Nullité de contrat : 16 février 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 19/23043

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Nullité de contrat : 16 février 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 19/23043

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 10

ARRÊT DU 16 FÉVRIER 2023

(n° , 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/23043 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CBFWV

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Octobre 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 18/02730

APPELANTS

Madame [O] [S]

née le 05 Mars 1954 à [Localité 16]

[Adresse 6]

[Localité 5]

ET

Monsieur [P] [S]

né le 30 Mars 1950 à [Localité 13] (75)

[Adresse 9]

[Localité 2]

ET

Monsieur [N] [J]

né le 10 Mars 1952 à [Localité 15]

[Adresse 7]

[Localité 8]

ET

Monsieur [T] [E]

né le 09 Mars 1942 à [Localité 13]

[Adresse 1]

[Localité 11]

ET

Monsieur [P] [X]

né le 12 Novembre 1938 à [Localité 12]

[Adresse 4]

[Localité 12]

Représentés par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090

Assistés à l’audience de Me Cécile DERAINS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1547

INTIMÉE

SARL VEYRON PERRIN GENEALOGISTES, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 3]

[Localité 10]

Représentée et et assisté à l’audience de Me Jean-daniel DECHEZELLES, avocat au barreau de PARIS, toque : A0073

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été plaidée le 15 Décembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Valérie MORLET, Conseillère, faisant fonction de Présidente d’audience et Laurent NAJEM, Conseiller, chargé de rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Valérie MORLET, Conseillère

Monsieur Laurent NAJEM, Conseiller

Monsieur Frédéric ARBELLOT, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mme Ekaterina RAZMAKHNINA

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Valérie MORLET, Conseillère, faisant fonction de Présidente et par Ekaterina RAZMAKHNINA, greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

Rappel des faits et de la procédure :

[F] [B] est décédée le 13 février 2016 à [Localité 13], sans postérité connue.

Saisi par M. [C] [B], Maître [G] [W], notaire à [Localité 14] (74), a missionné l’étude généalogique VEYRON-PERRIN le 27 avril 2016, afin de vérifier l’absence d’héritiers réservataires, confirmer la qualité d’héritier de M. [C] [B] dans la branche paternelle de la défunte et rechercher d’éventuels héritiers dans la branche maternelle.

L’étude généalogique a confirmé la qualité d’héritier unique de M. [C] [B] dans la branche paternelle et a retrouvé des héritiers dans la ligne maternelle, auxquels elle a proposé la ratification d’une convention de révélation de droits successoraux.

M.[P] [X] et M.[T] [E] ont signé cette convention.

M. [K] [S] a renoncé à la succession.

Mme [O] [S], M. [N] [J] et M. [P] [S] ont refusé de signer ladite convention.

C’est dans ces circonstances que par actes du 12 février 2018, la SARL VEYRON-PERRIN a fait assigner devant ce tribunal Mme [O] [S], M. [N] [J], M. [P] [S] et M. [K] [S] devant le tribunal de grande instance de Paris, afin d’obtenir une rémunération au titre de sa prestation.

M.[P] [X] et M.[T] [E] sont intervenus volontairement à l’instance, afin qu’à titre principal soit prononcée la nullité du contrat de révélation qu’ils ont signé et subsidiairement que soient réduits les honoraires réclamés.

Le 15 octobre 2019, le tribunal de grande instance de Paris a :

Constaté le désistement d’instance et d’action de la SARL VEYRON-PERRIN à l’égard de M. [K] [S].

Déclaré recevable l’intervention volontaire de MM [P] [X] et [T] [E].

Condamné Mme [O] [S], M. [N] [J], M. [P] [S], M. [P] [X] et M. [T] [E] à payer chacun à la SARL VEYRON-PERRIN à titre de rémunération une somme correspondant à 10% des actifs nets perçus ou à percevoir par eux dans la succession de Mme [F] [B], y compris les éventuels capitaux d’assurance vie.

Débouté la SARL VEYRON-PERRIN de sa demande de dommages et intérêts.

