COUR D’APPEL DE BORDEAUX
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 16 FEVRIER 2023
N° RG 22/02141 – N° Portalis DBVJ-V-B7G-MVWS
SCCV BYRON BAY
c/
S.A.R.L. AGENCE IMMOBILIERE VAN POULLE ET ASSOCIES
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 19 avril 2022 (R.G. 21/08063) par le Juge de l’exécution de BORDEAUX suivant déclaration d’appel du 02 mai 2022
APPELANTE :
La SCCV BYRON BAY, Société civile de construction vente inscrite au registre du commerce et des sociétés de Bordeaux sous le numéro 824 479 505, dont le siège social est situé [Adresse 1], agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Représentée par Me Mathieu BONNET-LAMBERT, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉE :
La société AGENCE IMMOBILIERE VAN POULLE ET ASSOCIES, Société à responsabilité limitée immatriculée au Registre du commerce et des sociétés de Bordeaux sous le numéro 488 327 776 dont le siège social est situé [Adresse 3], exerçant sous le nom commercial CENTURY 21 VAN POULLE
Représentée par Me HIBERT substituant Me Marie-christine RIBEIRO de la SELARL CMC AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 912 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 janvier 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Christine DEFOY, Conseiller chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Paule POIREL, Président,
Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller,
Madame Christine DEFOY, Conseiller,
Greffier lors des débats : Mme Audrey COLLIN
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE :
Dans le cadre de la commercialisation d’une opération de promotion immobilière portant sur la construction d’un ensemble immobilier, situé [Adresse 2], la SCCV Byron Bay a confié à la SARL Agence immobilière Van Poulle et associés, agissant sous le nom commercial Century 21 Van Poulle, un premier mandat de vente sans exclusivité sur les lots 1 à 7, signé le 28 juillet 2017.
A la demande de l’agence immobilière, un nouveau mandat de vente portant sur les lots 1 à 5 a été signé le 29 août 2018, pour une période irrévocable de trois mois, avec faculté de prorogation pour une durée maximale de douze mois supplémentaires.
Estimant avoir été méprise dans ses droits, la SARL Agence immobilière Van Poulle et associés a réclamé à la SCCV Byron Bay l’indemnisation de son préjudice, en sorte que les parties ont conclu un protocole d’accord transactionnel régularisé le 28 novembre 2018.
Suite à une requête aux fins d’homologation d’une transaction du 15 juin 2021, le président du tribunal judiciaire de Bordeaux a homologué, le même jour, le protocole d’accord transactionnel conclu le 28 octobre 2018 entre la SARL Agence immobilière Van Poulle et associés et la SCCV Byron Bay afin de lui conférer force exécutoire et a dit que la présente ordonnance sur requête sera signifiée à l’initiative du requérant dans le ressort du département des défendeurs par tel huissier qu’il leur plaira de désigner. Cette signification est intervenue le 1er juillet 2021.
Par acte du 4 août 2021, la SARL Agence immobilière Van Poulle et associés a fait réaliser une saisie-attribution entre les mains de la Banque populaire Aquitaine Centre Atlantique à l’encontre de la SCCV Byron Bay pour avoir paiement de la somme de 25 958, 81 euros. Cette mesure lui a été dénoncée le 9 septembre 2021. Le tiers saisi a déclaré détenir des comptes créditeurs a hauteur de 1 000,76 euros, solde bancaire insaisissable déduit.
Par acte du 7 octobre 2021, la SCCV Byron Bay a assigné la SARL Agence immobilière Van Poulle et associés devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bordeaux aux fins de mainlevée de la mesure d’exécution forcée pratiquée à son encontre.
Par jugement du 19 avril 2022, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bordeaux a :
– déclaré la SCCV Byron Bay recevable en sa contestation,
– débouté la SCCV Byron Bay de l’ensemble de ses prétentions au fond,
– rappelé qu’en vertu des dispositions de l’article R211-13 du code des procédures civiles d’exécution, aprés la notification aux parties en cause de la décision rejetant la contestation, le tiers saisi paie le créancier, en l’occurrence la SARL Agence immobilière Van Poulle et associés, sur présentation de cette décision,
– condamné la SCCV Byron Bay à payer à la SARL Agence immobilière Van Poulle et associés la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;
– rejeté la demande formée par la SCCV Byron Bay au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la SCCV Byron Bay aux entiers dépens de l’instance qui comprendront les frais de la saisie-attribution,
– rappelé que la présente décision est exécutoire de droit a titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.
La SCCV Byron Bay a relevé appel du jugement le 2 mai 2022 en ce qu’il :
– l’a déboutée de l’ensemble de ses prétentions au fond,
– a rappelé qu’en vertu des dispositions de l’article R211-13 du code des procédures civiles d’exécution, aprés la notification aux parties en cause de la décision rejetant la contestation, le tiers saisi paie le créancier, en l’occurrence la SARL Agence immobilière Van Poulle et associés, sur présentation de cette décision,
– l’a condamnée à payer à la SARL Agence immobilière Van Poulle et associés la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– a rejeté sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– l’a condamnée aux entiers dépens de l’instance qui comprendront les frais de la saisie-attribution.
L’ordonnance du 2 juin 2022 a fixé l’audience des plaidoiries au 5 janvier 2023..
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 30 mai 2022, la SCCV Byron Bay demande à la cour, sur le fondement de l’article L213-6 du code de l’organisation judiciaire et des articles 1130 et suivants du code civil, de :
– la déclarer recevable et bien fondée en son appel du jugement rendu par le juge de l’exécution près le tribunal judiciaire de Bordeaux le 19 avril 2022,
– réformer le jugement entrepris en ce qu’il :
– l’a déboutée de l’ensemble de ses prétentions au fond,
– l’a condamnée à payer à la SARL Agence immobilière Van Poulle et associés une somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– a rejeté ses demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamné celle-ci aux entiers dépens de l’instance qui comprendront les frais de la saisie-attribution,
Statuant à nouveau,
– prononcer la nullité du protocole d’accord transactionnel conclu entre les parties le 28 novembre 2018,
– constater en conséquence l’absence de titre exécutoire justifiant la saisie attribution sur son compte détenu dans les livres de la Banque Populaire Aquitaine Centre Atlantique le 2 septembre 2021,
– ordonner la mainlevée de ladite saisie attribution en date du 2 septembre 2021,
– condamner la SARL Agence immobilière Van Poulle et associés à lui payer une somme de 5000 euros en réparation de son préjudice,
– condamner la SARL Agence immobilière Van Poulle et associés à lui payer une somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 29 juin 2022, la SARL Agence immobilière Van Poulle et associés demande à la cour, sur le fondement des articles 2044, 2052, 1103 et 1104 du code civil, ainsi que des articles 1565 et suivants du code de procédure civile, de :
– confirmer le jugement du juge de l’exécution près le tribunal judiciaire de Bordeaux en toutes ses dispositions,
En conséquence,
– débouter la SCCV Byron Bay de l’ensemble de ses demandes fins et conclusions en cause d’appel,
– ajoutant à la décision entreprise,
– condamner la SCCV Byron Bay à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux dernières conclusions pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 22 décembre 2022.
L’affaire a été évoquée à l’audienc du 5 janvier 2023 et mise en délibéré au 16 février 2023.
MOTIFS :
-Sur l’éventuelle nullité du protocole transactionnel conclu entre les parties,
…au vu d’une violation des dispositions de la loi Hoguet,
L’article L211-1 du code des procédures civiles d’exécution duspose que tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d’un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d’argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunération prévues par le code du travail.
Par ailleurs, l’article L213-6 du code de l’organisation judiciaire indique que le juge de l’exécution connaît, de manière exclusive des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu’elles n’échappent à la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire.
En l’espèce, la SCCV Byron Bay critique le jugement entrepris en ce qu’il n’a pas annulé le protocole transanctionnel du 28 novembre 2018 sur lequel se fonde les poursuites et la mesure de saisie-attribution contestée.
Au soutien de ses prétentions, l’appelante fait valoir au même titre qu’en première instance que ce protocole transactionnel est nul pour défaut de respect de la loi Hoguet. Elle considère en effet que le premier juge a fait une interprétation erronée de la loi, en considérant que les parties pouvaient valablement dans le cadre d’un accord transactionnel s’affranchir des dispositions de la loi Hoguet, sous réserve toutefois que le protocole conclu ne soit pas contraire à l’ordre public ou ne procure pas un avantage illicite à l’une des parties.
Elle estime donc que la SARL Agence immobilière Van Poulle et associés ne peut se voir allouer une indemnité censée réparer sa perte de chance d’obtenir des honoraires pour la vente d’un appartement, alors qu’elle ne disposait pas d’un mandat en bonne et due forme tel que requis par la loi Hoguet,
Elle argue en outre de ce qu’une telle indemnisation est d’autant moins justifiée que l’intimée n’a joué aucun rôle d’intermédiation en vue de l’acquistion d’un appartement par les époux [S], laquelle est intervenue grâce à l’intervention d’un autre agent immobilier.
Tout d’abord, il convient de rappeler que c’est par une juste interprétation des règles concernant l’accord transactionnel que le premier juge a considéré que les parties pouvaient se dispenser dans ce cadre des règles propres à la loi Hoguet qui relèvent de l’ordre public de protection et non de direction. En outre, il n’est nullement démontré par la SCCV Byron Bay que l’accord liant les parties heurte l’ordre public de direction ou procure un avantage illicite à l’une des parties,
Néanmoins et sur le fond, il ressort des pièces versées aux débats que la SARL Agence Immobilière Van Poulle et associés, contrairement aux allégations de la société appelante, disposait bien d’un mandat en bonne et due forme lorsqu’elle a fait visiter un appartement aux époux [S] le 22 août 2018.
En effet, le mandat signé entre les parties le 28 juillet 2017, était toujours en vigueur nonobstant celui signé subséquemment le 29 août 2018, dès lors qu’il avait été conclu pour une durée irrévocable de trois mois renouvelable et que sauf dénonciation, à l’expiration de cette période intiale, il était prorogé pour une durée de 12 mois supplémentaire, au terme de laquelle il prendrait automatiquement fin moyennant un préavis de 15 jours par lettre recommandée avec avis de réception.
En outre, la SCCV Byron Bay ne rapporte nullement la preuve de la dénonciation d’un tel mandat.
Enfin, l’intermédiation de la SARL Agence immobilière Van Poulle et associés n’est pas sérieusement contestable puisqu’elle a effectivement fait visiter aux époux [S] le 22 août 2018 un appartement T4 de 113 m2 dans la villa Byron Bay, inclus dans le mandat, pour lequel un contrat de réservation a été signé le 11 septembre suivant, avant que les acquéreurs ne se désistent au profit d’un autre appartement se trouvant dans la même résidence.
… au vu d’une erreur de droit commise par l’appelante,
L’article 1132 du code civil dispose que l’erreur de droit ou de fait, à moins qu’elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu’elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celle du cocontractant.
En l’espèce, la SCCV Byron Bay se fonde sur la disposition précitée pour soutenir que l’accord transactionnel est nul pour cause d’erreur, dès lors qu’elle s’est engagée à payer une indemnité de 25 000 euros à la SARL Agence immobilière Van Poulle et Associés, du fait de sa perte de chance d’obtenir l’honoraire prévu pour la vente de l’appartement proposé aux époux [S], alors qu’en réalité ladite agence n’était pas en droit de réclamer une quelconque commission à raison d’une vente qui avait été conclue sans son intermédiation.
Or, il est acquis que la transaction ne peut être attaquée pour erreur de droit en sorte que le moyen ainsi soulevé par la SCCV Byron Bay devra être écarté.
En tout état de cause, la SCCV Byron Bay ne peut valablement considérer qu’elle a été induite en erreur car le mandat la liant à sa cocontractante prévoyait expressément que le mandant s’interdisait pendant toute la durée du mandat et pendant une période de douze mois suivant son expiration de traiter directement avec un acquéreur ayant été présenté par le mandataire ou ayant visité les locaux avec lui et que, dans cette hypothèse, une clause pénale serait due au terme de l’article 4 du mandat.
Ainsi, dès lors qu’un contrat de réservation a été signé le 10 septembre 2018 avec les acquéreurs qui au final sont revenus sur leur engagement pour acquérir un autre appartement appartenant à la SCCV Byron Bay, cette dernière était nécessairement liée par les termes de la clause pénale susvisée.
…au vu du dol imputable à son cocontractant,
L’article 1137 du code civil dispose que le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des manoeuvres ou des mensonges. Constitue également un dol, la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie.
En l’espèce, la SCCV Byron Bay soutient que la SARL Agence immobilière a sciemment dissimulé la réalité de ses droits en lui laissant croire qu’elle aurait agi au mépris de ses droits pour la convaincre à lui verser une indemnité de 25 000 euros, alors que tel n’était manifestement pas le cas.
Toutefois, comme précédemment, ce moyen ne pourra qu’être écarté, dès lors que la société Byron Bay à laquelle incombe la charge de la preuve du dol ainsi invoqué, ne produit aucun élément probant pour en établir la matérialité.
Il s’ensuit que la société appelante ne pourra qu’être déboutée de l’ensemble de ses prétentions tendant à voir annuler le protocole transactionnel qu’elle a conclu le 28 novembre 2018.
Disposant donc d’un titre exécutoire valable, la SARL Agence immobilière Van Poulle et associés était donc parfaitement fondée à diligenter une mesure de saisie-attribution à l’encontre de la SCCV Byron Bay.
De la même manière, les demandes indemnitaires de l’apelante fondées sur l’article L121-2 du code des procédures civiles d’exécution, ne pourront prospérer.
Partant, la cour ne pourra que confirmer le jugement déféré qui a déclaré la société Byron Bay recevable en sa contestation sur le fondement de l’article R211-11 du code des procédures civiles d’exécution, mais qui l’a déboutée de l’ensemble de ses prétentions.
-Sur les autres demandes,
Il ne paraît pas inéquitable de débouter la SCCV Byron Bay, qui succombe en son appel, de ses demandes formées en application de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens.
Elle sera enfin condamnée à payer à la SARL Agence Immobilière Van Poulle et associés la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, par décision mise à disposition au greffe et en dernier ressort,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déboute la SCCV Byron Bay de ses demandes formées en application de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens,
Condamne la SCCV Byron Bay à payer à la SARL Agence Immobilière Van Poulle et associés, la somme de 3000 euros, en application de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SCCV Byron Bay aux entiers dépens.
La présente décision a été signée par madame Paule POIREL, présidente, et madame Audrey COLLIN, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE