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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 8
ARRÊT DU 9 MAI 2023
(n° / 2023, 11 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/19317 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGWLQ
Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Novembre 2022 -Tribunal Judiciaire de PARIS – RG n° 22/11273
APPELANTE
S.C.I. CHATEAU DU FRANCPORT, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 431 309 160,
Dont le siège social est situé [Adresse 1]
[Localité 8]
Représentée par Me Arnaud GUYONNET de la SCP SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044,
Assistée de Me Sorin MARGULIS de l’ASSOCIATION MARGULIS ASSOCIES, avocate au barreau de PARIS, toque : E1850, substituée par Me Chloé BONNET, avocate au barreau de PARIS, toque : E1850,
INTIMÉS
Maître [E] [L], en qualité de liquidateur judiciaire de la SCI LE CHATEAU DU FRANCPORT, désigné à cette fonction par jugement du Tribunal Judiciaire de Paris du 10 novembre 2022,
Dont l’étude est située [Adresse 7]
[Localité 10]
Représenté et assisté de Me Arthur FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : R280,
L’ÉTABLISSEMENT PUBLIC DU SERVICE DES IMPÔTS DES PARTICULIERS DE [Localité 11], représentant l’État,
Dont les bureaux sont situés [Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représenté et assisté de Me Alain STIBBE de l’AARPI GRYNWAJC – STIBBE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0211,
PARQUET GÉNÉRAL PRÈS LA COUR D’APPEL DE PARIS
[Adresse 5]
[Localité 9]
PARTIE INTERVENANTE VOLONTAIRE:
LE COMPTABLE RESPONSABLE DU PÔLE DE RECOUVREMENT SPÉCIALISÉ DE L’OISE, représentant l’État,
Dont les bureaux sont situés [Adresse 4]
[Localité 6]
Représenté et assisté de Me Alain STIBBE de l’AARPI GRYNWAJC – STIBBE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0211,
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 Mars 2023, en audience publique, devant la Cour, composée de :
Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre,
Madame Florence DUBOIS-STEVANT, conseillère,
Madame Constance LACHEZE, conseillère,
qui en ont délibéré.
Un rapport a été présenté à l’audience par Madame [I] [O] dans le respect des conditions prévues à l’article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL
ARRÊT :
– Contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, Présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.
*
* *
FAITS CONSTANTS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS
La société civile immobilière SCI [Adresse 12] a pour objet la location de terrains et autres biens immobiliers et possède à ce titre un immeuble situé [Adresse 2].
Titulaire d’une créance d’un montant de 211 560 euros au titre des taxes foncières des années 2012 et 2022, le Service des impôts des particuliers de [Localité 11] a saisi le tribunal judiciaire de Paris aux fins d’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire ou, subsidiairement, de redressement judiciaire.
Sur avis favorable du ministère public et par jugement du 10 novembre 2022, le tribunal judiciaire de Paris a :
– Constaté que la société [Adresse 12] est en état de cessation des paiements ;
– Constaté que la société [Adresse 12] est dans l’impossibilité manifeste de redresser sa situation ;
– Prononcé l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire ;
– Fixé la date de cessation des paiements au 10 mai 2021 ;
– Désigné M. [U] [V] en qualité de juge commissaire et Mme [Z], juge commissaire suppléant ;
– Désigné Maître [E] [L] en qualité de liquidateur judiciaire ;
– Fixé le délai au terme duquel la clôture de la procédure devra être examinée à 2 ans ;
– Fixé à 12 mois à compter de la publication du jugement au BODACC le délai pour établir la liste des créances ;
– Désigné M. [G] en qualité de commissaire-priseur ;
– Ordonné l’emploi des dépens en frais privilégiés de la liquidation judiciaire ;
– Rappelé que le jugement est exécutoire de plein droit.
Par acte du 22 novembre 2022, la société SCI [Adresse 12] a relevé appel de ce jugement.
L’affaire a été fixée en circuit court le 29 novembre 2022 et l’arrêt de l’exécution provisoire a été ordonné le 19 janvier 2023.
Par dernières conclusions (n°8) remises au greffe et notifiées par voie électronique
le 27 février 2023, la société SCI [Adresse 12] (” la SCI “) demande à la cour de :
– in limine litis, annuler le jugement querellé, l’acte introductif d’instance étant nul et de nul effet ;
-prononcer l’irrecevabilité de toutes conclusions et pièces du Service des impôts des particuliers de [Localité 11] (” le SIP “) régularisées hors du délai d’un mois imparti par l’article 905-2 du CPC ;
-déclarer irrecevable l’intervention volontaire du comptable responsable du pôle de recouvrement spécialisé de l’Oise (” le PRS “) et toutes demandes qu’elle comporte ;
– déclarer irrecevables les nouvelles demandes de Me [L] ès qualités non contenues dans ses premières conclusions à hauteur de cour du 3 février 2023 ;
– en tout état de cause, débouter le PRS de l’ensemble de ses demandes ;
– infirmer le jugement querellé en toutes ses dispositions ;
– statuant à nouveau, constater qu’elle n’est pas en état de cessation des paiements ;
– en conséquence, débouter le SIP de sa demande d’ouverture d’une procédure collective à son encontre et de l’ensemble de ses demandes ;
– subsidiairement, si la Cour devait considérer que la SCI se trouve en état de cessation des paiements, ordonner l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire ;
– condamner le SIP de [Localité 11] et le PRS de l’Oise à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
Par ses dernières conclusions (n°4) remises au greffe et notifiées par voie électronique le 24 février 2023, Me [L] ès qualités demande à la cour de :
– statuer ce que de droit sur les exceptions de procédure soulevées par la SCI ;
– juger le concluant recevable et bien fondé en ses demandes ;
– confirmer en toutes ses dispositions le jugement de liquidation judiciaire ;
– rejeter toutes demandes plus amples ou contraires ;
– juger que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure.
Par dernières conclusions (n°2) remises au greffe et notifiées par voie électronique
le 3 février 2023, le comptable du service des impôts des particuliers de [Localité 11]
(” le SIP”), représentant l’État, demandent à la Cour de :
– déclarer recevable et fondée l’intervention volontaire du PRS représentant l’Etat ;
– déclarer recevables les conclusions du comptable du service des impôts des particuliers de [Localité 11], représentant l’État ;
– statuer ce que de droit sur la recevabilité de l’appel interjeté par la SCI ;
– confirmer le jugement rendu le 10 novembre 2022 en toutes ses dispositions ;
– subsidiairement, donner acte aux concluants de ce qu’ils s’en rapportent sur l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire ;
– dire que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure ;
– très subsidiairement, condamner l’appelante à verser au PRS la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’en tous dépens de première instance et d’appel.
Par dernières conclusions (n°2) remises au greffe et notifiées par voie électronique
le 26 février 2023, le comptable, responsable du pôle recouvrement spécialisé de l’Oise
(” le PRS “), représentant l’Etat, intervenant volontaire demande à la cour de :
– déclarer irrecevables toutes les demandes formées par la SCI postérieurement à ses conclusions signifiées le 6 février 2023, et notamment celles formées par conclusions du 22 février 2023, autres que les irrecevabilités ;
– déclarer irrecevable la demande de ” renvoi à la mise en état ” formée par conclusions du 6 février 2023, faute de mise en état ;
– le déclarer recevable et fondé en son intervention volontaire ;
– statuer ce que de droit sur la recevabilité de l’appel interjeté par la SCI ;
– confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
– subsidiairement, lui donner acte de ce qu’il s’en rapporte sur l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire ;
– dire que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure ;
– très subsidiairement, condamner la SCI à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’en tous dépens de première instance et d’appel.