Condamné Mme [O] [S], M. [N] [J], M. [P] [S], M. [P] [X] et M. [T] [E] à verser à la SARL VEYRON-PERRIN une indemnité de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Débouté les parties de toutes leurs autres demandes.

Condamné Mme [O] [S], M. [N] [J], M. [P] [S], M. [P] [X] et M. [T] [E] aux dépens.

Ordonné l’exécution provisoire du présent jugement.

Mme [O] [S], M. [N] [J], M. [P] [S], M. [P] [X] et M. [T] [E] (ci-après les consorts [J]) ont interjeté appel du jugement le 12 décembre 2019.

Par leurs dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 9 mai 2022, les consorts [J] demandent à la cour de :

Infirmer le jugement entrepris, en ce qu’il a condamné les concluants à payer chacun à la SARL VEYRON-PERRIN à titre de rémunération une somme correspondant à 10% des actifs nets perçus ou à percevoir par eux dans la succession de Mme [F] [B], y compris les éventuels capitaux d’assurance-vie, à verser à la SARL VEYRON-PERRIN la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du CPC outre les dépens et les déboutés de l’ensemble de leurs demandes.

Et statuant à nouveau,

Prononcer la nullité des contrats de révélation signés par Messieurs [T] [E] et [P] [X],

Fixer la rémunération du généalogiste à la somme forfaitaire et globale de 4 000 euros pour l’ensemble des appelants,

Juger que la rémunération due ne pourra être augmentée de quelque manière, même au titre d’un impôt dû par la SARL VEYRON-PERRIN mais dont les appelants ne sont pas redevables et ne peuvent pas récupérer,

Débouter la SARL VEYRON-PERRIN Généalogistes de toutes ses demandes,

Condamner la SARL VEYRON-PERRIN Généalogistes à payer une somme de 2 000 euros à chacun des appelants Mme [O] [S], M. [N] [J] et M. [P] [S], M. [T] [E] et M. [P] [X], sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamner la SARL VEYRON-PERRIN Généalogistes aux entiers dépens de première instance et d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile

M.[E] et M.[X] invoquent la réticence dolosive de la société VEYRON-PERRIN. Ils font valoir que la loi n’impose aucunement le recours à un généalogiste ni la signature d’un mandat.

Ils relèvent que l’intimée n’a pas indiqué qu’elle avait reçu mandat d’un notaire, pour éviter qu’ils s’adressent à ce dernier ; qu’elle a outre caché l’importance de la succession ou le degré de parenté, alors même que ce sont des éléments déterminants. Ils font valoir que l’intimée n’a effectué aucune démarche et ne leur a pas donné d’autres informations après la signature, leur interdisant de faire valoir leurs droits par eux-mêmes. Ils estiment qu’il n’existait en réalité aucun aléa puisque le généalogiste connaissait l’importance de l’actif de la succession et que le fait de révéler l’origine de ladite succession qu’après signature de tous les héritiers relève de la contrainte. Ils soutiennent qu’en droit, la rémunération du généalogiste est fixée de la même manière qu’il y ait ou non signature d’un contrat de révélation et que la précision quant au degré de parenté n’est pas davantage de nature à le priver de rémunération.

Les appelants soulignent qu’ils n’ont jamais dénié un droit à rémunération ou l’utilité du généalogiste mais critiquent une absence de loyauté et d’information.

Ils rappellent qu’ils ont, en revanche, toujours dénié une rémunération au titre de la gestion d’affaire et que la jurisprudence précise que ladite rémunération doit être proportionnelle à la prestation, selon différents principes qu’ils énoncent, au regard des diligences accomplies et des frais exposés.

Ils relèvent que la société VEYRON-PERRIN a écrit aux derniers héritiers le 3 août 2016, pour rendre compte de ses recherches le 4 août 2016 et que toutes ses démarches postérieures n’ont été qu’à son bénéfice, pour tenter de convaincre les derniers héritiers et non pour trouver un nouvel héritier.

