COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-4
ARRÊT AU FOND
DU 13 AVRIL 2023
N°2023/86
Rôle N° RG 19/13323 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BEYTD
SA BNP PARIBAS LEASE GROUP
C/
Association ASSOCIATION DES OEUVRES SOCIALES ET REGIONALISTES DE CHATEAU GOMBERT
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Serge MIMRAN VALENSI
Me Florence ITRAC
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 11 Juillet 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 18/01863.
APPELANTE
SA BNP PARIBAS LEASE GROUP prise en la personne de son représentant légal en exercice, dont le siège est sis [Adresse 1]
représentée par Me Serge MIMRAN VALENSI de la SELARL MIMRAN VALENSI SION, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
ASSOCIATION DES OEUVRES SOCIALES ET REGIONALISTES DE CHATEAU GOMBERT, prise en la personne de son représentant légal en exercice, dont le siège est sis [Adresse 2]
représentée par Me Florence ITRAC, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804, 806 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 28 Février 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant :
Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président Rapporteur,
et Madame Françoise FILLIOUX, conseiller- rapporteur,
chargés du rapport qui en ont rendu compte dans le délibéré de la cour composée de :
Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président,
Madame Françoise PETEL, Conseiller
Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller, magistrat rapporteur
Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Avril 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Avril 2023.
Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PRÉTENTIONS DES PARTIES ET PROCÉDURE :
Le 25 avril 2013, l’association des oeuvres sociales et régionalistes de Château Gombert
a souscrit un bon de commande n° V 0075710 avec la société DATA Bureau portant sur un photocopieur de marque Canon Modèle IRC 22201 ADV.
Elle a souscrit le même jour auprès de la société BNP Paribas Lease Group un contrat de location portant le même matériel pour une durée de 63 mois avec un loyer trimestriel de 1 117,60euros TTC et 7,84 euros TTC au titre du ‘Pac service simplifié’.
Le 3 mai 2013, le photocopieur est livré et réceptionné sans réserve par l’association.
Le 12 juin 2013, l’association a commandé auprès de la société IZITEK la fourniture d’un équipement informatique composé de 4PC et 8 écrans selon bon n° VOO 29132.
Elle a souscrit le même jour un contrat de location auprès de la BNP Paribas Lease Group pour une durée de 63 mois moyennant le règlement de 63 loyers mensuels de 291euros HT et 2,76euros au titre de l’abonnement ‘Pac Service simplifié’.
Le matériel a été livré et réceptionné par l’association le 26 juillet 2013.
En avril 2015, les loyers échus sont restés impayés et par courrier du 20 juillet 2017, la BNP Paribas Lease Group a prononcé la résiliation des deux contrats et mis en demeure la locataire de lui régler les loyers impayés majorés de l’indemnité de résiliation.
Par acte du 8 février 2018, la BNP Paribas Lease Groupe a assigné l’association des oeuvres sociales et régionalistes de Château Gombert afin de la voir condamnée à lui payer les sommes de
-14 778,83euros TTC au titre du contrat n° V0075710 et 11 784,12euros TTC au titre du contrat n° V 0029132 avec intérêts majorés et 1 000euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et à lui restituer le matériel.
Par jugement du 11 juillet 2019, le tribunal de grande instance de Marseille a débouté la société BNP Paribas Lease Group de ses demandes et l’a condamnée aux dépens.
La juridiction a estimé que la banque n’a pas justifié de la réalité de sa créance au regard du caractère incomplet voir illisibles des documents produits.
Le 13 août 2019, la BNP Paribas Lease Group a interjeté appel de ce jugement.
