COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-3
ARRÊT AU FOND
DU 13 AVRIL 2023
N° 2023/119
Rôle N° RG 19/18133 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BFG5F
Compagnie d’assurances MACIF
C/
[O] [E]
Copie exécutoire délivrée le :
à :
Me Fabien BOUSQUET
Me Maxime PLANTARD
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 30 Septembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 18/02242.
APPELANTE
Compagnie d’assurances MACIF prise en la personne de son représentant légal en exercice,
domiciliée [Adresse 2]
représentée par Me Fabien BOUSQUET de la SARL ATORI AVOCATS, substituée par Me Damien NOTO, avocats au barreau de MARSEILLE
INTIMÉE
Madame [O] [E]
née le 29 Mars 1971 à [Localité 3] (ALGÉRIE),
demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Maxime PLANTARD de la SCP PLANTARD ROCHAS VIRY, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 16 Février 2023 en audience publique devant la cour composée de :
Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Présidente
Mme Béatrice MARS, conseillère (rapporteure)
Mme Florence TANGUY, conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Monsieur Nicolas FAVARD.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Avril 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Avril 2023,
Signé par Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Présidente et Madame Angéline PLACERES, greffière lors du prononcé, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Le 15 juillet 2014, Mme [O] [E] a souscrit auprès de la Mutuelle Assurance des Commerçants et Industriels de France et des Cadres et Salariés de l’Industrie et du Commerce ( MACIF ) un contrat d’assurance afférent à un véhicule Mercedes Classe A.
A la suite d’un accident de la circulation survenu le 30 décembre 2015, Mme [E] a indiqué avoir découvert, lors d’une audition datée du 11 janvier 2016, que son permis de conduire avait été invalidé pour solde de points nul. Cette invalidation faisait suite à une condamnation par défaut pour usage de téléphone au volant, dont elle a formé opposition.
Dans la nuit du 5 juin 2016 au 6 juin 2016, le véhicule en cause a fait l’objet d’un vol. Il a été retrouvé incendié le 6 juin 2016.
La MACIF a refusé d’indemniser les sinistres au motif que Mme [E] ne l’avait pas informée de l’invalidation de son permis de conduire.
Par acte en date du 22 février 2018, Mme [O] [E] a assigné la Mutuelle Assurance des Commerçants et Industriels de France et des Cadres et Salariés de l’Industrie et du Commerce aux fins de la voir condamnée, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, à lui verser les sommes de 8 752,45 euros au titre des frais de remise en état du véhicule après l’accident du 30 décembre 2015, 23 500 euros au titre de l’indemnisation du vol du véhicule, 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, 3 200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 30 septembre 2019, le tribunal de grande instance de Marseille a’:
-débouté la compagnie d’assurances MACIF de toutes ses demandes, fins et conclusions,
-déclaré recevable l’action en indemnisation du sinistre accident en date du 30 décembre 2015 introduite pas [O] [E],
-condamné la compagnie d’assurances MACIF à verser à [O] [E]:
*la somme de 8 752,45 euros au titre des frais de remise en état du véhicule après l’accident du 30 décembre 2015,
*la somme de 23 500 euros au titre de l’indemnisation du vol du véhicule,
*la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
-rejeté la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive formée par [O] [E],
-rejeté toute autre demande,
-ordonné l’exécution provisoire du présent jugement,
-condamné la compagnie d’assurances MACIF aux dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
La MACIF a relevé appel de cette décision le 27 novembre 2019.
Vu les dernières conclusions de la MACIF, notifiées par voie électronique le 25 février 2020, au terme desquelles il est demandé à la cour de’:
Vu les articles L 114-1, L 113-2, L 113-4 et L 113-8 du code des assurances,
Vu les articles 1103 et suivants du code civil,
-dire et juger l’action de Mme [E] relativement au sinistre accident du 30/12/15 prescrite et de débouter cette dernière de toute demande en lien avec ledit sinistre.