Ils considèrent que le tribunal n’a pas tiré les conséquences de ses propres constatations en retenant un pourcentage de l’actif successoral à titre de rémunération, alors qu’il s’agit d’un honoraire de résultat et non un honoraire correspondant à la réalité du travail effectué.

Ils relèvent que l’intimée prétend faire supporter à cinq héritiers un travail d’ensemble, y compris pour la branche maternelle et elle percevra une rémunération des trois autres héritiers (M. [L] [S] et M. [A] [J], aujourd’hui décédé). Ils estiment à 240 000 euros le montant ainsi réclamé.

Ils font valoir que l’intimée a omis un ayant droit de la ligne maternelle, M. [L] [J], de sorte que toutes les opérations effectuées pour le règlement peuvent être remises en cause, et notamment les ventes de biens immobiliers, avec un préjudice financier à leur détriment.

Ils limitent l’utilité de l’intervention à l’existence d’une succession et considèrent que pour le reste cette intervention est source de difficultés, de sorte que leur demande de diminution de la rémunération est justifiée.

Ils soutiennent qu’à la lecture du rapport de synthèse de l’intimée, il apparait que l’essentiel des démarches a été fait sur Internet ou par courrier ; que les justificatifs sont incomplets s’agissant notamment des déplacements ; que les pièces sont au demeurant peu lisibles.

Ils en concluent que la rémunération ne peut être fixée qu’à raison de la recherche d’héritiers et non à raison de la gestion d’affaire. Ils contestent toute diligence postérieure au mois d’octobre 2016. Ils sollicitent une rémunération globale, et non individualisée, pour l’ensemble des héritiers pour un montant forfaitaire de 4 000 euros.

Par ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 5 mai 2022, la SARL VEYRON-PERRIN demande à la cour de :

Confirmer la décision entreprise, en ce qu’elle a dit valablement conclus les contrats scellés entre l’intimée et Messieurs [X] et [E], de même qu’en ce qu’elle a porté condamnation à l’encontre des consorts [S]-[J] à l’indemniser des préjudices subis par elle, en vertu de l’application des dispositions relatives à la gestion d’affaire, mais la réformer pour le surplus ;

Déclarer dès lors l’étude VEYRON-PERRIN recevable et bien fondée en son appel incident ;

En conséquence, concernant les consorts [X]-[E]

Réformer la décision déférée en ce qu’elle a réduit la rémunération contractuelle lui étant due par Messieurs [X]-[E], à une somme de 10% HT des actifs perçus ou à percevoir par eux en ce y compris tous éventuels capitaux d’assurance vie, et fixé à ce même quantum, l’indemnité due par les consorts [S]-[J] à l’étude VEYRON-PERRIN en vertu des dispositions quasi contractuelles du code civil ;

Réformer la décision entreprise en ce qu’elle a limité la condamnation des appelants à payer à l’étude VEYRON-PERRIN une somme de 2 500 euros au visa de l’article 700 du CPC.

Statuant à nouveau ;

Dire l’intervention volontaire de Messieurs [X] et [E] irrecevable, et les renvoyer à mieux se pourvoir ;

Subsidiairement,

Condamner les consorts [X] et [E] à exécuter leurs obligations contractuelles, et à payer, chacun, à l’étude VEYRON-PERRIN les honoraires stipulés au contrat, en l’espèce la somme correspondant à 40% HT sur la tranche de 0 à 30 000 euros, 35% HT sur la tranche de 30 à 60 000 euros et 30% HT au-dessus de 60 000 euros HT, des actifs nets perçus ou à percevoir par eux, en ce y compris tous éventuels capitaux d’assurance vie ;

En tout état de cause, les débouter de toutes leurs demandes, fins et conclusions.

A titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire, la Cour devait invalider les contrats conclus entre l’étude VEYRON-PERRIN et Messieurs [X] et [E]

Condamner chacun d’entre eux à payer à l’étude VEYRON-PERRIN une somme correspondant à 35% HT des actifs nets perçus ou à percevoir par eux, en ce y compris tous éventuels capitaux d’assurance vie, au visa des dispositions relatives à la gestion d’affaires ;

En conséquence, concernant [O] [S], [N] [J] et [P] [S],

Condamner chacun d’eux à payer à l’étude généalogique VEYRON-PERRIN, à titre indemnitaire, une somme correspondant à 35% HT des actifs nets perçus ou à percevoir par eux, en ce y compris tous éventuels capitaux d’assurance vie ;

Les débouter de toutes leurs demandes, fins et conclusions reconventionnelles ;

En conséquence, concernant l’ensemble des appelants

Condamner chacun des appelants à payer, à l’étude VEYRON-PERRIN la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi ;

Condamner solidairement [O] [S], [N] [J] et [P] [S] à payer à l’intimée une somme de 4 000 euros au visa de l’article 700 du CPC relativement à la procédure de première instance ;

Condamner solidairement Messieurs [X] et [E] à payer à l’étude VEYRON-PERRIN, la somme de 3 000 euros, en application de l’article 700 du CPC au titre des frais irrépétibles de première instance ;

En tout état de cause,

Condamner solidairement les appelants à payer à l’étude VEYRON-PERRIN une somme de 5 000 euros au visa de l’article 700 du CPC au titre des frais irrépétibles d’appel.

Condamner les appelants en tous les dépens de première instance, comme d’appel.

Elle fait valoir que la preuve de l’inutilité ou de la relativité de l’utilité de l’intervention du généalogiste est à la charge de celui qui l’invoque ; qu’elle a été missionnée par une étude notariale et a parfaitement rempli sa mission, en vérifiant l’absence d’héritiers réservataires, confirmant la vocation de M. [C] [B] dans la ligne paternelle, puis en identifiant huit héritiers ; que le simple rappel de la chronologie démontre que pas un des héritiers n’avait connaissance du décès, intervenant au 6ème degré, soit le degré le plus éloigné permettant de faire valoir une vocation successorale en France ; que les héritiers prétendument détenteurs de leur droit n’ont pas été à même de faire établir un acte de notoriété par eux-mêmes.

Elle indique verser une note de méthodologie et de synthèse des diligences qu’elle estime éloquente, par leur technicité et leur ampleur, et fait état des frais qu’elle a engagés, et ce, jusqu’en décembre 2016.

Elle rappelle que le généalogiste qui n’est payé de ses honoraires qu’à la liquidation ou au règlement de la succession, n’a aucun intérêt à prolonger ledit règlement.

Elle souligne que l’acte de notoriété est l’acte qui rapporte la démonstration du caractère non seulement utile mais déterminant de son intervention.

Elle considère irrecevable l’intervention des consorts [E]-[X], et elle fait valoir que ses liens avec ces deux héritiers sont radicalement différents des autres appelants, les consorts [S]-[J] n’ayant pas ratifié la convention. Elle souligne que les consorts [E]-[X] tentent ainsi de remettre en cause leurs engagements contractuels.

Subsidiairement, elle soutient qu’elle a rempli l’intégralité de ses obligations ; qu’elle ne peut pas révéler avant ratification les informations qui en constituent l’objet, et doit disposer de la garantie qu’elle sera rémunérée de son travail ; qu’elle ne peut pas davantage fournir une prestation avant que le délai de rétractation ne soit purgé ; que l’intervention des consorts [E]-[X] ne tend qu’à faire s’abstraire de toute obligation, après avoir bénéficié de son travail, tout en sollicitant par ailleurs l’allocation d’une rémunération symbolique. Elle considère qu’il y a à ce titre une contradiction flagrante entre la demande d’annulation des contrats et celle de l’allocation d’une rémunération forfaitaire et globale, tenant d’une « aumône » (4 000 euros).  

Elle estime que le fait que la rémunération soit déterminée par référence à un pourcentage de l’actif net, ne souffre d’aucune contestation juridique et rappelle que le généalogiste subit seul les aléas de la succession. Elle rappelle le principe du consensualisme en matière contractuelle et que le contrat est la loi des parties et souligne que la possibilité de réduire la rémunération contractuelle n’est ouverte qu’à titre exceptionnel. Elle soutient qu’en l’espèce, sa rémunération est parfaitement conforme aux usages contractuels, au regard notamment du degré auquel les héritiers interviennent.

A titre subsidiaire, elle se prévaut de la gestion d’affaire. Elle fait valoir que la jurisprudence admet que le généalogiste qui fait la démonstration de l’utilité de son intervention est fondé à réclamer une indemnisation afférente aux dépenses utiles et nécessaires mais aussi des préjudices découlant de la perte d’un chiffre d’affaires et d’un profit légitime, en référence à la proposition contractuelle.

Elle expose que les intimés reconnaissent de manière réitérée l’utilité de son intervention et relève la carence tenant à l’absence de production d’un acte de notoriété.

Elle expose que si l’héritier tient ses droits de la dévolution légale, encore faut-il qu’il en ait connaissance. 

Elle explique les raisons de l’omission d’un héritier, M. [L] [J], liée selon elle au particularisme du fonctionnement administratif parisien qu’elle ignorait et soutient que cette omission doit être relativisée, relevant que l’héritier omis, est le frère d’une des parties à l’instance et le cousin germain d’une autre.

Elle fait état d’un préjudice moral résultant au comportement de la partie adverse qui a profité de son travail mais en refuse la rémunération. 

La clôture a été prononcée le 11 mai 2022. L’affaire a été plaidée lors de l’audience du 15 décembre 2022 et mise en délibéré au 16 février 2023.

MOTIFS DE L’ARRÊT

I – S’agissant des signataires de conventions de révélation : M. [T] [E] et M. [P] [X]

Sur la recevabilité de leur intervention

C’est à bon droit et par des motifs que la cour adopte que les premiers juges ont considéré que l’entier litige portait sur la rémunération du généalogiste, dans le cadre d’une même succession, peu important que le fondement soit contractuel pour Messieurs [E] et [X] et quasi-délictuel pour les autres héritiers qui n’ont pas régularisé de convention.

Il y aurait, en outre, un risque d’aboutir à une contrariété de décisions s’agissant de l’examen des diligences contestées de la société intimée, si deux instances distinctes étaient poursuivies.

Leur intervention est recevable : la décision sera confirmée sur ce point.

Sur la demande de nullité des contrats de révélation

Aux termes de l’article 1116 du code civil, dans sa version applicable au présent litige :

« Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les man’uvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces man’uvres, l’autre partie n’aurait pas contracté.

Il ne se présume pas et doit être prouvé. »

M. [P] [X] a signé le contrat de révélation de succession le 6 juin 2016, M. [T] [E] le 29 août 2016.

Le contrat de révélation de succession par lequel le généalogiste s’engage à révéler une vocation héréditaire moyennant à titre de rétribution, une fraction de l’actif net de la succession, n’impose pas que le nom du défunt soit au moment de la signature du contrat révélé ni que le généalogiste indique qui l’a mandaté.

Le généalogiste n’a pas davantage l’obligation de révéler l’importance de la succession, la prestation étant suffisamment déterminable en son principe puisque le contrat prévoit le taux des honoraires en considération de l’actif net revenant à l’héritier et du degré de parenté entre le défunt et l’héritier. La part revenant à chaque héritier n’est déterminée, elle-aussi, qu’à la fin des opérations de succession.

Il est évident que si ces informations ‘ objets même d’un contrat qui ne présente aucun caractère illicite ‘ étaient préalablement révélées, l’héritier n’aurait aucun intérêt à signer le contrat en question et le généalogiste n’aurait aucune garantie d’être rémunéré de son travail. Il n’y a, au demeurant, aucune réticence dolosive puisque le fait que le nom du défunt sera révélé après signature de la convention est précisément entré dans le champ contractuel.

Le courrier du généalogiste adressé aux intéressés précisait qu’en cas d’insuccès ou même de dettes absorbant l’actif, il conserverait à sa charge tous les frais. Il indiquait par ailleurs : « Si vous avez un quelconque doute, je ne saurais trop vous conseiller de mettre en relation avec votre notaire qui saura vous rassurer et vous renseigner sur les usages de la profession ».

Il y a lieu de confirmer la décision déférée en ce qu’elle a rejeté la demande de nullité des conventions de révélation au titre d’un dol.

Il en résulte que la société VEYRON- PERRIN est fondée à se prévaloir de ces conventions, sans préjudice, le cas échéant, de la possibilité de réduire les honoraires si ceux-ci paraissent exagérés au regard du service rendu.

Sur la réduction de la rémunération prévue par la convention de révélation

L’ensemble des héritiers ‘ y compris MM [E] et [X] qui ont signé une convention ‘ réclame la fixation de la rémunération à la somme globale de 4 000 euros.

L’utilité du service rendu n’est pas contestable en l’espèce, les droits d’héritier intervenant au 6ème degré, soit le dernier rang successoral utile. Le généalogiste justifie de recherches, notamment sous forme de tableaux (pièces 20 et 21) qui attestent suffisamment de la réalité de diligences.

Le montant de la succession est par ailleurs conséquent, une déclaration de succession porte mention d’une somme supérieure à 1 600 000 euros ; les droits respectifs des appelants sont connus : un seizième.

Comme l’ont relevé les premiers juges, les héritiers ne contestent d’ailleurs nullement que, sans l’intervention du généalogiste, ils auraient ignoré qu’ils étaient concernés par une succession. Ils ne démontrent pas avoir entretenu des relations avec la défunte et ne démontrent pas avoir eu connaissance du décès.

En revanche, les appelants relèvent légitimement que la société VEYRON-PERRIN a omis un ayant droit dans la branche maternelle, M. [L] [J], héritier à concurrence d’un seizième. Il en a résulté que les opérations déjà intervenues dans le règlement de la succession l’ont été sur une base erronée, qu’il a fallu rectifier a posteriori. Même s’il est certain que les droits des héritiers n’auraient pas été différents en définitive si cet ayant droit avait été connu immédiatement, il en a résulté retard et incertitude, notamment d’un point de vue fiscal, même si les conséquences pécuniaires de ces rectifications ne sont pas connues.

Pour expliquer cette erreur, l’intimée fait valoir qu’un listing de naissance présenté par la mairie du 5ème arrondissement a été considéré comme exhaustif pour l’ensemble des arrondissements parisiens alors qu’il n’était relatif qu’à celui-ci. Elle expose avoir ignoré ce particularisme du fonctionnement administratif de l’état civil parisien.

En sa qualité de professionnelle et s’agissant de la plus grande ville française, une telle ignorance est nécessairement fautive : elle limitait nécessairement la pertinence de ses investigations, comme en l’espèce. En cette même qualité, elle ne peut pas davantage opposer à ses cocontractants le fait qu’ils auraient pu eux-mêmes trouver cet héritier.

La décision déférée avait limité à 10 % HT les honoraires de la société VEYRON-PERRIN.

Statuant à nouveau, eu égard à la nature de l’omission mais également à l’ampleur et l’utilité du service rendu par ailleurs, il y a lieu de réduire ses honoraires à une somme correspondant à 20 % HT des actifs nets perçus ou à percevoir par M. [X] et M. [E] dans la succession ‘ au lieu des 35 % sollicités correspondant à la tranche comprise entre 30 000 et 60 000 euros – 30 % au-delà de 60 000 euros et s’agissant du degré de parenté le plus éloigné (« cousins/non parents » au sens du contrat).

II – S’agissant de Mme [O] [S], M. [P] [S] et M. [A] [J]

Ces trois appelants n’ont pas signé de convention de révélation.

Sur la gestion d’affaire

En l’absence de contrat de révélation signé par Mme [O] [S], M. [N] [J] et M. [P] [S], seules peuvent trouver application les règles relatives à la gestion d’affaire des anciens articles 1372 et suivants du code civil. L’article 1375 du code civil dans cette même rédaction n’accorde au gérant que le remboursement des dépenses utiles ou nécessaires qu’il a faites, mais non le paiement d’une rémunération, quand bien même il aurait agi à l’occasion de sa profession.

Il en résulte que cette rémunération ne saurait être fixée, comme le demande pourtant l’intimée, en considération d’une convention que les héritiers en cause n’ont pas signé et qui présente un caractère forfaitaire. Une demande ainsi formulée inclut nécessairement le profit du généalogiste et ne peut correspondre aux seules dépenses exposées dans leur intérêt. En outre, le fait de solliciter de chacun d’eux le paiement de cette part de l’actif revient à réclamer, plusieurs fois, le remboursement des mêmes sommes.

Sur les dépenses utiles et nécessaires

La société VEYRON ‘ PERRIN justifie, comme déjà relevé, par deux tableaux de travail (pièces 20 et 21) de la réalité de ses investigations, qui apparaissent conséquentes.

Elle répertorie par ailleurs la levée de 76 actes, dont elle donne le détail. Ils ont nécessairement nécessité l’envoi de courriers. Les droits d’héritiers intervenant au 6ème rang, soit le dernier, ainsi qu’il a été relevé précédemment, le périmètre des recherches a été des plus étendus.

La matérialité des diligences est encore démontrée par une note de synthèse (sa pièce 15) qui retrace sa méthode de travail et ses investigations pour chaque ligne, maternelle et paternelle.

Au vu de l’ensemble de ses éléments, le remboursement des dépenses ainsi exposés sera fixé à la somme de 12 000 euros.

La décision sera infirmée s’agissant du quantum et les consorts [S]-[J] seront condamnés à payer cette somme.

III – Sur la demande de dommages et intérêts de la société VEYRON-PERRIN

La société VEYRON- PERRIN réclame la somme de 1 000 euros au titre d’un préjudice moral tenant à la déloyauté alléguée de ses co-contractants, comme des autres héritiers qui ont profité de son travail.

Cependant, il a été retenu que certaines critiques des appelants étaient fondées, les demandes au titre de la rémunération ont été accueillies dans leur principe mais non dans leur quantum.

Il en résulte que le préjudice moral n’est pas établi et que c’est à bon droit que les premiers juges ont rejeté cette demande.

La décision déférée sera confirmée.

IV – Sur les demandes accessoires

Les condamnations au titre des dépens et des frais irrépétibles sont confirmées.

A hauteur d’appel, il convient de laisser à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles ainsi que ses dépens.

PAR CES MOTIFS

Confirme la décision déférée en ce qu’elle a :

Déclaré recevable l’intervention volontaire de MM. [P] [X] et [T] [E] ;

Débouté M.[X] et M.[E] de leur demande de nullité des conventions de révélations ;

Débouté la société VEYRON-PERRIN de sa demande de dommages et intér ts ;

Condamné Mme [O] [S], M. [N] [J], M. [P] [S], M. [P] [X] et M. [T] [E] payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens ;

Infirme la décision déférée pour le surplus ;

Statuant de nouveaux des chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne MM. [P] [X] et [T] [E] à payer, chacun, à la société VEYRON-PERRIN une somme correspondant à 20 % H.T. des actifs nets perçus ou à percevoir par eux dans le cadre de la succession de [F] [B], y compris les éventuels capitaux d’assurance vie ;

Condamne Mme [O] [S], M. [P] [S] et M. [N]-[J] [S] à payer à la société VEYRON- PERRIN la somme de 12 000 euros au titre des dépenses exposées ;

Laisse à la charge de chacune des parties ses dépens d’appel ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes, y compris au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

LE GREFFIER LA CONSEILLÈRE

 


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