Nullité d’Assignation : 9 mai 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 22/03101

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Nullité d’Assignation : 9 mai 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 22/03101
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N° RG 22/03101 – N° Portalis DBVM-V-B7G-LPUD

N° Minute :

C1

Copie exécutoire délivrée

le :

à

la SCP FICHTER TAMBE

la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

2ÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU MARDI 09 MAI 2023

Appel d’une ordonnance (N° R.G. 22/00100) rendue par le Juge des contentieux de la protection de GRENOBLE en date du 02 juin 2022, suivant déclaration d’appel du 08 Août 2022

APPELANTE :

Mme [R] [J]

née le [Date naissance 1] 1978 à [Localité 4]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 2]

représentée par Me Julien TAMBE de la SCP FICHTER TAMBE, avocat au barreau de GRENOBLE

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/006294 du 29/07/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de GRENOBLE)

INTIMÉE :

SCI [N] Prise en la personne de son représentant légal en exercice,

domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par Me Dejan MIHAJLOVIC de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Emmanuèle Cardona, présidente,

M. Laurent Grava, conseiller,

Mme Anne-Laure Pliskine, conseillère

DÉBATS :

A l’audience publique du 28 février 2023, Laurent Grava, conseiller, qui a fait son rapport, assisté de Caroline Bertolo, greffière, a entendu seul les avocats en leurs conclusions, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile.

Il en a rendu compte à la cour dans son délibéré et l’arrêt a été rendu à l’audience de ce jour.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Par contrat de bail en date du 2 octobre 2019 consenti par la SCI [N], Mme [R] [J] a pris en location un logement situé à [Adresse 5], moyennant un loyer mensuel de 518  euros.

Par acte en date du 5 janvier 2022, la SCI [N] a fait assigner en référé Mme [R] [J] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Grenoble aux fins de voir :

– constater l’acquisition de la clause résolutoire d’expulsion insérée au bail ;

– ordonner l’expulsion de Mme [R] [J] ainsi que tout occupant de son chef, au besoin avec le concours de la force publique ;

– condamner la locataire à lui payer :

* la somme de 1 697 euros à valoir sur l’arriéré des loyers arrêté au mois de décembre 2021,

* une indemnité d’occupation d’un montant égal au montant du loyer et des charges qui auraient été payés en l’absence de résiliation du bail et ce jusqu’à la libération effective des lieux ;

– condamner Mme [R] [J] aux entiers dépens ainsi qu’au paiement de la somme de 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

A l’audience du 5 avril 2022, la SCI [N] a actualisé sa créance à valoir sur les loyers, charges et indemnités d’occupation àla somme de 3 126 euros et a maintenu l’ensemble de ses demandes.

Par ordonnance contradictoire en date du 2 juin 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Grenoble a :

– constaté la résiliation de plein droit du bail liant les parties à la date du 5 février 2021 ;

– débouté Mme [R] [J] de sa demande de délais de paiement et de suspension des effets de la clause résolutoire ;

– dit que Mme [R] [J] devra libérer les lieux ;

– ordonné, à défaut de départ volontaire, l’expulsion de Mme [R] [J] et de tout occupant de son chef, avec au besoin l’assistance de la force publique, du logement et de ses accessoires sis à [Adresse 5] ;

– fixé une indemnité d’occupation mensuelle due à compter du 5 février 2021 égale au montant du loyer et des charges qui auraient été exigibles si le bail n’avait pas été résilié, et qui sera indexée selon les memes modalités que celles prévues pour le loyer au contrat de bail ;

– condamné Mme [R] [J] à payer à la SCI [N] l’indemnité d’occupation comme fixée ci-avant jusqu’à libération effective des lieux ;

– condamné Mme [R] [J] à payer à la SCI [N] la somme de 2 836,83 euros correspondant au montant des loyers, charges et indemnités d’occupation impayés au 15 mars 2022 (mois de mars 2022 compris) outre intérêts au taux légal à compter de la signification de la décision ;

– dit que toute indemnité devenue exigible et non payée à terme produira des intérêts au taux légal à compter du 6 de chaque mois ;

– condamné Mme [R] [J] à payer à la SCI [N] la somme de 100 euros sans intérêt en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– rejeté toutes les autres demandes ;

– condamné Mme [R] [J] à supporter les dépens de l’instance comprenant le coût du commandement de payer en date du 4 décembre 2020.

Par déclaration en date du 8 août 2022, Mme [R] [J] a interjeté appel de la décision.

Par avis en date du 25 août 2022, son conseil a été avisé de la fixation de l’affaire à l’audience du 28 février 2023, en application des dispositions de l’article 905 du code de procédure civile.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par conclusions notifiées par voie électronique le 7 septembre 2022, Mme [R] [J] demande à la cour de :

– déclarer recevable et bien fondé l’appel de Mme [J] diligenté contre l’ordonnance du 2 juin 2022, en ce qu’elle a :

« – constaté la résiliation de plein droit du bail liant les parties à la date du 5 février 2021 ;

– débouté Mme [R] [J] de sa demande de délais de paiement et de suspension des effets de la clause résolutoire ;

– dit que Mme [R] [J] devra libérer les lieux ;

– ordonné sinon son expulsion ;

– fixé une indemnité d’occupation due à compter du 5 février 2021 égale au montant du loyer et des charges ;

– condamné Mme [J] à payer à la SCI [N] la somme de 2 836,83 euros au titre des loyers,

charges et indemnité d’occupation au 15 mars 2022 (mois de mars 2022 compris) outre intérêts ;

– condamné Mme [J] à payer à la SCI [N] la somme de 100  euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens comprenant le coût du commandement de payer du 4 décembre 2020 ; » ;

– infirmer l’ordonnance dont appel ;

Statuant à nouveau,

– déclarer nulle l’assignation du 5 janvier 2022 pour mention d’adresse erronée ;

– déclarer irrecevables les demandes de la SCI [N] pour défaut de pouvoir du représentant ;

Au fond,

– dire et juger qu’il existe une contestation sérieuse sur le montant de la dette et débouter la SCI [N] et la renvoyer à mieux se pourvoir ;

A défaut,

– suspendre le jeu de la clause résolutoire ;

– octroyer les plus larges délais de paiement à Mme [J], sans intérêts, pour qu’elle puisse s’acquitter de sa dette locative ;

– débouter la SCI [N] de ses demandes plus amples et contraires ;

– débouter la SCI [N] de sa demande d’article 700 du code de procédure civile ;

– la condamner à payer à Me Julien També, avocat, la somme de 800  euros au titre de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

– condamner la SCI [N] aux entiers dépens de 1re instance et d’appel.

Elle expose les éléments principaux suivants au soutien de ses écritures :

– elle rappelle les faits et la procédure ;

– elle précise sa situation familiale, de santé et professionnelle ;

– l’adresse de la SCI notée dans l’acte introductif d’instance est erronée ;

– cela cause forcément un grief à Mme [J], les loyers étant portables, et dans le cadre de la procédure, pour faire délivrer les actes ;

– Mme [G] s’est présentée pour la SCI [N] alors qu’elle n’en est pas la gérante ;

– Mme [J] n’a pas pris connaissance du prétendu pouvoir ;

– il existe donc une irrégularité de fond, qui aurait dû empêcher le 1er juge de statuer ;

– le bailleur a produit un décompte qui s’avère erroné, et que Mme [J] conteste ;

– les montants notés ne prennent pas en compte les sommes versées par la CAF au titre de l’APL ou par le FSL ;

– il existe aussi des charges d’eau qui ne sont pas justifiées ;

– aucun décompte de charges n’est produit au débat ;

– la gestion de cette SCI a l’air plus que chaotique ;

– subsidiairement, elle demande des délais de paiement.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 30 septembre 2022, la SCI [N] demande à la cour de :

– déclarer l’appel de Mme [R] [J] injustifié et non fondé ;

Vu les articles 74 et suivants du code de procédure civile ;

– déclarer Mme [R] [J] irrecevable en sa demande de nullité de l’assignation ;

A défaut,

– débouter Mme [R] [J] de sa demande de nullité de l’assignation ;

– déclarer la SCI [N] recevable à agir ;

– débouter Mme [R] [J] de l’ensemble de ses demandes ;

Par conséquent,

– confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance de référé ;

– condamner Mme [J] à payer à la SCI [N] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner Mme [J] aux entiers dépens.

Elle expose les éléments principaux suivants au soutien de ses écritures :

– Mme [R] [J] sollicite pour la première fois, la nullité de l’assignation du 5 janvier 2022 « pour mention d’adresse erronée » ;

– Mme [R] [J] sera déclarée irrecevable en sa demande en application de l’article 74 du code de procédure civile ;

– s’agissant d’une nullité, Mme [R] [J] doit justifier d’un grief, ce qu’elle ne fait pas ;

– elle verse aux débats une procuration de Mme [Z] [N] en date du 20 octobre 2017 ainsi que le procès-verbal de la SCI [N] en date du 20 janvier 2022, dans lequel Mme [Z] [N], gérante de la SCI [N], donne pouvoir à Mme [E] [G] pour représenter et défendre la SCI [N] dans le cadre de la procédure qui l’oppose à Mme [R] [J] ;

– Mme [R] [J] ne conteste pas ne pas avoir régularisé sa situation dans les deux mois de la délivrance du commandement de payer les loyers, de sorte que, la clause résolutoire est acquise ;

– Mme [R] [J] se contente d’affirmation de principe sans le moindre début de commencement de preuve ;

– verse aux débats un récapitulatif détaillé des versements qu’elle a perçues tant de Mme [R] [J] que de la CAF, au 23 décembre 2021 et au 15 mars 2022 ;

– il n’existe donc aucune contestation sérieuse concernant le montant de la dette locative de Mme [R] [J].

– la cour ne saurait suspendre les effets de la clause résolutoire alors que Mme [R] [J] n’a pas justifié avoir souscrit une assurance habitation contre les risques locatifs ;

– ensuite, elle ne justifie pas avoir régularisé sa situation, à savoir, avoir réglé les causes du commandement de payer ;

– enfin, Mme [R] [J] continue à occuper les lieux sans régler le moindre loyer.

La clôture de l’instruction est intervenue le 1er février 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

À titre liminaire :

Il convient de rappeler qu’en application de l’article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions des parties.

Par prétention, il faut entendre une demande en justice tendant à ce qu’il soit tranché un point litigieux.

Par voie de conséquence, les expressions telles que « juger », « dire et juger », « déclarer », « dégager » ou « constater » ne constituent pas de véritables prétentions, mais en réalité des moyens qui ont leur place dans le corps des écritures, plus précisément dans la partie consacrée à l’examen des griefs formulés contre la décision entreprise et dans la discussion des prétentions et moyens, mais pas dans le dispositif même des conclusions.

En conséquence, il n’y a pas lieu de statuer sur celles-ci.

Sur la nullité de l’assignation :

Mme [R] [J] sollicite la nullité de l’assignation du 5 janvier 2022 « pour mention erronée de l’adresse » (sic).

L’article 74 du code de procédure civile dispose dans son alinéa 1er « Les exceptions doivent, à peine d’irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir. Il en est ainsi alors même que les règles invoquées au soutien de l’exception seraient d’ordre public ».

La demande de nullité de l’acte introductif d’instance n’a pas été formulée devant le premier juge et intervient pour la première fois en cause d’appel. Une telle demande est donc irrecevable.

Sur la capacité à agir  :

Il est produit aux débats une procuration de Mme [Z] [N] du 20 octobre 2017 ainsi que le procès-verbal de la SCI [N] du 20 janvier 2022 dans lequel Mme [N], gérante de la SCI [N], donne pouvoir à Mme [E] [G] pour représenter et défendre la SCI [N] dans le cadre de la procédure l’opposant à Mme [J].

Le grief tiré du défaut de qualité à agir ne donc qu’être rejeté.

Sur la résolution du bail et ses conséquences :

1) La résolution du bail :

Le bail litigieux contient une clause résolutoire relative au défaut de paiement des loyers après un commandement de payer resté infructueux.

Un commandement de payer visant la clause résolutoire a été signifié à la locataire le 4 décembre 2020 au titre de l’arriéré locatif arrêté à la date du 13 novembre 2020.

Les loyers et les charges n’ont pas été régulièrement et intégralement payés et les causes du commandement de payer sont demeurées impayées pendant plus de deux mois.

En conséquence, la résiliation de plein droit du contrat de bail est acquise à compter du 5 février 2021.

L’ordonnance entreprise sera confirmée de ce chef.

2) Les sommes dues :

Malgré la contestation par l’appelante des sommes réclamées (loyers et charges impayés), le décompte produit est parfaitement exact.

En conséquence, la contestation formée pas l’appelante ne peut pas être qualifiée de sérieuse.

Force est de constater qu’à plusieurs reprises, l’allocation logement ou le rappel de cette allocation n’ont pas été versés au bailleur en raison de retenues ordonnées par la CAF sur ces prestations.

Le décompte des sommes réclamées faisait apparaître, à la date du 15 mars 2022, une dette locative, hors frais de procédure, d’un montant de 2 836,83 euros.

Mme [R] [J] doit être condamnée au paiement de cette somme, outre intérêts au taux légal.

Parmi les sommes réclamées, celles correspondant à la période suivant la résiliation du bail doivent être requalifiées en indemnité d’occupation.

L’ordonnance entreprise sera confirmée de ce chef.

3) Les délais de paiement :

L’article 24 de la loi du 6 juillet 1989 permet au juge, dans la limite de trois années, de reporter ou d’échelonner le paiement des sommes dues, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier lorsque le locataire est en situation de régler sa dette locative.

En l’espèce, les versements proposés par la locataire sont illusoires compte tenu de l’absence de tout règlement depuis décembre 2021.

La demande de délais de paiement et la demande de suspension des effets de la clause résolutoire ne peuvent donc pas prospérer.

L’ordonnance entreprise sera confirmée de ce chef.

4) L’expulsion :

L’ancienneté et l’importance de l’arriéré justifient que le bailleur puisse à nouveau disposer de son logement dans les meilleurs délais.

La demande de libération des lieux est de ce fait parfaitement fondée.

En conséquence, à défaut de libération volontaire, la locataire pourra être expulsée dans les deux mois suivant un commandement de quitter les lieux resté infructueux en application de l’article L. 412-1 du code des procédures civiles d’exécution.

L’ordonnance entreprise sera confirmée de ce chef.

5) L’indemnité d’occupation :

Le bailleur est bien fondé à solliciter le paiement d’une indemnité d’occupation du fait du maintien irrégulier dans les lieux de la locataire malgré la résiliation du bail.

Cette indemnité d’occupation sera fixée au montant du loyer augmenté des charges qui auraient été dus pendant la même période à défaut de résiliation du bail.

Mme [J] devra payer une telle indemnité d’occupation à compter de la résiliation du bail en date du 5 février 2021 et jusqu’à la libération effective des lieux.

L’ordonnance entreprise sera confirmée de ce chef.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Mme [R] [J], dont l’appel est rejeté, supportera les dépens d’appel, ceux de première instance étant confirmés.

Pour la même raison, il ne sera pas fait droit à sa demande au titre des frais irrépétibles.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la SCI [N] les frais engagés pour la défense de ses intérêts en cause d’appel. Mme [R] [J] sera condamnée à lui payer la somme complémentaire de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi :

Déclare irrecevable la demande de nullité de l’acte introductif d’instance ;

Rejette la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir ;

Confirme en toutes ses dispositions l’ordonnance entreprise ;

Y ajoutant,

Condamne Mme [R] [J] à payer à la SCI [N] la somme complémentaire de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;

Condamne Mme [R] [J] aux dépens.

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Laurent Grava, conseiller de la deuxième chambre civile, pour le président empêché et par la Greffière Caroline Bertolo, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIERE, LE PRESIDENT,

 


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