Nullité de contrat : 16 mars 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 20/07492

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Nullité de contrat : 16 mars 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 20/07492

N° RG 20/07492 – N° Portalis DBVX-V-B7E-NKHS

Décision du Tribunal de Commerce de SAINT-ETIENNE

du 03 novembre 2020

RG : 2020J541

S.A.R.L. AUTONOMIE SERVICE PLUS

C/

S.A.S. LOCAM

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

6ème Chambre

ARRET DU 16 Mars 2023

APPELANTE :

LA SOCIETE AUTONOMIE SERVICE PLUS

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Philippe NOUVELLET de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475

assisté de Me Audrey CHELLY SZULMAN, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE :

LA SOCIETE LOCAM – LOCATION AUTOMOBILES MATERIELS

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Michel TROMBETTA de la SELARL LEXI, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

* * * * * *

Date de clôture de l’instruction : 17 Mai 2022

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 07 Février 2023

Date de mise à disposition : 16 Mars 2023

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

– Dominique BOISSELET, président

– Evelyne ALLAIS, conseiller

– Stéphanie ROBIN, conseiller

assistés pendant les débats de Charlotte COMBAL, greffier

A l’audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Dominique BOISSELET, président, et par William BOUKADIA, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

FAITS, PROCEDURE ET DEMANDES DES PARTIES :

Par acte d’huissier de justice du 12 août 2020, la société Locam-Locations Automobiles Matériels (la société Locam) a fait assigner devant le tribunal de commerce de Saint-Etienne la société Autonomie Service Plus aux fins de voir condamner celle-ci à lui payer le solde d’un contrat de location longue durée impayé ainsi qu’à lui restituer le matériel loué sous astreinte.

Dans le dernier état de la procédure, la société Locam a réitéré ses prétentions initiales. La société Autonomie Service Plus n’a pas comparu.

Par jugement du 3 novembre 2020 le tribunal de commerce de Saint-Etienne a :

– condamné la société Autonomie Service Plus à payer à la société Locam la somme de 23.522,40 euros, y incluse la clause pénale de 10%, outre intérêts au taux légal à dater de l’assignation,

– ordonné Ia restitution par la société Autonomie Service Plus à la société Locam du matériel objet du contrat, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la signification du jugement et ce, pour le cas où la restitution ne serait pas intervenue avant le prononcé du jugement,

– condamné la société Autonomie Service Plus à payer à la société Locam la somme de 100 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit que les dépens, dont frais de greffe taxés et liquidés à 64,46 euros, seraient payés par la société Autonomie Service Plus à la société Locam,

– dit qu’en application de l’article 514 du code de procédure civile, la décision était de droit exécutoire par provision.

Par déclaration du 30 décembre 2020, la société Autonomie Service Plus a interjeté appel de la décision en toutes ses dispositions.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 10 septembre 2021, la société Autonomie Service Plus demande à la Cour, au visa des articles 1104 et 1231-5 du code civil, de l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020, de :

– infirmer en toutes ses dispositions le jugement,

à titre principal :

– constater qu’elle assume le paiement d’échéances auprès d’autres loueurs pour le même matériel et que le contrat dont la société Locam se prévaut est constitutif d’une fraude manifeste,

– ordonner la nullité du contrat pour fraude manifeste,

à titre subsidiaire :

– dire et juger que la clause résolutoire a été mise en oeuvre de facon abusive,

en toutes hypothèses :

– débouter la société Locam de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– débouter la société Locam de sa demande de restitution du matériel,

– condamner la société Locam au paiement de la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société Locam aux entiers dépens.

Dans ses conclusions notifiées le 6 juillet 2021, la société Locam demande à la Cour, au visa des articles 1203 et 1231-2 du code civil, des ordonnances n°2020-306 du 25 mars 2020 et n° 2020-560 du 13 mai 2020, de :

– dire non fondé l’appel de la société Autonomie Service Plus,

– débouter la société Autonomie Service Plus de toutes ses demandes,

– confirmer Ie jugement entrepris,

– condamner la société Autonomie Service Plus à lui régler une nouvelle indemnité de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société Autonomie Service Plus en tous Ies dépens d’instance et d’appel.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 17 mai 2022.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties aux conclusions écrites susvisées.

MOTIFS DE LA DECISION :

Suivant contrat n°1479898 du 5 février 2019, la société Locam a consenti à la société Autonomie Service Plus la location d’un standard téléphonique Alcatel et d’un photocopieur Sharp moyennant le règlement de 21 loyers trimestriels successifs de 1.188 euros TTC (toutes taxes comprises)

Le 4 mars 2019, la société Autonomie Service Plus et la société SOS Bureautique France ont signé un procès-verbal de livraison et de conformité du matériel considéré.

Le 6 mars 2019, la société SOS Bureautique France a facturé ce matériel à la société Locam pour un prix total de 20.993,11 euros TTC.

Par lettre recommandée du 24 avril 2020, retournée par la Poste avec la mention « pli avisé et non réclamé », la société Locam a mis en demeure la société Autonomie Service Plus de payer deux loyers impayés, précisant qu’à défaut de règlement dans le délai de huit jours, elle se prévaudrait de la déchéance du terme.

sur la nullité du contrat de location :

La société Autonomie Service Plus fait valoir que :

– son capital social a été racheté en totalité le 31 juillet 2019 par la société H2CZ à M. et Mme [I] ; les actes signés entre la société H2CZ et les époux [I] ne font pas état du contrat de location dont se prévaut la société Locam,

– elle règle déjà les échéances d’un contrat de location portant sur un standard téléphonique et un copieur Sharp conclu le 24 novembre 2016 pour une durée de 63 mois et la société Locam ne peut lui réclamer le paiement d’une location pour le même matériel,

– la facture du 6 mars 2019, destinée à prouver l’acquisition par la société Locam du matériel loué, mentionne l’ancien siège social de la société SOS Bureautique France ainsi que des prix manquant de crédibilité et de cohérence : aucune référence n’est produite quant au matériel livré et au nombre d’unités et les prix tant du standard téléphonique que du photocopieur sont manifestement excessifs,

– le contrat de location dont se prévaut la société Autonomie Service Plus est entaché d’une fraude manifeste, doit être déclaré nul et lui est inopposable, étant précisé qu’elle régularise parallèlement une plainte pénale.

La société Locam réplique que :

– la cession de parts sociales invoquée par la société Autonomie Service Plus n’a aucune incidence quant aux engagements contractés par cette société avant cette cession,

– la société Autonomie Service Plus ne prouve pas en outre que les sommes réclamées feraient double emploi avec celles versées à un autre bailleur, ne justifiant ni de ses autres paiements, ni de l’existence d’un autre contrat, ni le cas échéant que ce dernier aurait le même objet que celui dont se prévaut la société Locam.

Le protocole d’accord de cession de 100 % du capital social de la société Autonomie Service Plus signé le 31 juillet 2019 entre M. et Mme [I] d’une part et la société H2CZ Age d’Or Services d’autre part mentionne dans son annexe 20 intitulée « liste des contrats en cours » un contrat Grenke Location pour la téléphonie avec échéance mensuelle ainsi qu’un contrat de location du copieur Sharp. Il ne fait donc pas expressément référence au contrat de location n°1479898 conclu le 5 février 2019 entre la société Autonomie Service Plus et la société Locam. Toutefois, à supposer que la société H2CZ Age d’Or Services n’ait pas eu connaissance de l’existence de ce contrat à la date de la cession du capital social de la société Autonomie Service Plus, ce fait n’a aucune incidence quant à la validité du contrat. En outre, la société Autonomie Service Plus ne soutient pas que la facture du 6 mars 2019 serait un faux, nonobstant les critiques formulées à l’égard de ce document. Enfin, si la société Autonomie Service Plus a conclu le 24 novembre 2016 un contrat de location avec la société Grenke Location portant sur un matériel « PABx+postes » fourni par la société SOS Bureautique France, elle a également signé le 15 mars 2018 avec la société RJ Conseil un procès-verbal de livraison et de conformité concernant l’installation d’un « PABx Oxo Compact ». Or, elle ne justifie du règlement d’aucune échéance au titre de l’un ou l’autre de ces standards téléphoniques ni d’un autre contrat de location afférent à un photocopieur Sharp.

La société Autonomie Service Plus ne démontre donc pas que le contrat conclu avec la société Locam est entaché d’une fraude manifeste. Aussi, elle sera déboutée de sa demande de nullité du contrat considéré.

sur la déchéance du terme :

La société Autonomie Service Plus fait valoir que :

– la société Locam a agi de mauvaise foi dans la mise en oeuvre de la clause résolutoire, lui ayant adressé sa lettre de mise en demeure le 30 avril 2020, soit pendant la période de confinement, ne lui ayant renvoyé aucune nouvelle lettre de mise en demeure alors que l’avis de réception de la première lettre de mise en demeure n’avait pas été signé et lui ayant fait délivrer une assignation le 12 août 2020, soit pendant une période de congé annuel,

– elle est bien fondée à solliciter la suspension des effets de la clause résolutoire.

La société Locam réplique que :

– les effets de la clause résolutoire ont été suspendus en application de l’ordonnance 2020-306 du 25 mars 2020 huit jours après le 23 août 2020, date de la fin de la période de suspension, soit jusqu’au 31 août 2020,

– la société Autonomie Service Plus n’ayant rien réglé depuis cette date, elle est bien fondée à se prévaloir de la déchéance du terme.

