Nullité d’Assignation : 8 novembre 2023 Cour d’appel de Colmar RG n° 23/00077

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Nullité d’Assignation : 8 novembre 2023 Cour d’appel de Colmar RG n° 23/00077
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n° minute : 481/23

Copie exécutoire à :

– Me Guillaume HARTER

Le 08.11.2023

Le Greffier

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

1ère CHAMBRE CIVILE

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

R I U N° RG 23/00077 – N° Portalis DBVW-V-B7H-IERB

mise à disposition le 08 Novembre 2023

Dans l’affaire opposant :

La société DEUTSCHE BANK AG, société de droit allemand,

venant aux droits de la société DEUTSCHE POSTBANK AG

prise en la personne de son représentant légal

ayant siège [Adresse 6] à [Localité 2] (ALLEMAGNE)

Représentée par Me Guillaume HARTER, avocat à la Cour

Avocat plaidant : Me Eric BOILLOT, avocat au barreau de PARIS

– partie demanderesse au référé –

Monsieur [M] [C]

demeurant [Adresse 1] à [Localité 3]

non représenté, assigné en l’étude du commissaire de justice le 12.09.2023

– partie défenderesse au référé –

Isabelle DIEPENBROEK, présidente de chambre à la cour d’appel de Colmar, agissant sur délégation de Madame la première présidente, assistée de Corinne ARMSPACH-SENGLE, greffière, après avoir entendu, en notre audience publique de référé du 11 Octobre 2023, l’avocat de la partie demanderesse en ses conclusions et observations et avoir indiqué qu’une décision serait rendue ce jour, statuons publiquement, par mise à disposition d’une ordonnance rendue par défaut, comme suit :

M. [M] [C], client de la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 3], a effectué en janvier 2018 deux virements au profit d’une société disposant d’un compte ouvert auprès de la société de droit allemand Deutsche Postbank AG. Se plaignant d’avoir été victime d’une escroquerie, il a fait assigner la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 3] et la société Deutsche Postbank AG devant le tribunal judiciaire de Strasbourg, le 30 juillet 2021, aux fins de rechercher leur responsabilité.

La société Deutsche Postbank AG a saisi le juge de la mise en état d’une exception d’incompétence tirée de l’article 7.2 du règlement (UE) n°1215/2012 du Parlement européen et du conseil, dit Bruxelles I bis, au profit des juridictions allemandes. M. [C] s’est opposé à cette exception et a, quant à lui, formulé une demande de communication de pièces, à laquelle la société Deutsche Postbank AG a opposé la protection du secret bancaire, sollicitant à titre subsidiaire un sursis à statuer dans l’attente de l’issue de la procédure pénale en cours.

Par ordonnance du 1er juin 2023, le juge de la mise en état a rejeté l’exception d’incompétence soulevée, condamné la société Deutsche Postbank AG à communiquer à M. [C] tous documents justificatifs de la destination des fonds qu’elle a versés, suite au virement du 19 janvier 2018 sur le compte bancaire [XXXXXXXXXX04], sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai d’un mois à compter de la signification de l’ordonnance, dans la limite de 3 mois, rejeté la demande de sursis à statuer, réservé à statuer sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile qui suivront le sort de la procédure principale.

La société de droit allemand Deutsche Bank AG, venant aux droits de la société Deutsche Postbank AG, a interjeté appel de cette ordonnance le 26 juillet 2023, en toutes ses dispositions.

Selon exploit signifié à M. [C], le 12 septembre 2023, par dépôt en l’étude du commissaire de justice instrumentaire, la société Deutsche Bank AG l’a fait citer devant la première présidente de la cour d’appel de Colmar, aux fins de voir ordonner l’arrêt de l’exécution provisoire de cette décision, à titre subsidiaire, de voir aménager l’exécution provisoire en autorisant la désignation d’un séquestre, auprès duquel seront déposés les documents communiqués en exécution de l’ordonnance, et limiter cette communication au seul relevé du compte DE [XXXXXXXXXX04] du mois de janvier 2018, en tout état de cause, de condamner M. [C] aux entiers dépens et au paiement d’une somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de sa demande, développée oralement à la barre, elle expose que la société Deutsche Postbank AG a été dissoute dans le cadre d’une fusion-absorption intervenue le 25 mai 2018, et que l’entité issue de cette fusion a elle-même fusionné avec la requérante, de sorte que la Postbank, qui est désormais un de ses établissements, est dépourvue de personnalité juridique depuis le 25 mai 2018. Elle indique s’être constituée par erreur en première instance sous la dénomination ‘Deutsche Postbank AG’.

Elle soutient être recevable en sa demande et disposer de moyens sérieux d’annulation ou de réformation de la décision querellée.

En premier lieu, elle prétend que la décision entreprise est entachée de nullité, en ce que l’assignation ayant été délivrée à une entité dépourvue de capacité d’ester en justice, est affectée d’une nullité de fond, non susceptible de régularisation.

En second lieu, elle invoque des moyens sérieux de réformation de l’ordonnance entreprise, tirés d’une part de ce qu’étant une société allemande, elle aurait dû être attraite devant les juridictions allemandes, le juge de la mise en état ayant retenu la compétence de la juridiction française en faisant une application de l’article 8 du règlement précité contraire à la jurisprudence restrictive de la Cour européenne de justice de l’Union européenne ;

d’autre part de ce que, non seulement la communication de documents, au demeurant non précisément définis, n’est pas utile à la solution du litige, mais au surplus se heurte au secret bancaire, s’agissant de documents relatifs au fonctionnement d’un compte bancaire appartenant à un tiers.

La requérante soutient enfin que l’exécution de l’ordonnance, en tant qu’elle porte sur la communication de pièces en violation du secret bancaire, entraînerait des conséquences irréversibles et manifestement excessives.

M. [C] n’ayant pas constitué avocat, il sera statué par ordonnance rendue par défaut.

SUR CE :

Conformément à l’article 514-3, alinéa 1er du code de procédure civile, en cas d’appel le premier président peut être saisi afin d’arrêter l’exécution provisoire de la décision lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.

Conformément à l’article 117 du code de procédure civile, le défaut de capacité d’ester en justice constitue une irrégularité de fond affectant la validité d’un acte de procédure et selon l’article 118 du même code, les exceptions de nullité fondées sur l’inobservation des règles de fond relatives aux actes de procédure peuvent être proposées, en tout état de cause, même pour la première fois en cause d’appel.

En l’espèce, l’assignation a été délivrée le 30 juillet 2021 à la société Deutsche Postbank AG inscrite RCS de Bonn sous le n°HRB 6793 EUID : DER 3201.HRB6793 domiciliée [Adresse 5].

La société Deutsche Bank AG justifie qu’elle vient aux droits de cette société, qui a été dissoute le 25 mai 2018, suite à une fusion-absorption avec transmission universelle de patrimoine à la société Deutsche Bank Privat und Geschäfusskunden AG, elle-même absorbée par la requérante à effet au 2 avril 2020.

Le moyen d’annulation de l’ordonnance tiré de la nullité de l’assignation apparaît donc sérieux, la nullité pour défaut de capacité à agir en justice du fait de la disparition de la personnalité juridique n’étant pas régularisable.

La première condition posée par l’article 514-3 précité apparaît donc remplie sans qu’il y ait lieu d’examiner les autres moyens soulevés.

Le juge de la mise en état ayant ordonné de manière vague et imprécise la communication de documents détenus par la banque, relatifs au fonctionnement d’un compte bancaire ouvert en ses livres par un tiers, l’exécution de cette ordonnance entraînerait des conséquences manifestement excessives, dès lors qu’en cas d’annulation ou de réformation de l’ordonnance entreprise, il existe un risque d’atteinte irréversible au secret bancaire.

Il y a donc lieu de faire droit à la requête et d’ordonner l’arrêt de l’exécution provisoire.

La mesure étant ordonnée dans l’intérêt de la requérante, les dépens de la procédure de référé seront laissés à sa charge et sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

P A R C E S M O T I F S

Ordonnons l’arrêt de l’exécution provisoire de l’ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Strasbourg en date du 1er juin 2023,

Déboutons la société Deutsche Bank AG de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamnons la société Deutsche Bank AG aux dépens de la présente instance de référé.

La Greffière : la Présidente :

 


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