-dire et juger que c’est à bon droit que la MACIF a opposé à cette dernière la nullité de son contrat d’assurance pour cause de non-respect de son obligation de déclaration d’une cause d’aggravation du risque en cours de contrat tant en ce qui concerne le risque accident qu’en ce qui concerne le risque vol
-débouter Mme [E] de ses entières demandes.
-condamner Mme [E] au paiement d’une somme de 3500 euros en application des dispositions de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers dépens distraits conformément aux dispositions de l’article 699 du CPC ;
L’avocat de Mme [O] [E] s’est constitué mais n’a pas conclu dans les délais requis.
L’ordonnance de clôture est en date du 27 janvier 2023.
MOTIFS DE LA DECISION’:
– Sur la prescription’:
La MACIF soulève, en application de l’article L 114-1 du code des assurances, la prescription de l’action de Mme [E] au titre du sinistre accident intervenu le 30 décembre 2015 et fait valoir qu’il n’est pas produit l’accusé de réception du courrier transmis le 18 octobre 2017 qui est seul interruptif de la prescription. Ce courrier, émanant de l’avocat de Mme [E], adressé à la MACIF, mentionne «’lettre recommandée avec avis de réception 1A 141 998 57116 » et sollicite la prise en charge, donc le règlement de l’indemnité dues, au titre des deux sinistres survenus les 30 décembre 2015 et 6 juin 2016. La MACIF ne conteste pas avoir reçu ce courrier, auquel elle a répondu le 7 novembre 2017 dans les termes suivants’«’ nous avons pris note de votre correspondance du 18/10/2017 » et a opposé une non garantie, sans contester les modalités d’envoi. Dès lors, il est établi que ce courrier a été porté à la connaissance de la MACIF et a donc interrompu la prescription.
– Sur la nullité du contrat d’assurance :
La MACIF soulève la nullité de la police souscrite, sur le fondement des dispositions des articles L 113-2 et L 113-8 du code des assurances, pour défaut d’information concernant l’aggravation du risque en cours de contrat. Elle fait valoir que Mme [E] ne l’a pas informée de l’invalidation de son permis de conduire à la suite de la perte de l’intégralité de ses points.
Aux termes de l’article L 113-2 du code des assurances l’assuré est obligé de déclarer, en cours de contrat, les circonstances nouvelles qui ont pour conséquence soit d’aggraver les risques, soit d’en créer de nouveaux et rendent de ce fait inexactes ou caduques les réponses faites à l’assureur lors de la souscription du contrat.
Il résulte de l’article L 113-8 du même code que le contrat d’assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l’assuré, quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l’objet du risque ou en diminue l’opinion pour l’assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé par l’assuré a été sans influence sur le sinistre.
Il appartient à l’assureur qui invoque la nullité du contrat de rapporter la preuve du caractère intentionnel de la fausse déclaration.
Les conditions générales de la police souscrite mentionne’que l’assuré doit déclarer dans les 15 jours toutes les circonstances nouvelles tous les changements qui modifient les renseignements que vous nous avez fournis lors de la souscription et qui sont de nature à aggraver le risque assuré ou à en créer un nouveau. L’un des éléments suivants peut s’en trouver affecter’: la validité du permis de conduire du conducteur principal ( suspension, annulation ) et du conducteur secondaire éventuel et précise les bases de notre accord reposent sur vos déclarations. Aussi toute inexactitude intentionnelle ou non, toute omission peut nous amener, suivant le cas, à invoquer la nullité du contrat ou la réduction des indemnités dues en cas de sinistre.
La nullité du contrat est ainsi définie dans le lexique joint aux conditions générales’: c’est la mesure appliquée à un assuré qui fait une fausse déclaration à la MACIF dans l’intention de la tromper. Le contrat est censé n’avoir jamais existé.
* sur le sinistre du 30 décembre 2015′:
Mme [E] a été entendue le 11 janvier 2016 par la compagnie CRS Autoroutière Provence Marseille et a déclaré ne pas avoir reçu l’avis recommandé avec AR du 30 octobre 2015 qui l’avisait de l’invalidation de son permis de conduire à la suite de la perte de l’intégralité de ses points, l’adresse indiquée sur sa carte grise ne correspondant pas à celle actuelle.
La MACIF ne démontre pas que Mme [E] a commis une réticence intentionnelle en dissimulant l’invalidation de son permis de conduire en ne lui signalant pas, avant l’accident du 30 décembre 2015, l’invalidation de son permis de conduire.
La décision du premier juge, qui a débouté la MACIF de sa demande tendant à voir prononcer la nullité de la police souscrite par Mme [E], sera confirmée. L’assureur est donc condamné à payer à cette dernière une somme de 8 752,45 euros au titre des frais de remise en état du véhicule suite au sinistre du 30 décembre 2015.
* sur le sinistre du 6 juin 2016′:
Mme [E] n’a pas avisé son assureur de la modification de sa situation à compter de l’avis qui lui a été fait de l’invalidation de son permis de conduire au mois de janvier 2016. Le fait qu’elle ait été relaxée par la cour d’appel d’Aix en Provence le 23 juin 2017 des chefs de la poursuite engagée pour usage d’un téléphone par conducteur est sans incidence sur l’obligation qui lui était faite, tel que le prévoyait la police souscrite, d’aviser l’assureur de toute circonstance nouvelle rendant inexactes ou caduques les informations communiquées à la souscription du contrat et ayant changé l’objet du risque. Il est, au surplus, rappelé que la validité du permis de conduire conditionne l’aptitude d’une personne à conduire, et partant à pouvoir circuler sans générer de risque anormal en cas d’accident ou de sinistre. Du fait de cette réticence intentionnelle, alors qu’en cours de contrat, l’obligation déclarative de l’assuré porte sur les circonstances nouvelles qui ont pour conséquence, notamment, d’aggraver le risque lorsqu’elles sont susceptibles d’affecter l’exactitude des réponses apportées aux questions initialement posées par l’assureur. Or, Mme [E] avait déclaré au moment de la souscription être titulaire d’un permis de conduire. Elle a donc agi en pleine connaissance du changement intervenu dans sa situation. Il s’ensuit que le contrat d’assurance est entaché de nullité. Cette sanction est encourue par l’assuré même si le risque omis ou dénaturé a été sans influence sur le sinistre. La nullité du contrat d’assurance ne prend effet qu’à la date de la fausse déclaration intentionnelle qu’elle sanctionne, les sinistres survenus avant que le souscripteur ne manque à ses obligations demeurant donc couverts.
La décision du premier juge qui a rejeté la demande de la MACIF tendant à voir prononcer la nullité du contrat suite au sinistre du 6 juin 2016 et l’a condamnée à payer à Mme [E] la somme de 23 500 euros sera donc infirmée.
– Sur l’article 700 du code de procédure civile’:
Aucune considération d’équité ne justifie en la cause l’application de l’article 700 du code de procédure civile en première instance et en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS’:
La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire’;
Confirme le jugement en date du 30 septembre 2019, sauf sur la condamnation de la compagnie d’assurances MACIF de toutes ses demandes, fins et conclusions et l’a condamnée à verser à Mme [O] [E] la somme de 23 500 euros au titre de l’indemnisation du vol du véhicule et les frais irrépétibles ;
Statuant de nouveau de ces chefs’:
Prononce la nullité à compter du 11 janvier 2016 du contrat d’assurance MACIF Assurance Auto Véhicule Particulier souscrit le 15 juillet 2014 par Mme [O] [E]’et afférent au véhicule Mercedes n° CZ 093 FQ ;
Déboute en conséquence Mme [O] [E] de ses demandes formées au titre du sinistre du 6 juin 2016′;
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile’;
Condamne Mme [O] [E] aux dépens d’appel, distraits conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
La Greffière, La Présidente,