Nullité de contrat : 13 avril 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/12291

·

·

Nullité de contrat : 13 avril 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/12291

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 5

ARRET DU 13 AVRIL 2023

(n° 81 , 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 20/12291 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCJEI

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Juin 2020 – TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d’AUXERRE – RG n° 19/00004

APPELANT

Monsieur [M] [B]

né le 01 Août 1951 à [Localité 4]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté par Maître Sylvie KONG THONG de l’AARPI Dominique OLIVIER – Sylvie KONG THONG, avocat au barreau de PARIS, toque L0069

Assisté de Maître Pascal LAVISSE de la SCP LAVISSE BOUAMRIRENE GAFTONIUC, avocat au barreau d’Orléans

INTIMEE

Mademoiselle [T] [U]

née le 14 Juin 1986 à [Localité 7]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée et assistée par Maître Evelyne PERSENOT-LOUIS de la SCP BAZIN-PERSENOT-LOUIS SIGNORET CARLO-VIGOUROUX, avocat au barreau D’AUXERRE

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 15 Décembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Annick PRIGENT, Présidente de la chambre 5.5

Madame Nathalie RENARD, Présidente de chambre

Madame Christine SOUDRY, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame Christine SOUDRY dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Madame Claudia CHRISTOPHE

ARRET :

– Contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Marie-Annick PRIGENT, présidente de la chambre 5.5 et par Monsieur MARTINEZ, Greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE :

M. [M] [B], établi à [Adresse 6], est expert foncier et agricole.

A compter du 31 octobre 2011, il a été maître de stage de Mme [T] [U], titulaire d’un diplôme d`ingénieur agronome depuis le mois d’août 2010.

Le 1er octobre 2012, M. [B] et Mme [U] ont conclu un contrat intitulé « convention de partenariat » aux termes duquel M. [B] a déclaré céder une partie de son cabinet d`expertise à Mme [U] et s’est engagé à lui présenter progressivement sa clientèle et ses mandants afin que celle-ci puisse générer un chiffre d’affaire minimum annuel de 20 000 euros, moyennant le paiement d’une somme totale de 30 000 euros payable en cinq annuités de 6 000 euros entre 2016 et 2020.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 6 mars 2018, M. [B] a mis en demeure Mme [U] de lui verser la somme de 18.000 euros au titre des annuités de 2016 à 2018 demeurées impayées.

Par acte du 4 décembre 2018, M. [B] a assigné Mme [U] devant le tribunal de grande instance d’Auxerre aux fins de solliciter le paiement d’une somme de 30.000 euros due au titre de la convention de partenariat du 1er octobre 2012 outre une somme de 3.000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive.

Par jugement du 15 juin 2020, le tribunal judiciaire d’Auxerre a :

– Prononcé la nullité du contrat intitulé « convention de partenariat » conclu le 1er octobre 2012 entre M. [M] [B] et Mme [T] [U] ;

– Débouté M. [M] [B] de sa demande en paiement fondée sur le contrat précité ;

– Débouté M. [M] [B] de sa demande d’indemnisation sur le fondement de l’enrichissement injustifié ;

– Débouté M. [M] [B] de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

– Condamné M. [M] [B] à payer à Mme [T] [U] la somme de 1 600 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Débouté M. [M] [B] de sa demande au titre des frais irrépétibles ;

– Condamné M. [M] [B] aux entiers dépens ;

– Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.

Par déclaration du 21 août 2020, M. [B] a interjeté appel de ce jugement en ce qu’il a :

– Prononcé la nullité du contrat intitulé « convention de partenariat » conclu le 1er octobre 2012 entre M. [M] [B] et Mme [T] [U] ;

– Débouté M. [M] [B] de sa demande en paiement fondée sur le contrat précité ;

– Débouté M. [M] [B] de sa demande d’indemnisation sur le fondement de l’enrichissement injustifié ;

– Débouté M. [M] [B] de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

– Condamné M. [M] [B] à payer à Mme [T] [U] la somme de 1 600 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Débouté M. [M] [B] de sa demande au titre des frais irrépétibles ;

– Condamné M. [M] [B] aux entiers dépens.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 9 novembre 2022, M. [B], appelant, a demandé à la cour de :

Vu les articles 1103, 1104, 1217 et suivants du code civil, 1307 (nouveau) et suivants,

– Déclarer M. [M] [B] recevable et bien fondé en son appel, y faire droit ;

– Débouter Mme [T] [U] de l’ensemble de ses demandes au titre de son appel incident, mal fondé ;

– Infirmer le jugement du tribunal judiciaire d’Auxerre du 15/06/2020 dans toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau

A titre principal

– Retenir que le contrat de partenariat conclu entre M [B] et Mme [U] le 1 er octobre 2012 est valide et doit être exécuté de bonne foi ;

– Retenir que Mme [T] [U] a manqué à ses obligations contractuelles envers M [B] et que sa responsabilité est de ce fait engagée ;

– Condamner Mme [U] à payer à M [B] la somme de 30 000 euros à titre principal, assortie d’intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 06/03/2018, en exécution de ses obligations contractuelles ;

A titre subsidiaire

– Retenir que Mme [U] a bénéficié en l’espèce d’un enrichissement sans cause ;

– Condamner Mme [U] à payer à M. [B] la somme de 30 000 euros à titre principal, assortie d’intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 06/03/2018 au titre de l’enrichissement sans cause.

En tout état de cause

– Condamner Mme [U] à payer à M. [B] la somme de 7 500 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

– Condamner Mme [U] à payer à M. [B] la somme de 6 750 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamner Mme [U] aux entiers dépens avec bénéfice de l’article 699 au profit de Me Kong Thong.

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 15 novembre 2022, Mme [U], intimée, a demandé à la cour de :

Vu les articles 1108 et 1129, 1235 ancienne version devenus 1128, 1163 et 1302 du code civil, 1224 du code civil,

A titre principal,

Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire d’Auxerre le 15 juin 2020.

En conséquence,

Débouter M. [M] [B] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

A titre subsidiaire,

Dire et juger que les conditions de l’enrichissement sans cause ne sont pas réunies,

En conséquence,

Débouter M. [M] [B] de toutes ses demandes, fins et conclusions.

A titre infiniment subsidiaire,

Prononcer la résolution de la convention du 1 er Octobre 2012 aux torts exclusifs de M.

[M] [B].

En toutes hypothèses et y ajoutant,

Débouter M. [B] de sa demande de dommages et intérêts.

Condamner M. [M] [B] à payer à Mme [T] [U] la somme de 7.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour ses frais d’appel.

Condamner M. [M] [B] aux entiers dépens.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

La clôture de l’instruction est intervenue le 1er décembre 2022.

MOTIFS

Sur la nullité de la convention de partenariat du 1er octobre 2012

Mme [U] soutient que la convention de partenariat est nulle pour indétermination de son objet. Elle fait en effet valoir que la convention ne précise pas les dossiers, les clients ou les mandants, objets de la cession de clientèle. Elle ajoute que la convention ne précise aucunement les données comptables ayant permis d’assurer un chiffre d’affaires minimum de 20 000 euros annuels. Elle observe encore que la clientèle cédée appartenait non pas à M. [B] mais à la SELARL [M] [B]. Elle souligne également que M. [B] ne pouvait pas céder sa clientèle à un tiers non-diplômé, alors même que la profession d’expert agricole et foncier est réglementée. Elle soutient que la convention fait état d’une présentation progressive sans davantage de précision. Elle prétend que la convention emploie divers termes qui témoignent de l’indétermination de son objet : « convention de partenariat », « cède une partie de son cabinet d’expertise », « présentation progressive de clientèle », « formation de stagiaire », « collaboration ».

M. [B] soutient que l’objet de la convention est parfaitement déterminé ou déterminable et que la convention permet d’identifier les obligations réciproques de chacune des parties. Il précise que l’objet de la convention était la présentation progressive de sa clientèle, évaluée à 30.000 euros, permettant à Mme [U] de générer un chiffre d’affaires annuel minimum de 20.000 euros entre 2013 et 2015. Or il prétend que les rémunérations perçues par Mme [U] durant les trois années ont été supérieures à 60.000 euros.

Il résulte de l’article 1108 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige qu’une convention pour être valide doit notamment comporter un objet certain qui forme la matière de l’engagement.

Par ailleurs, en vertu de l’article 1129 du même code, il faut que l’obligation ait pour objet une chose au moins déterminée quant à son espèce.

La quotité de la chose peut être incertaine, pourvu qu’elle puisse être déterminée.

En l’espèce, la convention de partenariat conclue le 1er octobre 2012 est ainsi rédigée :

« Entre

M. [M] [B]

Expert Foncier et Agricole

Demeurant [Adresse 6]

Et

Mlle [T] [U]

Stagiaire CEF

Demeurant [Adresse 1]

M. [M] [B] cède à Mlle [T] [U] une partie de son cabinet d’expertise évaluée à 30 000 €, s’engage à assurer, en plus de la formation de stagiaire, une présentation progressive de clientèle et des divers mandants de son cabinet permettant de générer un chiffre d’affaire minimum de 20 000 € annuels.

Conditions de cession :

La valeur cédée est arrêtée à ce jour à la somme de 30 000 € (trente mille euros) qui seront réglés en 5 versements de 6 000 € aux 1er janvier 2016, 2017, 2018,2019 et 2020.

Il est convenu entre les parties que Mlle [T] [U] informe M. [M] [B] de l’évolution de son chiffre d’affaire provenant de dossiers ou mandants de son cabinet pendant les 3 premières années de leur collaboration, en contrepartie M. [B] assurera une transmission de dossiers permettant d’atteindre pendant les 3 premières années un chiffre d’affaires minimum de 20 000 € par an, avec une répartition mensuelle permettant à Mlle [U] de faire vivre sa propre entreprise.

Il est convenu qu’un point (sera) fait ‘n décembre 2013,2014 et ‘n décembre 2015 a’n de con’rmer les termes de cet accord.

Fait à [Localité 4] le 01 octobre 2012 pour un début d’activité de [T] au premier trimestre 2013. »

Il résulte de cet accord que son objet porte sur une cession progressive de la clientèle développée par M. [B] en qualité d’expert foncier et agricole, évaluée à 30.000 euros, moyennant un prix de 30.000 euros payable en cinq annuités de 6.000 euros. Dans cette convention, M. [B] s’est engagé à transmettre des dossiers ou des commandes de ses mandants pour permettre à Mme [U] d’atteindre un chiffre d’affaires de 20.000 euros par an pendant les trois premières années d’exercice, avec une répartition mensuelle lui permettant de vivre de cette activité.

Il importe peu que les clients, dossiers ou mandants cédés ne soient pas déterminés avec précision puisque la cession porte sur un nombre de dossiers suffisants pour assurer à Mme [U] un chiffre d’affaires de 20.000 euros par an.

Le fait que les données comptables ayant permis de valoriser la clientèle et le chiffre d’affaires annuel attendu n’aient pas été indiquées dans la convention est indifférent dès lors que les parties se sont accordées sur les chiffres énoncés.

L’accès à la profession d’expert foncier et agricole est réglementé.

L’article L. 171-1 du code rural, dans sa version applicable au litige, prévoit que :

« Les experts fonciers et agricoles et les experts forestiers sont des personnes physiques qui exercent, le cas échéant dans le cadre d’une personne morale, en leur nom personnel et sous leur responsabilité, des missions d’expertise en matière foncière, agricole et forestière portant sur les biens d’autrui, meubles et immeubles, ainsi que sur les droits mobiliers et immobiliers afférents à ces biens.

La profession d’expert foncier et agricole ou d’expert forestier est incompatible avec les charges d’officiers publics et ministériels et avec toutes fonctions susceptibles de porter atteinte à son indépendance, en particulier avec toute profession consistant à acquérir de façon habituelle des biens mobiliers ou immobiliers en vue de leur revente. Elle n’est pas incompatible avec des activités de gestion immobilière sur les biens d’autrui et avec des activités d’entremise immobilière si elles ne portent pas sur une même opération que celle faisant l’objet des missions d’expertise visées ci-dessus.

Il est créé un Conseil national de l’expertise foncière agricole et forestière, doté de la personnalité morale, auquel doivent adhérer les personnes se réclamant en France du titre d’expert foncier et agricole ou d’expert forestier.

L’assemblée générale des membres du conseil national vote annuellement le budget, approuve les comptes et fixe le montant des cotisations dues par ses membres. Le conseil est administré par un comité composé de représentants des experts désignés par les membres du conseil sur proposition des organisations les plus représentatives à l’échelon national des professions d’expert foncier, agricole et forestier. Ce comité, qui élit son président, prépare les délibérations de l’assemblée générale.

Ce comité est chargé en particulier d’établir annuellement la liste des experts fonciers et agricoles ou forestiers et de faire respecter les devoirs professionnels de chacune des personnes inscrites sur la liste tels qu’ils sont définis par un décret en Conseil d’Etat.

Nul ne peut porter le titre d’expert foncier et agricole ou d’expert forestier s’il ne figure sur la liste mentionnée ci-dessus.

Le comité peut prononcer des sanctions constituées soit par un blâme, soit par un avertissement, soit par une suspension, soit par une radiation de la liste, cette dernière sanction ne pouvant être appliquée qu’en cas de faute professionnelle grave ou de condamnation pour faits contraires à l’honneur, à la probité et aux bonnes moeurs. Quand il siège en matière disciplinaire, ce comité est présidé par un membre du Conseil d’Etat.

En vue de leur inscription sur la liste nationale des experts fonciers et agricoles et des experts forestiers, les intéressés justifient d’un niveau de formation et d’expérience, d’une assurance contre les conséquences pécuniaires de leur responsabilité civile professionnelle et s’engagent à respecter l’indépendance nécessaire à l’exercice de leur profession. En cas d’incapacité légale, la radiation de la liste est prononcée de plein droit.

Toute personne qui aura fait usage du titre d’expert foncier et agricole ou d’expert forestier sans être inscrite sur la liste mentionnée ci-dessus sera punie des peines prévues par l’article 433-17 du code pénal. Sera punie des mêmes peines toute personne qui aura fait usage d’une dénomination présentant une ressemblance de nature à causer une méprise avec le titre d’expert foncier, agricole et forestier.

Un décret en Conseil d’Etat précise les modalités d’application du présent article, notamment les conditions d’inscription sur la liste nationale, les conditions d’éligibilité et les modalités de désignation des membres du comité, ainsi que la procédure disciplinaire suivie devant celui-ci. »

L’article R. 171-10 du code rural dans sa version applicable précise que :

« Peuvent demander leur inscription sur la liste prévue à l’article R. 171-9, en qualité d’expert foncier et agricole ou d’expert forestier, les personnes physiques remplissant les conditions suivantes :

1° Justifier d’une pratique professionnelle des missions d’expertise mentionnées au premier alinéa de l’article L. 171-1 d’une durée de trois années au moins, pour les titulaires de titres ou diplômes équivalents au minimum à la licence, dans les disciplines agricoles, agronomiques, forestières, juridiques ou économiques, selon la catégorie dans laquelle l’inscription est demandée, délivrés par un pays membre de la Communauté européenne ou un Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou d’un titre ou diplôme permettant l’exercice de cette profession dans ceux de ces Etats où elle est réglementée, ou sanctionnant dans ces Etats une formation réglementée spécifiquement orientée vers l’exercice de cette profession. Le comité vérifie que les titres et diplômes présentés à l’appui de la demande d’inscription sur la liste mentionnée à l’article R. 171-9 correspondent au niveau de formation exigé, après, en tant que de besoin, consultation des ministères dont relèvent les enseignements faisant l’objet des titres et diplômes concernés ;

Les autres candidats doivent justifier d’une pratique professionnelle d’au moins 7 ans ;

La pratique professionnelle exigée au présent 1° s’entend de l’exercice, soit à titre personnel, soit sous la responsabilité d’un maître de stage, des missions d’expertise mentionnées au premier alinéa de l’article L. 171-1 ;

2° Ne pas avoir été l’auteur de faits ayant donné lieu à condamnation pénale pour agissements contraires à l’honneur, à la probité ou aux bonnes moeurs ;

3° Ne pas avoir été l’auteur de faits de même nature ayant donné lieu à une sanction disciplinaire ou administrative de destitution, radiation, révocation, de retrait d’agrément ou d’autorisation ;

4° Ne pas avoir été frappé de faillite personnelle ou d’une autre mesure d’interdiction en application du chapitre III du titre V du livre VI du code de commerce.

Les experts peuvent, le cas échéant, exercer leurs missions dans le cadre de l’une des sociétés prévues par les décrets n° 86-636 du 14 mars 1986 et n° 92-789 du 4 août 1992, ou de toute autre société dont le capital est détenu en majorité par des experts fonciers et agricoles, ou des experts forestiers, ou des anciens experts, sous réserve que ceux-ci n’aient pas été radiés. »

En l’espèce, il est constant qu’au moment de la conclusion de la convention litigieuse, Mme [U] était stagiaire de la Confédération des experts fonciers (CEF) et n’était pas inscrite sur la liste des experts fonciers et agricoles, à défaut de pouvoir justifier d’une pratique professionnelle des missions d’expertise mentionnées au premier alinéa de l’article L. 171-1 du code rural d’une durée de trois années. Il ressort en outre des éléments produits aux débats que Mme [U] n’a été titularisée en qualité d’expert foncier et agricole que le 1er janvier 2016, soit postérieurement à la durée d’application de la convention.

Il s’ensuit que la cession de clientèle litigieuse, consentie à Mme [U] alors qu’elle n’avait pas acquis à titre définitif la capacité d’exercer la fonction d’expert foncier et agricole, est nulle.

Il sera de surcroît relevé que M. [B] est signataire de la convention litigieuse et qu’en vertu de cette convention, il s’est engagé, à titre personnel, à céder la clientèle constituée en sa qualité d’expert foncier et agricole. Or il ressort des statuts de la SELARLU [Z] [B] expertise datés du 14 décembre 2007 que M. [B] n’était plus propriétaire de cette clientèle pour en avoir apporté le droit de présentation à cette société, ayant pour objet social l’exercice de la profession d’expert agricole et foncier conformément à la loi n°66-879 du 29 novembre 1966 et au décret n° 86-636 du 14 mars 1986.

L’article 6 desdits statuts indique ainsi que M. [B] fait apport à la SELARLU [Z] [B] expertise de « la totalité des droits mobiliers incorporels et corporels afférents à son activité professionnelle d’expert agricole et foncier exercée à [Adresse 6], » et notamment : « Le droit de présentation sur sa clientèle dont il entend garantir la transmission effective à la société, en s’engageant à lui présenter de la manière la plus efficace possible en la personne de ses associés professionnels et dirigeants sociaux.

Cette prestation de présentation sera accompagnée de transmission des fiches des clients et des dossiers en cours.

L’apport du droit de présentation de la clientèle et des archives est évalué à la somme de 50000 €. »

En conséquence, la nullité de la convention doit de plus fort être prononcée en application de l’article 1599 du code civil.

Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur l’enrichissement sans cause

M. [B] soutient que Mme [U] a tiré profit du contrat de partenariat et de la mise à disposition d’une partie non-négligeable de sa clientèle. Il prétend ainsi que Mme [U] a reçu de sa part la somme de 6.587,97 euros entre février et fin août 2013 et tiré de l’exploitation de la clientèle jusqu’en août 2013 la somme de 39.974 euros, puis de 2014 à 2018 les sommes minimales de 122.035,18 euros, 26.372,04 euros et 13.956,27 euros. Il considère que Mme [U] a bénéficié d’un enrichissement sans cause et qu’il s’est appauvri corrélativement puisqu’il n’a pas pu percevoir les honoraires qu’il aurait dû percevoir.

Mme [U] prétend que M. [B] ne rapporte pas la preuve de l’enrichissement et de l’appauvrissement corrélatif allégués. Elle ajoute que M. [B], qui n’était pas propriétaire de la clientèle, ne peut se prévaloir d’aucun appauvrissement de son patrimoine personnel. Elle dénie tout enrichissement de sa part au détriment de M. [B].

Selon l’article 1303 du code civil, dans sa version applicable au litige, celui qui bénéficie d’un enrichissement injustifié au détriment d’autrui doit, à celui qui s’en trouve appauvri, une indemnité.

Il appartient à celui qui invoque l’enrichissement sans cause de l’établir.

En l’espèce, il ressort de ce qui précède que M. [B] ne disposait plus du droit de présentation de la clientèle issue de son activité d’expert agricole et foncier qu’il avait transféré à la SELARLU [Z] [B] expertise. Dans ces conditions, M. [B] ne saurait invoquer un quelconque appauvrissement de son patrimoine personnel.

En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande d’indemnisation présentée par M. [B] sur le fondement de l’enrichissement sans cause.

Sur la résistance abusive de Mme [U]

Il résulte de ce qui précède qu’aucune résistance abusive ne peut être reprochée à Mme [U]. La demande de dommages et intérêts de ce chef sera écartée.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

M. [B] succombe à l’instance. Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles seront confirmées. M. [B] sera condamné à supporter les dépens d’appel et à payer à Mme [U] une somme supplémentaire de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. La demande formée par M. [B] au titre de ses frais irrépétibles sera rejetée.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

CONFIRME le jugement entrepris ;

Y ajoutant,

REJETTE la demande de dommages et intérêts de M. [B] au titre de la résistance abusive ;

CONDAMNE M. [B] à payer à Mme [U] une somme supplémentaire de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE la demande formée par M. [B] au titre de ses frais irrépétibles ;

CONDAMNE M. [B] aux dépens de l’instance d’appel.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

 


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x