril 2012 ne mettait à la charge de la SCI Vanves 39 Sadi Carnot aucune autre obligation d’information au bénéfice de la société Capital Automobile que celle relative à la signature d’une promesse, puis de l’acte de vente définitif, la cour constate que la société Capital Automobile, informée de la condition suspensive relative à la régularisation de la vente de l’ensemble immobilier et du refus de la SCI Vanves 39 Sadi Carnot, représentée par la société Les Nouveaux Constructeurs, de régulariser un avenant au protocole en mars 2014, a libéré les locaux en 2016, sans préalablement se préoccuper de la réalisation de la vente. Cette faute de la société Capital Automobile est à l’origine de son préjudice.
La société BTSG ès qualités soutient que la société les Nouveaux Constructeurs est responsable du défaut d’accomplissement de la condition suspensive, dès lors qu’elle a, en violation de la clause de confidentialité, avisé la SCI du [Adresse 3] du protocole d’accord de résiliation amiable du 26 avril 2012, alors que la société les Nouveaux Constructeurs était informée qu’elle était en conflit avec son bailleur.
L’article 10 du protocole d’accord stipule que : » Les parties conviennent du caractère strictement confidentiel du présent accord.
Elles s’engagent par conséquent à ne pas révéler ni communiquer à des tiers, personnes physiques ou morales, par quelques moyens que ce soit, d’informations ayant trait à l’existence de ce protocole, à son objet et à ses termes.
Les parties au présent protocole prendront ainsi toutes les mesures nécessaires pour en protéger la confidentialité et prévenir toute divulgation à des tiers « .
Par ailleurs, suivant un avenant au protocole d’accord du 27 avril 2012, la société Capital Automobile a informé la SCI Vanves 39 Sadi Carnot de l’existence d’un contentieux l’opposant à son bailleur : » Le preneur informe la SCI qu’elle est actuellement en cours de contentieux avec la SCI du [Adresse 3] pour trouble de jouissance dans l’occupation des locaux loués, l’affaire se trouvant actuellement devant la Cour d’appel de Versailles ‘ « .
Or, la société BTSG ès qualités communique un courrier du 18 juin 2012 que la SCI du [Adresse 3] a adressé à sa locataire, la société Capital Automobile, faisant expressément référence à l’accord de résiliation amiable du 26 avril 2012 et au versement escompté par cette dernière de l’indemnité de 500.000 €.
Néanmoins, la société BTSG ès qualités évoque en pages 20 et 21 de ses écritures une attestation de Me [D], notaire, datée du 18 juin 2012, aux termes de laquelle il explique : » Avoir assisté à deux réunions au cours du premier trimestre 2012 [souligné par la cour] entre la société SCI du [Adresse 3], représentée par M. [Z] [G], et la société Les Nouveaux Constructeurs, représentée notamment par M. [C] [B],
Aux termes desquelles la société Les Nouveaux Constructeurs a évoqué l’éventualité de conclure avec la société Capital Automobile, société locataire de locaux dépendant de l’immeuble sis [Adresse 6], sans le concours ni l’intervention de la société SCI du [Adresse 3],
Une convention visant à obtenir la libération des locaux occupés par ladite société Capital Automobile, contre le versement à celle-ci par Les Nouveaux Constructeurs d’une indemnité pouvant atteindre 500.000 €, et ce, en cas de vente par la société SCI du [Adresse 3] à la société Les Nouveaux Constructeurs de l’ensemble immobilier sis [Adresse 6]. »
Il résulte de cette pièce que la SCI du [Adresse 3] était informée de l’accord de résiliation anticipée avant même sa signature et donc de l’application de la clause de confidentialité, dont la violation n’apparaît par conséquent pas caractérisée.
La société BTSG ès qualités considère qu’en ne lui révélant pas que la SCI du [Adresse 3] était avisée de l’accord précité, la société Les Nouveaux Constructeurs a manqué à son obligation de contracter de bonne foi.
Toutefois, il ne ressort pas de cet accord que la société Capital Automobile a attiré l’attention de la SCI Vanves 39 Sadi Carnot sur l’importance déterminante de ne pas en révéler l’existence à la SCI du [Adresse 3]. Dans le cadre des négociations précédant la vente, la SCI Vanves 39 Sadi Carnot, dans l’ignorance des relations conflictuelles entretenues par le propriétaire bailleur et son locataire, a légitimement pu évoquer la prise en charge financière de l’indemnisation du locataire du fait de la résiliation anticipée du bail commercial.
Comme la société BTSG ès qualités le précise, la société Capital Automobile n’a informé la SCI Vanves 39 Sadi Carnot du contentieux l’opposant à la SCI du [Adresse 3] au sujet d’un trouble de jouissance que postérieurement à la signature de l’accord, par un avenant du 27 avril 2012. Au surplus, la société Capital Automobile n’a nullement précisé à cette occasion qu’en raison de ce contentieux, sans objet avec l’accord du 26 avril 2012, elle ne souhaitait pas que son bailleur soit informé du protocole de résiliation anticipée du bail. Dans ces conditions, aucun manquement à l’obligation de bonne foi n’est démontré.
La cour rappelle que la société Capital Automobile s’est montrée gravement négligente en libérant les locaux sans justifier s’être préalablement préoccupée de la signature d’un compromis de vente par la SCI Vanves 39 Sadi Carnot.
Si la société BTSG ès qualités soutient que la société Capital Automobile a quitté les locaux en 2016 en exécution de l’accord du 26 avril 2012, les intimées soulignent pertinemment d’une part, qu’aucun élément de preuve ne vient corroborer cette affirmation et d’autre part, qu’aux termes de l’article 3, 4° du projet d’avenant à l’accord précité, tel qu’annexé au courrier du conseil de la société Capital Automobile du 28 février 2014, il est précisé que le bailleur a fait délivrer au locataire un congé portant dénégation du droit au statut des baux commerciaux pour le 5 septembre 2017, date de fin contractuelle du bail, remettant ainsi en cause le caractère volontaire de la libération des locaux par la société capital Automobile. La société BTGS ès qualités ne s’explique pas sur ce congé.
De surcroît, la cour relève que la société BTSG ès qualités ne démontre pas que la SCI du [Adresse 3], informée de l’accord de résiliation anticipée du 26 avril 2012, n’a pas vendu son ensemble immobilier à ce constructeur dans le seul but de faire échec à l’application de l’accord litigieux. Si aux termes du projet d’avenant annexé au courrier du conseil de la société Capital Automobile du 28 février 2014, il est précisé que » Cet accord [du 26 avril 2012] n’a pu être réalisé du fait que la SCI propriétaire laquelle en ayant eu connaissance, s’est opposée à la réalisation « , il doit être rappelé que la SCI Vanves 39 Sadi Carnot et la société Les Nouveaux Constructeurs n’ont pas signé ce projet.
A titre surabondant, les intimées justifient, sans être contestées, de la réalisation par le groupe Pierre Promotion d’un ensemble immobilier [Adresse 6], ce qui établit que la SCI du [Adresse 3] a finalement choisi de vendre son bien à un autre constructeur. Dès lors que la société BTSG ès qualités ne démontre pas que la vente est intervenue à un prix au moins équivalent à celui qui était proposé par la SCI Vanves 39 Sadi Carnot, le lien de causalité entre la faute alléguée et le défaut de versement de l’indemnité n’est en tout état de cause pas caractérisé.
Le jugement déféré sera par conséquent confirmé en ce qu’il a débouté la société Capital Automobile, représentée par son liquidateur la société BTSG, ès qualités, de l’intégralité de ses demandes indemnitaires.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
Au regard de la solution du litige, le jugement déféré doit être confirmé des chefs des dépens et de l’article 700 du code de procédure civile.
En application des dispositions de l’article 696 du même code, la société BTSG ès qualités supportera les dépens d’appel. Par ailleurs, il sera alloué une somme de 1.000 € chacune à :
– la société Les Nouveaux Constructeurs, prise en toutes ses qualités,
– la société Les Nouveaux Constructeurs Investissement, désormais dénommée Les Nouveaux Constructeurs,
– la société Premier Les Nouveaux Constructeurs,
soit la somme totale de 3.000 €.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Fixe au passif de la procédure collective de la société Capital Automobile les dépens d’appel;
Fixe au passif de la procédure collective de la société Capital Automobile les créances suivantes au titre de l’article 700 du code de procédure civile :
– 1.000 € au bénéfice de la société Les Nouveaux Constructeurs, prise en toutes ses qualités,
– 1.000 € au bénéfice de la société Les Nouveaux Constructeurs Investissement, désormais dénommée Les Nouveaux Constructeurs,
– 1.000 € au bénéfice de la société Premier Les Nouveaux Constructeurs.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur François THOMAS, Président et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, le président,