Nullité de constat : 28 mai 2015 Cour d’appel de Lyon RG n° 14/08783

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Nullité de constat : 28 mai 2015 Cour d’appel de Lyon RG n° 14/08783
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R.G : 14/08783

Décision du

Tribunal de Commerce de SAINT-ETIENNE

Référé

du 28 octobre 2014

RG : 2014r298

ch n°

SAS SOVITRAT 17

C/

SARL NETWORK INTERIM 42

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 28 Mai 2015

APPELANTE :

SAS SOVITRAT 17

immatriculée au RCS de SAINT ETIENNE sous le N° 535 041 149

représentée par son dirigeant légal

siège social :

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée pa la SELARL LAFFLY & ASSOCIES-LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON

Assistée de Me Thierry DUMOULIN, avocat au barreau de LYON

INTIMEE :

SARL NETWORK INTERIM 42

immatriculée au rcs de Saint Etienne sous le n° 501 211 577

Représenté par son gérant

siège social :

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par la SCP ELISABETH LIGIER DE MAUROY & LAURENT LIGIER, avocat au barreau de LYON

Assistée de la SELARL SPADA, avocat au barreau de PARIS

******

Date de clôture de l’instruction : 30 Avril 2015

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 30 Avril 2015

Date de mise à disposition : 28 Mai 2015

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

– Jean-Luc TOURNIER, président

– Hélène HOMS, conseiller

– Pierre BARDOUX, conseiller

assistés pendant les débats de Jocelyne PITIOT, greffier

A l’audience, Pierre BARDOUX a fait le rapport, conformément à l’article 785 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Jean-Luc TOURNIER, président, et par Jocelyne PITIOT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

FAITS, PROCÉDURE, MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Les sociétés SOVITRAT 17 (S.A.S.) et NETWORK INTERIM 42 (S.A.R.L.) ont toutes deux une activité d’entreprise de travail temporaire.

Par requête du 1er février 2014 fondée sur l’article 145 du Code de procédure civile, la société NETWORK INTERIM 42 a saisi le Président du Tribunal de commerce de SAINT-ETIENNE aux fins d’être autorisée à faire pratiquer une mesure d’instruction permettant d’établir que la société SOVITRAT 17, avec le concours de ses anciens salariés, pratique une concurrence déloyale à son encontre.

Par ordonnance du 6 février 2014, le Président saisi a autorisé Maître [K], huissier de justice, à se rendre dans les locaux de la société SOVITRAT 17 afin de procéder à différentes constatations.

Suite à son intervention, l’huissier de justice a dressé un constat et a placé sous séquestre les éléments obtenus.

Faisant suite au dépôt d’une requête en rectification d’erreur matérielle et interprétation, le Président du Tribunal de commerce de SAINT-ETIENNE a, par ordonnance du 1er juillet 2014, interprété son ordonnance du 6 février 2014 comme permettant à l’huissier de communiquer directement à la société NETWORK INTERIM 42 le constat dressé le 30 avril 2014.

La société SOVITRAT 17 a alors saisi le Président du Tribunal de commerce de Saint-ETIENNE d’une demande aux fins de rétractation des ordonnances des 6 février et 1er juillet 2014, de restitution des pièces saisies et de nullité du constat d’huissier.

Par ordonnance en date du 28 octobre 2014, à laquelle il est expressément fait référence pour plus de précisions sur les faits, les prétentions et moyens des parties, le Président du Tribunal de commerce de SAINT ETIENNE a statué ainsi :

« Déboutons la SOCIETE SOVITRAT 17 de sa demande de rétractation des ordonnances du 6.02.2014 et du 1.07.2014 ;

Confirmons les ordonnances du 6.02.2014 et du 1.07.2014 ;

Déboutons la SOCIETE SOVITRAT 17 de sa demande de restitution ;

Déboutons la SOCIETE SOVITRAT 17 de sa demande de nullité du constat de Me [K], Huissier de Justice réalisé en application des ordonnances sus-citées ;

Déboutons la SOCIETE SOVITRAT 17 de toutes ses demandes ;

Déboutons la SOCIETE NETWORK INTERIM 42 de sa demande de dommages et intérêts ;

Condamnons la SOCIETE SOVITRAT 17 à payer à la SOCIETE NETWORK INTERIM 42 la somme de 2.500 € au titre de l’art. 700 du Code de Procédure Civile ;

Disons que les dépens sont à la charge de la SOCIETE SOVITRAT 17. »

Par déclaration du 7 novembre 2014, la société SOVITRAT 17 a relevé appel de cette décision.

L’affaire a été fixée à l’audience du 5 mars 2015 par ordonnance du Président de cette chambre en date du 24 novembre 2014 en application de l’article 905 du Code de Procédure Civile.

L’affaire a été renvoyée à l’audience du 30 avril 2015 à la demande expresse des parties.

Dans ses dernières conclusions déposées le 29 avril 2015, la société SOVITRAT 17 demande à la cour de :

– annuler et/ou réformer l’ordonnance entreprise,

– débouter NETWORK INTERIM de l’ensemble de ses prétentions,

– rétracter les ordonnances du 6 février 2014 et du 1er juillet 2014,

– pour le cas où Maître [S] [K], Huissier de Justice, aurait déjà transmis les pièces à la société NETWORK INTERIM 42, lui faire interdiction de les utiliser de quelque manière que ce soit et de les communiquer à quiconque, sous astreinte de 10.000 € par infraction constatée,

– en ordonner la restitution,

– constater, dire et juger que l’Huissier, Maître [S] [K], a dépassé le cadre de sa mission,

– prononcer la nullité du constat d’huissier de Maître [S] [K] du 30 avril, et du 2 au 30 mai 2014,

– condamner la société NETWORK INTERIM 42 à payer à la société SOVITRAT 17 la somme de :

‘15.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, la société SOVITRAT 17 ayant subi de force une véritable perquisition de son entreprise,

‘5.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

– condamner la société NETWORK INTERIM 42 aux entiers dépens de l’instance,

– dire qu’à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées et qu’en cas d’exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l’Huissier instrumentaire en application de l’article 10 du Décret du 10 décembre 1996 seront supportées, par la société NETWORK INTERIM 42.

La société SOVITRAT 17 fait valoir que le président du tribunal de commerce n’a pas motivé sa décision concernant la restitution des pièces séquestrées et son ordonnance du 28 octobre 2014 doit donc être annulée sur le fondement des articles 455 et 458 du Code de procédure civile.

Elle estime que la dérogation au principe du contradictoire n’était pas justifiée dans l’ordonnance du 6 février 2014, aucun risque de déperdition des preuves n’existant, alors qu’en violation de l’article 145 du Code de procédure civile, l’ordonnance ne mentionne pas l’existence d’un motif légitime justifiant les investigations menées dans ses locaux, l’ordonnance se contentant de viser la requête de la société NETWORK INTERIM 42 invoquant faussement des actes de concurrence déloyale.

Elle soutient que l’ordonnance du 6 février 2014 n’était affectée d’aucune erreur matérielle et ne nécessitait aucune interprétation et que sous prétexte d’interprétation, le Président du Tribunal de commerce a modifié sans droit et sans éléments nouveaux l’ordonnance du 6 février 2014 qui était passée en force de chose jugée.

Elle affirme que le constat d’huissier est nul car par deux fois, Maître [K] a sciemment dépassé le cadre de sa mission en constant, saisissant et exploitant des documents qui ne concernaient pas la société et en recherchant des informations effacées sur le téléphone portable de [O] [U].

Dans ses dernières écritures déposées le 27 avril 2015, la société NETWORK INTERIM 42 demande à la cour de :

– confirmer l’ordonnance entreprise,

– débouter la société SOVITRAT 17 de l’ensemble de ses demandes,

– rappeler l’exécution provisoire de plein droit,

– condamner la société SOVITRAT 17 à payer la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

– condamner la société SOVITRAT 17 à payer la somme de 5.000 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile,

– condamner la société SOVITRAT 17 aux entiers dépens.

La société NETWORK INTERIM 42 expose que la demande de restitution des pièces séquestrées ne constitue que la conséquence de la demande principale de rétractation des ordonnances du 6 février et 1er juillet 2014, la décision du Président du tribunal de commerce de débouter la société SOVITRAT 17 de sa demande de restitution des pièces séquestrées est motivée par les mêmes éléments que la décision de rejet de la demande de rétractation.

Elle estime que dans le cadre de sa demande fondée sur l’article 145 du Code de procédure civile, elle était en possession d’éléments constituant un commencement de preuve de nature à prouver des faits de concurrence déloyale, le résultat de la mesure ordonnée pouvant influer la solution du litige et qu’il existait un risque de dépérissement des preuves car si une procédure contradictoire avait été engagée, le Groupe SOVITRAT aurait pu transférer les clients du groupe NETWORK INTERIM sur des sociétés non visées par l’ordonnance et aurait pu supprimer des preuves.

Elle prétend que l’ordonnance du 6 février 2014 n’a de sens pour elle que si elle peut avoir accès aux informations obtenues ou à tout le moins au constat dressé par l’huissier et il était donc légitime de déposer une requête en modification ou en interprétation.

Elle soutient que les opérations de saisie sont valides car l’huissier pouvait prendre copie de l’ensemble des documents papiers présents dans les locaux de la société SOVITRAT 17 et faisant référence à ses clients ou à son personnel intermédiaire et l’autorisait à extraire des données du téléphone de [O] [U].

Pour satisfaire aux dispositions de l’article 455 du Code de Procédure Civile, il est expressément renvoyé pour plus de précisions sur les faits, prétentions et arguments des parties à la décision entreprise et aux conclusions récapitulatives régulièrement déposées et ci-dessus visées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande d’annulation partielle de l’ordonnance entreprise

Attendu qu’aux termes de l’article 455 alinéa 1er du Code de Procédure Civile

‘Le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens. Cet exposé peut revêtir la forme d’un visa des conclusions des parties avec l’indication de leur date. Le jugement doit être motivé.’ ;

Attendu que la société SOVITRAT reproche à l’ordonnance entreprise de ne pas avoir motivé le débouté de sa demande de restitution des pièces séquestrées par l’huissier instrumentaire, alors même que le rejet de sa prétention tendant à la rétractation, motivée, conduit nécessairement au rejet de celle qui en dépend nécessairement ;

Que les termes susvisés n’ayant en rien été violés par le premier juge, il convient de rejeter cette demande d’annulation ;

Sur la rétractation de l’ordonnance rendue le 6 février 2014

Attendu que l’article 145 du Code de Procédure Civile dispose :« S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. » ;

Attendu qu’il appartient à la partie qui sollicite ainsi le président du Tribunal de Commerce de l’autoriser à effectuer une telle mesure d’instruction dans les locaux d’un concurrent de caractériser dans sa requête même son motif légitime, alors que le juge saisi doit pour sa part viser dans la motivation de cette ordonnance les éléments le caractérisant ;

Attendu que le président du Tribunal de Commerce de SAINT-ETIENNE dans son ordonnance du 6 février 2014, qui est constituée du projet que la requérante avait fournie avec sa requête, n’a fait aucune mention de ce motif légitime, même par référence à la requête qui l’avait saisi ;

Attendu que si le juge des requêtes apprécie souverainement l’existence et la légitimité du ou des motifs invoqués, il doit nécessairement, surtout en l’absence de toute contradiction, les viser clairement dans son ordonnance ;

Attendu qu’il lui est en tout état de cause imposé de caractériser les circonstances qui justifiaient que la mesure d’instruction réclamée sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile ne soit pas prise contradictoirement, alors que son ordonnance ne fait que viser ‘la nécessité de procéder par requête non contradictoire pour la conservation des preuves dans le cadre d’un contentieux à venir’ ;

Attendu que la requête elle-même est lapidaire en ce qu’elle énonce en une seule phrase que ‘le contradictoire permettrait aux contradicteurs de la société NETWORK INTERIM 42 de dissimuler voire de détruire les documents nécessaires à l’action en concurrence déloyale que souhaite introduire la société NETWORK INTERIM 42.’ et ne permettait pas au juge de discerner si l’absence du respect du principe de la contradiction était l’unique moyen de parvenir au succès de la mesure d’instruction ;

Qu’ainsi, la majeure partie des documents visés dans la requête était constituée de documents comptables ou documents administratifs (DADS RUP…) peu susceptibles d’être divertis ou détruits ;

Attendu que la motivation d’une telle ordonnance, seule à même de permettre à la partie qui entend la combattre dans le cadre d’une demande de rétractation d’en comprendre les tenants et aboutissants, constitue un élément substantiel, dont l’absence ne pouvait que conduire le premier juge à la rétracter, sans qu’il ait à réparer, tardivement, les carences de l’ordonnance qui lui était soumise ;

Attendu qu’il convient en conséquence d’infirmer l’ordonnance entreprise et de rétracter l’ordonnance du 6 février 2014, sans qu’il soit besoin en l’état d’examiner les mérites d’une requête qui ne pouvait ainsi saisir valablement le juge;

Sur la rétractation de l’ordonnance rendue le 1er juillet 2014

Attendu que cette décision, comme étant la suite de celle du 6 février 2014 ne pouvait par nature que subir le même sort, alors qu’il convient ici de rappeler solennellement que l’article 462 du Code de Procédure Civile ne permettait nullement au juge des requêtes de répondre favorablement à une requête qui tendait uniquement à lui faire modifier sa décision première qui ordonnait avec discernement et pertinence un séquestre et la nécessité de la désignation d’un mandataire judiciaire pour le libérer ;

Que la mesure d’instruction in futurum alors ordonnée avait tout son sens y compris dans le cadre d’un tel séquestre, en ce qu’elle était destinée à appuyer l’action que la société NETWORK allait introduire ;

Attendu qu’il convient en conséquence de rétracter également cette ordonnance, pour laquelle l’absence de respect d’un quelconque contradictoire ne trouve aucune explication sérieuse ;

Sur les conséquences de la rétractation ordonnée

Attendu qu’il convient, en conséquence directe et inéluctable de cette rétractation, d’annuler le constat d’huissier de Maître [K] dressé le 30 avril 2014, d’ordonner la restitution par la société NETWORK des pièces et documents saisis par cet officier ministériel et d’interdire à la société NETWORK de faire usage d’une quelconque manière de ces pièces et documents qu’elle a obtenus dans le cadre des mesures d’instruction réalisées par Maître [K], Huissier de Justice, à la suite de l’ordonnance du 6 février 2014 sous astreinte de 5.000 € par infraction constatée, étant à souligner que cette société n’a pas hésité à verser aux débats des pièces recueillies au cours des investigations de l’huissier (ses pièces 39 à 41) qui étaient insusceptibles d’être prises en compte ici ;

Qu’en effet, le juge de la rétractation doit se situer au jour il statue, mais sans pouvoir prendre connaissance des documents obtenus en exécution de l’ordonnance combattue, alors même que les conditions dans lesquelles des investigations ont été autorisées sur le téléphone mobile de [O] [U] (pièce 40) devaient inciter la société NETWORK à la plus grande des prudences dans l’utilisation des données qui en ont été retirées ;

Sur les demandes de dommages et intérêts

Attendu que la rétraction prononcée des ordonnances sur requête litigieuses et l’infirmation totale de l’ordonnance entreprise ne peuvent conduire à l’examen des demandes indemnitaires présentées par la société NETWORK, dépendant du succès de ses prétentions principales ;

Attendu que la demande indemnitaire formée par la société SOVITRAT sous le signe de l’article 1382 du Code Civil ne peut ici prospérer en ce que la saisine du juge de la rétractation et de la cour à sa suite est strictement cantonnée à l’examen, sous le signe du contradictoire, de la requête présentée par la société NETWORK au président du Tribunal de Commerce ;

Qu’elle excède les pouvoirs juridictionnels de cette cour et doit être déclarée irrecevable ;

Attendu que la question de l’exécution provisoire n’est ici plus d’actualité en l’état de l’infirmation totale prononcée ;

Sur les dépens et l’application de l’article 700 du Code de Procédure Civile

Attendu que la société NETWORK succombe totalement en cet appel, et doit supporter les dépens de première instance et d’appel, ces derniers pouvant être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de Procédure Civile ;

Attendu que l’équité commande de décharger la société SOVITRAT des frais engagés dans cette instance et de condamner la société NETWORK à lui verser une indemnité de 5.000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

Attendu qu’il n’y a pas lieu de mettre à la charge de la société NETWORK, en cas d’exécution forcée de la décision, les sommes retenues par l’Huissier de Justice instrumentaire au titre de l’article 10 du Décret du 8 mars 2001 que ce texte met expressément à la charge exclusive du créancier ;

 


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