Dans ses conclusions déposées et notifiées le 16 janvier 2023, la société BNP Paribas Lease Group demande à la cour de :
Vu les articles 1134 ancien et suivants du Code civil ;
Vu l’article 4 du Code de procédure civile ;
Vu le contrat de location TOP FULL n°V0075710 et le contrat de location n° V0029132 ;
Débouter l’association des ‘[Adresse 3] de l’ensemble de ses demandes, fins et moyens
Réformer le jugement du Tribunal de grande instance de MARSEILLE en date du 11 juillet 2019
Statuant à nouveau ;
Dire que le contrat de location TOP FULL n°V0075710 et le contrat de location n°V0029132 sont parfaitement valables et opposables à l’association des ‘[Adresse 3] ;
Rejeter comme irrecevables et infondées la demande de caducité du contrat de location n°V0029132 liant l’association des ‘[Adresse 3] à la société BNP PARIBAS LEASE GROUP pour défaut d’exécution par la société IZITEK de ses prétendues obligations contractuelles ;
Constater la résiliation à compter du 20 juillet 2017 du contrat de location n°V0029132 et du contrat de location TOP FULL n°V0075710 ont été résiliés de plein droit le 20 juillet 2017 liant la société BNP PARIBAS LEASE GROUP à l’association des ‘[Adresse 3] pour non-paiement par cette dernière des loyers à leurs échéances ;
Rejeter comme infondée la demande de réduction de l’indemnité de résiliation contractuelle, celle-ci n’étant en aucun cas manifestement excessive
Condamner l’association des ‘[Adresse 3] à payer à la société BNP PARIBAS LEASE GROUP les sommes suivantes :
‘ 14 778,83 € au titre de la résiliation du contrat de location TOP FULL n°V0075710
‘ 11 784,12 € au titre de la résiliation du contrat de location n°V0029132
Soit la somme totale de 26 562,95 € TTC avec intérêt au taux légal majoré de 5 points à compter du 8 février 2018 (date de la citation en justice) au titre des loyers impayés majorés des indemnités de résiliation contractuelles ;
Ordonner la restitution des matériels objets du contrat de location n°V0029132 et du contrat de location TOP FULL n°V0075710 ;
Ordonner la capitalisation des intérêts échus, dus au moins pour une année entière, conformément à l’article 1343’2 du Code civil ;
Condamner l’association des ‘[Adresse 3] au paiement d’une somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Dire qu’à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la présente décision, et dans l’hypothèse où il serait fait appel à un Commissaire de Justice, le montant des sommes retenues par application des articles A444-10 et suivants du Code de commerce, sera supporté par l’association des ‘[Adresse 3] par application de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Condamner l’association des ‘[Adresse 3] aux entiers dépens de 1er instance et d’appel, ceux d’appel étant distraits au profit de Maître Serge MIMRAN VALENSI sur son affirmation de droit.
Elle fait valoir que l’association des ‘[Adresse 3] n’a, à aucun moment, contesté ni la signature des documents contractuels concernant tant le contrat de location n°V0029132 que le contrat de location TOP FULL n°V0075710, ni ses obligations au titre de ces deux contrats.
Elle soutient que la caducité du contrat de location ne peut être prononcée qu’en conséquence de l’anéantissement (résolution, résiliation ou nullité) du contrat de prestation de services, la simple constatation d’une prétendue inexécution de ses obligations par le prestataire de services ne suffit pas pour prononcer la caducité du contrat de location, que l’anéantissement du contrat principal ne saurait être prononcé en l’absence du prestataire.
Elle soutient également que l’indemnité de résiliation ne constitue pas une clause pénale, qu’elle n’est donc pas susceptible de réduction, que si cette indemnité devait être qualifiée de clause pénale, aux termes de l’article 1231-5 du Code civil, le Juge ne peut intervenir pour modérer la somme prévue à titre de dommages et intérêts, que lorsque celle-ci est manifestement excessive, que tel n’est pas le cas en l’espèce, le préjudice s’entend de la perte des loyers qu’elle aurait perçu pour amortir l’acquisition du matériel loué et du gain qu’elle comptait retirer de l’opération financière réalisée.
