AFFAIRE :N° RG 21/02683 –
N° Portalis DBVC-V-B7F-G24W
ARRÊT N°
JB.
ORIGINE : DECISION en date du 13 Septembre 2021 du Tribunal de Commerce d’ALENCON
RG n° 2021000398
COUR D’APPEL DE CAEN
DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
ARRÊT DU 16 MARS 2023
APPELANT :
Monsieur [O] [W] exerçant sous l’enseigne [W] DEPANNAGE ELECTROMENAGER
N° SIRET : 511 031 791
né le 21 Avril 1973 à [Localité 2]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
représenté et assisté de Me Lori HELLOCO, avocat au barreau D’ARGENTAN
INTIME :
Monsieur [Y] [E] exerçant sous l’enseigne LA VIE BIO
N° SIRET : 431 636 018
né le 25 Décembre 1970 à [Localité 3]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représenté et assisté de Me Didier LEFEVRE, avocat au barreau D’ALENCON
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme EMILY, Président de Chambre,
Mme COURTADE, Conseillère,
M. GOUARIN, Conseiller,
DÉBATS : A l’audience publique du 12 janvier 2023
GREFFIER : Mme LE GALL, greffier
ARRÊT prononcé publiquement le 16 mars 2023 à 14h00 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Madame EMILY, président, et Mme LE GALL, greffier
M. [Y] [E] exploite une activité de commerce de détail alimentaire sous l’enseigne ‘La vie bio’.
Suivant devis en date du 12 juillet 2020, accepté et signé par M. [E], celui-ci a commandé auprès de M. [O] [W], exerçant sous l’enseigne ‘[W] dépannage électroménager’, 6 réfrigérateurs semi pro Whirlpool type ADN 211, moyennant le prix de 9 401,05€ TTC, le contrat prévoyant également le démontage du matériel ancien et le remplacement sur installation électrique conforme (pièce n°1 de M. [W]).
M. [E] a réglé un acompte d’un montant de 3500€ par chèque n°302978.
La livraison de cinq réfrigérateurs est intervenue en novembre 2020, M. [E] ayant renoncé à la commande du sixième.
M. [W] a établi un projet de facture, daté du 29 septembre 2020, pour un montant de 7915,05€ TTC comportant la mention manuscrite ‘soldé le 10 novembre 2020″, a remboursé à M. [E] la somme de 188,02€ au titre d’un trop-perçu sur démontage, et adressé à ce dernier une facture d’un montant de 7728,04€ TTC.
Se plaignant de dysfonctionnements, concernant notamment la température du matériel réfrigérant livré, M. [E] a procédé à un constat par huissier de justice établi le 12 novembre 2020, puis a fait intervenir le frigoriste SARL Valentin afin d’effectuer un contrôle de température du matériel réfrigérant.
Par lettre recommandée en date du 28 décembre 2020, le conseil de M. [E] a notifié à M. [W] la résolution du contrat de vente pour défaut de livraison conforme du matériel acheté et mis ce dernier en demeure de lui rembourser le prix de vente versé et de l’indemniser de son préjudice de jouissance et de la perte commerciale à hauteur de 1500€.
Par lettre recommandée en date du 22 janvier 2021 adressée à M. [W], le conseil de M. [E] a indiqué qu’en l’absence d’exécution conforme depuis sa dernière correspondance, le contrat litigieux était considéré comme résilié.
Par acte d’huissier de justice en date du 17 février 2021, M. [E] a fait assigner M. [W] devant le tribunal de commerce d’Alençon aux fins de voir prononcer, à titre principal, la nullité du contrat conclu entre les parties le 12 juillet 2020, à titre subsidiaire la résolution dudit contrat et, en tout état de cause, le remboursement du prix de 7.728,04 euros payé et la condamnation du défendeur au règlement d’un montant de 5.000 à titre de dommages et intérêts, outre une somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement contradictoire du 13 septembre 2021, le tribunal de commerce d’Alençon a :
– prononcé la nullité du contrat entre M. [E] [Y] et M. [W] [O] ;
– condamné M. [W] [O] à payer à M. [E] [Y] la somme de 3.500 euros au titre du remboursement de la somme payée par chèque n°302978 ;
– condamné M. [W] [O] à prendre livraison de ses armoires après restitution du prix avec un délai de prévenance de quinze jours ;
– débouté M. [E] [Y] du surplus de ses demandes, fins et prétentions ;
– débouté M. [W] [O] de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions reconventionnelles ;
– condamné M. [W] [O] à payer à M. [E] [Y] la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens en ce compris les frais de constat d’huissier de justice ;
– rappelé que l’exécution provisoire est de droit ;
– liquidé les frais de greffe à la somme de 60,22 euros.
Par déclaration au greffe de la cour en date du 28 septembre 2021, M. [W] a relevé appel de ce jugement.
Par dernières conclusions déposées le 30 mars 2022, M. [W] demande à la cour de :
– Infirmer le jugement
Statuant à nouveau,
– Déclarer recevable et bien fondé M. [W] en son appel principal,
– Débouter M. [E] de l’intégralité de ses demandes fins et conclusions,
– Dire recevable mais mal fondé l’appel incident de M. [E] et le débouter de ses demandes,
– Dire n’y avoir application des dispositions du code de la consommation,
– Condamner M. [E] au paiement du solde du prix à hauteur de 4.415,05 euros avec intérêts au taux légal à compter de la date de la mise en demeure envoyée par LRAR (29 décembre 2020),
– Dire que M. [E] a commis des fautes contractuelles de nature à engager sa responsabilité sur le fondement des articles 1231-1 et suivants du code civil,
– Déclarer M. [E] entièrement responsable des préjudices subis par M. [W],
– Condamner M. [E] au paiement d’une somme de 2.200 euros au titre des préjudices matériels subis par M. [W],
– Condamner M. [E] au paiement d’une somme de 3.000 euros au titre du préjudice moral subi par M. [W],
– Condamner M. [E] au paiement d’une somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamner M. [E] aux entiers dépens en ce compris les frais résultant de l’application de l’exécution provisoire assortissant le jugement infirmé
Par dernières conclusions déposées le 22 février 2022, M. [E] demande à la cour de :
– Débouter M. [W] de sa demande de nullité de la décision du tribunal de commerce d’Alençon,
-Débouter M. [W] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
-Réformer le jugement en ce qu’il a ‘débouté M. [E] du surplus de ses demandes, fins et prétentions’,
– Condamner M. [W] au paiement d’une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts,
– Confirmer le jugement dans toutes ses autres dispositions non contraires au présentes conclusions,
Subsidiairement, au cas où la Cour ne confirmerait pas la nullité prononcée,
– Prononcer la résolution de la vente,
– Confirmer le jugement du tribunal de commerce en ce qu’il a :
*condamné M. [W] [O] à payer à M. [E] [Y] la somme de 3.500 euros au titre de remboursement de la somme payée n°302978,
* débouté M. [W] [O] de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions, reconventionnelles,
*condamné M. [W] [O] à payer à M. [E] [Y] la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens en ce compris les frais de constat d’huissier de justice,
Y ajoutant,
– Condamner M. [O] [W] à payer en cause d’appel à M. [Y] [E] la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamner M. [O] [W] au paiement des dépens d’appel, dont distraction au profit de Maître Lefevre sur le fondement des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 7 décembre 2022.
Il est expressément renvoyé aux écritures précitées pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
MOTIFS
M. [E] sollicite à titre principal la nullité du contrat sur le fondement des articles 1104, 1112-1,1130 et 1132 pour erreur sur la qualité essentielle des réfrigérateurs proposés, et, subsidiairement, sa résolution sur le fondement des articles 1604, 1217 et 1224 et suivants du code civil pour non-conformité de la livraison par rapport au devis et non-conformité des réfrigérateurs livrés au regard de la réglementation et des besoins.
Il soutient que M. [W] a préconisé et vendu des équipements qui n’étaient pas conformes à ceux qui ont été remplacés ni adaptés à son activité commerciale au motif qu’il s’agirait de réfrigérateurs à boissons et non de réfrigérateurs destinés à la conservation des denrées alimentaires.
Il appartient au demandeur en nullité ou en résolution du contrat de prouver dans le premier cas l’existence d’une erreur déterminante de son consentement et dans le second cas l’inexécution par l’autre partie de son obligation contractuelle.
En premier lieu, il est exact que les armoires livrées portent la référence constructeur ADN 221 C alors que le devis mentionne la référence ADN 211.
Cependant, M. [W] a signalé à M. [E] par courrier du 19 novembre 2020 qu’il s’agissait d’une erreur purement matérielle et il indique dans ses écritures que les armoires réfrigérées Whirlpool ADN 211 n’existent pas, ce qui n’est pas démenti par l’intimé.
Ce moyen est donc écarté.
Il est constant que M. [E] a commandé des réfrigérateurs en vue de la conservation des aliments et que certaines denrées doivent être maintenues à une température n’excédant pas +2 +4°.
Les notices techniques relatives à l’appareil Whirlpool ADN 221 C (pièces n° 16 et 19 de M. [W]) mentionnent expressément qu’il s’agit ‘d’un réfrigérateur vitré commercial destiné au refroidissement, exposition et conservation des produits alimentaires et des boissons’; que les plages de température des produits sont de +2 à +14 °C conformément à la norme UE ISO 23953-2:2015; que cet appareil est destiné à des fins commerciales.
Le mode d’emploi (page 41 de la notice) explique comment régler la température du compartiment réfrigérant, en fonction des besoins, à l’aide d’une ‘roulette à l’échelle’. Il existe cinq graduations, la position 1 correspondant à la température maximale et la position 5 à la température minimale.
Selon la fiche produit, la température peut être modulée entre + 2 et +14 degrés.
Il ressort de ces éléments que les réfrigérateurs vendus par l’appelant sont bien destinés à la conservation des aliments conformément aux normes en vigueur.
Les pièces produites par M. [E], en particulier des extraits de sites internet présentant ces appareils comme des réfrigérateurs à boissons, ne sont pas de nature à rapporter la preuve contraire.
S’agissant des dysfonctionnements invoqués, l’intimé communique un procès-verbal de constat d’huissier du 12 novembre 2020 qui mentionne: ‘un thermomètre mécanique indique en hauteur une température de l’ordre de 10 à 14 degrés’.
M. [E] produit en outre un courrier de la SARL Valentin, spécialisée dans le froid commercial, climatisation, du 13 novembre 2020, indiquant: ‘ Suite à notre visite du 13/11/2020, nous avons constaté des températures, celles-ci sont conformes aux données techniques. En effet,elles sont entre + 2° C et 14° C. Par contre, elles ne sont pas adaptées à la conservation des aliments. Elles sont considérées comme des armoires à boissons. En effet, elles ne sont pas ventilées. Donc à l’intérieur de l’enceinte frigorifique, la température n’est pas homogène. Elle varie entre le haut (14°C) et le bas (2°C). De plus, selon les données techniques, les températures oscillent entre + 2° et +14° C. Les aliments nécessitant une température de conservation de +2+4°C ne peuvent être conservés correctement dans ces enceintes.’
Ces documents ne sont pas suffisamment probants pour faire la preuve des défauts et non-conformités allégués.
En effet, outre le fait que M. [E] a directement mandaté un huissier de justice et un frigoriste, trois jours après la livraison, sans justifier avoir sollicité au préalable l’intervention de M. [W], on relève que le constat d’huissier est imprécis en ce qu’il ne vise ni les références des armoires ni la position du thermostat.
Il s’ensuit que ce constat est susceptible de concerner d’autres réfrigérateurs que ceux livrés.
Par ailleurs, il ne permet pas d’établir la cause du défaut d’homogénéité de la température qui peut provenir d’un mauvais réglage de celle-ci.
S’agissant du courrier de la SARL Valentin, on relèvera qu’il ne s’agit pas d’une attestation destinée à être produite en justice et qu’il émane d’un concurrent de M. [W] de sorte que les garanties d’objectivité ne sont pas réunies.
De plus, il suscite les mêmes observations que précédemment s’agissant notamment de l’absence de précision sur le positionnement du thermostat.
Enfin, les affirmations succintes et non étayées du technicien sont contraires aux données techniques de l’appareil litigieux qui indiquent notamment que celui-ci est équipé d’un ventilateur tangentiel (cf fiche caractéristiques produit et notices techniques page 40- pièces n°8, 16 et 19 de M. [W]).
Ainsi, M. [E] échoue à caractériser un vice de fonctionnement et une inadaptation des produits livrés à leur destination contractuelle de conservation des denrées alimentaires.
Il n’y a pas d’erreur sur les qualités substantielles.
M. [W] a vendu et livré des appareils conformes aux besoins de l’acheteur, respectant pleinement ses obligations contractuelles.
Il convient d’ajouter qu’il avait, prélablement à la vente, communiqué à M. [E] les informations concernant les appareils, en particulier les fiches techniques, ainsi qu’il ressort d’un mail énamant de l’intimé (pièce n° 21 de M. [W]).
Par suite, il convient de débouter M. [E] de ses demandes de nullité et/ou de résolution du contrat et de dommages et intérêts.
Il est établi que M. [E] reste devoir sur la facture un solde de 4415,05€, ayant fait opposition ‘pour vol’ au chèque qu’il avait établi à hauteur de ce montant au profit de M. [W], ce de manière illégale.
Il convient donc de le condamner au paiement de la somme de 4415,05€ avec intérêts au taux légal à compter du 29 décembre 2020, date de la mise en demeure.
M. [W] formule une demande de dommages et intérêts pour résistance abusive dans le paiement du prix et comportement de mauvaise foi de son co-contractant.
Il ne produit toutefois aucun élément de nature à justifier des préjudices matériel et moral allégués en lien avec les fautes réprochées.
Sa demande indemnitaire est dès lors rejetée.
M. [E] succombant, est condamné aux dépens de première instance et d’appel, à payer à M. [W] la somme de 3000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et est débouté de sa demande formée à ce titre.
Le jugement est infirmé sauf en ce qui concerne la liquidation des frais de greffe.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe, dans les limites de sa saisine,
INFIRME le jugement entrepris des chefs de disposition dont il a été interjeté appel sauf en ce qui concerne la liquidation des frais de greffe ;
Statuant à nouveau du chef des dispositions infirmées et y ajoutant,
DEBOUTE M. [Y] [E] de l’ensemble de ses demandes ;
CONDAMNE M. [Y] [E] à payer à M. [O] [W] la somme de 4415,05€ avec intérêts au taux légal à compter du 29 décembre 2020, au titre du solde de la facture des armoires réfrigérées ;
DEBOUTE M. [O] [W] de sa demande de dommages et intérêts ;
CONDAMNE M. [Y] [E] à payer à M. [O] [W] la somme de 3000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE M. [Y] [E] aux dépens de première instance et d’appel avec droit de recouvrement direct au profit des avocats constitués en la cause qui en ont fait la demande, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
N. LE GALL F. EMILY