Par avis remis au greffe et notifié par voie électronique le 20 décembre 2022, le ministère public demande à la cour de :
– rejeter le moyen tiré du défaut de signification à la SCI et de la nullité subséquente de l’acte introductif d’instance ;
– infirmer le jugement d’ouverture d’une liquidation judiciaire ;
– de placer la SCI en redressement judiciaire.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 6 mars 2023.
SUR CE,
Bien que les représentants de l’Etat demandent à la cour de ” statuer ce que de droit sur la recevabilité de l’appel interjeté par la SCI “, il apparaît que ce point n’est pas discuté et que par suite, la cour n’est pas saisie d’une contestation sur ce point.
– Sur la procédure d’appel :
– Sur la recevabilité de l’intervention volontaire du PRS de l’Oise :
La SCI soutient que l’intervention du PRS de l’Oise est irrecevable en ce qu’il n’intervient pas en cause d’appel à titre accessoire, ce qui est admis, mais vient faire état d’une créance nouvelle qui n’a jamais été débattue devant le premier juge et soumettre à la Cour un litige nouveau.
Le PRS soutient que son intervention volontaire est recevable en ce qu’elle tend exactement aux mêmes fins que l’instance en cours, à savoir le prononcé du redressement judiciaire ou de la liquidation judiciaire de la SCI et que l’intervention volontaire de créanciers déclarants ne constitue pas une demande nouvelle mais une évolution normale du litige.
Sur ce,
Il résulte de l’article 330 du code de procédure civile que l’intervention volontaire, qui est accessoire lorsqu’elle appuie les prétentions d’une partie, est recevable si son auteur a intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir cette partie.
En l’espèce, le PRS soutient à juste titre que son intervention tend aux mêmes fins que l’instance en cours, de sorte qu’il ne s’agit pas d’un litige nouveau et que son intervention volontaire, qui est accessoire en ce qu’elle vient en appui des prétentions du SIP, sera déclarée recevable.
– Sur la recevabilité des demandes de la SCI [Adresse 12] ultérieures à ses conclusions du 6 février 2023 :
En premier lieu, la SCI n’ayant pas maintenu dans ses dernières écritures sa demande de ” renvoi à la mise en état “, elle est réputée l’avoir abandonnée en application de l’article 954 du code de procédure civile, de sorte qu’il n’y a pas lieu de statuer sur ce chef de demande.
Par ailleurs, en second lieu, le PRS soutient que la SCI n’ayant pas repris dans ses écritures du 6 février 2023 les demandes de nullité et d’infirmation du jugement, et ces mêmes écritures étant des conclusions de fond dans le cadre de la procédure à bref délai, elle est réputée les avoir abandonnées en vertu de l’article 954 du code de procédure civile et les demandes postérieures au 6 février 2023 doivent être déclarées irrecevables.
La SCI soutient que la Cour ne peut que rejeter cette demande étant en effet recevable à régulariser des conclusions jusqu’à la clôture de l’instruction, ce qu’elle a fait
le 22 février 2023, et précise que ses conclusions du 6 février 2023 étaient des conclusions de procédure et non des conclusions récapitulatives.
Sur ce,
L’article 954, alinéa 4, du code de procédure civile dispose : ” Les parties doivent reprendre, dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées. ”
Il s’en déduit que les parties ne sont réputées avoir abandonné les prétentions et moyens présentés ou invoqués dans des conclusions antérieures que si ces derniers n’ont pas été repris dans leurs dernières écritures.
Le défaut de reprise par une partie dans ses dernières conclusions de demandes formées dans des écritures antérieures n’est pas sanctionné par une fin de non-recevoir, l’article 954 du code de procédure civile imposant seulement à la cour de ne pas statuer sur ces demandes réputées abandonnées.
En l’espèce, les demandes de nullité et d’infirmation du jugement formées par la SCI ont été maintenues dans ses dernières écritures de sorte qu’il y a lieu de statuer sur ces demandes.
Le moyen sera écarté.