Dans ses conclusions déposées et notifiées le 6 janvier 2023, l’association des ‘[Adresse 3] demande à la cour de :
Au visa des articles 1231-5 et 1321-6 et 1343-5 du code civil,
Dire et juger que le contrat de location n°V 0029132 est caduc et qu’aucune somme n’est due à la société BNP Paribas Lease Group à ce titre,
Débouter la société BNP Paribas Lease Group de toutes demandes à ce titre,
Dire et juger que les indemnités de résiliation et pénalités stipulées aux deux contrats de locations financières s’analysent en des clauses pénales et sont manifestement excessives et doivent être diminuées à proportion de l’intérêt que l’exécution partielle a procuré à BNP Paribas Lease Group,
Diminuer le montant des indemnités de résiliation et pénalités pour chacun des contrats à la somme de 1euros,
Dire et juger que la majoration de 5 points du taux d’intérêt légal appliquée aux intérêts de retard s’analyse en une clause pénale et est excessive,
Dire et juger que les intérêts de retard seront calculés sur la base du seul taux d’intérêt légal à compter de la mise en demeure de juillet 2017
Dire que l’association pourra se libérer en 24 mensualités égales de toutes condamnations financières qui pourrait être prononcées à son encontre au bénéfice de la BNP Paribas Lease Group,
Dire et juger que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt au taux légal,
Ordonner la suspension des procédures d’exécution forcée,
Dire et juger que les majorations d’intérêts ou pénalités ne sont pas encourues pendant le délai de report fixé par le juge,
Rejeter toute demande, fin et conclusions adverses,
Dire et juger qu’il n’y a pas lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Pour plus ample exposé, la cour renvoie aux écritures déposées par les parties.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 31 janvier 2023.
MOTIFS :
Le 25 avril 2013, l’association des oeuvres sociales et régionalistes de Château Gombert
a souscrit un bon de commande n° V 0075710 avec la société DATA Bureau portant sur un photocopieur de marque Canon Modèle IRC 22201 ADV et a souscrit le même jour auprès de la société BNP Paribas Lease Group un contrat de location portant le même matériel reprenant les mêmes modalités financières.
Le 12 juin 2013, l’association a commandé auprès de la société IZITEK la fourniture d’un équipement informatique composé de 4PC et 8 écrans selon bon n° VOO 29132 et a souscrit le même jour un contrat de location auprès de la BNP Paribas Lease Group pour le même matériel reprenant les conditions financières exprimées sur le bon de commande.
Ces opérations, qui impliquent la conclusion de plusieurs contrats concomitants portant sur le même matériel et proposés par le même intermédiaire commercial, doivent s’analyser comme une seule et même action incluant la location financière. De sorte qu’en raison de l’interdépendance des contrats conclus le même jour, l’anéantissement d’un quelconque des contrats entraîne la caducité de l’autre contrat.
Concernant le contrat n° V 0075710, l’association ne conteste pas la réalité de sa créance faisant valoir des difficultés financières l’ayant empêchée d’honorer les échéances échues.
Concernant le contrat n° V0029132, l’association soutient que des dysfonctionnements récurrents ont pénalisé le fonctionnement de l’appareil.
Toutefois, faute d’avoir appelé en la cause le fournisseur, la prétention de la locataire relative au prononcé d’une résiliation du contrat liant les parties ne peut prospérer.
De surcroît et de façon surabondante, les courriers rédigés le 16 septembre 2014 et le 4 septembre 2015, outre que la preuve de leur envoi n’est pas rapportée, sont dépourvus de force probante étant l’oeuvre de la partie. Il en est de même des attestations émanant des membres de l’association.
Le 22 juin 2018, la société IZITEK, fournisseur du matériel, est certes intervenue dans les locaux de l’association en raison de dysfonctionnements du matériel ainsi que le constate un bon signé par les parties, mais dès le 27 juin 2018, le matériel a été restitué en parfait état ainsi que l’indiquent les mentions apposées sur bon d’intervention rédigées comme suit ‘repose Player suite retour atelier. Vérification du bon fonctionnement : OK’.
En l’absence d’élément probant sur l’inexécution fautive par le fournisseur de sa prestation, aucune résiliation ne peut être prononcée.
L’association soutient que l’indemnité de résiliation contractuelle constitue une clause pénale qui doit être réduite par le juge en raison de son caractère excessif.
L’article 8 ou 1-5 des contrats conclus avec la BNP Paribas Lease Group énonce que
‘ la résiliation entraîne de plein droit au profit du bailleur le paiement par le locataire …en réparation du préjudice subi, en sus des loyers impayés et leurs accessoires, d’une indemnité égale aux loyers restant à échoir au jour de la résiliation majorée d’une somme forfaitaire égale à 10% de la dite indemnité’.
La clause pénale est celle par laquelle une personne, pour assurer l’exécution d’une convention, s’engage à quelque chose en cas d’inexécution. Elle est aussi «la compensation des dommages-intérêts que le créancier souffre de l’inexécution de l’obligation principale» Elle est stipulée à la fois comme moyen de contraindre le débiteur à l’exécution de ses obligations et comme évaluation forfaitaire et conventionnelle du préjudice futur du crédit-bailleur en cas d’inexécution de la convention.
