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08/06/2023
ARRÊT N° 387/2023
N° RG 22/04323 – N° Portalis DBVI-V-B7G-PEWW
CBB/MB
Décision déférée du 13 Décembre 2022 – Juge de la mise en état de Montauban – 22/00124
Anne-France RIBEYRON
[N] [D]
C/
[O] [U]
CONFIRMATION
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
3ème chambre
***
ARRÊT DU HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANT
Monsieur [N] [D] Adresse :
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 9]
ROYAUME-UNI
[Adresse 1]
[Localité 9]
Représenté par Me Charles D’ALBERT DE LUYNES, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE
INTIMÉ
Monsieur [O] [U]
[Adresse 11]
[Localité 12]
Représenté par Me Sophie GERVAIS de la SCP GERVAIS MATTAR CASSIGNOL, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 31555/2023/008716 du 15/05/2023 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de TOULOUSE)
COMPOSITION DE LA COUR
Après audition du rapport, l’affaire a été débattue le 10 Mai 2023 en audience publique, devant la Cour composée de :
C. BENEIX-BACHER, président
O. STIENNE, conseiller
A. MAFFRE, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : M. BUTEL
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par C. BENEIX-BACHER, président, et par M. BUTEL, greffier de chambre.
FAITS et PROCEDURE
M. [D] et M. [U] sont propriétaires de fonds voisins sur la commune de [Localité 12].
Estimant avoir engagé des frais dans le seul intérêt de M. [D] pour faciliter l’accès à sa propriété, M. [U] l’a assigné suivant acte en date du 7 janvier 2022 devant le Tribunal Judiciaire de Montauban en indemnisation sur le fondement de la gestion d’affaire.
Par conclusions d’incident en date du 1er septembre 2022, M. [D] a saisi le juge de la mise en état pour voir prononcer la nullité de l’assignation et de tous actes subséquents. Il sollicite l’allocation de la somme de 3000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Il soutient au visa de l’article 688 alinéa 1 et 2 du code de procédure civile que ne sont pas joints à l’exploit d’huissier les justificatifs des diligences accomplies en vue de sa notification au destinataire et qu’elle n’a pas été traduite en langue anglaise.
M. [U] a sollicité reconventionnellement d’enjoindre à M. [D] de lui communiquer l’entier acte de vente du 29 mars 2022 conclu avec M. [V] concernant des terres à usage de chemin de passage privé, sous astreinte et une indemnité de 1000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par ordonnance contradictoire en date du 13 décembre 2022, le juge de la mise en état a’:
– rejeté la fin de non-recevoir,
– ordonné la communication par [N] [D] à [O] [U] de l’acte authentique de vente reçu le 29 mars 2022 par Me [G] [V], notaire à [Localité 10] (Lot et Garonne) ainsi que ses annexes, concernant diverses parcelles de terre à usage de chemin de passage privé sises [Adresse 11] à [Localité 12] cadastrées section B n°[Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 2], [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 8] et [Cadastre 5] d’une surface totale de 00 ha 13 a 47 ca, sous astreinte de 100 euros par jour, dans les dix jours suivant la signification de la présente décision et pendant trois mois,
– condamné [N] [D] à payer à [O] [U] la somme de 1 000 euros en application de l’article 700,1° du code de procédure civile,
– l’a condamné aux dépens de l’incident,
– renvoyé l’affaire à la conférence de mise en état du 19 janvier 2023 pour conclusions au fond de M.[D] avec injonction avant clôture et fixation.
Pour se déterminer ainsi, le juge a considéré que s’il manquait en effet la traduction en anglais, il s’agissait d’un vice de forme et dès lors qu’il n’était pas justifié d’un grief, alors la nullité ne pouvait être prononcée.
Par déclaration en date du 15 décembre 2022, M. [D] a interjeté appel de la décision. L’ensemble des chefs du dispositif de l’ordonnance sont critiqués.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
M. [D], dans ses dernières écritures en date du 17 février 2023, demande à la cour au visa de la Convention du 15 novembre 1965 relative à la signification et la notification à l’étranger des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale et des articles 688 alinéa 1er et 795 du code de procédure civile, de’:
– déclarer M. [N] [D] recevable et bien fondée en son appel,
y faisant droit,
– infirmer l’ordonnance du juge de la mise en état dont appel en l’ensemble de ses dispositions,
et statuant à nouveau,
– prononcer la nullité de l’assignation expédiée suivant exploit d’huissier en date du 07 juillet 2022, par M. [U] à M. [D],
– prononcer la nullité de tous les actes de procédure subséquents à la délivrance de l’assignation expédiée à M. [D] ;
en tout état de cause,
– condamner M. [O] [U] à payer à M. [N] [D] une somme de 6000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner M. [O] [U] à supporter les dépens en application des articles 695 et 696 du code de procédure civile.
– rappeler que l’exécution provisoire est de droit.
Il soutient que’:
– il est ressortissant anglais,
– en vertu des articles 795 et 688 du code de procédure civile et la convention de la Haye du 15 novembre 1965 applicable depuis le Brexit (au 31 décembre 2020) il doit être justifié des démarches effectuées en vue d’obtenir un justificatif de remise de l’acte auprès des autorités compétentes de l’Etat où l’acte devait être remis,
– ce justificatif fait défaut en l’espèce,
– et la traduction en anglais obligatoire n’y figure pas,
– la convention de la Haye prévaut sur le droit commun français de sorte qu’il ne peut être appliqué la règle française sur le vice de forme et l’absence de grief.
M. [U], dans ses dernières écritures en date du 21 février 2023, demande à la cour de’:
– confirmer l’ordonnance dont appel en toutes ses dispositions ;
– condamner M. [N] [Y] [D] à verser à la SCP Gervais Mattar Cassignol la somme de 1500,00 euros par application des dispositions de l’article 700 2° du code de procédure civile ;
– condamner M. [N] [Y] [D] aux entiers dépens.
Il expose que’:
– en vertu de l’article 694 du code de procédure civile, la nullité des notifications internationales est régie par les dispositions qui gouvernent la nullité des actes de procédure,
– l’absence de traduction n’est pas un vice de fond,
– ici, l’huissier a relaté et justifié des diligences accomplies pour remettre l’acte dont M. [D] a accusé réception le 12 janvier 2022′; il a constitué avocat le 4 mai 2022,
– l’assignation n’encourt donc pas la nullité pour ne pas avoir été accompagnée des justificatifs des diligences accomplies,
– il a été effectué une première transmission à l’autorité compétente le 7 janvier 2022 et une seconde le 8 mars 2022, puisque l’acte n’était pas accompagné d’une traduction conformément aux dispositions de la convention de la Haye dont la violation n’est pas rapportée,
– et il n’est pas justifié d’un grief.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 24 avril 2023.
A l’audience du 10 mai 2023, la cour a sollicité des parties par note en délibéré dans les 15 jours de la réception de la présente note, et de préférence avant le 24 mai 2023, qu’il soit précisé la date de l’enrôlement par le greffe de 1ère instance des actes des 7 janvier 2022 et 8 mars 2022 et les conséquences procédurales qui en découlent.
Me Mattar pour M. [U] y a répondu par note du 16 mai 2023 en précisant que’:
– l’acte de transmission de l’assignation a saisi la juridiction le 14 février 2022,
– le juge du fond peut statuer au fond s’il est établi que le destinataire de l’acte en a eu connaissance en temps utile,
– il appartient au juge et non à l’huissier de s’assurer que le destinataire de l’acte en a eu connaissance en temps utile,
– M. [D] en a eu connaissance puisqu’il a constitué avocat le 4 mai 2022,
– la seconde transmission a été transmise le 19 avril à la juridiction sans qu’elle ait une incidence sur la régularité de la procédure suite à la saisine par l’acte de transmission du 7 janvier 2022,
– il est tout à fait possible que l’Autorité centrale n’ait pas encore fait signifier l’acte puisqu’aucun délai ne lui est imposé,
– mais M. [D] a eu connaissance de l’acte puisqu’il l’a reçu par la lettre recommandée avec accusé de réception et qu’il a constitué avocat.
MOTIVATION
L’article 688 du code de procédure civile dispose que : ‘ La juridiction est saisie de la demande formée par assignation par la remise qui lui est faite de l’acte complété par les indications prévues à l’article 684-1 ou selon le cas, à l’article 687-1, le cas échéant accompagné des justificatifs des diligences accomplies en vue de sa notification au destinataire. S’il n’est pas établi que le destinataire de l’acte en a eu connaissance en temps utile, le juge saisi ne peut statuer au fond que si les conditions ci-après sont réunies :
– 1° L’acte a été transmis selon les modes prévus par les règlements communautaires ou les traités internationaux applicables ou, à défaut de ceux-ci, selon les prescriptions des articles 684 à 687 ;
– 2° Un délai d’au moins six mois s’est écoulé depuis l’envoi de l’acte ;
– 3° Aucun justificatif de remise de l’acte n’a pu être obtenu nonobstant les démarches effectuées auprès des autorités compétentes de l’Etat où l’acte doit être remis ;….’
La signification des actes à destination d’un pays avec lequel la France est liée par un accord doit se faire selon les modalités prévues à cet accord.
En l’espèce, la notification de l’assignation en Grande Bretagne doit répondre aux exigences procédurales de la convention de La Haye du 15 novembre 1965 qui prévoit une voie principale de transmission par une Autorité Centrale et d’autres modes alternatifs dont la voie postale.
L’article 5 dispose que’:
«’L’autorité centrale de l’État requis procède ou fait procéder à la signification ou à la notification de l’acte :
a) soit selon les formes prescrites par la législation de l’État requis pour la signification ou la notification des actes dressés dans ce pays et qui sont destinés aux personnes se trouvant sur son territoire;
b) soit selon la forme particulière demandée par le requérant, pourvu que celle-ci ne soit pas incompatible avec la loi de l’État requis.
Sauf le cas prévu au premier alinéa, point b), l’acte peut toujours être remis au destinataire qui l’accepte volontairement.
Si l’acte doit être signifié ou notifié conformément à l’alinéa premier, l’autorité centrale peut demander que l’acte soit rédigé ou traduit dans la langue ou une des langues officielles de son pays.
La partie de la demande conforme à la formule modèle annexée à la présente convention, qui contient les éléments essentiels de l’acte, est remise au destinataire’».
Et l’article 10 dispose que’:
La présente convention ne fait pas obstacle, sauf si l’État de destination déclare s’y opposer :
a) à la faculté d’adresser directement, par la voie de la poste, des actes judiciaires aux personnes se trouvant à l’étranger ;
b) à la faculté, pour les officiers ministériels, fonctionnaires ou autres personnes compétents de l’État d’origine, de faire procéder à des significations ou notifications d’actes judiciaires directement par les soins des officiers ministériels, fonctionnaires ou autres personnes compétents de l’État de destination;
c) à la faculté, pour toute personne intéressée à une instance judiciaire, de faire procéder à des significations ou notifications d’actes judiciaires directement par les soins des officiers ministériels, fonctionnaires ou autres personnes compétents de l’État de destination.
La voie principale de procédure de signification suivant cette convention se déroule ainsi’:
– l’huissier envoie conformément à un formulaire modèle annexé à la Convention, une demande de signification d’un acte avec sa copie ou l’acte en original à l’autorité centrale du pays destinataire (article 3), qui vérifie le respect des dispositions et à défaut en informe le requérant en précisant les griefs retenus contre la demande (article 4),
– l’Autorité procède à la signification’:
*soit selon les formes prescrites par la législation du pays requis (article 5al1a), et dans ce cas l’autorité peut demander que l’acte soit traduit (article 5 al3),
*soit selon les formes particulières demandées par le requérant,
*mais, sauf dans ce dernier cas, l’acte peut toujours être remis au destinataire qui l’accepte volontairement (article 5 al2) sans qu’il soit exigé une traduction,
– l’autorité centrale établit une attestation qui relate l’exécution de la demande, indique la forme, le lieu, la date d’exécution et la personne à qui l’acte a été remis ou bien le fait qui a empêché cette remise’; cette attestation est directement adressée au requérant (article 6). Cette attestation constitue une présomption réfragable de validité de la notification au regard du droit de l’État requis.
En pratique pour le respect de ces étapes procédurales, la Convention prévoit l’utilisation de trois formulaires’intitulés «’demande’», «’attestation’» et «’éléments essentiels de l’acte’».
En vertu de l’article 10a) de la convention, il est prévu la faculté d’adresser directement par la voie de la Poste les actes judiciaires aux personnes se trouvant à l’étranger ou encore (article 10b et c)) faire notifier l’acte directement par un officier ministériel du pays (sous certaines conditions pour le Royaume Uni).
Et selon l’article 15, si le défendeur ne comparaît pas à la suite de l’acte introductif d’instance transmis à l’étranger aux fins de signification, le juge doit surseoir à statuer aussi longtemps que n’est pas établi soit l’acte de signification par la remise de l’attestation, soit la remise effective dans d’autres formes ci-dessus visées. Toutefois, le juge peut également statuer malgré l’absence d’attestation constatant la notification si l’acte a été transmis selon l’un des modes autorisés, si un délai de 6 mois s’est écoulé depuis la date de l’envoi ou encore si malgré les diligences accomplies, il n’a pas pu être obtenu l’attestation.
Il ressort de la jurisprudence de la Cour de Cassation que, dans le cadre de la convention de La Haye, il est nécessaire de disposer des informations nécessaires sur les diligences effectuées auprès de l’autorité étrangère et par celle-ci en vue de déterminer la régularité de l’acte.
En l’espèce, conformément à l’article 3 de la Convention, M. [U] a établi le 3 janvier 2022 la demande de signification de l’assignation transmise le 7 janvier 2022 à l’Autorité centrale (suivant LRAR produite) et l’a enrôlée auprès du Tribunal Judiciaire de Montauban le 14 février 2022.
Il a choisi l’envoi auprès de l’Autorité centrale «’selon les formes légales’» de l’article 5al1a) de la convention de La Haye en cochant sur le formulaire type la case a).
Par courrier du 2 mars 2022, l’Autorité en a accusé réception mais en application de l’article 4, elle sollicitait une traduction et d’autres précisions tout en l’avisant qu’il pouvait procéder par un autre moyen en cochant la case C du formulaire relative à la «’remise simple’».
Par courrier du 8 mars 2022, l’huissier a, au nom de M. [U], transmis la même demande datée également du 3 janvier mais en cochant cette fois la case c) «’remise simple’» de l’article 5 al2.
L’article 5, alinéa 2, de la convention prévoit que « l’acte peut toujours être remis au destinataire qui l’accepte volontairement’». Dans ce cas, l’acte est transmis au destinataire par les autorités de l’État de destination par la poste ou bien il est communiqué par une personne de celui-ci, par exemple, les services de police ou de gendarmerie qui peuvent lui porter l’acte ou encore le destinataire peut être invité à aller chercher l’acte au tribunal.
M. [U] reconnaît qu’il ne justifie pas du justificatif de la remise simple de l’acte par l’Etat requis qu’il a sollicité une seconde fois le 8 mars 2022. Il ne justifie pas non plus des démarches effectuées en vue d’obtenir un justificatif de la remise de l’acte auprès des autorités compétentes de l’Etat requis.
Toutefois et parallèlement à sa première transmission, l’huissier mandaté par M. [U] a procédé par envoi postal suivant lettre recommandée internationale du 7 janvier 2022 dont M. [D] a signé l’accusé de réception le 12 janvier. Il était joint une copie de l’assignation visant la date de l’audience de 5 mai 2022 à 14h 30 au Tribunal Judiciaire de Montauban précisant l’adresse de la juridiction et la nécessité de se faire représenter par un avocat, ainsi qu’un courrier en langue anglaise daté du même jour visant les mêmes informations sur la date et le lieu de l’audience.
La Convention de La Haye n’exige pas la traduction de l’acte’: elle permet une telle dispense s’il est utilisé la voie principale de l’article 5 al2. Et le mode alternatif de transmission prévu à l’article 10 ne vise aucun formalisme particulier dont la traduction dans la langue du destinataire.
Dans ces conditions, l’assignation de M. [D] par voie postale reçue le 12 janvier (date de l’accusé de réception) doit être validée et la décision sera en conséquence confirmée sauf à préciser qu’il ne s’agit pas d’une fin de non recevoir mais d’une exception de nullité.
PAR CES MOTIFS
La cour
– Confirme la décision du juge de la mise en état en date du 13 décembre 2022 sauf à requalifier la fin de non recevoir rejetée en exception de nullité également rejetée.
– Vu l’article 700 du code de procédure civile, déboute M. [U] de sa demande.
– Dit que les dépens d’appel suivront le sort des dépens de l’instance au fond.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
M. BUTEL C. BENEIX-BACHER