Nullité de contrat : 1 février 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/17652

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Nullité de contrat : 1 février 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/17652

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 8

ARRÊT DU 01 FÉVRIER 2023

(n° 2023/ 17 , 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/17652 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCYGQ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Novembre 2020 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 17/00824

APPELANT

Monsieur [Z] [R]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Né le 26 février 1977 à [Localité 5]

De nationalité française

représenté par Me Philippe YLLOUZ, avocat au barreau de PARIS, toque : E1704

INTIMÉES

SA BPCE PRÉVOYANCE, agissant poursuites et diligences en la personne de son directeur général domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 352259717

SA BPCE VIE, agissant poursuites et diligences en la personne de son directeur général domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 349004341

représentées par Me Luca DE MARIA de la SELARL SELARL PELLERIN – DE MARIA – GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018

Ayant pour avocat plaidant, Me Olivia RISPAL-CHATELLE, SCP LEMONNIER-DELION-GAYMARD-RISPAL CHATELLE, avocat au barreau de Paris,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant M. Julien SENEL, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre

Mme Laurence FAIVRE, Présidente de chambre

M Julien SENEL, Conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Laure POUPET

ARRÊT : Contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par, Mme Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre et par Laure POUPET, greffière, présente lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSÉ DU LITIGE :

Par acte du 14 août 2013, M. [Z] [R] et son épouse ont contracté un prêt immobilier auprès de la Banque Populaire Rives de [Localité 6] (la Banque Populaire) d’un montant de 133.085,11 euros devant donner lieu à des remboursements mensuels de 1.001,54 euros durant 168 mois.

A cette occasion, M. [R] a adhéré au contrat d’assurance collective souscrit par la Banque Populaire au profit de ses clients auprès des sociétés Assurances Banque Populaire Vie et Assurances Banque Populaire Prévoyance, devenues BPCE Vie et BPCE Prévoyance, afin de garantir le remboursement de son prêt en cas de décès, perte totale et irréversible d’autonomie et incapacité de travail.

Le 27 juin 2013, il a préalablement rempli le questionnaire de santé joint à la demande d’admission au contrat d’assurance.

A compter du 20 juillet 2014, M. [R], exerçant la profession de boulanger, a été placé en arrêt de travail en raison d’une lombosciatique S1 gauche comprimant la racine S1 gauche confirmée par IRM.

Il a déclaré ce sinistre à son assureur, lequel, par courrier en date du 3 décembre 2014, lui a notifié un refus de garantie au motif que la pathologie alléguée aurait une origine antérieure à la souscription de la police d’assurance.

Les parties n’étant pas parvenues à trouver une solution amiable à leur litige, M. [R] a, par exploit signifié le 26 décembre 2016, fait assigner la Banque Populaire Rives de [Localité 6] et la société BPCE devant le tribunal de grande instance de PARIS aux fins de condamner, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, la Banque Populaire Rives de [Localité 6] et la BPCE à lui payer la somme de 76.117,04 euros correspondant aux 152 mensualités de 500,77 euros outre 20.000 euros au titre de la résistance abusive et 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement rendu le 3 décembre 2018, partiellement avant-dire droit, le tribunal de grande instance de PARIS a :

– Déclaré hors de cause la société BANQUE POPULAIRE RIVES DE [Localité 6] ;

– Pour le surplus, ordonné une expertise médicale et désigné pour y procéder le docteur [M] [I], spécialisé en rhumatologie, avec mission notamment de :

– Définir la nature de l’affection ayant donné lieu à l’arrêt de travail du 20 juillet 2014,

– Relater l’histoire médicale détaillée de l’affection faisant l’objet du sinistre ainsi que ses suites et conséquences et les dates des :

o Premiers signes fonctionnels,

o Première consultation médicale et première consultation spécialisée,

o Premiers examens complémentaires (biologie, radio etc),

o Traitement, nature et résultat,

o Hospitalisation et arrêt de travail en rapport.

– Déterminer si l’affection est en rapport avec un état pathologique préexistant à la date du contrat,

– Déterminer si elle résulte de l’aggravation d’une maladie préexistante à l’adhésion,

– Déterminer si l’assuré a été en incapacité de travail au sens du contrat.

– Déterminer si M. [R] est en état d’incapacité permanente de travail,

– Dans l’affirmative, préciser pour quel(s) motif(s), depuis quelle date et fixer le taux d’incapacité fonctionnelle et le taux d’incapacité professionnelle.

L’expert judiciaire a déposé un rapport de synthèse le 6 mai 2019, puis son rapport définitif le 12 juin 2019, au terme duquel il estime que M. [R] avait à la fois une ‘maladie’ et un ‘état antérieur’ rachidien lombaire lors de sa souscription du contrat d’assurance le 14 août 2013.

Par conclusions en réouverture des débats signifiées le 25 juillet 2019, les sociétés BPCE VIE et BPCE PREVOYANCE ont demandé au tribunal, au visa du rapport d’expertise judiciaire, de prononcer la nullité de la demande d’adhésion à l’assurance et subsidiairement de faire application d’une des clauses d’exclusion de la garantie.

C’est dans ce contexte que, par jugement du 9 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Paris a:

– Déclaré recevable l’intervention volontaire de la société BPCE Vie ;

– Débouté les société BPCE Prévoyance et BPCE Vie de leur demande de nullité du contrat d’assurance ;

– Débouté M. [Z] [R] de l’ensemble de ses demandes ;

– Condamné M. [Z] [R] à payer aux sociétés BPCE Prévoyance et BPCE Vie la somme totale de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles;

– Condamné M. [Z] [R] aux entiers dépens de l’instance comprenant le coût de l’expertise judiciaire du Docteur [M] [I];

– Dit n’y avoir lieu à prononcer l’exécution provisoire de la présente décision.

Par déclaration électronique du 7 décembre 2020, enregistrée au greffe le 9 décembre 2020, M. [R] a interjeté appel.

Aux termes de ses dernières écritures transmises par voie électronique le 11 février 2021, M. [R] demande à la cour au visa de l’article 1104 du code civil, du contrat N0901 souscrit le 27 juin 2013, et du rapport du docteur [I], le déclarant recevable et bien fondé, et y faisant droit, d’infirmer la décision entreprise en ce qu’elle:

– Déclare recevable l’intervention volontaire de la société BPCE Vie ;

– Déboute les société BPCE Prévoyance et BPCE Vie de leur demande de nullité du contrat d’assurance ;

– Déboute M. [Z] [R] de l’ensemble de ses demandes ;

– Condamne M. [Z] [R] à payer aux sociétés BPCE Prévoyance et BPCE Vie la somme totale de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles ;

– Condamne M. [Z] [R] aux entiers dépens de l’instance comprenant le coût de l’expertise judiciaire du Docteur [M] [I]

– Dit n’y avoir lieu à prononcer l’exécution provisoire de la présente décision.

Statuant à nouveau :

– Constater que ses lombalgies étaient minimes et banales ne prédisposant pas à la survenue d’une hernie discale L5 S1,

– constater que les antécédents lombalgiques ne sauraient constituer  » une maladie  » et qu’il a répondu oui au questionnaire de santé,

– constater que pour dénier à son adhérent la garantie pourtant souscrite, la BANQUE POPULAIRE RIVES DE [Localité 6] ne démontre pas le caractère intentionnel de la réticence ou de la fausse déclaration,

– en conséquence, condamner la BPCE PREVOYANCE et la BPCE VIE à lui payer la somme de 76 117,04 euros correspondant aux 152 mensualités de 500,77 euros outre celle de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Aux termes de leurs dernières écritures transmises par voie électronique le 10 mai 2021, les sociétés BPCE PREVOYANCE et la BPCE VIE demandent à la cour :