L’article 12 des conditions générales du contrat de location liant les parties prévoit que celui-ci pourra être résilié de plein droit par la société Locam sans aucune formalité judiciaire, 8 jours après une mise en demeure restée sans effet, notamment en cas de non paiement d’un loyer ou d’une prime à son échéance.

La mise en oeuvre de cette clause résolutoire n’est pas subordonnée à la réception effective par le locataire de la lettre de mise en demeure restée sans effet. Aussi, le fait que la société Autonomie Service Plus n’ait pas réceptionné la lettre considérée n’a aucune conséquence quant à la déchéance du terme.

La société Autonomie Service Plus ayant été avisée le 30 avril 2020 par la poste de la lettre recommandée de la société Locam la mettant en demeure de régler sous huitaine les loyers impayés à peine de déchéance du terme, la clause résolutoire invoquée par la société Locam prenait effet au plus tard le 9 mai 2020, soit pendant la période de protection du 12 mars au 23 juin 2020 instituée par l’article 1 de l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période. La date d’effet de la clause résolutoire a donc été reportée à compter du 24 juin 2020 pour une durée égale au temps écoulé du 12 mars au 8 mai 2020 (en l’occurrence un mois et 26 jours, soit jusqu’au 19 août 2020 en application de l’article 5 de la même ordonnance.

La société Autonomie Service Plus a certes été assignée en paiement dès le 12 août 2020, soit avant la déchéance du terme. Toutefois, elle n’a subi aucun préjudice de ce chef, n’ayant effectué aucun règlement depuis cette assignation. Elle ne démontre donc pas que la société Locam a mis en oeuvre la clause résolutoire de façon abusive.

sur la créance de la société Locam :

La somme de 23.522,40 euros allouée par le jugement dont appel se décompose de la façon suivante :

loyers échus impayés du 30/12/ 2019 au 30/06/2020 :

3.564,00 €

clause pénale afférente égale à 10 % :

356,40 €

loyers restant à échoir du 30/09/2020 au 30/03/2024 :

17.820,00 €

clause pénale afférente égale à 10%

1.782,00 €

total :

23.522,40 €

La demande de réduction des indemnités contractuelles sollicitée par la société Autonomie Service Plus ne porte que sur l’indemnité de résiliation égale au montant des loyers restant à échoir au 30 septembre 2020 ainsi que sur la majoration des sommes dues à hauteur de 10 %, soit sur la somme totale de 19.958,40 euros.

La société Autonomie Service Plus n’établit pas le caractère manifestement excessif de ces indemnités au seul motif qu’elle doit régler les échéances d’un autre contrat, étant observé qu’elle n’a pas justifié des paiements allégués dans le cadre de la présente procédure et qu’elle indique au surplus ne pas être en mesure de restituer le bien loué. Elle sera dès lors déboutée de sa demande en réduction de la clause pénale. C’est donc à juste titre que le premier juge a condamné la société Autonomie Service Plus à payer à la société Locam la somme de 23.522,40 euros, y incluse la clause pénale de 10 %.

En revanche, cette somme ne peut porter que pour partie intérêts au taux légal à compter de l’assignation, la clause résolutoire n’ayant pris effet que postérieurement à cet acte. La société Autonomie Service Plus sera condamnée à payer à la société Locam la somme de 23.522,40 euros outre intérêts au taux légal sur le montant de 3.920,40 euros à compter du 12 août 2020 et sur celui de 19.602 euros à compter du 3 novembre 2020, date de la décision de première instance et le jugement infirmé de ce chef.

La société Autonomie Service Plus ne faisant valoir aucun moyen à l’appui de sa demande de voir infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamnée à restituer le matériel loué sous astreinte, le jugement sera confirmé de ce chef.

Compte tenu de la solution apportée au litige, le jugement sera également confirmé quant aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile.

La société Autonomie Service Plus, partie perdante en appel, sera condamnée aux dépens d’appel et conservera la charge de ses frais irrépétibles. L’équité ne commande pas d’allouer à la société Locam une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Confirme le jugement, sauf en ce qu’il a condamné la société Autonomie Service Plus à payer à la société Locam la somme de 23.522,40 euros outre intérêts au taux légal à dater de l’assignation ;

STATUANT A NOUVEAU,

Condamne la société Autonomie Service Plus à payer à la société Locam la somme de 23.522,40 euros outre intérêts au taux légal sur le montant de 3.920,40 euros à compter du 12 août 2020 et sur celui de 19.602 euros à compter du jugement ;

Condamne la société Autonomie Service Plus aux dépens d’appel ;

Déboute chacune des parties de ses demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rejette le surplus des demandes.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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