N° RG 19/06970 – N° Portalis DBVX-V-B7D-MUDK
Décision du Tribunal de Commerce de SAINT-ETIENNE au fond
du 10 septembre 2019
RG : 2016j00952
SAS LOCAM
C/
[D]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
3ème chambre A
ARRET DU 16 Mars 2023
APPELANTE :
SAS LOCAM
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Michel TROMBETTA de la SELARL LEXI, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
INTIME :
M. [Y] [D]
né le 16 Septembre 1954 à [Localité 5]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représenté par Me Guy NAGEL de la SCP GUILLERMET – NAGEL, avocat au barreau de LYON, toque : 1788, postulant et par Me Thierry GARBAIL, avocat au barreau de TOULON
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Date de clôture de l’instruction : 10 Octobre 2019
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 11 Janvier 2023
Date de mise à disposition : 16 Mars 2023
Audience présidée par Aurore JULLIEN, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière.
Composition de la Cour lors du délibéré :
– Patricia GONZALEZ, présidente
– Marianne LA-MESTA, conseillère
– Aurore JULLIEN, conseillère
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSÉ DU LITIGE
Le 31 mai 2016, un contrat de location aurait été conclu entre la SAS Locam et M. [Y] [D] afin de financer un « site internet » commandé à la SARL Alcom. Le même jour, un procès-verbal de livraison et de conformité aurait été signé.
M. [Y] [D] a estimé qu’il ne s’agissait pas de sa signature mais de celle de son fils M. [Z] [D]. Il a donc demandé la résiliation du contrat de site internet et n’a pas réglé les échéances.
Par courrier recommandé dont il a été accusé réception le 17 septembre 2016, la société Locam a mis en demeure M. [D] de régler les échéances impayées et à échoir. Cette mise en demeure est restée sans effet.
Par acte d’huissier du 17 novembre 2016, la société Locam a assigné M. [D] devant le tribunal de commerce de Saint-Etienne aux fins d’obtenir la somme principale de 11.207,21 euros.
Par jugement contradictoire du 10 septembre 2019, le tribunal de commerce de Saint-Etienne a :
débouté M. [Y] [D] de ses demandes et moyens fondés sur l’absence de remise d’un original du contrat de location,
constaté que M. [Z] [D] est bien le signataire du contrat de location et du procès-verbal de livraison et conformité,
débouté la société Locam de l’ensemble de ses demandes,
condamné la société Locam à payer la somme de 2.000 euros à M. [Y] [D] au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
dit que les dépens, dont frais de greffe taxés et liquidés dès à présent à 66,70 euros, sont à la charge de la société Locam,
rejeté la demande d’exécution provisoire du jugement,
débouté M. [Y] [D] du surplus de ses demandes.
La société Locam a interjeté appel par acte du 10 octobre 2019.
Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 8 juillet 2020 fondées sur les articles 1134 et suivants, 1149 et suivants, 1382 ancien et 441-1 du code civil, la société Locam demande à la cour de :
dire bien fondé son appel,
réformer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
condamner M. [D] à lui régler la somme de 11.207,21 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure en date du 17 septembre 2016,
débouter M. [D] de toutes ses demandes,
condamner M. [D] à lui régler une indemnité de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
condamner M. [D] en tous les dépens d’instance et d’appel.
À l’appui de sa position, la société Locam a fait valoir’:
la validité de l’engagement de M. [D] eu égard aux mentions apposées sur le contrat concernant les nom et prénom du gérant, l’apposition du tampon humide de l’entreprise
l’existence d’un procès-verbal de réception et de conformité, sans compter que le site internet renvoie à son nom et son enseigne mais aussi des textes et illustrations spécifiques à sa profession, ce qui ne peut qu’exclure un engagement par une tierce personne sans quoi les éléments n’auraient pas été remis
l’engagement effectif envers des tiers de bonne foi en raison du mandat apparent
s’agissant du prétendu défaut de remise du contrat, le fait que l’appelante verse uniquement l’exemplaire Locam ce qui indique une remise de l’exemplaire client
sur la prétendue tromperie en lien avec un procès-verbal de livraison et de conformité du même jour, une analyse erronée puisque lors de la signature, le site est déjà créé, sans compter que cette situation n’est opposable qu’au fournisseur et pas au payeur
la preuve de la livraison du site
sur la prétendue insanité d’esprit du signataire, le fait que la fragilité émotionnelle du signataire, à savoir le fils de l’intimé, ne suffit pas à remettre en cause la validité de la convention, sauf à démontrer une réelle insanité d’esprit à la signature, ce qui n’est pas le cas, en application de l’article 414-1 du code civil.
Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 30 janvier 2020, M. [Y] [D] demande à la cour de :
– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a :
‘ constaté que M. [Z] [D] est bien le signataire du contrat de location et du procès-verbal de livraison et conformité,
‘ débouté la société Locam de l’ensemble de ses demandes,
‘ condamner la société Locam à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ dit que les dépens, dont frais de greffe taxés et liquidés à présent à 66,70 euros sont à la charge de la société Locam,
– infirmer le jugement déféré en ce qu’il :
‘ l’a débouté de ses demandes et moyens fondés sur l’absence de remise d’un original du contrat de location,
‘ l’a débouté du surplus de ses demandes.
Y ajoutant,
juger que la société Locam ne justifie pas d’un contrat l’ayant engagé,
juger que la société Locam ne justifie pas de la livraison de la prestation de service objet du contrat de location.
Subsidiairement,
prononcer la nullité du contrat de la société Locam
En toute hypothèse,
condamner la société Locam à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de l’instance donc ceux d’appel distraits au profit de Me Nagel, Avocat, sur son affirmation de droit.
À l’appui de sa position, M. [D] a fait valoir’:
l’absence de remise du contrat original ce qui suffit à entraîner le rejet des demandes de la société Locam
la signature du contrat par une personne tierce, n’ayant pas la capacité d’engager la société, à savoir son fils, [Z] [D], dont la signature est présente sur le contrat et le procès-verbal de livraison
l’absence de vérification de la qualité de la personne ayant signé par la société Locam avant l’engagement
le fait que dès la mise en ‘uvre des prélèvements, M. [D] a contesté ceux-ci et a contacté la société Alcom, fournisseur du site internet, ce qui est reconnu par cette dernière dans un courrier du 6 juillet 2016, et repris par l’intimé dans une lettre recommandée avec accusé de réception du 7 juillet 2016
la difficulté liée à un procès-verbal de réception et de conformité du même jour alors qu’il s’agit de la livraison d’un site internet ce qui ne permet pas de constater la conformité le jour de la livraison, ce qui au sens de l’intimé est un faux
à titre subsidiaire, la nullité du contrat eu égard à l’état de santé psychique de son fils, salarié ouvrier, comme le montre une attestation de Mme [O], psychologue.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 29 janvier 2021, les débats étant fixés au 11 janvier 2023.
Pour un plus ample exposé des moyens et motifs des parties, renvoi sera effectué à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l’article 455 du Code de Procédure Civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur les demandes de la société Locam
Il résulte des articles 1985 et 1998 du code civil qu’une personne peut être engagée sur le fondement d’un mandat apparent lorsque la croyance du tiers aux pouvoirs du prétendu mandataire a été légitime, ce caractère supposant que les circonstances autorisaient ce tiers à ne pas vérifier lesdits pouvoirs, la question devant faire l’objet d’une analyse in concreto.
En l’espèce, le contrat de location de site web du 31 mai 2016 supporte les noms et qualité «’M. [D] [Y], gérant’», ainsi qu’une signature et le tampon humide de la société.
Le procès-verbal de réception du même jour supporte uniquement le tampon humide de la société et la même signature que sur le contrat de location, étant noté par ailleurs que la mention «’lu et approuvé’» n’est pas apposée comme cela doit être le cas.
La société Locam au soutien de sa position fait valoir le fondement du mandat apparent, qui permet au tiers de bonne foi de bénéficier des effets du contrat.
Toutefois, il doit être retenu que le nom de l’intimé, M. [Y] [D], a été usurpé par son fils, [Z] [D] dont la signature est identifiable sans aucune difficulté, par comparaison avec la pièce numéro 4 versée aux débats par l’intimé.
En outre, il doit être relevé que de manière immédiate, M. [D] a fait opposition aux prélèvements mis en ‘uvre au bénéfice de la société Locam mais aussi au bénéfice du fournisseur du site internet, la société Alcom, l’opposition à l’exécution du contrat étant évidente et le bailleur ne pouvant dès lors bénéficier de la bonne foi au regard de l’intention claire exprimée par l’intimé.
De fait, la société Locam ne peut prétendre bénéficier de l’apparence mise en ‘uvre puisque l’identité de l’intimé a été usurpée, le signataire ne se présentant pas comme étant le gérant sous son véritable nom.
Dès lors, les contrats d’engagements au profit de la société Locam ne peuvent être déclarés valablement opposables à M. [D].
En conséquence, les demandes présentées par la société Locam ne pourront qu’être rejetées, la cour n’ayant pas à se prononcer sur les moyens soulevés par M. [D] au titre de la non remise de l’original du contrat.
Dès lors, la décision déférée sera confirmée dans son intégralité.
Sur les demandes accessoires
La société Locam qui succombe en ses prétentions sera condamnée à supporter les entiers dépens de l’instance d’appel.
L’équité commande d’accorder à M. [D] une indemnisation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. La société Locam sera condamnée à lui verser la somme de 2.000 euros à ce titre.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant publiquement, dans les limites de l’appel
Confirme la décision déférée dans son intégralité,
Y ajoutant
Condamne la SAS LOCAM ‘ Location Automobiles Matériels à verser à M. [Y] [D] la somme de 2.000 euros à titre d’indemnisation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE