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ARRET N°
du 06 juin 2023
N° RG 22/00640 – N° Portalis DBVQ-V-B7G-FEW2
Etablissement FONDS COMMUN DE TITRISATION ‘HUGO CREANCES I’
c/
[X]
[X]
Formule exécutoire le :
à :
la SCP DELVINCOURT – CAULIER-RICHARD – CASTELLO AVOCATS ASSOCIES
Me Emilie DELIERE-PIETRZAK
COUR D’APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE-1° SECTION
ARRET DU 06 JUIN 2023
APPELANTE :
d’un jugement rendu le 14 décembre 2021 par le Tribunal de Commerce de SEDAN
Etablissement FONDS COMMUN DE TITRISATION ‘HUGO CREANCES I’ ayant pour société de gestion la Sté EQUITIS GESTION, venant aux droits du CREDIT LYONNAIS
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Mélanie CAULIER-RICHARD de la SCP DELVINCOURT – CAULIER-RICHARD – CASTELLO AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS, avocat postulant, et Me Corinne LASNIER-BEROSE, avocats au barreau de PARIS, avocat plaidant
INTIMES :
Monsieur [R] [X] venant aux droits de Monsieur [E] [X], décédé.
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Maître Emilie DELIERE-PIETRZAK, avocat au barreau de REIMS, avocat postulant, et Me Stéphane ROCHIGNEUX, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant
Madame [K] [X] épouse [T] Venant aux droits de Monsieur [E] [X], décédé.
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée par Maître Emilie DELIERE-PIETRZAK, avocat au barreau de REIMS, avocat postulant, et Me Stéphane ROCHIGNEUX, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :
Madame MAUSSIRE, conseillère faisant fonction de présidente de chambre et Madame PILON, conseillère, ont entendu les plaidoiries, les parties ne s’y étant pas opposées. Elles en ont rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Madame Véronique MAUSSIRE, conseillère faisant fonction de présidente de chambre
Madame Florence MATHIEU, conseillère
Madame Sandrine PILON, conseillère
GREFFIER :
Madame Eva MARTYNIUK, greffière lors des débats et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffière lors du prononcé
DEBATS :
A l’audience publique du 02 mai 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 06 juin 2023,
ARRET :
Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 06 juin 2023 et signé par Madame Véronique MAUSSIRE, conseillère faisant fonction de présidente de chambre, et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
[E] [X] était gérant de la SARL Etablissements [X].
Le 7 janvier 1997, il s’est porté caution solidaire de toutes les sommes que la société pourrait devoir à la SA Crédit Lyonnais, dans la limite de 200 000 francs (30 489.80 euros), pour une durée indéterminée.
Selon acte notarié du 31 janvier 1997, [E] [X] s’est porté caution solidaire de la société, pour sûreté du solde du compte courant dont celle-ci était titulaire dans les livres de la SA Crédit Lyonnais, dans la limite de 195 000 francs (29 727.56 euros).
Suivant un acte sous seings privés du 29 septembre 2000, la SA Crédit Lyonnais a consenti à la SARL Etablissements [X] un ” prêt bonifié forêt ” de 490 000 francs (74 700.02 euros), au taux d’intérêts de 1.50% l’an, remboursable en 72 échéances mensuelles. [E] [X] s’est porté caution solidaire pour tout ce qui est dû au titre de ce prêt.
Par deux actes du 26 juin 2003, il s’est de nouveau porté caution solidaire de ce que la société Etablissements [X] pourrait devoir à la SA Crédit Lyonnais, dans la limite de 38 000 et 69 510.20 euros respectivement et pour une durée indéterminée.
Suivant acte notarié du 4 août 2010, la SA LCL-Crédit Lyonnais a cédé au fonds commun de titrisation Hugo Créances I, ayant pour société de gestion la société Equitis Gestion, (le fonds commun de titrisation), Ies créances dont elle était titulaire contre la société [X] Etablissements au titre du solde de compte et du prêt du 29 septembre 2000.
Une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte à l’égard de la SARL Etablissements [X] par jugement du 22 novembre 2010.
Le fonds commun de titrisation a déclaré sa créance à la procédure, lesquelles ont été admises pour la somme de 39 708.73 euros.
Le 1er septembre 2011, le liquidateur a adressé au fonds commun de titrisation un certificat d’irrecouvrablilité pour la totalité de cette somme.
Le 21 août 2017, le fonds commun de titrisation a fait assigner [E] [X] en paiement de la somme de 39 708.73 euros devant le tribunal de commerce de Sedan.
[E] [X] est décédé le [Date décès 4] 2018.
