Nullité de contrat : 12 avril 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/01819

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Nullité de contrat : 12 avril 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/01819

12/04/2023

ARRÊT N°182

N° RG 21/01819 – N° Portalis DBVI-V-B7F-ODWX

VS/CO

Décision déférée du 17 Mars 2021 – Tribunal de Commerce de TOULOUSE ( 2019J00124)

M.[K]

S.A.S. C.T.A.M.P.

S.A.R.L. JPJR

S.A.S. WT (EL DIVINO)

C/

S.A.S.U. RAR

CONFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

2ème chambre

***

ARRÊT DU DOUZE AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANTES

S.A.S. C.T.A.M.P.

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représentée par Me Pierre ESPLAS, avocat au barreau de TOULOUSE

S.A.R.L. JPJR

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Pierre ESPLAS, avocat au barreau de TOULOUSE

S.A.S. WT (EL DIVINO)

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentée par Me Pierre ESPLAS, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEE

S.A.S.U. RAR

[Adresse 2]

[Localité 8]

Représentée par Me Juliane POINTEAUX, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant V. SALMERON, Présidente, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

V. SALMERON, présidente

I. MARTIN DE LA MOUTTE, conseiller

P. BALISTA, conseiller

Greffier, lors des débats : A. CAVAN

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par V. SALMERON, présidente et par C.OULIE, greffier de chambre

Exposé des faits et procédure :

La société Wt, dont le gérant est [F] [C] et dont le capital était initialement détenu à concurrence de 32 actions par la société Rar et 16 actions par [T], exploite un fonds de commerce de boîte de nuit à l’enseigne El Divino.

Par acte sous seing privé du 4 octobre 2018, la Sasu Rar a cédé les actions qu’elle détenait dans la Sas Wt, à concurrence de 16 parts à la Sas Ctamp et 16 parts à la Sarl Jpjr.

L’acte de cession stipulait une garantie d’actif et de passif.

Par courrier du 19 décembre 2018, la société Veolia a mis en demeure la société Wt de lui payer la somme de 12.253,01 euros au titre d’une facture d’eau.

Par courrier du 26 décembre 2018, la Sacem a mis en demeure la société Wt de lui payer la somme de 33.240 euros.

Par courriers recommandés des 24 décembre 2018 et 2 janvier 2019, le mandataire commun des sociétés Ctamp et Jpjr a demandé à la société Rar le paiement au titre de la garantie du passif des sommes demandées par Veolia et la Sacem.

Suivant ordonnance du 15 janvier 2019 du juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Toulouse, les sociétés Ctamp, Jpjr et Wt ont pratiqué le 18 janvier 2019 une saisie conservatoire sur les comptes de la Sasu Rar, exécutée à concurrence de 1.723,64 euros.

Par acte d’huissier de justice du 15 février 2019, enrôlé sous le n°2019J124, les sociétés Ctamp, Jpjr et Wt ont assigné la Sasu Rar devant le tribunal de commerce de Toulouse aux fins qu’il la condamne au paiement de la somme de 36.000 euros au titre de la garantie de passif, subsidiairement au paiement de la somme de 45.505,23 euros en réparation de leur préjudice sur le fondement du dol, et dans tous les cas qu’il valide la saisie conservatoire du 18 janvier 2019.

La société Rar a demandé au tribunal de rejeter les prétentions des demanderesses, et à titre très subsidiaire, de les condamner à lui verser la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et d’ordonner la mainlevée de la saisie conservatoire du 18 janvier 2019.

Par acte d’huissier de justice du 11 juin 2019, enrôlé sous le n°2019J475, la société Rar et [F] [C] ont assigné la société Wt devant le tribunal de commerce de Toulouse en paiement, suite au rejet de billets à ordre consentis en remboursement des créances de comptes courants détenues par la société Rar et [F] [C] sur la société Wt.

Dans la présente affaire, par ordonnance du 16 mai 2019, le tribunal de commerce a enjoint à la société Wt de produire le détail du compte « dette fournisseur ».

Par ordonnance du 20 mai 2020, le tribunal de commerce a enjoint à l’expert-comptable de la société Wt de communiquer et certifier le détail des comptes fournisseurs.

Dans l’affaire n°2019J475, le tribunal de commerce de Toulouse a, par jugement du 17 mars 2021, notamment :

condamné la Sas Wt à payer à la société Rar la somme de 5.000 euros

condamné la Sas Wt à payer à [F] [C] la somme de 2.440,59 euros

validé deux saisies conservatoires effectuées le 16 mai 2019 pour des sommes qui viendront en déduction des montants dus.

Dans la présente affaire n°2019J124, le tribunal de commerce de Toulouse a, par jugement du 17 mars 2021 :

débouté la Sas Ctamp, la Sarl Jpjr, la Sas Wt de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

ordonné la mainlevée de la saisie conservatoire de créance faite par les sociétés Ctamp, Jpjr et Wt le 18 janvier 2019 sur les comptes de la Sasu Rar au Crédit Mutuel, agence [Adresse 9],

débouté pour le surplus de ses demandes la Sasu Rar,

condamné solidairement la Sas Ctamp, la Sarl Jpjr, la Sas Wt à payer à la Sasu Rar la somme de 4.200 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile (cpc),

ordonné l’exécution provisoire,

condamné solidairement la Sas Ctamp, la Sarl Jpjr, la Sas Wt aux entiers dépens de l’instance.

Par déclaration en date du 21 avril 2021, enregistrée sous le n°RG 21-1819, la Sas Ctamp, la Sarl Jpjr et la Sas Wt ont relevé appel du jugement. La portée de l’appel est la réformation des chefs du jugement qui ont débouté les sociétés Ctamp, Jpjr et Wt de leurs demandes.

Par déclaration en date du 21 avril 2021, enregistrée sous le n°RG 21-1822, la Sas Wt a également relevé appel du jugement rendu dans l’affaire n°2019J124.

La clôture est intervenue le 14 novembre 2022.

Prétentions et moyens des parties :

Vu les conclusions notifiées le 15 juillet 2021 auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé du détail de l’argumentation, de la Sas Ctamp, la Sarl Jpjr et la Sas Wt (El Divino) demandant, au visa des articles 1137 et 1304 du code civil, de :

réformer le jugement dont appel en toutes ses dispositions

au principal

condamner la Sasu Rar au paiement de la somme de 8.765,01 € revenant pour moitié à chacune des sociétés Ctamp et Jpjr (cf article 7.2.2 de l’acte de cession du 4 octobre 2018 ‘ pièce 1) au titre de la facture d’eau Veolia

condamner la Sasu Rar au paiement de la somme de 16.620,11 € au titre de la garantie de passif au bénéfice de la Sarl Jpjr au titre de la facture Sacem

à titre subsidiaire, condamner la Sasu Rar au paiement de la somme de 25.385,12€ en réparation du préjudice subi par les sociétés requérantes

dans tous les cas, condamner la Sasu Rar au paiement des entiers dépens ainsi qu’au règlement de la somme de 3.000 € en application des dispositions de l’article 700 du CPC.

Vu les conclusions notifiées le 4 octobre 2021 auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé du détail de l’argumentation, de la Sasu Rar demandant de :

confirmer en tous points le jugement du tribunal de commerce de Toulouse du 17 mars 2021

y ajoutant, condamner les sociétés Ctamp, Jpjr et Wt à la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de la procédure de première instance et d’appel.

Motifs de la décision :

-sur les demandes des sociétés Ctamp et Jpjr fondées sur la garantie de passif :

il est demandé le remboursement d’une facture d’eau Veolia de 12.253,01 euros pour la période comprise  entre mai 2018 et octobre 2018 et des charges Sacem pour 33.240 euros pour les périodes du 1er janvier au 31 décembre 2017 et du 1er janvier au 31 octobre 2018.

La mise en jeu de la garantie de passif a été effectuée par lettre recommandée avec accusé de réception (LRAR) du 24 décembre 2018 pour Veolia et par LRAR du 2 janvier 2019 pour la Sacem.

Le sociétés appelantes font valoir d’une part que les mises en jeu de la garantie de passif ont été formées dans les 20 jours suivant la connaissance de l’événement, que les charges de la Sacem n’avaient pas été provisionnées dans le bilan comptable de référence et que la facture Veolia n’est pas une facture de consommation d’eau courante au regard de son coût exorbitant.

Après examen des pièces produites aux débats en appel, la cour adopte les motifs précis et pertinents du tribunal sur le fait que la mise en jeu de la garantie n’a pas été effectuée dans le délai des 20 jours de la connaissance de l’événement comme le prévoyait le chapitre de la mise en ‘uvre de la garantie de passif dans l’acte de cession que rappelle le tribunal.

Il y est bien stipulé, en outre, que les cessionnaires, pris en la personne de [E] [N], mandataire commun, désigné d’un commun accord entre eux, notifieront à chacun des garants la pièce justificative de la garantie.

Il appartenait donc à [E] [N] d’adresser les lettres de mise en jeu de la garantie de passif au cédant, pour le compte des cessionnaires des parts sociales, dans le délai des 20 jours de sa connaissance de l’événement.

Par ailleurs, si la SASU RAR reconnaît que le bilan comptable de référence du 3 octobre 2018, pour fonder la garantie d’actif et de passif prévue dans l’acte de cession, n’a été communiqué, sous forme papier, que le 8 novembre 2018 comme cela était indiqué dans l’acte de cession, les cessionnaires avaient connaissance de la comptabilité informatique sous la direction de [E] [N], directeur général de la société WT depuis le 4 septembre 2018 et désormais Président de la SAS WT.

La SASU RAR fait valoir à bon droit que la communication du compte fournisseur avec le détail de ce compte au 3 octobre 2018 et au 31 décembre 2018 n’a été obtenue qu’après assignation en référé et ordonnances rendues en ce sens les 16 mai 2019 et 11 mars 2020 et y figurent (cf pièce 10) les créances litigieuses outre un avoir de 4.229,11 euros HT pour Véolia comme étant inscrites au 1er décembre 2018 et pour la Sacem, la facture figure dans les comptes au 4 octobre 2008.

La lettre de mise en jeu de la garantie du 24 décembre 2018 était en effet tardive comme ne respectant pas le délai de 20 jours pour Véolia puisqu’elle a été connue par [E] [N] dès le 1er décembre 2018.

Quant à la facture de la Sacem, la facture de relance de la Sacem qui est communiquée le 2 janvier 2019, fait suite au protocole de règlement avec la Sacem du 12 octobre 2018 signé par [E] [N] lui-même en qualité de directeur général, et de plus, elle apparaissait dans les comptes au 4 octobre 2018. Il faut donc en déduire que le cessionnaire l’a découvert au plus tard le 8 novembre 2018 et que la mise en jeu de la garantie devait être effectuée avant le 29 novembre 2018. La lettre de mise en jeu de la garantie adressée par [E] [N] le 2 janvier 2019 était par conséquent tardive.

Il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté les cessionnaires de leurs demandes au titre de la garantie de passif.

– sur la demande subsidiaire des sociétés Ctamp et Jpjr et SAS WT pour dol :

les sociétés cessionnaires font valoir qu’elles ont été trompées par dol de la société cédante et demandent non pas la nullité du contrat de cession des parts sociales mais la réparation de la faute pour réticence dolosive. Elles fondent le dol sur le défaut de communication du bilan de référence fixé au 4 octobre 2018, avant la signature de la cession, puisque ce document a été notifié le 8 novembre 2018.

Pour obtenir des dommages-intérêts, le demandeur doit prouver le dol, qui ne se présume pas, avec l’intention de nuire de son auteur, et le lien de causalité entre le défaut de l’information allégué et le préjudice subi.

Or, en l’espèce, les cédants savaient nécessairement, en signant l’acte le 4 octobre 2018, qu’ils ne disposaient pas de la version imprimée du bilan de référence fixé au 3 octobre 2018 puisqu’il était stipulé, au futur, que cet arrêté interviendrait ultérieurement. En effet, dans l’acte à l’article 7, il est précisé :  « le cédant ainsi que M. [T] en sa qualité de second associé de la société ci-après dénommés « les garants » , déclarent que la cession d’actions objet des présentes fait l’objet des déclarations et engagements de garanties suivants à la date des présentes, sur la base du bilan comptable qui sera arrêté à la date du 3 octobre 2018 et qui servira de bilan de référence pour la garantie d’actif et de passif ».

Ce bilan de la SAS WT arrêté au 3 octobre 2018 n’était donc pas un élément déterminant du consentement des cessionnaires et il ne figurait d’ailleurs pas dans les annexes de l’acte de cession.

De plus, la cession faisait suite à un compromis de cession sous conditions suspensives du 26 juillet 2018, conditions rappelées aux pages 14 à 17 de l’acte de cession comme étant réalisées et se fondait sur des bilans de la société des exercices clos au 31 décembre 2015, 2016 et 2017 annexés à l’acte.

Par ailleurs, [E] [N], représentant de la société cessionnaire Ctamp, était déjà directeur général de la société WT depuis le 4 septembre 2018 alors que [F] [C], représentant de la société cédante RAR, exerçait les fonctions de président depuis le 21 février 2017. Il est donc manifeste que [E] [N] a eu accès à toute la comptabilité de la société WT quotidiennement dès septembre 2018 et qu’il avait été mis en mesure de vérifier toutes les informations comptables qui lui apparaissaient indispensables avant de signer l’acte de cession des parts avec garantie d’actif et de passif du 4 octobre 2018.

Les cessionnaires n’ont pas arrêté leur décision d’acquérir les parts sociales en se fondant sur le bilan arrêté au 3 octobre 2018 qu’ils savaient ne pas détenir mais sur des éléments négociés lors du compromis de cession sous conditions suspensives en Juillet 2018 et sur des informations communiquées par le directeur général en exercice depuis le 1er septembre 2018 et sur les conditions de garantie d’actif et de passif déterminées dans l’acte de cession.

Les cessionnaires n’établissent donc pas les dissimulations qui seraient constitutives de man’uvres dolosives qu’ils allèguent à l’encontre de la société cédante.

De surcroît, ils ne précisent pas les informations qu’ils n’auraient pas connues et qui leur auraient causé un préjudice.

Ces informations ne peuvent être constituées par la facture Veolia qui a fait l’objet d’un avoir dès le 1er décembre 2018, car son coût important correspondait à des fuites d’eau réparées par un tiers, ni par les factures de la Sacem qui ont été inscrites en comptabilité pour les montants significatifs dès les 26 septembre et 1er octobre 2018 (pour 14.398 euros et 17.278 euros), soit avant la signature de la cession du 4 octobre 2018 alors que [E] [N] était directeur général de la société et avait accès à la comptabilité quotidiennement. Un protocole de règlement avec la Sacem a d’ailleurs été souscrit dès le 12 octobre 2018 et le seul fait d’avoir signé un protocole de règlement ne constitue pas un préjudice fianncier.

Ces factures n’ont donc pas fait l’objet d’une dissimulation dolosive. Enfin, ces factures pouvaient, le cas échéant, entrer dans la garantie de passif souscrite dans l’acte de cession et ne sont pas de nature à caractériser un préjudice au titre d’une quelconque réticence dolosive.

Il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté les sociétés cessionnaires au titre du dol.

-sur les demandes accessoires :

il convient de condamner les sociétés cessionnaires qui succombent

aux dépens de première instance et d’appel.

Les sociétés cessionnaires seront condamnées à verser à la SASU Rar 2.000 euros supplémentaires en cause d’appel au titre des frais irrépétibles, outre les frais accordés en première instance.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

-confirme le jugement

-condamne solidairement la Sas Ctamp, la Sarl Jpjr, la Sas Wt aux dépens d’appel

Vu l’article 700 du code de procédure civile,

-condamne solidairement la Sas Ctamp, la Sarl Jpjr, la Sas Wt à payer à la SASU RAR la somme de 2.000 euros en cause d’appel.

Le greffier La présidente

 


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