République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 1
ARRÊT DU 13/04/2023
N° de MINUTE : 23/398
N° RG 20/05386 – N° Portalis DBVT-V-B7E-TLNF
Jugement (N° 19-001920) rendu le 02 Octobre 2020 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Lille
APPELANTE
SAS Iratek 92 prise en la personne de son Président, domicilié es qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 6]
Représentée par Me David-Franck Pawletta, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
INTIMÉS
Monsieur [O] [K]
né le [Date naissance 1] 1975 à [Localité 8] – de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 3]
Madame [N] [B]
née le [Date naissance 2] 1979 à [Localité 8] – de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représentés Me Djénéba Toure-Cnudde, avocat au barreau de Lille, avocat constitué assisté de Me Harry Bensimon, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant
SA Cofidis
[Adresse 7]
Représentée par Me Xavier Hélain, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
DÉBATS à l’audience publique du 08 février 2023 tenue par Catherine Ménegaire magistrat chargé d’instruire le dossier qui a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Gaëlle Przedlacki
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Yves Benhamou, président de chambre
Catherine Ménegaire, conseiller
Catherine Convain, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 13 avril 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Yves Benhamou, président et Gaëlle Przedlacki, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 8 février 2023
EXPOSE DU LITIGE
Le 31 mai 2018, dans le cadre d’un démarchage à domicile, Mme [B] a contracté auprès de la société Iratek 92 une prestations relative à l’installation d’un système photovoltaïque, d’un ballon thermodynamique et d’un matériel E-Connect pour un montant TTC de 24’900 euros suivant bon de commande numéro 3947.
Le 31 mai 2018, aux fins de financer l’opération, M. [K] et Mme [B] ont accepté une offre préalable de crédit affecté auprès de la société Cofidis exerçant sous l’enseigne ‘projectio by Cofidis’ d’un montant de 24’900 euros, remboursable en 168 mensualités, précédées d’un différé de paiement de six mois, incluant les intérêts au taux nominal annuel de 3,69 %.
Par acte d’huissier en date du 7 mai 2019, M. [K] et Mme [B] ont fait assigner en justice la société Iratek 92 et la société Cofidis aux fins de voir notamment prononcer la nullité des contrats de vente et de crédit affecté.
Par jugement contradictoire en date du 2 octobre 2020, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lille a :
– prononcé la nullité du contrat de vente conclu le 31 mai 2018 entre Mme [B] et la société Iratek 92 suivant bon de commande numéro 3947,
– constaté la nullité du contrat de crédit affecté conclu entre la société Cofidis et Mme [B] et M. [K] en date du 31 mai 2018,
– condamné la société Cofidis à restituer à M. [K] et Mme [B] l’ensemble des sommes versées à quelque titre que ce soit en exécution du contrat de crédit affecté conclu le 31 mai 2018,
– condamné la société Iratek 92 à procéder à la désinstallation du matériel posé suivant bon de commande numéro 3947, à ses frais, dans un délai d’un mois à compter de la signification de la présente décision,
– dit que passé ce délai le matériel et l’installation deviendront la propriété de M. [K] et Mme [B],
– condamné la société Iratek 92 à payer à la société Cofidis la somme de 24’900 euros,
– débouté M. [K] et Mme [B] du surplus de leurs demandes,
– débouté la société Cofidis du surplus de ses demandes,
– débouté la société Iratek 92 de ses demandes,
– condamné in solidum les sociétés Cofidis et Iratek 92 à payer à M. [K] et Mme [B] la somme de 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné in solidum les sociétés Cofidis et Iratek 92 aux dépens.
Par déclaration reçue par le greffe de la cour le 23 décembre 2020, la société Iratek 92 a relevé appel de l’ensemble des chefs de ce jugement, sauf en ce qu’il a débouté M. [K], Mme [B] et la société Cofidis du surplus de leurs demandes.
Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 3 août 2021, elle demande à la cour de :
– infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Lille le 2 octobre 2020 en ce qu’il a :
‘- prononcé la nullité du contrat de vente conclue le 31 mai 2018 entre Mme [B] et la société Iratek 92 suivant bon de commande numéro 3947,
– constaté la nullité du contrat de crédit affecté conclu entre la société Cofidis et Mme [B] et M. [K] en date du 31 mai 2018,
– condamné la société Cofidis à restituer à M. [K] et Mme [B] de l’ensemble des sommes versées à quelque titre que ce soit en exécution du contrat de crédit affecté conclu le 31 mai 2018,
– condamné la société Iratek 92 à procéder à la désinstallation du matériel posé suivant bon de commande numéro 3947 à ses frais dans un délai d’un mois à compter de la signification de la présente décision,
– dit que passé ce délai le matériel et l’installation deviendront la propriété de M. [K] et Mme [B],
– condamné la société Iratek 92 à payer à la société Cofidis la somme de 24’900 euros,
– débouté la société Iratek 92 de ses demandes,
– condamné in solidum les sociétés Cofidis et Iratek 92 à payer à M. [K] et Mme [B] la somme de 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné in solidum les sociétés Cofidis et Iratek 92 aux dépens’
statuant de nouveau,
– dire et juger que le contrat conclu entre M. [K], Mme [B] et la société Iratek 92 ne saurait
être annulé,
– dire et juger qu’il ne saurait être procédé à la désinstallation du matériel, à savoir les 10 panneaux photovoltaïques, la pompe à chaleur et le système GSE E-Connect, installé chez M. [K] et Mme [B],
– subsidiairement dire et juger que toute condamnation prononcée à l’encontre de la société Iratek 92 doit être ramenée à de plus justes proportions,
en tout état de cause,
– dire et juger que M. [K] et Mme [B] font preuve d’une mauvaise foi certaine,
– débouter M. [K] et Mme [B] de l’ensemble de leurs demandes,
– condamner M. [K] et Mme [B] à payer à la société Iratek la somme de
2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner M. [K] et Mme [B] aux dépens de la procédure de première instance et d’appel.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 11 juin 2021, la société Cofidis demande à la cour :
– infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,
statuant à nouveau,
– déclarer la société Cofidis recevable et bien fondée en ses demandes,
y faisant droit,
– déclarer M. [K] et Mme [B] mal fondés en leurs demandes fins, et conclusions et les en débouter,
– condamner solidairement M. [K] et Mme [B] à poursuivre l’exécution du contrat de crédit conformément aux stipulations contractuelles,
à titre subsidiaire, si la cour confirmait la nullité des conventions,
– condamner solidairement M. [K] et Mme [B] à rembourser à la société Cofidis le capital emprunté d’un montant de 24’900 euros au taux légal à compter de l’arrêt à intervenir, déduction à faire des échéances payées, en l’absence de faute de la société Cofidis et en l’absence de préjudice,
à titre plus subsidiaire, si la cour confirmait la dispense de remboursement du capital par les emprunteurs,
– condamner la société Iratek 92 à payer à la société Cofidis la somme de 32’975,77 euros au taux légal à compter de l’arrêt à intervenir,
à titre infiniment subsidiaire,
– confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,
en tout état de cause,
– condamner la société Iratek 92 à relever et garantir la société Cofidis de toute condamnation qui pourrait être mise à sa charge à quelque titre que ce soit,
-condamner tout succombant à payer à la société Cofidis la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner tout succombant aux entiers dépens.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 20 janvier 2023,
M. [K] et Mme [B] demandent à la cour de :
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [K] et Mme [B] du surplus de leurs demandes à savoir ce que le jugement les a :
– débouté de leurs demandes tendant à la condamnation des sociétés Cofidis et Iratek 92 à leur verser la somme de 5 000 euros au titre des frais de désinstallation et de remise en état de la toiture dans son état initial,
– débouté de leurs demandes tendant à la condamnation des sociétés Cofidis et Iratek 92 à leur verser la somme de 8 000 euros au titre de la réparation de leur préjudice financier est de leur trouble de jouissance,