– Sur la recevabilité des conclusions et pièces du SIP de [Localité 11] :
La SCI argue de ce que les écritures du SIP ont été régularisées le 11 janvier 2023 soit au-delà du délai d’un mois imparti par l’article 905-2 du code de procédure civile, étant précisé que les conclusions de l’appelante ont été signifiées au SIP le 5 décembre 2022. Elle en déduit que ces écritures sont irrecevables, à l’instar des pièces produites à l’appui.
En réponse, Me [L] indique s’en rapporter à la sagesse de la cour sur ce point et le SIP et le parquet général ne concluent pas sur ce point.
Sur ce,
Il résulte des articles 905-1, 905-2 et 910-1 du code de procédure civile que lorsque l’affaire est fixée à bref délai par le président de la chambre, l’appelant signifie la déclaration d’appel dans les dix jours de la réception de l’avis de fixation qui lui est adressé par le greffe à peine de caducité de la déclaration d’appel relevée d’office par le président de la chambre ou le magistrat désigné par le premier président ; que l’intimé dispose alors d’un délai de quinze jours à compter de la signification pour constituer avocat et d’un délai d’un mois à compter de la notification, et non de la signification, des conclusions de l’appelant pour remettre ses conclusions au greffe, à peine d’irrecevabilité de ses écritures ; que ces conclusions d’appelant et d’intimé sont définies comme étant celles, adressées à la cour, qui sont remises au greffe et notifiées dans le délai d’un mois et qui déterminent l’objet du litige.
En l’espèce, la déclaration d’appel a été remise au greffe le 22 novembre 2022 et l’affaire fixée en circuit court le 29 novembre 2022.
La SCI a signifié la déclaration d’appel et ses premières écritures le 5 décembre 2022 au SIP de Compiègne et le conseil de ce dernier s’est constitué le 14 décembre 2022, soit dans le délai de 15 jours imparti.
La signification concomitante des premières écritures le 5 décembre 2022 ne saurait constituer le point de départ du délai d’un mois dont bénéficie l’intimé qui a constitué avocat pour déposer ses premières écritures à peine d’irrecevabilité, ce délai d’un mois courant à compter de la remise au greffe et de la notification des premières conclusions d’appelant faites à l’avocat constitué, soit en l’occurrence à compter du 15 décembre 2022, date à laquelle la SCI a remis au greffe et notifié ses conclusions à l’avocat du SIP par RPVA.
Les conclusions et pièces du SIP de [Localité 11] remises au greffe et notifiées par voie électronique le 11 janvier 2023, soit dans le délai d’un mois prescrit par l’article 905-2 du code de procédure civile, sont recevables.
Le moyen est donc rejeté et les conclusions et pièces litigieuses seront déclarées recevables.
– Sur la recevabilité des nouvelles demandes de Me [L] ès qualités :
La SCI soutient que les demandes figurant dans les conclusions et pièces de Me [L] signifiées postérieurement au 3 février 2023 sont nouvelles et donc irrecevables, ce dernier ayant complété ses prétentions originelles en faisant état d’une créance nouvelle qui n’a jamais été débattue devant le premier juge et en se fondant sur des actes de procédure et des pièces irrecevables (les conclusions du SIP de [Localité 11] et l’intervention volontaire du PRS de l’Oise).
Me [L] ès qualités soutient que ses demandes sont recevables ayant, en premier lieu, demandé à la Cour, dans ses conclusions des 6 et 25 janvier 2023 de ” statuer ce que de droit ” sur le mérite de l’appel interjeté par la SCI puis par la suite, été rendu destinataire de créances rectificatives justifiant qu’il sollicite la confirmation du jugement d’ouverture.
Sur ce,
L’article 910-4 du code de procédure civile dispose : ” A peine d’irrecevabilité, relevée d’office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond. L’irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.
Néanmoins, et sans préjudice de l’alinéa 2 de l’article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait. ”
En l’espèce, la demande de confirmation du jugement formée pour la première fois dans les écritures n°3 notifiées le 3 février 2023 par Me [L] ès qualités tend précisément à faire juger les questions nées, postérieurement à ses premières et deuxièmes conclusions, de l’intervention du PRS de l’Oise et de la révélation de faits nouveaux constitués par des déclarations de créances rectificatives de la part de ce dernier datant
des 16 et 19 janvier 2023. Au surplus, ces éléments sont nécessaires à la solution du litige en ce qu’ils permettent d’analyser l’état de cessation des paiements et demeurent dans les limites des chefs du jugement critiqués.
Le moyen sera donc rejeté et les demandes de Me [L] ès qualités déclarées recevables.
– Sur la nullité de l’acte introductif d’instance :
La SCI soulève in limine litis la nullité de l’acte introductif d’instance, dans la mesure où le SIP ne justifie pas de la remise d’un avis de passage, ni de tentatives de contact de l’huissier de justice instrumentaire avec son gérant, alors que le jugement a bien été signifié à ce dernier au Royaume-Uni. Il en est résulté selon elle un grief consistant en un défaut de comparution en première instance, le jugement critiqué étant réputé contradictoire.
Le SIP expose que l’assignation a été délivrée à personne morale au siège social de la SCI qui est le lieu de son établissement conformément à l’article 690 du code de procédure civile, ce qu’a confirmé la société de domiciliation qui a par ailleurs refusé de recevoir le pli. Il ajoute que le procès-verbal de signification a donc été dressé selon les modalités de l’article 656 du code de procédure civile.
Me [L] ès qualités indique s’en rapporter à la sagesse de la cour sur ce point.
Le ministère public considère régulière l’assignation au regard des dispositions de l’article 656 du code de procédure civile.
Le PRS soutient que l’assignation a bien été délivrée au siège social de la SCI, établissement qui n’est pas contesté par l’appelante et que l’assignation ne doit pas être annulée.
Sur ce,
Il résulte de l’article 690 du code de procédure civile qu’une signification faite au siège social d’une personne morale est régulière et il n’appartient pas à l’huissier de signifier au domicile du gérant.
En l’espèce, l’acte introductif d’instance, une assignation du 12 septembre 2020, a été délivré par remise à l’étude du commissaire de justice après que ce dernier se soit présenté
au [Adresse 1], siège social de la SCI dont l’adresse a été confirmée par un employé de la société de domiciliation Sofradom, lequel a refusé de recevoir le pli rendant de ce fait impossible la signification à personne.
Ces diligences sont suffisantes, le procès-verbal de remise à l’étude indiquant également qu’un avis de passage a été laissé à l’adresse indiquée et que la lettre prévue à l’article 658 du code de procédure civile a été adressée à la SCI. Ces mentions du procès-verbal valant jusqu’à inscription de faux, il n’appartient pas au SIP de justifier de la remise d’un avis de passage, contrairement à ce que soutient la SCI, mais à cette dernière de prouver que cette diligence n’a pas été réalisée, ce dont elle ne justifie nullement.
La signification de l’acte introductif d’instance est donc régulière.
Dans ces conditions, l’appelante a été valablement attraite en la cause et le moyen tiré de la nullité de l’assignation et partant du jugement déféré ne saurait prospérer.
– Sur le fond
La SCI soutient qu’aucune cessation des paiements n’est établie, que l’intégralité de la dette fiscale visée au jugement a été réglée entre les mains du SIP de [Localité 11] et que les créances invoquées par le PRS de l’Oise ne peuvent être considérées comme des créances exigibles s’agissant non pas de dettes personnelles mais de sommes réclamées au titre d’engagements de caution hypothécaire qui sont nuls car contraires à l’intérêt social, qui ne sont pas exigibles car ” à échoir ” selon le PRS, qui n’ont pas été valablement actionnés par le PRS qui n’a ni intérêt ni qualité à en réclamer paiement.
En tout état de cause, la SCI affirme que son redressement n’est pas manifestement impossible au sens de l’article L.640-1 du code de commerce, en ce que la valeur du bien immobilier qu’elle détient est bien supérieure aux dettes invoquées par le PRS, que n’ayant pas d’exploitation commerciale, ses frais et charges sont très limités, que les comptes courants d’associés ne sont pas exigibles et qu’elle se trouve sur le point d’obtenir une indemnisation très significative de l’État français récemment condamné par la Cour européenne des droits de l’homme.
Le SIP de [Localité 11] soutient que les allégations de la SCI sur la valeur du bien immobilier, sur une éventuelle indemnisation attendue de la CEDH ou sur l’absence de charges sont sans incidence, ces actifs n’étant pas liquides, que l’état de cessation de paiement est caractérisé, la société ne disposant d’aucune liquidité, son capital social étant près de cinq fois inférieur à l’actif net, et ses dettes excédant 7 millions d’euros, et que subsistent des dettes fiscales, les sommes réclamées au titre des taxes foncières ayant été réglées mais quatre avis de mise en recouvrement ayant été émis pour un montant total de 543 431 euros au titre des engagements de caution de la SCI.
Le PRS de l’Oise ajoute qu’il n’agit pas en vertu des engagements de caution de la SCI, mais en vertu de titres exécutoires définitifs précités et que de ce fait sa créance est bien certaine, liquide et exigible.
Me [L] ès qualités confirme qu’au jour de ses conclusions du 24 février 2023 la somme de 750 759 euros avait été déclarée entre ses mains, que la SCI a disposé de la somme de 211 560 euros en compte CARPA ayant permis d’apurer les arriérés de taxe foncière invoqués par le trésor public au soutien de son assignation par versement de la somme de 207 328 euros au cours de la présente instance d’appel, ramenant les créances à la somme de 542 431 euros au titre des engagements de caution qu’elle a souscrits au bénéfice du trésor public. Il explique par ailleurs que le château dont la SCI est propriétaire est inscrit en compte pour une valeur de 6 170 889 euros (avant amortissement) mais que le bien fait l’objet d’inscriptions, que le montant de sa créance sur l’Etat français n’est pas encore déterminé, que la SCI ne dispose pas de compte bancaire, qu’elle a une trésorerie égale à zéro, qu’elle n’a aucune activité ni aucun salarié, que la société commerciale qui devait assurer l’exploitation du château a été placée en liquidation judiciaire et que les dettes sociales de la SCI ont pour l’heure été retracées dans le bilan arrêté au 31 octobre 2022.
Le ministère public considère que l’appelante est en état de cessation des paiements au jour de ses écritures (20 décembre 2022). Il estime cependant qu’eu égard à la somme déposée en compte CARPA, au fait qu’aucune insolvabilité n’a été mentionnée par l’expert-comptable, à la valeur du bien immobilier appartenant à la SCI qui serait supérieure à la dette invoquée par le SIP et à la circonstance que la SCI est sur le point d’obtenir une indemnisation significative de l’Etat français, la Cour pourrait considérer que le redressement n’est manifestement pas impossible.
Sur ce,
L’article L. 631-1 du code de commerce prévoit une procédure de redressement judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné aux articles L. 631-2 ou L. 631-3 qui, dans l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, est en cessation des paiements, alors que l’article L. 640-1 du même code réserve la procédure de liquidation judiciaire à tout débiteur mentionné à l’article L. 640-2 en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible.
En cas d’appel, la cour apprécie l’état de cessation des paiements au jour où elle statue.
En l’espèce, l’actif disponible est actuellement inexistant, puisque la somme déposée en compte CARPA a été utilisée pour régler les arriérés de taxe foncière, tandis que le montant du passif exigible au jour où la cour statue compte tenu des paiements intervenus depuis le jugement dont appel, s’élève à la somme de 543 431 euros se décomposant comme suit :
– 273 160 euros au titre de deux avis de mise en recouvrement du 30 janvier 2019 relatifs à la taxe sur la valeur vénale des immeubles possédés en France par les personnes morales dont la société Lex Holding Limited est débitrice et dont la SCI s’est portée caution hypothécaire par acte du 25 novembre 2013 ;
– 270 271 euros au titre de deux autres avis de mise en recouvrement du 30 janvier 2019 relatifs à la taxe sur la valeur vénale des immeubles possédés en France par les personnes morales dont la société Lex Admin Trust Compagny Limited est débitrice et dont la SCI est caution hypothécaire suivant acte du 25 novembre 2013.
Ces avis de mise en recouvrement ont été notifiés à la SCI au titre de sa garantie.
Les deux sociétés débitrices principales ont par ailleurs contesté être redevables de cet impôt devant le tribunal de grande instance de Compiègne qui les a déboutées par jugements du 7 juin 2016.
La SCI est donc dans l’impossibilité de faire face à ce passif exigible au moyen de son actif disponible, de sorte que l’état de cessation des paiements est caractérisé et justifie l’ouverture d’une procédure collective.
Si les premiers avis de mise en recouvrement remontent au 30 janvier 2019, il n’est pas soutenu ni prouvé, faute d’élément sur l’actif de la société à cette même date, que son actif disponible ne lui permettait pas de faire face à ce passif. La date de cessation des paiements sera donc fixée à la date du présent arrêt.
Une instance est en cours devant la CEDH qui a constaté une violation conventionnelle par l’Etat français et laissé à la SCI un délai pour chiffrer le montant de son préjudice expirant au 7 avril 2023.
La SCI possède en outre un bien immobilier, un château dont la valeur est discutée.
Dans ces conditions, le redressement de la SCI n’est pas manifestement impossible.
En conséquence, il y a lieu d’infirmer le jugement en ce qu’il a fixé la date de cessation des paiements au 10 mai 2021, constaté que la société [Adresse 12] est dans l’impossibilité manifeste de redresser sa situation et prononcé l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire et, statuant à nouveau, de prononcer l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la SCI [Adresse 12] et de fixer la date de cessation des paiements à la date du présent arrêt.
– Sur les frais irrépétibles et les dépens :
La SCI succombant en son appel, les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure. Partie perdante, elle ne peut prétendre à l’octroi d’une indemnité au titre des frais irrépétibles.
Compte tenu de sa situation économique, il n’y a pas lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement et contradictoirement,
Déclare recevable l’intervention volontaire du comptable responsable du pôle de recouvrement spécialisé de l’Oise, représentant de l’Etat ;
Déclare recevables les demandes de la SCI [Adresse 12] ;
Déclare recevables les conclusions et pièces du comptable du service des impôts des particuliers de [Localité 11] ;
Déclare recevables les demandes de Maître [L] ès qualités ;
Rejette l’exception de nullité de l’acte introductif d’instance et du jugement déféré soulevée par la SCI [Adresse 12] ;
Infirme le jugement en ce qu’il a fixé la date de cessation des paiements au 10 mai 2021, constaté que la SCI [Adresse 12] est dans l’impossibilité manifeste de redresser sa situation et prononcé l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Prononce l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la SCI [Adresse 12] ;
Fixe la date de cessation des paiements au 09 mai 2023 ;
Désigne M. [U] [V] en qualité de juge commissaire et Mme [Z], juge commissaire suppléant ;
Désigne Maître [E] [L] en qualité de mandataire judiciaire et la SELAS Cid & Associés, prise en la personne de Maître [W] [D], en qualité d’administrateur judiciaire, avec mission d’assistance ;
Fixe à 6 mois à compter de la publication de l’arrêt au BODACC le délai pour établir la liste des créances et la durée de la période d’observation ;
Fixe le délai au terme duquel la clôture de la procédure devra être examinée à 2 ans ;
Désigne M. [G] en qualité de commissaire-priseur à l’effet de procéder à l’inventaire des biens de la SCI ;
Y ajoutant,
Dit que les dépens d’appel seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire ;
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.
La greffière,
Liselotte FENOUIL
La présidente,
Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT