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Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 1
ARRÊT DU 27 OCTOBRE 2010
(n° , 05 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 09/00412
Décision déférée à la Cour : jugement du 25 novembre 2008 – Tribunal de grande instance de PARIS – RG n°06/10081
APPELANTES
La société MANUFACTURE FRANÇAISE DES CHAUSSURES ERAM, S.A.R.L. agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social [Adresse 6]
[Localité 3]
La société EXTEN.S, S.A.R.L.
agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social [Adresse 2]
[Localité 4]
représentées par Me Dominique OLIVIER, avoué à la Cour
assistées de Me Arnaud CASALONGA, avocat au barreau de Paris, toque K 177
INTIMÉE
La société CALZADOS HERGAR, S.A.
Société de droit espagnol
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social [Adresse 5]
[Localité 1] (ESPAGNE)
dont le domicile est élu en la SCP ROBLIN – CHAIX DE LAVARENE, avoué à la Cour
assistée de Me Emmanuel GOUGE, avocat au barreau de Paris, toque : J27
plaidant pour le Cabinet EGAVOCATS
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 8 septembre 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Didier PIMOULLE, Président
Madame Brigitte CHOKRON, Conseillère
Madame Anne-Marie GABER, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mlle Carole TREJAUT
ARRÊT :- contradictoire
– rendu par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
– signé par Monsieur Didier PIMOULLE, président et par Mademoiselle Aurélie GESLIN, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
***
Vu le jugement contradictoire du 25 novembre 2008 rendu par le tribunal de grande instance de Paris,
Vu l’appel interjeté le 8 janvier 2009 par les sociétés Manufacture Française des Chaussures Eram, dite ERAM, et EXTEN’S,
Vu les dernières conclusions du 28 juin 2010 des sociétés appelantes,
Vu les dernières conclusions du 17 juin 2010 de la société CALZADOS HERGAR, intimée,
Vu l’ordonnance de clôture du 29 juin 2010,
SUR CE, LA COUR,
Considérant que la société EXTEN’S est titulaire du brevet européen EP 1 383 402 B1 déposé le 22 avril 2002 et délivré le 25 mai 2005, intitulé : ‘semelle à structure extensible, article chaussant muni d’une semelle et son procédé de montage’ ;
Que ce brevet désignant la France est issu d’une demande de brevet PCT déposée sous priorité d’une demande de brevet français du 27 avril 2001 dont la société EXTEN’S a acquis la propriété le 17 avril 2002 ;
Que la société ERAM, qui bénéficie d’une licence exclusive d’exploitation de ce brevet selon acte du 18 octobre 2002, a fait dresser un procès verbal de constat internet avec la société EXTEN’S le 3 février 2006 pour établir que la société de droit espagnol CALZADOS HERGAR, ci-après dite CALZADOS, commercialise en France des modèles de chaussures pour hommes et femmes reproduisant les caractéristiques du brevet européen sous les appellations ‘Callaghan/Adaptaction’ ;
Considérant que les sociétés EXTEN’S et ERAM, dûment autorisées par ordonnance sur requête du 13 juin 2006, ont fait procéder le 16 juin 2006 à une saisie contrefaçon dans un magasin de chaussures et dans les locaux de la société exploitante, puis fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris, le 28 juin 2006, la société CALZADOS en contrefaçon des revendications l, 2, 3 et 4 de la partie française du brevet européen et en concurrence déloyale ;
Considérant que, suivant jugement dont appel, les premiers juges ont essentiellement :
-prononcé le nullité des revendications en cause pour extension de la demande au delà du contenu initial du brevet PCT dont il est issu ;
-débouté les sociétés EXTEN’S et ERAM de leurs demandes de concurrence déloyale ;
Sur la nullité
Considérant que le tribunal a justement rappelé que la nullité du brevet européen est prononcée en ce qui concerne la France pour l’un quelconque des motifs visés à l’article 138 paragraphe 1 de la convention de Munich ;
Que la revendication 1 litigieuse est ainsi rédigée :
caractérisée en ce que ledit fond (1) comporte un insert (2), extensible transversalement et qui est pourvu d’une ou plusieurs saillies (3) sur sa surface inférieure, ledit insert (2) est réalisé par moulage d’un matériau à mémoire de forme et est collé ou soudé par injection sur ledit fond (1), la partie d’avant-pied dudit fond (1) est pourvue d’une ou plusieurs ouvertures (4), dans lesquelles la ou les saillies (3) s’encastrent de façon étanche>>,
les revendications dépendantes, 2 d’une part , 3 et 4 d’autre part , apportent respectivement des indications sur la semelle extensible (selon la revendication 1) quant à l’abrasion et sur l’article chaussant (équipé d’une semelle selon la revendciation1) ;
Considérant que les premiers juges, ayant relevé que la possibilité ‘d’une seule saillie et d’une seule ouverture correspondante’ n’est évoquée qu’à titre d’exemple dans la description et n’est pas décrite comme un mode de réalisation dans une revendication dépendante ou dans des schémas annexés dans la demande de PCT, ont estimé qu’en rajoutant dans la revendication 1 précitée les termes ‘une ou plusieurs saillies’ et ‘une ou plusieurs ouvertures’ la société EXTEN’S a étendu l’objet du brevet européen au-delà du contenu de la demande telle que déposée ;
Considérant que les sociétés appelantes contestent cette analyse comme ne tenant pas compte de l’enseignement résultant d’une lecture attentive de la description de la demande internationale qui indiquerait une ou plusieurs saillies s’insérant dans des ouvertures respectives et, d’autre part, que la semelle comporte une ou plusieurs zones extensibles formées chacune d’une saillie encastrée dans une ouverture>> et permettrait de constater qu’un mode de réalisation à une seule ouverture et une seule saillie était prévu ;
Considérant qu’il n’est pas sans intérêt de relever que seule la description de la première de montage, dont les appelantes précisent qu’elle ne doit pas être confondue avec celle de la semelle extensible, mentionne la possibilité d’une seule ouverture, la description de la semelle, les revendications et les dessins ne faisant état que d’ouvertures au pluriel ; que la possibilité d’une saillie unique n’apparaît par ailleurs ni dans les revendications ni dans les dessins ;
Considérant que certes, la description de la semelle indique que l’insert est pourvu ‘d’une ou plusieurs saillies’ destinées à s’encastrer dans le fond de la semelle, lequel comporte des ouvertures destinées à recevoir lesdites saillies, et les premiers juges ont pu retenir que les ouvertures et les saillies doivent se correspondre ;
Considérant qu’à supposer qu’il puisse être admis en de telles conditions que la possibilité d’une seule ouverture et d’une seule saillie est implicitement contenue dans la demande de PCT et qu’une extension de l’objet du brevet européen (constituant l’un des motifs de nullité visé par l’article 138. 1 de la convention de Munich) ne puisse en conséquence être retenue, il n’en demeure pas moins que pour être valable (selon l’article précité) ce brevet doit exposer l’invention de façon suffisamment claire et complète pour qu’un homme du métier puisse l’exécuter ;
Considérant à cet égard que la description ne donne aucune précision concernant les caractéristiques d’une réalisation avec une seule ouverture et une seule saillie, seule la forme des ouvertures de la première de montage étant citée, et tant les dessins explicatifs que la publicité des chaussures des appelantes (Hebdo Cuir du 30 septembre 2002) ne montrent, comme rappelé en première instance, que > ;
Considérant que s’il peut néanmoins être admis que l’homme du métier peut envisager la forme d’une ouverture unique au vu des figures du brevet, il importe qu’il soit en mesure de réaliser l’insert qui en constitue une des caractéristiques essentielles, l’invention comprenant, pour chausser avec aisance différentes largeurs de pieds, une partie avant pied extensible transversalement obtenue par moulage ou collage sur un fond de semelle d’un insert > ;
Considérant sur ce point que l’intimée fait valoir que la mention d’un matériau à mémoire de forme ne permet pas le choix d’un matériau adéquat et que les appelantes ne sauraient valablement lui opposer une prétendue absence de description de ce matériau dans son propre brevet (dont la validité n’est pas en cause et dont il n’est pas produit de traduction), alors que l’intéressée dénie formellement l’emploi d’une telle expression ;
Considérant que les appelantes prétendent que les documents produits démontreraient que depuis plus de 20 ans ce terme de ‘matériau à mémoire de forme’ fait partie des connaissances générales de l’homme du métier ; que l’intimée relève toutefois à juste titre que partie des pièces produites (47 et 48) sont postérieures à la date du dépôt du brevet litigieux, que les articles concernant le polymère ont été depuis modifiés (pièce 49) ou n’ont pas date certaine (article non daté, faisant état de parutions antérieures en langue étrangère mais dont la date d’accessibilité au public français n’est pas précisée), et indique, sans être contredite sur ce point, que le grand Larousse Universel ne définit qu’en métallurgie (domaine distinct de l’invention) un alliage à mémoire de forme ;
Considérant qu’en fait seules s’avèrent avoir date certaine à la date de priorité du brevet litigieux :
-les textes de 5 demandes de brevets non cités dans la description du brevet litigieux ( pièces 58 à 62), étant observé que 4 d’entre elles (pièces 59 à 62) ne sont produites qu’en langue étrangère et ne peuvent donc être utilement appréciées par la cour (la langue du procès étant le français),
-un abrégé traduit de brevet de 1992 (pièce 46) ;
Que si des fascicules de brevet peuvent à titre exceptionnel être considérés comme faisant partie des connaissances générales, l’homme du métier n’a pas nécessairement acquis toute la technologie, en l’espèce le seul texte de demande de brevet traduit (pièce 58) concerne une tête de distribution de produit de consistance liquide à visqueuse (cosmétique, dermatologique ou alimentaire) dont il ne peut être admis qu’il soit consulté par l’homme du métier pertinent, savoir le fabricant de chaussure ou de semelle de chaussure, pour retrouver des connaissances générales sur l’état de la technique le concernant ;
Que certes l’abrégé précité de 1992 concerne une empeigne de chaussure, faisant état d’une semelle moulée > et permet de comprendre la capacité d’une matière à mémoire ; que toutefois ce document isolé ne saurait relever d’une connaissance générale de l’état de la technique de l’homme du métier ;
Considérant que le professionnel qui lit le brevet litigieux sait que le matériau nécessaire à la réalisation de l’insert (qui constitue le moyen technique d’apporter une solution au problème posé) doit à la fois avoir un ‘potentiel d’élasticité’ et ‘une mémoire de forme’, tandis que le fond de semelle est fabriqué >, sans que soit autrement précisé la nature du matériau de l’insert, même s’il peut comprendre que celui-ci doit se souvenir de la morphologie du pied même après déformation, alors qu’il est incité à croire qu’il ne peut s’agir de matériaux dont l’emploi lui est connu, ceux-ci n’étant visés que pour la fabrication du fond de semelle ;
Considérant qu’en définitive le brevet litigieux n’apparaît pas exposer l’invention de façon suffisamment claire et précise pour permettre à l’homme du métier de l’exécuter sans activité inventive, avec ses connaissances professionnelles normales théoriques et pratiques ; que la nullité du brevet étant également encourue pour insuffisance de description, la nullité des revendications 1, 2, 3 et 4 de la partie française du brevet prononcée en première instance sera confirmée ;
Sur la concurrence déloyale
Considérant que les appelantes soutiennent que le slogan publicitaire utilisé par l’intimée en France pour promouvoir son produit est constitutif d’une faute engageant sa responsabilité dès lors qu’elle le présente comme >, que leurs chaussures antérieurement présentes sur le marché étaient déjà adaptables au pied, et qu’un tel agissement s’analyse contrairement à ce qu’ont retenu les premiers juges en une publicité trompeuse de nature à induire en erreur le consommateur ;
Considérant que si les appelantes justifient que ‘S.tens’ a été lauréat du trophée ‘Escarpin de Cristal 2002’ au titre le la ‘Meilleure innovation technologique’ pour avoir inventé ‘la chaussure à semelle extensible en largeur’ il convient de relever qu’il n’est pas pour autant démontré une autre commercialisation du produit breveté, ni l’existence d’un préjudice résultant de la campagne publicitaire de l’intimée, et que le slogan litigieux ne se réfère pas à la première chaussure à semelle extensible en largeur mais à la première chaussure qui s’adapte au pied ;
Considérant que si les appelantes ne reprochent pas à l’intimée de se prévaloir de la capacité de leur produit à s’adapter au pied mais de présenter celui-ci comme étant le premier à présenter cette qualité, la lecture de l’argumentaire figurant notamment sur le site internet de l’intimée explique que la chaussure qu’elle commercialise s’adapte au pied quelque soit sa forme et la façon de marcher en particulier au ‘moment de la plus grande pression d’appui sur le pied’ et l’étude comparative qu’elle produit établit de façon suffisamment probante que la rigidité du système des appelantes est bien supérieure à celui qu’elle commercialise ;
Considérant dès lors qu’il n’est pas réellement établi que l’emploi du terme ‘première’ qui renvoie à une performance supérieure est erroné ou trompeur, ni partant que le slogan litigieux contient une indication ou présentation fausse ou de nature à induire en erreur ;
Considérant que la décision entreprise sera donc confirmée en ce qu’elle a rejeté les demandes au titre de la concurrence déloyale ;
PAR CES MOTIFS,
Confirme la décision entreprise ;
Rejette toutes autres demandes des parties contraires à la motivation ;
Dit n’y avoir lieu à nouvelle application de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Condamne in solidum les sociétés MANUFACTURE FRANÇAISE DES CHAUSSURES ERAM et EXTEN’S aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés par la SCP ROBLIN CHAIX DE LAVARENE, avoué, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,