COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-8
ARRÊT AU FOND
DU 1er FEVRIER 2023
N° 2023/ 050
N° RG 21/14359
N° Portalis DBVB-V-B7F-BIGR7
[X] [B] épouse [P]
[H] [P]
C/
S.A. CA CONSUMER FINANCE
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Azzedine EL KOLLI
Me Sylvain DAMAZ
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juridiction de proximité de MARTIGUES en date du 07 Mai 2021 enregistrée au répertoire général sous le n° 11-21-0021.
APPELANTS
Madame [X] [B] épouse [P]
demeurant [Adresse 2]
Monsieur [H] [P]
demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Azzedine EL KOLLI, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
S.A. CA CONSUMER FINANCE
dont le siège est sis [Adresse 1], agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice
représentée par Me Sylvain DAMAZ, membre de l’AARPI ADSL, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 Décembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Philippe COULANGE, Président
Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère
Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Maria FREDON.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 1er Février 2023.
ARRÊT
Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 1er Février 2023, signé par Monsieur Philippe COULANGE, Président et Madame Maria FREDON, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE ANTÉRIEURE
Par acte du 13 janvier 2021, la société CA CONSUMER FINANCE, venant aux droits de la société FINANCO, a fait citer les époux [H] [P] et [X] [B] à comparaître devant le tribunal de proximité de Martigues, pour les entendre condamner solidairement à lui payer la somme de 56.514,25 euros, outre les intérêts au taux conventionnel de 5,50 % l’an, en remboursement d’un prêt de 60.000 euros qui leur avait été consenti le 13 décembre 2017, et dont la déchéance du terme avait été prononcée le 26 mars 2019 en raison du défaut de paiement des échéances convenues.
Les défendeurs ont dénié les signatures apposées sur l’acceptation de l’offre de prêt et sollicité l’instauration d’une expertise graphologique, concluant au rejet de l’action.
Par jugement rendu le 7 mai 2021, le tribunal a retenu que l’action en paiement était recevable pour avoir été introduite avant l’expiration du délai de forclusion édicté par l’article R 312-35 du code de la consommation, et que les échantillons d’écriture versés aux débats lui permettaient de se prononcer sans avoir recours à une mesure d’expertise.
Sur le fond, le premier juge a considéré que les époux [P] n’étaient pas les signataires du contrat de prêt, lequel devait être en conséquence annulé, les sommes versées en exécution de celui-ci donnant lieu à restitutions réciproques. Après compensation, il a condamné les époux [P] à payer à la société CA CONSUMER FINANCE la somme principale de 37.309,10 euros, outre intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision, et laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens et frais irrépétibles.
Les époux [P] ont interjeté appel le 11 octobre 2021.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes de leurs conclusions notifiées le 10 janvier 2022, les époux [P] invoquent en premier lieu une fin de non recevoir tirée de la forclusion de l’action, le premier incident de paiement non régularisé se situant selon eux au mois de juin 2018.
Sur le fond, ils dénient à nouveau les signatures figurant sur le contrat, et précisent que le dossier de prêt aurait été exclusivement monté à distance après qu’ils aient rémunéré un intermédiaire travaillant au sein de l’agence SOFINCO de Bordeaux. Ils produisent à l’appui de leurs dires une analyse graphologique, ainsi que le récépissé d’un dépôt de plainte pour faux et usage de faux.
Ils soutiennent en revanche que le premier juge n’a pas tiré les conséquences juridiques de ses constatations, alors que la faute commise par l’établissement prêteur doit être sanctionnée par la privation de sa créance en restitution des fonds, ou à défaut par l’allocation de dommages-intérêts à due concurrence de la somme réclamée.
Ils poursuivent en conséquence l’infirmation du jugement entrepris, et demandent à la cour de débouter la partie adverse de l’ensemble de ses prétentions.
Subsidiairement, ils réclament paiement d’une somme de 30.000 euros à titre de dommages-intérêts.
Plus subsidiairement encore, ils sollicitent l’octroi de délais de paiement sur 24 mois pour s’acquitter des sommes mises à leur charge.
En tout état de cause, ils concluent à la condamnation de la partie intimée aux entiers dépens, ainsi qu’au paiement d’une somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions en réplique notifiées le 21 janvier 2022, la société CA CONSUMER FINANCE fait valoir que le contrat litigieux avait pour objet le regroupement de crédits antérieurs, et que les échéances de remboursement ont été prélevées durant plus d’un an sur le compte bancaire des emprunteurs sans aucune réclamation de leur part. Elle ajoute que l’analyse graphologique produite par les appelants ne revêt aucune valeur probante, et que ces derniers ont bien signé l’acceptation de l’offre de prêt.
Elle demande en conséquence principalement à la cour d’infirmer la décision entreprise en ce qu’elle a prononcé la nullité du contrat, et de condamner solidairement les époux [P] à lui payer la somme de 56.514,25 euros, outre intérêts au taux conventionnel.
Subsidiairement, elle conclut à la confirmation du jugement déféré.
En tout état de cause, elle réclame paiement d’une somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre ses dépens.
L’ordonnance de clôture de l’instruction est intervenue le 18 novembre 2022.
DISCUSSION
Sur la fin de non recevoir tirée de la forclusion :
En vertu de l’article 123 du code de procédure civile, les fins de non recevoir peuvent être opposées en tout état de cause, de sorte que les époux [P] sont recevables à invoquer ce moyen pour la première fois en cause d’appel.
Suivant l’article R 312-35 du code de la consommation, les actions en paiement nées à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance, à peine de forclusion, celui-ci étant caractérisé dans le cadre d’un prêt personnel par le premier incident de paiement non régularisé.
En l’espèce, le premier juge a considéré que la forclusion n’était pas acquise en retenant que le premier incident de paiement non régularisé se situait le 5 mars 2019, soit 21 jours seulement avant le prononcé de la déchéance du terme.
Les appelants produisent cependant plusieurs courriers émanant de la société SOFINCO dont il résulte :
– qu’ils étaient déjà débiteurs d’une somme de 1.936,75 euros à la date du 6 juin 2018, représentant plus de deux échéances en retard,
– que leur dette avait encore augmenté pour atteindre 2.263,67 euros au 7 août 2018,
– et qu’à défaut de régularisation ils ont fait l’objet le 12 novembre 2018 à l’initiative de l’organisme prêteur d’une inscription au fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers.
L’historique du compte produit par l’intimée, qui se résume en réalité à un simple décompte des sommes réclamées, ne permet pas en revanche d’établir qu’une régularisation serait intervenue postérieurement à cette inscription.
Il convient dès lors de juger que l’assignation en paiement délivrée le 13 janvier 2021 par l’établissement de crédit est intervenue plus de deux ans après le premier incident de paiement non régularisé, alors que la forclusion de l’action était d’ores et déjà acquise.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement déféré, et statuant à nouveau :
Déclare irrecevable l’action en paiement introduite par la société CA CONSUMER FINANCE pour cause de forclusion,
Condamne l’intimée aux entiers dépens de première instance et d’appel,
Rejette les demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT