Nullité de constat : 16 mai 2019 Cour de cassation Pourvoi n° 18-16.548

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Nullité de constat : 16 mai 2019 Cour de cassation Pourvoi n° 18-16.548
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CIV. 2

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 mai 2019

Rejet non spécialement motivé

Mme MAUNAND, conseiller le plus
ancien faisant fonction de président

Décision n° 10404 F

Pourvoi n° J 18-16.548

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :

Vu le pourvoi formé par la société Sablières de l’Atlantique, société anonyme, dont le siège est […] ,

contre l’arrêt rendu le 16 janvier 2018 par la cour d’appel de Rennes (3e chambre commerciale), dans le litige l’opposant :

1°/ à M. L… E…, domicilié […] ,

2°/ à la société Q…-I…-A…-M…-W…-P…- N…-H…-G…, société civile professionnelle, dont le siège est […] ,

3°/ à la société Comptoir Atlantique dongeois de distribution et d’approvisionnement de construction (CADDAC), société par actions simplifiée, dont le siège est […] ,

4°/ à la société Compagnie européenne de transports de l’Atlantique (CETRA), société par actions simplifiée, dont le siège est […] ,

défendeurs à la cassation ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 3 avril 2019, où étaient présentes : Mme Maunand, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Jollec, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller, Mme Rosette, greffier de chambre ;

Vu les observations écrites de la SCP Didier et Pinet, avocat de la société Sablières de l’Atlantique, de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat des sociétés Comptoir Atlantique dongeois de distribution et d’approvisionnement de construction et de la société Compagnie européenne de transports de l’Atlantique, de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de M. E… et de la société Q…-I…-A…-M…-W…-P…-N…-H…-G… ;

Sur le rapport de Mme Jollec, conseiller référendaire, l’avis de M. Girard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu l’article 1014 du code de procédure civile ;

Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l’encontre de la décision attaquée, n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Qu’il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Sablières de l’Atlantique aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ; la condamne à payer à M. E… et à la société Q…-I…-A…-M…-W…-P…-N…-H…-G… la somme globale de 1 000 euros et aux sociétés Comptoir Atlantique dongeois de distribution et d’approvisionnement de construction et Compagnie européenne de transports de l’Atlantique la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize mai deux mille dix-neuf. MOYEN ANNEXE à la présente décision.

Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour la société Sablières de l’Atlantique.

Il est fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué d’AVOIR débouté la société Sablières de l’Atlantique de ses demandes, tendant notamment à voir rétracter l’ordonnance du 11 juin 2015 et l’ordonnance rectificative du 25 juin 2015 et, en conséquence voir prononcer la nullité du constat réalisé le 6 octobre 2015 par la SCP Q…-F…-A… et enjoindre sous astreinte à cette dernière de restituer à l’exposante la totalité des documents appréhendés lors de ce constat, ainsi que la liste des pièces saisies ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE la société Sablières de l’Atlantique soutient que les conditions requises pour l’application des articles 145 et 493 du code de procédure civile n’étaient pas réunies, au motif que les sociétés Caddac et Cetra ne justifient ni d’un motif légitime à l’obtention de la mesure sollicitée, ni de circonstances imposant qu’il soit dérogé au principe du contradictoire et qu’enfin la mission demandée serait insuffisamment circonstanciée et précise ; que, sur l’existence d’un motif légitime, aux termes de l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ; qu’en application de ces dispositions, il appartient au demandeur de démontrer que la mesure est utile, qu’elle ne se heurte à aucun empêchement légitime et qu’elle est en lien avec un litige éventuel ; qu’il est constant que les parties ont conclu entre elles un protocole destiné à regrouper les activités des sociétés SNA, Sablières de Cheviré et Saremer en une seule entité juridique, dénommée nouvelle Saremer, présidée par M. S… ; que le capital de cette société devait être réparti à concurrence de 40 % pour le Groupe Caddac, de 40 % pour la société SDA et de 20 % pour la société Sablières de l’Atlantique après notamment fusion-absorption des sociétés Sna, Sablières de Cheviré et Saremer ; que la cession de contrôle de la société Sna présentait un intérêt important pour la société appelante dans la mesure où elle était titulaire d’une autorisation d’occupation temporaire (AOT) délivrée par le Grand Port Maritime de Nantes Saint-Nazaire le 27 mars 2009 pour une durée de 20 ans ; que, de même la société Les Sablières de Cheviré avait obtenu le transfert de son AOT du site de Trentemoult qui devait être fermé sur le site de Cheviré au côté de la société Sna ; que l’exécution du protocole a été entrepris par les sociétés du Groupe Caddac qui se sont dessaisies du bénéfice de leurs AOT, mais leurs cocontractants, dont la société appelante, ont ensuite refusé d’exécuter les engagements qui en constituaient la contrepartie, en soutenant que le protocole était atteint de caducité et que son équilibre reposait sur un volume de chiffre d’affaires qui n’avait pas été apporté par le Groupe Caddac ; que l’existence d’un litige potentiel découlant de l’inexécution partielle de la convention, non contestée et démontrée par les pièces produites, est ainsi établie ; que les allégations selon lesquelles l’inexécution de la convention pourrait s’expliquer par la collusion frauduleuse entre deux des trois parties contractantes, dont la société Sablières de l’Atlantique, sont plausibles eu égard à la situation objective découlant du refus d’exécution manifesté, conjointement et tardivement, par ces parties après avoir elles-mêmes obtenu les avantages recherchés de ce protocole ; que l’utilité de la mesure, qui ne se heurte à aucun obstacle légitime, pour la solution d’un litige dont la survenance est plus que probable, est ainsi démontrée ; que, sur la nécessité d’écarter le principe du contradictoire, les sociétés intimées ont caractérisé concrètement dans leur requête la nécessité d’écarter le principe du contradictoire en faisant valoir que les éléments de preuve recherchés :
– se trouvent principalement dans les ordinateurs des sociétés Saremer, Sda et Sablières de l’Atlantique et qu’ils sont confidentiels ou occultes,
– qu’il s’agit pour l’essentiel d’emails qui sont par nature extrêmement volatiles,
– que la simple connaissance par les sociétés concernées d’une recherche des dites preuves conduirait immanquablement ces dernières à les détruire, ce qui serait facile, rapide et difficilement décelable,
– que l’effet de surprise constitue donc la condition sine qua non de l’efficacité de la mesure laquelle doit être conduite simultanément aux sièges des trois sociétés concernées ;
que, visant les circonstances de fait ainsi exposées dans la requête, l’ordonnance reprend à son compte cette motivation ; que la requête et l’ordonnance subséquente ont ainsi parfaitement caractérisé in concreto la nécessité, pour assurer l’efficacité de la mesure sollicitée et satisfaire le droit légitime à la preuve des sociétés requérantes, que la mesure d’investigation soit ordonnée sans débat contradictoire préalable ; qu’au demeurant ainsi que le relève à juste titre le premier juge, les intérêts des sociétés supportant la mesure demeurent parfaitement préservés puisqu’il a été prévu un mécanisme très protecteur de leurs intérêts, en ce que les informations et pièces collectées par l’huissier ne pourront être communiquées qu’après un débat contradictoire organisé sous l’égide du juge, étant expressément demandé à l’huissier instrumentaire de séquestrer les éléments du constat en son étude, lui seul pouvant en disposer à charge d’en référer au président du tribunal de commerce de Nantes en cas de difficulté ; qu’en effet, l’ordonnance comporte la disposition suivante : « Disons qu’à l’initiative de la partie la plus diligente, en présence de l’huissier instrumentaire, les parties seront appelées devant le juge ayant émis la présente ordonnance pour débattre contradictoirement de l’attribution des pièces saisies et qui pourront être utilisées dans une éventuelle procédure au fond ; au terme de ce débat le juge rendra une ordonnance demandant de remettre ou non tout ou partie des pièces saisies aux sociétés requérantes » ; que le caractère non contradictoire de la mesure d’instruction a dès lors été rigoureusement circonscrit à la collecte des éléments de preuve proprement dits, le principe du contradictoire retrouvant son plein effet s’agissant de la communication ou non aux sociétés requérantes des dits éléments examinés au cas par cas ; que l’ordonnance instaure dès lors un juste équilibre entre les intérêts des parties qui sont également préservés ; que, sur l’étendue et la précision de la mesure confiée à l’huissier, l’ordonnance a, de manière adaptée, circonscrit dans le temps la mission de l’huissier s’agissant de la date des documents à rechercher, à savoir ceux émis depuis la période contemporaine de la signature du protocole jusqu’à celle où son inexécution a été caractérisée ; qu’elle l’a également circonscrite s’agissant de la nature des informations à rechercher en ce que seuls les échanges survenus entre les cocontractants de la société Caddac audit protocole devaient être recherchés et ce, à la condition qu’ils contiennent des mots clés pertinents, expressément précisés permettant de les relier audit protocole ; que le grief n’est dès lors pas fondé, étant en outre fait remarquer que l’ordonnance a prévu d’autres limites afin d’éviter que la mesure ne dure trop longtemps et/ou ne gêne l’activité de la société appelante et que les modalités de communication des dites informations constituent un autre filtre garantissant que les requérantes ne pourront avoir connaissance que des seuls documents pertinents pour la solution du litige ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE, sur le respect des conditions de mise en oeuvre de l’article 145 du code de procédure civile et sur le motif légitime de la requête, pour nous demander de rétracter notre ordonnance, la société Sablières de l’Atlantique estime que les sociétés Caddac et Cetra n’ont pas évoqué de circonstances propres au cas d’espèce ; qu’en effet l’article 145 du code de procédure civile ne peut être mis en oeuvre que si le juge estime qu’existent des circonstances particulières qui pourraient mettre en péril l’administration de la preuve par une partie, ces circonstances doivent être de nature à constituer un motif légitime ; qu’en l’espèce les sociétés défenderesses Caddac et Cetra dans leur requête de juin 2015 avaient bien pris soin d’indiquer au juge qu’elles agissaient dans le cadre d’un supposé concert frauduleux tendant à les évincer du bénéfice attendu du protocole d’accord du 10 décembre 2010 et qu’en particulier elles craignaient que des messages e-mail ne soient définitivement effacés de la correspondance entre les parties au protocole ; qu’en conséquence au regard de l’argumentation de la société Sablières de l’Atlantique, nous estimerons qu’il n’est pas nécessaire de rapporter les ordonnances des 11 et 25 juin 2015 ; que, sur la définition de la mission confiée à l’huissier, faisant remarquer que les mesures autorisées doivent être strictement nécessaires à l’établissement précis des faits dont la preuve est recherchée, la société Sablières de l’Atlantique prétend que l’ordonnance ne confie pas à l’huissier une mission de constat, mais une mission générale d’investigation sans limite et à caractère exploratoire ; que les termes mêmes de la mission figurant dans l’ordonnance sont suffisamment précis et leur formulation suffisamment classique pour ne pas conférer à l’huissier un pouvoir exorbitant ; qu’au surplus l’ordonnance prévoit un dispositif de communication des éléments constatés qui assure un débat contradictoire devant le tribunal avant toute communication définitive de pièce ; que le moyen tiré du manque de précision de la mission de constat sera donc écarté ;

1°) ALORS QUE le juge saisi par requête sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile doit vérifier la réalité du motif légitime invoqué par le demandeur à la mesure d’instruction non contradictoire ; qu’en se bornant à énoncer que « les allégations selon lesquelles l’inexécution de la convention pourrait s’expliquer par la collusion frauduleuse entre deux des trois parties contractantes, dont la société Sablières de l’Atlantique, sont plausibles », sans rechercher, comme elle y était invitée, si le non-respect du calendrier prévu au protocole n’était pas imputable à la société Caddac elle-même, qui n’avait pas donné suite aux demandes formulées par la société Sablières de l’Atlantique dans deux courriers des 4 avril et 16 juin 2014, sollicitant, conformément aux prévisions dudit protocole, les documents nécessaires à la poursuite du partenariat, la cour d’appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 145 et 493 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QU’une mesure d’instruction ne peut être ordonnée sur requête que si des circonstances particulières justifient une dérogation au principe du contradictoire ; que ne caractérisent pas de telles circonstances le fait que les éléments de preuve recherchés se trouvent principalement dans les ordinateurs des sociétés concernées, s’agissant l’essentiel d’emails qui sont par nature extrêmement volatiles ni l’affirmation que la simple connaissance par les sociétés concernées d’une recherche des dites preuves conduirait immanquablement ces dernières à les détruire, ce qui serait facile, rapide et difficilement décelable ; qu’en décidant le contraire, la cour d’appel a violé les articles 145 et 493 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE les mesures d’instruction in futurum ne peuvent être ordonnées sur requête que lorsque les circonstances exigent qu’elles ne le soient pas contradictoirement ; qu’il en est ainsi même lorsque l’ordonnance prescrivant la mesure d’instruction prévoit que l’attribution des pièces saisies fera ultérieurement l’objet d’un débat contradictoire ; qu’en retenant, pour juger que les mesures litigieuses avaient pu être ordonnées non contradictoirement, que « les intérêts des sociétés supportant la mesure demeurent parfaitement préservés puisqu’il a été prévu un mécanisme très protecteur de leurs intérêts, en ce que les informations et pièces collectées par l’huissier ne pourront être communiquées qu’après un débat contradictoire organisé sous l’égide du juge », la cour d’appel a violé les articles 145 et 493 du code de procédure civile ;

4°) ALORS QUE le juge saisi sur requête, sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, ne peut ordonner que des mesures légalement admissibles ; que tel n’est pas le cas de l’ordonnance qui confie à l’huissier une mission générale d’investigation et un pouvoir d’enquête lui permettant de mener une véritable perquisition civile ; qu’en l’espèce, selon la description même de la mission donnée, il apparaît que l’huissier instrumentaire a reçu mission de rechercher et de prendre copie, en se faisant accompagner par un serrurier et un agent de la force publique, aux sièges sociaux ou « en tout autre lieu nécessaire à l’exécution de la mesure d’instruction », de « tous les documents fichiers, correspondances non datés ou crées/émis entre le 1er décembre 2010 et le 31 octobre 2013 » contenant certains mots clefs, dont le terme « protocole » ou « AOT » et d’en prendre copie, en procédant « si nécessaire (
) à l’extraction des disques durs des unités centrales des ordinateurs concernés, à leur examen à l’aide des outils d’investigation de son choix », à « à emporter les documents en son étude aux fins de copie », voire « à effectuer, sur tout support de son choix des copies complètes des fichiers en rapport avec la mission confiée » ; qu’en refusant néanmoins de rétracter l’ordonnance, la cour d’appel a violé les articles 145 et 493 du code de procédure civile.

 


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