*Sur la confirmation du jugement en ce qu’il a fait application de la clause d’exclusion de garantie

Vu l’article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à la Loi n° 2015-177 du 16 février 2015, entrée en vigueur le 1er octobre 2016, au regard de la date du contrat d’assurance,

Vu la notice d’assurance en ses articles 8.4 et 9.5,

Vu le rapport d’expertise judiciaire établi par le docteur [I] mettant en exergue une maladie contractuellement exclue des garanties dont la première constatation médicale est antérieure à la demande d’adhésion au contrat d’assurance,

en conséquence,

– Confirmer le jugement entrepris sur l’application de la clause d’exclusion de garantie,

– Débouter M. [R] de l’intégralité de ses demandes.

* Sur l’appel incident des SA BPCE VIE et BPCE PREVOYANCE en ce que le jugement n’a pas annulé l’adhésion à l’assurance pour fausses déclarations intentionnelles

Vu les articles L. 113-2 et L. 113-8 du code des assurances,

Vu le rapport d’expertise judiciaire établi par le docteur [I],

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il n’a pas fait application de l’article L. 113-8 du codedes assurances,

– prononcer la nullité de la demande d’adhésion à l’assurance de M. [R] en date du 27 juin 2013,

– débouter M. [R] de l’intégralité de ses demandes.

En cas de condamnation des assureurs, si la cour ne fait pas application des dispositions de l’article L 113-8 du code des assurances et ne juge pas que l’arrêt de travail du 20 juillet 2014 est contractuellement exclu des garanties,

Vu l’article 1134 ancien du code civil et la notice d’assurance et la définition contractuelle de l’incapacité de travail,

Vu la date de consolidation, le taux d’incapacité fonctionnelle de 25 % et le taux d’incapacitéprofessionnelle de 9 % retenus par l’expert judiciaire,

– Débouter M. [R] de sa demande de garantie à hauteur de 76 117,04 euros correspondant aux 152 mensualités de 500,77 euros,

– Dire que seule la période d’incapacité temporaire totale de travail à compter du 20 juillet 2014jusqu’au 17 novembre 2015, date de consolidation retenue par l’Expert judiciaire, pourrait être garantie,

– Dire n’y avoir lieu à garantie au titre de l’incapacité permanente de travail à compter de la date de consolidation, le taux d’incapacité étant inférieur au taux contractuellement requis de 66 %,

– Dire que toute indemnisation sera évaluée dans le respect des dispositions contractuelles,

– Dire que toute indemnisation sera servie entre les mains du prêteur, bénéficiaire de la garantie.

En tout état de cause,

– Débouter M. [R] de toutes demandes plus amples ou contraires,

– Le condamner au paiement de la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens, y compris les frais d’expertise judiciaire.

La clôture est intervenue le 5 septembre 2022.

Il convient de se reporter aux conclusions pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

M. [R] soutient que le jugement doit être infirmé en toutes ses dispositions, dès lors que, notamment, les sociétés BPCE ne démontrent pas le caractère intentionnel de la réticence ou de la fausse déclaration qu’elles lui imputent, lorsqu’il a complété le questionnaire de santé d’adhésion en 2013, alors même que ses douleurs étaient communes du fait de sa profession de boulanger et qu’elles ne présentaient pas un état antérieur à sa lombosciatique, et qu’il a correctement déclaré ses maladies antérieures, auxquelles ses lombalgies sont étrangères.

Il sollicite en conséquence le remboursement des mensualités de 500,77 euros qui doivent être garanties depuis le mois d’octobre 2014 (fin de la période de carence de 90 jours depuis le mois de juillet) jusqu’à la fin du contrat de prêt, soit 76 117,04 euros.

Les sociétés BPCE répliquent en substance, au visa du rapport d’expertise médicale judiciaire, que le jugement doit être confirmé en ce qu’il a fait application d’une des clauses d’exclusion de la garantie, concernant les suites et conséquences ‘des maladies ou accidents dont la première constatation médicale est antérieure à la demande d’adhésion et de celles qui résultent de l’aggravation d’une invalidité préexistante à l’adhésion’, et a débouté M. [R] de ses demandes, dès lors qu’il présentait une maladie antérieurement à sa souscription, qu’il n’a pas déclarée.

Dans le cadre de leur appel incident, les intimées sollicitent l’infirmation du jugement en ce qu’il n’a pas prononcé l’annulation de la demande d’adhésion au contrat, en soutenant que l’appelant a procédé à une fausse déclaration intentionnelle, en ne répondant pas exactement aux questions posées par l’assureur, et plus particulièrement en ne déclarant pas sa maladie antérieure modifiant ainsi l’appréciation du risque.

Enfin, en cas de condamnation, les intimées soutiennent qu’à compter du 17 novembre 2015, l’expert judiciaire a retenu un taux d’incapacité permanente fonctionnelle de 9 % et un taux d’incapacité permanente professionnelle de 25 %, de sorte qu’aucune garantie n’est due.

Sur l’intervention volontaire de la société BPCE Vie

Vu l’article 330, alinéa 1 et 2 du code de procédure civile ;

Le tribunal a déclaré l’intervention volontaire de BPCE Vie recevable.

Ce chef du jugement est visé dans la déclaration d’appel. Il en est demandé l’infirmation dans le dispositif des dernières conclusions de l’appelant. La cour en est donc saisi, bien qu’aucun moyen ne soit soutenu en ce sens dans lesdites conclusions et que la société BPCE Vie n’en fasse pas état dans le cadre de ses propres conclusions.

Comme l’a justement relevé le tribunal, l’intervention de la société BPCE Vie venant à l’appui des prétentions de la société BPCE Prévoyance, elle en est l’accessoire.

La société BPCE Vie se présente, sans être contredite, comme étant l’assureur de M. [R] au même titre que la société BPCE Prévoyance. Elle a donc intérêt à soutenir cette dernière.

Le jugement est ainsi confirmé en ce qu’il a déclaré son intervention volontaire recevable.

Sur la demande de nullité du contrat d’assurance

Vu l’article L. 113-8 du code des assurance ;

Estimant que l’assureur auquel incombe la charge de la preuve, ne démontre pas que M. [R] a fait de fausses déclarations de manière intentionnelle, le tribunal a débouté les sociétés BPCE de leur demande de nullité du contrat.

Dans le questionnaire de santé renseigné le 27 juin 2013 préalablement à la souscription du contrat d’assurance, à la question ‘êtes-vous atteint d’une maladie chronique, d’une infirmité ou de séquelles de maladie ou d’accident  » M. [R] a répondu ‘Non’.

Comme devant le tribunal, M. [R] admet qu’il était atteint de lombalgies avant son adhésion au contrat d’assurance mais conteste qu’il s’agisse d’une maladie chronique, tandis que les assureurs lui reprochent d’avoir commis à la fois des réticences et des fausses déclarations intentionnelles, que révèlent la chronologie médicale de ses consultations, traitements et examens, qui se sont succédés sur une longue période jusqu’à l’adhésion à l’assurance.

Le compte-rendu opératoire indique : ‘il s’agit d’un patient âgé de 37 ans qui présente des lombalgies depuis 2008 et qui depuis l’été 2014 se plaint d’une sciatique gauche qui interdit l’exercice professionnel depuis le 20 juillet 2014’.

Dans son rapport médical du 8 décembre 2015, le docteur [J], qui se présente comme étant rhumatologue agréé, et qui a examiné M. [R] dans le cadre de la ‘contestation de l’exclusion de garantie’, à sa demande, écrit notamment que :’la lombosciatique S1 gauche est apparue entre juin et juillet 2014 et elle a été rapportée à une hernie discale L5 S1 gauche comprimant la racine S1 gauche confirmée par l’IRM.

(…) M. [R] n’avait jamais souffert de lombosciatique avant le mois de juin 2014 (…)

Il est d’ailleurs très étonné par cette confirmation de l’existence d’un état antérieur de lombosciatique par son assureur alors qu’il n’était même pas au courant lui-même.

Nous ignorons nous-mêmes comment l’assureur a pu affirmer que la lombosciatique existait avant sa demande d’adhésion. Peut-être que l’assureur s’est basé sur le compte rendu opératoire où il est signalé dans le chapitre ‘histoire de la maladie’ des lombalgies depuis 2008.

Vu l’absence de toute lombosciatique avant juin 2014 et par conséquent avant la date d’adhésion au contrat, M. [R] conteste la décision de son assureur de prendre en charge son incapacité de travailler et l’arrêt de travail depuis le 20 juillet 2014.

En temps que médecin-conseil de M. [R], nous nous joignons complètement à cette contestation.

(…)

Certes M. [R] nous dit qu’il était très vaguement lombalgique depuis 2010 mais il n’avait jamais fait de lombosciatique avant juin 2014 (…) le fait d’être lombalgique ne prédispose absolument pas à faire une lombosciatique par hernie discale. Les causes d’une lombalgie sont multiples et ne sont pas toutes à rapporter à une pathologie discale. Elles peuvent être d’origine musculaire, par surcharge des articulaires postérieurs ou tout simplement en rapport avec la statique rachidienne (… ) nous voyons tous les jours dans nos consultations des lombalgiques avec une imagerie strictement normale et en tout cas sans atteinte discale. Rappelons que plus de 50 % de la population a été, est ou sera lombalgique. Or, cette population lombalgique ne fera pas de sciatique par conflit discoradiculaire.

D’autre part et après plus de 30 ans d’exercice de la rhumatologie en libéral, je peux affirmer que la majorité des lombalgiques chroniques qui peuplent les consultations de rhumatologie et de médecine générale ne feront pas de lombosciatique par hernie discale.

Nous sommes conscients que notre point de vue n’est pas classique mais il est basé sur une expérience de 30 ans.

Enfin insistons sur le fait que M. [R] souffrait rarement de lombalgie avant 2014 et si cette lombalgie était marquée ou sévère, il n’aurait jamais pu continuer son métier de boulanger.

En conclusion, nous estimons que la lombalgie décrite dans le chapitre histoire de la maladie du compte rendu opératoire du 16 novembre 2014 était minime et banale et ne prédisposait absolument pas à la survenue d’une hernie discale L5 Si conflictuelle avec la racine S1 gauche’.

L’expert judiciaire a examiné M. [R] le 6 mars 2019, en présence du docteur [T] (médecin de recours du demandeur), du docteur [Y] (médecin technicien assistant pourvu d’une mission de BCPE), et du conseil du demandeur, et après avoir organisé une deuxième réunion d’expertise le 1er avril 2009 afin de permettre à M. [R] de produire plusieurs documents médicaux (radiographie du rachis lombaire du 6 mai 2009, IRM du rachis lombaire du 11 février 2009, IRM du rachis lombaire du 26 juin 2012), il a conclu dans son document de synthèse du 6 mai 2019 notamment, sur les arrêts de travail que ‘Monsieur [Z] [R] est en arrêt de travail du 20/07/2014 au 30/09/2016 pour une sciatique de topographie S1 gauche (souffrance de la racine de la première racine sacrée) due à la compression de la racine S1 gauche par une hernie discale, rebelle à tout traitement médical et traitée chirurgicalement le 17/11//2014. (…)

L’arrêt de travail de deux ans et de deux mois est très inhabituel pour cette pathologie.’

Sur l’état antérieur de M. [R], l’expert judiciaire note que : ‘A la date de souscription du contrat d’assurance le 14/08/2013, Monsieur [Z] [R] avait un état pathologique préexistant de détérioration dégénérative discale lombaire commune sous la forme inaugurale de ‘lombalgie depuis 2008′ ainsi qu’il ressort du compte-rendu opératoire du 17/11/2014 et du rapport médical d’évaluation du taux d’IPP de maladie professionnelle par la CPAM de Créteil le 25/07/16. Ce point ne surprend pas.’

Le docteur [S] [T], rhumatologue, qui a assisté M. [R] lors de l’expertise judiciaire, a écrit un dire à l’expert le 23 mai 2019 dans lequel elle soutient que la scoliose dorsolombaire structurale ou la discopathie dégénérative L5-S1 sont ‘tout au plus une prédisposition à la hernie discale et en rien à un état antérieur et encore moins à une maladie qui implique une gêne ou des douleurs régulières justifiant une prise en charge thérapeutique répétée, ce qui n’est absolument pas le cas de M. [R] dans ce dossier puisqu’il ne prenait aucun traitement de manière chronique régulière, et n’était pas suivi sur le plan kinésithérapeutique.

En conclusions je m’oppose formellement à cette notion de maladie, ou d’état antérieur dans laquelle vous faites rentrer la lombalgie sur scoliose, puisqu’il s’agit d’une simple prédisposition à la hernie discale apparue très ultérieurement à la souscription de l’assurance.’

Dans son rapport d’expertise médico-légale du 12 juin 2019, l’expert judiciaire relève que dans un certificat médical du 17 novembre 2014, le docteur [F] [V] écrit ‘suivre M. [Z] [R] depuis le 11 mars 2011 pour dorsalgies (…) sur scolioses (..) Il a présenté un premier épisode sciatique S1 gauche début 2012, régressif sous traitement médical’, que ce même médecin écrit en outre le 11 juillet 2017 ‘je l’avais traité en 2012 pour un épisode de lombosciatalgie incomplète minime le 02/03/2012, résolutif en 15 jours.’ et dans un certificat médical du 28 mars 2019 que son patient ‘a présenté le 02/03/2012 une lombofessalgie gauche mineure, résolutive intégralement en moins de 15 jours sous anti-inflammatoires non stéroïdiens et sans arrêt de travail.’

L’expert judiciaire relève en page 10/13 de son rapport ce qui suit: ‘A la date de souscription du contrat d’assurance le 14/08/2013, M. [Z] [R] avait un état pathologique pré-existant de détérioration dégénérative discale lombaire commune sous la forme inaugurale de ‘lombalgies depuis 2008’ ainsi qu’il ressort du compte-rendu opératoire du 17/11/2014 et du rapport médical d’évaluation du taux d’IPP de maladie professionnelle par la CPAM de Créteil le 25/07/16. Ce point ne surprend pas. En effet – et contrairement à ce qu’affirme le docteur [E] [U] [[J]] dans l’expertise qu’il fait à la demande de M. [Z] [R] – les patients lombalgiques sont menacés à tout moment de sciatique puisqu’il s’agit de la même pathogénie de détérioration dégénérative discale lombaire à des degrés différents (…) A l’IRM du 26/06/2012 est objectivée une saillie discale L5-S1 paramédiane gauche conflictuelle avec la racine S1 gauche.(…)

Aussi peut-on parler de maladie. En effet les lombalgies et les sciatiques discales sont considérées comme une pathologie dégénérative du rachis lombaire. Pathologie fréquente, bénigne mais assez souvent invalidante.

A la question n°4 du questionnaire de santé d’entrée dans l’assurance ‘Etes-vous atteint d’une maladie chronique, d’une infirmité, ou de séquelles de maladie ou d’accident ‘ M. [Z] [R] a répondu ‘non’. Sa pathologie lombosciatalgique débutée en 2008 (et avant pour ce qui concerne la scoliose structurale)…devait lui faire répondre ‘oui’. Son affection est en rapport avec un état pathologique pré-existant à la date du contrat.’

Comme l’a exactement retenu le tribunal, il résulte de ces documents que M. [R] avait souffert au moment où il a renseigné le questionnaire de l’assurance et depuis 2012, de lombalgies survenues à plusieurs reprises, ‘dorsalgies sur scoliose’ ou de ‘discopathie dégénérative L5-S1′. L’expert judiciaire considère qu’il s’agit d’une pathologie dégénérative et donc de maladie.

Néanmoins, la nullité du contrat n’est encourue qu’en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l’assuré.

En l’espèce, il n’est pas davantage établi devant la cour que devant le tribunal, que M. [R] au moment où il a renseigné le questionnaire était conscient que ses lombalgies constituaient une maladie chronique, alors qu’il résulte de l’expertise qu’il n’ a été soigné pour celles-ci qu’une fois en 2009 et une fois en 2012 et ceci sans arrêt de travail.

Il s’en déduit qu’il pouvait légitimement penser que ses problèmes de lombalgies étaient terminés.

Par ailleurs, comme l’a pertinemment rappelé le tribunal, les lombalgies ou ‘maux de dos’ s’ils sont identifiés par le personnel médical comme des pathologies ne sont pas communément qualifiés de ‘maladies’ ; or il n’est pas démontré que M. [R], qui est boulanger, avait des connaissances médicales, la cour ajoutant que le débat entre les médecins et l’expert, que ce dernier a qualifié de ‘houleux’ illustre si besoin en était, la difficulté pour un profane de se faire une opinion dans une matière qui ne fait pas l’unanimité auprès des hommes de l’art.

De même, comme l’a relevé le tribunal, la question à laquelle il est reproché des réticences et une fausse réponse intentionnelle, vise également ‘une infirmité’ ou des ‘séquelles de maladie ou d’accident’ ce qui oriente celui qui y répond vers des affections graves ; or les lombalgies de M. [R] étaient jusque-là bénignes puisque malgré son métier physique elles n’avaient pas occasionné d’arrêt de travail.

Enfin, M. [R] a également répondu à la question suivante ‘au cours des 10 dernières années, vous a-t-on prescrit un traitement médical de plus de 21 jours pour maladie rhumathismale, douleur de la colonne vertébrale, névralgie cervico brachiale ou sciatique  »

Cette question, à laquelle il a répondu par la négative, pouvait laisser penser que les affections liées au dos étaient à évoquer en y répondant et non en répondant à la question sur les maladies chroniques.

Le jugement est ainsi confirmé en ce qu’il a estimé que les assureurs ne démontrent pas que M. [R] a fait de fausses déclarations de manière intentionnelle et les a en conséquence déboutés de leur demande de nullité du contrat.

Sur l’exclusion de garantie

Vu l’article 1315 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016 ;

En l’espèce, le tribunal a débouté M. [R] de ses demandes au motif que les conditions de l’exclusion de garantie étaient remplies dès lors que la maladie à l’origine de l’incapacité de travail avait déjà été constatée avant la souscription du contrat d’assurance.

Comme le font valoir les assureurs, le contrat stipule à son article 9.5 que sont exclus de la ‘garantie incapacité de travail’ les risques listés au paragraphe 8.4 pour la garantie perte totale et irréversible d’autonomie.

L’article 8.4 exclut ‘les suites et conséquences des maladies ou accidents dont la première constatation médicale est antérieure à la demande d’adhésion et de celles qui résultent de l’aggravation d’une invalidité préexistante à l’adhésion.’

Ainsi, il ne suffit pas que l’affection soit seulement ‘en rapport avec un état pathologique préexistant à la date du contrat’ mais que la constatation de la maladie soit antérieure à la demande d’adhésion.

Il s’en déduit que la conclusion de l’expert selon lequel l’affection de M. [R] est ‘en rapport avec un état pathologique pré-existant à la date du contrat’, même s’il ne fait que répondre à la question du tribunal, ne permet pas d’établir que les conditions de l’exclusion de garantie sont réunies en l’espèce.

En revanche, comme le font valoir les assureurs, l’exclusion de garantie n’est pas conditionnée à la prise d’un traitement de manière régulière avant la souscription du contrat d’assurance aussi, peu importe que, comme le note le docteur [T], M. [R] ne prenait pas un tel traitement.

Comme il l’a été rappelé ci-dessus, il résulte de l’expertise judiciaire que la maladie ayant conduit à l’incapacité de travail est une ‘sciatique de topographie S1 gauche (souffrance de la racine de la 1ère racine sacrée) due à la compression de la racine par une hernie discale, rebelle à tout traitement et traitée chirurgicalement le 17/11/2014.’

L’expert indique qu’à la date de souscription du contrat M. [R] avait ‘un état pathologique préexistant de détérioration dégénérative discale lombaire sous la forme inaugurale de ‘lombalgie depuis 2008.’

(…) les patients lombalgiques sont menacés à tout moment de sciatique puisqu’il s’agit de la même pathogénie de détérioration dégénérative discale lombaire à des degrés différents.’

Comme l’a relevé le tribunal, dès 2012, M. [R] avait été traité pour un ‘épisode lombosciatique incomplète minime’ comme en a attesté le docteur [F] [V] qui l’a aussi qualifié de ‘premier épisode sciatique S1 gauche.’

Ainsi, la maladie avait été constatée à cette date, soit avant la souscription du contrat.

Le fait que tous les patients lombalgiques ne voient pas leur pathologie dégénérer en lombosciatique comme l’observe le docteur [J] ne signifie pas qu’il n’existe pas de lien entre ces deux affections.

En effet, l’expert judiciaire précise qu’il existe ‘plusieurs degrés dans cette maladie’, de sorte que ‘ le premier épisode sciatique S1 gauche de 2012’ est la même maladie, à un moindre degré que la sciatique de topographie S1 gauche.

Enfin, comme le relève pertinemment le tribunal, c’est bien la même zone qui est atteinte: la zone S1 et si, comme le note le docteur [T], la scoliose peut être qualifiée de ‘prédisposition’, il n’en est pas de même de la discopathie dont ce même médecin ne conteste pas l’existence.

Ainsi la maladie à l’origine de l’incapacité de travail avait déjà été constatée avant la souscription du contrat d’assurance.

Le jugement est ainsi confirmé en ce qu’il a exactement retenu que les conditions de l’exclusion de garantie sont remplies et débouté en conséquence M. [R] de ses demandes.

L’examen des demandes formulées à titre subsidiaire par les sociétés BPCE est dès lors sans objet.

Sur l’exécution provisoire

Si la cour est saisie de ce chef du jugement, visé dans la déclaration d’appel et dans les dernières conclusions de l’appelant qui en sollicite l’infirmation, il est cependant sans objet dès lors que l’arrêt, qui n’est pas susceptible d’une voie ordinaire de recours, est exécutoire de droit.

Sur les frais et dépens

Compte tenue de l’issue du litige, il convient de confirmer le jugement sur les frais irrépétibles et les dépens comprenant le coût de l’expertise judiciaire.

M. [R] qui succombe en cause d’appel également, sera condamné aux dépens et à payer aux sociétés BPCE la somme globale de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel.

M. [R] sera débouté de sa demande formée de ce chef.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant en dernier ressort, contradictoirement et par mise à disposition de la décision au greffe,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions soumises à la cour ;

Y ajoutant :

Condamne M. [Z] [R] aux dépens ;

Condamne M. [Z] [R] à payer à la société BPCE PREVOYANCE et la société BPCE VIE la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute M. [Z] [R] de sa demande formée de ce chef.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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