– débouté de leurs demandes tendant à la condamnation des société Iratek 92et Cofidis à leur verser la somme de 3 000 euros au titre de réparation de leur préjudice moral,
– confirmer le jugement pour le surplus et en conséquence :
– déclarer les demandes de M. [K] et Mme [B] recevables et bien fondées,
– déclarer que le contrat conclu entre M. [K] et Mme [B] et la société Iratek 92 est nul car contrevenant aux dispositions édictées par le code de la consommation,
– déclarer que la société Iratek 92 a commis un dol à l’encontre de M. [K] et Mme [B]
– déclarer que la société Cofidis a délibérément participé au dol commis par la société Iratek 92,
au surplus,
– déclarer que la société Cofidis a commis des fautes personnelles :
– en laissant prospérer l’activité de la société Iratek 92 par la fourniture de financements malgré les nombreux manquements de cette dernière qu’elle ne pouvait prétendre ignorer,
– en accordant des financements inappropriés s’agissant de travaux de construction,
– en manquant à ses obligations d’information et de conseil à l’égard de M. [K] et Mme [B],
– en délivrant les fonds à la société Iratek 92 sans s’assurer de l’achèvement des travaux,
– déclarer que les fautes commises par la société Cofidis ont causé un préjudice à M. [K] et Mme [B],
en conséquence,
– déclarer que les société Iratek 92 et Cofidis sont solidairement responsables de l’ensemble des conséquences de leurs fautes à l’égard de M. [K] et Mme [B],
– prononcer la nullité ou à défaut la résolution du contrat de vente liant M. [K] et Mme [B] à la société Iratek 92,
– prononcer la nullité ou à défaut la résolution du contrat de crédit affecté liant M. [K] et Mme [B] à la société Cofidis,
– déclarer la société Cofidis ne pourra se prévaloir des effets d’annulation à l’égard des emprunteurs,
– ordonner le remboursement des sommes versées M. [K] et Mme [B] à la société Cofidis au jour du jugement à intervenir, outre celles à venir soit la somme de 40 128,42 euros, sauf à parfaire,
– condamner solidairement la société Iratek 92 et la société Cofidis à payer 5 000 euros au titre des frais de désinstallation et de remise en état de la toiture dans son état initial à défaut de dépose spontanée,
– condamner la société Cofidis à verser à M. [K] et Mme [B] la somme de 8 000 euros au titre de leur préjudice financier du trouble de instance, et de 3 000 euros au titre leur préjudice moral,
– dire qu’à défaut pour la société Iratek 92 de récupérer le matériel fourni dans un délai d’un mois à compter la signification du jugement celui-ci sera définitivement acquis à M. [K] et Mme [B]
– condamner la société Iratek 92 à garantir M. [K] et Mme [B] de toute éventuelle condamnation prononcée à leur encontre,
– déclarer qu’en toutes hypothèses, la société Cofidis ne pourra se faire restituer les fonds auprès de M. [K] et Mme [B] mais devra nécessairement récupérer les fonds auprès de la société Iratek seule bénéficiaire des fonds débloqués eu égard à l’opération commerciale litigieuse,
– condamner solidairement la société Iratek 92 et Cofidis au paiement des entiers dépens outre la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner in solidum la société Iratek 92 et la société Cofidis dans l’hypothèse ou à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par le jugement à intervenir, une exécution forcée serait nécessaire, à supporter le montant des sommes retenues par l’huissier par application des articles 10 et 12 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996 numéro 96/1080 relatifs aux tarifs des huissiers, en application de l’article R.631-4 du code de la consommation,
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux écritures des parties pour l’exposé de leurs moyens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 8 février 2023, jour de l’audience des plaidoiries.
MOTIFS
A titre liminaire, il convient de préciser que les demandes tendant à voir « constater, dire et juger » ne sont pas en l’espèce des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile mais le rappel des moyens.
Sur la nullité du contrat de vente
En vertu de l’articles L.221-9 du code de la consommation, les contrats hors établissement doivent faire l’objet d’un contrat écrit daté dont un exemplaire doit être remis au client au moment de la conclusion de ce contrat. Il comprend toutes les informations prévues par l’article L.221-5. Le contrat doit être accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 2° de l’article L.221-5.
Selon l’article L.221-5 du code de la consommation ‘Préalablement à la conclusion d’un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :
1° Les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2 ;
2° Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d’exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu’il contient sont fixées par décret en Conseil d’Etat ;
3° Le cas échéant, le fait que le consommateur supporte les frais de renvoi du bien en cas de rétractation et, pour les contrats à distance, le coût de renvoi du bien lorsque celui-ci, en raison de sa nature, ne peut normalement être renvoyé par la poste ;
4° L’information sur l’obligation du consommateur de payer des frais lorsque celui-ci exerce son droit de rétractation d’un contrat de prestation de services, de distribution d’eau, de fourniture de gaz ou d’électricité et d’abonnement à un réseau de chauffage urbain dont il a demandé expressément l’exécution avant la fin du délai de rétractation ; ces frais sont calculés selon les modalités fixées à l’article L. 221-25 ;
5° Lorsque le droit de rétractation ne peut être exercé en application de l’article L. 221-28, l’information selon laquelle le consommateur ne bénéficie pas de ce droit ou, le cas échéant, les circonstances dans lesquelles le consommateur perd son droit de rétractation ;
6° Les informations relatives aux coordonnées du professionnel, le cas échéant aux coûts de l’utilisation de la technique de communication à distance, à l’existence de codes de bonne conduite, le cas échéant aux cautions et garanties, aux modalités de résiliation, aux modes de règlement des litiges et aux autres conditions contractuelles, dont la liste et le contenu sont fixés par décret en Conseil d’Etat. (…)’
Selon l’article L.111-1 du code de la consommation, avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :
1° les caractéristiques essentielles du bien ou du service compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné,
2° le prix du bien ou du service en application de l’article L.112-1 à L.112-4,
3° en l’absence d’exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s’engage à livrer le bien ou à exécuter le service,
4° les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités pour autant qu’elles ne ressortent pas du contexte ;
5° s’il y a lieu, les informations relatives aux garanties légales, aux fonctionnalités du contenu numérique, et le cas échéant, à son interopérabilité, à l’existence et aux modalités de mise en oeuvre des garanties et autres conditions contractuelles ;
6° la possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues au titre 1er du livre VI. (…)’
En vertu de l’article L.242-1du code de la consommation, les dispositions de l’article L.221-9 sont prévues à peine de nullité du contrat conclu hors établissement.
En l’espèce, le bon de commande porte sur la fourniture et la pose d’une centrale photovoltaïque composée de 10 modules solaires monochristallins de marque Soluxtec d’une puissance unitaire de 300 Wc et d’une puissance totale de 3 000 Wc, d’un onduleur de marque Emphase, la société Iratek 92 devant accomplir l’ensemble des démarches administratives et de raccordement, le coût du raccordement étant à sa charge. Il porte également sur l’installation d’un systeme E-Connect de marque GSE. Les prix des divers matériels et de leur installation sont mentionnés, ainsi que les prix HT et TTC. Le financement et ses modalités est également décrit.
Par ailleurs, le bon de commande litigieux précise ‘date de livraison/travaux : 45 jours à compter de la signature du bon de commande.’
Alors que le contrat conclu implique des opérations à la fois matérielles de livraison et d’installation du matériel commandé, mais également des démarches administratives, cette mention est insuffisante pour répondre aux exigences de l’article L. 111-1, 3°du code de la consommation, dès lors qu’il n’est pas distingué entre le délai de pose des modules, et autres matériels et celui de réalisation des prestations à caractère administratif et qu’un tel délai global ne permet pas aux acquéreurs de déterminer de manière suffisamment précise quand le vendeur aurait exécuté ses différentes obligations.
Dès lors, le bon de commande litigieux présente une irrégularité susceptible de justifier son annulation.
Sur le fondement de l’article 1182 du code civil dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, la société Iratek 92 et la société cofidis font valoir que M. [K] et Mme [B] ont renoncé à invoquer la nullité encourue au titre des vices affectant le bon de commande et confirmé la nullité dans la mesure où, n’ayant pas usé de leur faculté de rétractation, il ont exécuté le contrat en réceptionnant sans réserve l’installation, en demandant le versement des fonds, en remboursant les échéances du crédit, et en signant un contrat d’énergie avec la société ERDF, alors que le bon de commande mentionnait l’ensemble des articles du code de la consommation relatifs au démarchage à domicile.
Si la violation du formalisme prescrit par les dispositions précitées du code de la consommation, et qui a pour finalité la protection des intérêts de l’acquéreur démarché, est sanctionnée par une nullité relative à laquelle il peut renoncer par une exécution volontaire de son engagement irrégulier, il résulte des dispositions de l’article 1882 du code civil dans sa version applicable à la date de conclusion du contrat que la confirmation tacite d’un acte nul est subordonnée à la double condition que son auteur ait eu connaissance du vice l’affectant et qu’il ait eu l’intention de le réparer.
La renonciation à se prévaloir de la nullité du contrat par son exécution doit, dès lors que la confirmation d’une obligation entachée de nullité est subordonnée à la conclusion d’un acte révélant que son auteur a eu connaissance du vice affectant l’obligation et l’intention de le réparer, être caractérisée par sa connaissance préalable de la violation des dispositions destinées à le protéger.
Le rappel des dispositions du code de la consommation sur le démarchage à domicile aux conditions générales du contrat de vente ne saurait suffire à établir que l’acquéreur a agi en toute connaissance de cause et renoncé à invoquer les vices de forme du contrat de vente alors que, pour que la confirmation soit valable, il faut que son auteur ait pris conscience de la cause de nullité qui affecte l’acte et que la connaissance certaine de ce vice ne peut résulter, pour un consommateur profane, du seul rappel de ces dispositions.
Dès lors, ni l’écoulement du délai de rétractation, ni l’absence de protestation lors de la livraison et de la pose des matériels commandés, ni la signature par le consommateur de l’attestation de fin de travaux, ni le versement des fonds par la société de crédit à la société venderesse, ni l’acceptation des démarches de raccordement, ni la signature du contrat d’énergie, ni le paiement des échéances du crédit, ne sauraient constituer à cet égard des circonstances de nature à caractériser une telle connaissance et une telle intention de la part de l’acquéreur et ne peuvent couvrir la nullité relative encourue.
Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu’il a prononcé la nullité du contrat de vente, sans qu’il soit besoin d’examiner la demande de nullité du chef du dol allégué.
L’annulation ainsi prononcée entraîne en principe la remise des parties en l’état antérieur à la conclusion du contrat de vente.
La société Iratek 92 sera donc condamnée à payer à sa cocontractante, Mme [B], la somme de 24 900 euros en restitution du prix de vente.
Il convient également de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Iratek 92 à procéder, à ses frais, à la désinstallation du matériel au domicile de Mme [B] et M. [K], sauf à préciser que le délai pour l’exécuter sera de trois mois à compter de la signification de l’arrêt, et de dire que passé ce délai, le matériel et l’installation deviendront la propriété de Mme [B].
Sur les conséquence de la nullité du contrat de vente
En application du principe de l’interdépendance des contrats constatée par l’article L.312-55 du code de la consommation, le contrat de crédit est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.
Il y a lieu en conséquence de constater la nullité de plein droit du contrat de crédit affecté conclu entre M. [K], Mme [B] et la société Cofidis en application des dispositions susvisées.
Sur les conséquences de l’annulation du contrat accessoire de crédit
L’annulation prononcée entraînent en principe la remise des parties en l’état antérieur à la conclusion des contrats. Ainsi, l’annulation du contrat de prêt en conséquence de celle du contrat de vente qu’il finançait emporte, pour l’emprunteur, l’obligation de rembourser au prêteur le capital prêté, peu important que ce capital ait été été versé directement au vendeur par le prêteur, sauf si l’emprunteur établi l’existence d’une faute du prêteur et d’un préjudice consécutif à cette faute. Elle emporte également pour le prêteur l’obligation de restituer les sommes déjà versées par l’emprunteur.
* Pour voir priver la banque de sa créance de restitution, M. [K] et Mme [B] font valoir que la banque a manqué à son devoir de mise en garde à leur égard en leur octroyant un crédit excessif eu égard à leur capacités financières.
Il est rappelé que l’établissement de crédit est tenu à un devoir de mise en garde à l’égard de l’emprunteur non averti lors de la conclusion du contrat de prêt ; ce devoir consiste à consentir un prêt adapté aux capacités financières de l’emprunteur et, le cas échéant, à l’alerter sur les risques de l’endettement né de l’octroi du prêt ; il implique l’obligation pour la banque de se renseigner sur les capacités financières de l’emprunteur pour l’alerter, si nécessaire, sur un risque d’endettement. Il incombe à l’emprunteur qui invoque un devoir de mise en garde de la banque à son égard de démontrer que les prêts n’étaient pas adaptés à sa situation financière et créaient un risque d’endettement contre lequel il devait être mis en garde.
En l’espèce, il ressort de la fiche de dialogue complétée par M. [K] et Mme [B] que, lors de la conclusions du crédit affecté, ils ont déclaré sur l’honneur percevoir des revenus nets mensuels de 1 933 euros pour l’emprunteur et de 1 573 euros pour le coemprunteur, soit au total 3 506 euros. Ils n’ont déclaré aucune charge si ce n’est un loyer ou crédit immobilier de 771 euros.
Il résulte de ces éléments que M. [K] et Mme [B] ne démontrent pas que le crédit affecté litigieux dont les mensualités étaient de 238,86 euros était inadapté à leur situation et créaient un risque d’endettement excessif sur lequel la banque aurait dû les mettre en garde, et il n’est d’ailleurs pas démontré que des incidents de paiement dans le remboursement du prêt auraient été enregistrés.
Dès lors, la banque n’était pas tenue à un devoir spécifique de mise en garde à leur égard et il convient en conséquence de débouter M. [K] et Mme [B] de leur demande tendant à voir priver la banque de son droit à restitution du capital de ce chef.
* Mme [B] et M. [K] invoquent également la faute de la banque dans le déblocage de fonds
Il est rappelé que le prêteur qui a versé les fonds sans s’être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal ou de sa complète exécution peut être privé de tout ou partie de sa créance de restitution, dès lors que l’emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute.
En l’espèce, il est manifeste que la société Cofidis a commis une faute en acceptant de financer un bon de commande affecté d’une irrégularité flagrante.
De plus, il ressort du bon de commande du 31 mai 2018 que la prestation complète comprend le raccordement au réseau d’ERDF ainsi que les démarches administratives auprès de Consuel (attestation de conformité) e de la Mairie. Dès lors, l’obligation de vérifier la complète exécution du contrat pesant sur la banque impliquait de s’assurer aussi de la réalisation de ces prestations.
Or, l’attestation de livraison du 18 juin 2018 ne permettait pas à la banque de se convaincre de l’exécution complète des prestations, l’acquereur ayant reconnu que ‘tous les travaux et prestations qui devaient être effectuées à ce titre ont été pleinement réalisés et que les démarches de raccordement au réseau ont bien été engagées (…)’, ce qui supposait nécessairement que ces démarches n’étaient pas encore réalisées.
Par ailleurs, cette attestation ne pouvait manifestement pas rendre compte de ce que les travaux commandés étaient terminés, dans la mesure où elle était datée du 18 juin 2018, soit un mois seulement après la signature du bon de commande, ce délai étant à l’évidence trop court pour assurer la finalisation de l’installation, ce que ne pouvait ignorer la banque dispensatrice de crédits affectés à la vente d’installations photovoltaïques.
En s’abstenant de s’assurer que le contrat était entièrement exécuté, le prêteur a également commis une faute dans le déblocage des fonds.
Cependant, de par l’effet de plein droit de l’annulation du contrat de vente prononcée, la société Iratek 92 qui ne fait l’objet d’aucune procédure collective et est in bonis, doit restituer le prix de vente à Mme [B], lequel correspond au capital emprunté, de sorte que M. [K] et Mme [B] ne subissent pas de préjudice et ne sauraient en conséquence être dispensés de rembourser le capital emprunté.
Le jugement déféré sera par conséquent infirmé en ce qu’il a privé la société Cofidis de sa créance de restitution.
M. [K] et Mme [B] seront donc solidairement condamnés à payer à la société Cofidis la somme de 24 900 euros au titre du capital emprunté sous déduction de l’ensemble des sommes versées par eux en exécution du contrat de crédit affecté.
Sur les demandes de dommages et intérêts au titre du préjudice financier, de jouissance et moral
C’est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a estimé que M. [K] et Mme [B] ne rapportaient pas la preuve de ce que leur niveau de vie avait été réduit, ni que l’installation photovoltaïque présenterait un caractère inesthétique et occasionnerait des désordres, ni encore de ce qu’ils subiraient un préjudice moral, et les a débouté de leurs demandes de dommages et intérêts de ces chefs. Le jugement sera en conséquence confirmé sur ce point.
Sur la demande de condamnation in solidum de la société Iratek et Cofidis à payer la somme de 5 000 euros au titre de la désinstallation du matériel
La société Iratek 92 a été condamnée à procéder, à ses frais, à la désinstallation du matériel au domicile de Mme [B] et M. [K] dans le délai de trois mois à compter de la signification de l’arrêt. Il a par ailleurs été fait droit à la demande de M. [K] et Mme [B] tendant à voir de dire que passé ce délai, le matériel et l’installation phovoltaïque deviendra leur propriété.
Dans la mesure où M. [K] et Mme [B] entendent manifestement conserver le matériel pour le cas où la société Iratek 92 ne viendrait pas procéder à ses frais à la désintallation, il y a lieu de les débouter de leur demande en paiement de la somme de 5 000 euros au titre des frais de désintallation, le coût du démontage n’étant au surplus pas justifié.
Sur les demandes de garantie de M. [K] et Mme [B] à l’encontre de la société Iratek 92
L’article L.312-56 du code de la consommation prévoit que ‘Si la résolution judiciaire ou l’annulation du contrat principal survient du fait du vendeur, celui-ci peut, à la demande du prêteur, être condamné à garantir l’emprunteur du remboursement du prêt, sans préjudice de dommages et intérêts vis-à-vis du prêteur et de l’emprunteur.’
C’est le prêteur qui peut donc demander que le vendeur garantisse l’emprunteur du remboursement du prêt.
Les acheteurs seront donc déboutés de leur demande de garantie.
Sur la demande de garantie de la société Cofidis à l’encontre de la société Iratek 92
Sur la base d’une convention de partenariat signée avec la société Iratek 92, la société Cofidis demande à titre subsidiaire, si la cour confirmait la dispense de remboursement du capital par les emprunteurs, de condamner la société Iratek 92 à lui payer la somme de 32’975,77 euros au taux légal à compter de l’arrêt à intervenir.
Les emprunteurs n’ayant pas été dispensés de rembourser le capital, la demande subsidiaire de garantie de la société Cofidis à l’encontre de la société Iratek 92 est sans objet.
La banque sollicite, en tout état de cause, à être garantie par la société Iratek 92 de toutes condamnations qui seraient éventuellement mises à sa charge. Cependant, l’organisme de crédit a lui-même commis des fautes à l’origine de l’annulation de son contrat, en sorte qu’il n’est pas fondé à obtenir la garantie de la société Iratek 92.
Sur les demandes accessoires
Les motifs du premier juge méritant d’être adoptés, le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile.
Chaque partie succombant partiellement ou totalement conservera la charge de ses dépens d’appel et frais irrépétibles d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire ;
Confirme le jugement en ce qu’il a :
– prononcé la nullité du contrat de vente conclue le 31 mai 2018 entre Mme [B] et la société Iratek 92 suivant bon de commande numéro 3947,
– constaté la nullité du contrat de crédit affecté conclu entre la société Cofidis et Mme [B] et M. [K] en date du 31 mai 2018,
– condamné la société Cofidis à restituer à M. [K] et Mme [B] de l’ensemble des sommes versées à quelque titre que ce soit en exécution du contrat de crédit affecté conclu le 31 mai 2018,
– condamné la société Iratek 92 à procéder à la désinstallation du matériel posé suivant bon de commande numéro 3947 à ses frais dans un délai d’un mois à compter de la signification de la présente décision,
– dit que passé ce délai le matériel et l’installation deviendront la propriété de M. [K] et Mme [B],
– débouté M. [K] et Mme [B] du surplus de leurs demandes,
– débouté la société Cofidis du surplus de ses demandes,
– débouté la société Iratek 92 ses demandes,
– condamné in solidum les sociétés Cofidis et Iratek 92 à payer à M. [K] et Mme [B] la somme de 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné in solidum les sociétés Cofidis et Iratek 92 aux dépens.
L’infirme pour le surplus et y ajoutant :
Condamne la société Iratek 92 à restituer à Mme [B] le prix de vente de 24 900 euros au titre de l’annulation du bon de commande numéro 3947 ;
Condamne la société Iratek 92 à procéder à la désinstallation du matériel posé suivant bon de commande numéro 3947, à ses frais, dans un délai de trois mois à compter de la signification de l’arrêt ;
Dit que passé ce délai le matériel et l’installation deviendront la propriété de M. [K] et Mme [B],
Condamne solidairement M. [K] et Mme [B] à restituer à la société Cofidis le capital emprunté de 24 900 euros au titre du contrat de crédit affecté du 31 mai 2018, sous déduction de l’ensemble des sommes versées par eux en exécution du contrat de crédit affecté ;
Déboute M. [K] et Mme [B] de leur demande de garantie ;
Déboute M. [K] et Mme [B] de leurs demandes complémentaires de dommages et intérêts et de la somme de 5 000 euros au titre de désintallation du matériel ;
Rejette les demandes de garantie formées par la société Cofidis à l’encontre de la société Iratek 92 ;
Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens et des ses frais irrépétibles d’appel.
Le greffier
Gaëlle PRZEDLACKI
Le président
Yves BENHAMOU