L’indemnité de résiliation prévue au contrat de location du matériel, composée des loyers restant à courir, constitue une évaluation forfaitaire et anticipée du montant du préjudice résultant pour le bailleur de l’inexécution et qui s’applique du seul fait de celle-ci, En raison de son caractère forfaitaire et de son but comminatoire, elle doit s’analyser en une clause pénale susceptible de modération.
En application des dispositions de l’article 1152 du code civil, le juge peut réviser le montant de la clause pénale s’il est manifestement excessif, cette disproportion s’apprécie au jour où le juge statue au regard du préjudice subi par le bénéficiaire de la clause.
En l’espèce, le contrat n° V0075710, conclu en avril 2013 pour une durée de 21 trimestres et des loyers trimestriels de 900 euros HT soit 1080euros TTC, a été résilié en avril 2015. Le matériel avait été acquis par la société BNP Paribas Lease Group auprès du fournisseur le 25 avril 2013 pour une somme de 11 362 euros et elle devait percevoir au titre des loyers pendant le contrat la somme de 22 680euros TTC.
Elle a perçu au titre des loyers payés la somme de 8 640euros. La perte subie est de
14 040euros.
L’indemnité de résiliation fixée au montant égal aux loyers restant à échoir n’est pas manifestement excessive au regard du préjudice effectivement subi par le crédit bailleur, les conditions financières du contrat établies en tenant compte de la valeur vénale des biens et d’un taux d’intérêt permettent au bailleur d’amortir le coût financier de l’opération sur la durée de l’opération.
En l’espèce, le contrat n° V0029132, conclu en 2013 pour une durée de 63 mois et des loyers trimestriels de 291 euros HT soit 350 euros TTC, a été résilié en juillet 2017. Le matériel avait été acquis par la société BNP Paribas Lease Group auprès du fournisseur le 18 juillet 2013 pour une somme de 17 986,36 euros et elle devait percevoir au titre des loyers pendant la durée prévue au contrat la somme de 21 999,90euros TTC.
Elle a perçu au titre des loyers la somme de 11 872,80euros. La perte subie est de
10 127,10euros.
L’indemnité de résiliation fixée au montant égal aux loyers restant à échoir n’est pas manifestement excessive au regard du préjudice effectivement subi par le crédit bailleur, les conditions financières du contrat établies en tenant compte de la valeur vénale des biens et d’un taux d’intérêt permettent au bailleur d’amortir le coût financier de l’opération sur la durée de l’opération.
Sur les délais de paiement :
L’association sollicite des délais de paiement en faisant valoir des difficultés financières ayant obéré ses capacités de paiement.
Cependant, elle ne justifie pas de ses ressources actuelles et n’explique pas comment elle pourra assumer des échéances mensuelles de 1 106,78euros pendant 24 mois. Elle ne formule aucune proposition de paiement concrète et réaliste, alors qu’au surplus, en raison des délais de la procédure, elle a d’ores et déjà bénéficié des plus larges délais.
Par ces motifs, la cour statuant par arrêt contradictoire :
Infirme le jugement rendu le 11 juillet 2017 par le tribunal de grande instance de Marseille,
Statuant à nouveau :
Condamne l’association des ‘[Adresse 3] à payer à la SA BNP Paribas Lease Group les sommes suivantes :
14 778,83euros au titre du contrat V0075710,
11 784,12euros au titre du contrat VOO29132,
avec intérêt au taux légal à compter du 8 février 2018,
et ce avec capitalisation annuelle des intérêts,
Dit n’y avoir lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Déboute l’association des ‘[Adresse 3] de sa demande de délais de paiement,
Ordonne la restitution du matériel loué en vertu du contrat n°V0029132 et du contrat de location TOP FULL n°V0075710 à la société BNP Paribas Lease Group,
Condamne l’association des ‘[Adresse 3] aux entiers dépens y compris ceux de première instance, ceux d’appel étant distraits au profit de Maître Serge MIMRAN VALENSI sur son affirmation de droit.
LE GREFFIER LE PRESIDENT