Ses héritiers, M [R] [X] et Mme [K] [X] ont accepté sa succession à concurrence de l’actif net et le fonds commun de titrisation les a fait assigner les 20 octobre et 21 décembre 2020. Les instances ainsi engagées ont été jointes à celle qui avait été initiée contre [E] [X].
Par jugement du 14 décembre 2021, le tribunal de commerce de Sedan a ordonné la jonction des trois affaires, prononcé la péremption de l’instance, débouté le fonds commun de titrisation de l’ensemble de ses demandes, l’a condamné à payer 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile à M et Mme [X] et laissé à sa charge les dépens, liquidés à la somme de 143.78 euros en elle compris le coût du jugement mais non celui des assignations, également mis à sa charge.
Le tribunal a estimé qu’il n’existait aucun grief à un délai trop court entre les assignations et le jour de l’audience dès lors que le défendeur s’est présenté au tribunal avec une défense constituée et en a conclu que l’irrecevabilité des assignations devait être écartée.
Il a par ailleurs constaté qu’aucun acte processuel n’avait été réalisé entre les mois de juin 2018 et octobre 2020, soit pendant plus de deux ans.
Le fonds commun de titrisation a interjeté appel de ce jugement le 11 mars 2022.
Par conclusions notifiées le 21 avril 2023, il demande à la cour d’appel d’infirmer le jugement en toutes ses dispositions, de débouter les intimés de toutes leurs demandes et, statuant à nouveau, de :
– Condamner M et Mme [X], en qualité d’héritiers de [E] [X], chacun à hauteur de sa part d’actif net dans la succession, à lui payer la somme de 27 836.57 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 1er avril 2011, jusqu’à parfait paiement, au titre de la caution de la SARL Etablissements [X],
– Ordonner la capitalisation des intérêts,
– Condamner solidairement les intimés à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
Il estime qu’au pire, le délai de péremption a commencé à courir à la date à laquelle il a eu connaissance de la qualité d’héritier des défendeurs et fait valoir que les parties ont conclu de sorte qu’il n’y a pas eu de défaut de diligence pendant plus de deux ans.
Il soutient que la délivrance de l’assignation moins de quinze jours avant l’audience est une cause de nullité pour vice de forme et que les intimés n’ont aucun grief à faire valoir.
Il conteste que son action soit prescrite en faisant valoir que la déclaration de ses créances équivaut à une demande en justice et a donc un effet interruptif, qui s’est prolongé jusqu’à la clôture de la procédure collective.
Il affirme que l’acte de cautionnement du 31 janvier 1997 (solde du compte courant), reçu par notaire, n’était pas soumis aux dispositions relatives à la mention manuscrite et à l’information de la caution et estime que sa contestation est superfétatoire dans la mesure où [E] [X] s’est par ailleurs porté caution de tous engagements et pour des sommes couvrant largement celles qu’il réclame.
S’agissant du cautionnement du 29 septembre 2000 (prêt), il fait valoir que les textes issus de la loi du 1er août 2003 ne lui sont pas applicables et qu’il convient de revenir à la jurisprudence antérieure, laquelle décidait que le dirigeant caution ne pouvait rechercher la responsabilité de la banque pour cautionnement disproportionné que s’il démontrait que la banque avait eu sur ses revenus, son patrimoine et ses facultés de remboursement, des informations que lui-même ignorait. Il ajoute qu’il n’est pas justifié des revenus, du patrimoine et des charges du défunt au moment de la souscription du cautionnement, mais se prévaut de ce qu’il était propriétaire de biens immobiliers pour en conclure que le cautionnement n’était pas disproportionné.
Quant à la déchéance des intérêts réclamée par les intimés, il rappelle qu’elle ne prive pas le créancier des intérêts au taux légal et fait valoir qu’elle a ramené sa demande de condamnation à une somme tenant compte de la déduction des intérêts conventionnels pris en compte dans la créance admise à la procédure collective.
S’agissant de la responsabilité de la banque, le fonds commun de titrisation affirme que [E] [X] ne justifiait pas avoir informé celle-ci de ses difficultés de santé et qu’aucune faute ne pouvait être retenue à l’encontre de celle-ci.
Par conclusions transmises le 21 avril 2023, M et Mme [X] demandent à la cour de :
– Juger que les assignations qui leur ont été délivrées sont caduques,
– Confirmer le jugement en ce qu’il déclare périmée l’instance engagée en 2017,
A titre subsidiaire, au fond,
– Constater la prescription de l’action du fonds commun de titrisation et en conséquence rejeter l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
A défaut,
– Prononcer la nullité de l’acte de cautionnement du 31 janvier 1997 compte tenu de l’absence de consentement exprès de la caution,
– Condamner le Crédit Lyonnais devenu le fonds commun de titrisation Hugo Créances I à payer à [E] [X] la somme de 6 800 euros à titre de dommages intérêts,
– Ordonner la compensation entre la somme due par M [X] au fonds commun de titrisation au titre du cautionnement et les dommages intérêts dus par le fonds commun de titrisation,
En conséquence,
– Débouter le fonds commun de titrisation de l’ensemble de ses prétentions,
– A titre subsidiaire, dire que la caution sera déchargée de son obligation de garantie compte tenu de la faute de la banque,
A défaut,
– Dire que M [X] sera condamné à la somme maximale de 29 727.56 euros s’agissant de l’acte de caution du 31 janvier 1997,
– Prononcer la déchéance du droit aux intérêts s’agissant de l’acte de cautionnement du 31 janvier 1997 sauf pour les années 2011 et 2013 en raison de l’absence d’information de la caution,
– Prononcer la déchéance du droit aux intérêts s’agissant de l’acte de cautionnement du 29 septembre 2000, sauf pour les années 2007, 2011 et 2013 compte tenu de l’absence d’information de la caution,
– Condamner en toutes hypothèses le fonds commun de titrisation au paiement de la somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en sus de la condamnation de première instance, ainsi qu’aux entiers dépens.
Ils soutiennent qu’aucun acte de procédure n’a été utilement fait par le demandeur entre juin 2018 et l’audience du 3 novembre 2020, en affirmant notamment que les conclusions d’octobre 2019 dont l’appelant argue ne répondent pas aux exigences légales dès lors qu’elles ont été prises contre [E] [X], que le fonds commun de titrisation savait décédé, alors qu’il lui appartenait de solliciter un sursis à statuer. Ils affirment que les assignations qui leur ont été délivrées, le 20 octobre 2020 et le 20 décembre 2020 sont caduques et qu’elles n’ont donc pu interrompre le délai de péremption.
Ils soutiennent la nullité du cautionnement du 31 janvier 1997 au motif que l’acte n’indique pas clairement l’engagement de caution de [E] [X] et qu’il ne comportait qu’une signature de celui-ci, alors qu’il était censé y intervenir en qualité de gérant de la société Etablissements [X] et en qualité de caution. Ils font en outre valoir que ce cautionnement a été souscrit pour une somme inférieure à celle réclamée par le fonds commun de titrisation.
Ils estiment que le cautionnement du 29 septembre 2000 est disproportionné et invoquent la jurisprudence antérieure à la loi de 2003 en ce qu’elle estimait que la banque manquait à son obligation de contracter de bonne foi et commettait une faute dont elle devait réparation lorsqu’elle laissait souscrire un tel cautionnement.
Ils entendent en outre obtenir la déchéance du droit du fonds commun de titrisation aux intérêts à défaut de respect de l’obligation d’information annuelle de la caution, pour les cautionnements du 31 janvier 1997 et du 29 septembre 2000.
Ils demandent leur décharge sur le fondement de l’article 2314 du code civil en soutenant que la banque, mandataire de l’assureur auprès duquel [E] [X] avait souscrit, en 1995, des assurances décès invalidité, a manqué à son devoir d’information en ne lui conseillant pas de déclarer le grave accident de santé dont il a été victime en 2000 et qu’il ne pouvait ignorer, alors que le capital garanti aurait permis d’apurer le crédit en cours, de sorte que la caution n’aurait pas été appelée.
MOTIFS
M et Mme [X] demandent à la cour, dans le dispositif de leurs conclusions, de constater la prescription de l’action du fonds commun de titrisation, mais ne développent aucun moyen en ce sens.
Cette fin de non-recevoir ne peut donc qu’être rejetée.
Sur la péremption d’instance
L’article 386 du code de procédure civile prévoit que l’instance est périmée lorsque aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans.
[E] [X] a été assigné le 21 août 2017.
Le fonds commun de titrisation affirme, sans être contredit sur ce point par M et Mme [X], que l’avocat de [E] [X] a déposé des conclusions le 3 juillet 2018 et que celui du fonds commun de titrisation en a fait de même le 2 octobre 2019.
En revanche, M et Mme [X] contestent que le fonds commun de titrisation puisse se prévaloir de ses conclusions d’octobre 2019 en rappelant que la cour de cassation exige l’existence de diligences processuelles de nature à faire progresser l’affaire et en faisant valoir que le fonds commun de titrisation savait pertinemment à cette date que [E] [X] était décédé et qu’il n’a pas cherché à mettre ses héritiers en cause.
Toutefois, il résulte de l’article 370 du code de procédure civile que le décès d’une partie n’interrompt pas de plein droit l’instance, mais qu’il est nécessaire pour ce faire que la notification en soit faite à l’autre partie.
Or, M et Mme [X] ne justifient pas de la notification du décès de leur père au fonds commun de titrisation. L’instance n’était donc pas interrompue et celui-ci était fondé à établir ses conclusions contre [E] [X], tant que les héritiers de celui-ci ne se trouvaient pas dans l’instance, s’agissant d’une action transmissible.
Les conclusions déposées le 2 octobre 2019 ont donc valablement interrompu le délai de péremption.
Il ne s’est pas écoulé plus de deux ans entre l’acte introductif d’instance et les conclusions notifiées en 2018, ni entre celles-ci et les conclusions déposées en 2019.
Le fonds commun de titrisation invoque ensuite l’intervention volontaire de M et Mme [X] par des conclusions qu’il produit, qui ne comportent pas de date, mais qui invoquent déjà la nullité de l’assignation qui leur a été délivrée le 20 octobre 2020 et évoque une audience à venir le 3 novembre 2020. Cette intervention volontaire de M et Mme [X] entre le 20 octobre et le 3 novembre 2020 a interrompu le délai de péremption d’instance, moins de deux ans après les conclusions précitées du 2 octobre 2019.
Les débats se sont tenus devant le tribunal de commerce le 12 octobre 2021, soit moins de deux années après l’intervention volontaire de M et Mme [X] et le jugement a été rendu le 14 décembre 2021.
En conséquence, l’instance n’est pas périmée et le jugement doit être infirmé de ce chef.
Sur la validité du cautionnement du 31 janvier 1997
L’engagement de caution de [E] [X] a été reçu par acte notarié, qui contient la convention générale de compte courant, puis mentionne que celui-ci, après avoir pris connaissance de ce qui précède dans l’acte par la lecture que lui en a donnée le notaire, déclare se constituer caution solidaire de la société Etablissements [X] envers la banque sous les clauses et conditions qui sont ensuite précisées, pour sûreté du solde du compte courant précité.
L’acte notarié porte le paraphe de [E] [X] sur chacune de ses pages, conformément aux dispositions de l’article 14 du décret n°71-941 du 26 novembre 1971 relatif aux actes établis par les notaires. Il est signé en dernière page par [E] [X], en qualité de gérant de la SARL Etablissements [X], mais aussi de caution. Aucune irrégularité de l’acte n’est donc établie à raison de l’absence de signature de [E] [X] sur les pages concernant plus particulièrement son engagement de caution.
La circonstance que le cautionnement ne soit par repris dans l’intitulé de l’acte notarié n’est pas non plus source de nullité, alors que le consentement de [E] [X] à ce cautionnement résulte clairement des stipulations précédemment rappelées et que celui-ci n’a pu se méprendre sur le sens et la portée de cet engagement du seul fait qu’il n’est pas évoqué dans l’intitulé.
En conséquence, M et Mme [X] seront déboutés de leur demande d’annulation de l’acte de cautionnement du 31 janvier 1997.
Sur l’acte de cautionnement du 29 septembre 2000
Le cautionnement du 29 septembre 2000 a été souscrit alors que par un arrêt du 17 juin 1997 (dit ” arrêt Macron “, n°95-14.105), la chambre commerciale de la cour de cassation avait fait application à une caution dirigeant social de la règle de la proportionnalité de l’engagement de la caution à ses ressources, qui n’était jusqu’alors énoncée qu’en matière de crédit à la consommation par l’article L313-10 du code de la consommation. La banque commettait ainsi une faute en demandant un cautionnement manifestement disproportionné aux revenus et au patrimoine de la caution.
Il n’en demeure pas moins que la caution a la charge de prouver cette disproportion.
Or, M et Mme [X] s’en tiennent sur ce point à reprendre les éléments de fait que [E] [X] avait lui-même invoqué dans ses conclusions, consistant en substance à faire valoir le montant total des engagements de caution déjà pris en faveur de la banque (395 000 francs, soit 60 217.36 euros), ainsi que le cautionnement hypothécaire portant sur sa maison d’habitation.
Cependant, ils ne justifient aucunement des revenus de [E] [X] à la date de son engagement de caution, ni de son patrimoine, de sorte qu’ils ne rapportent pas la preuve d’une disproportion de cet engagement, ni donc celle d’une faute de la société Crédit Lyonnais et doivent être déboutés de leurs demandes en paiement de dommages intérêts et de compensation avec les sommes dues au fonds commun de titrisation.
Sur la demande des cautions tendant à être déchargées
M et Mme [X] invoquent l’article 2314 du code civil, qui dispose : ” Lorsque la subrogation aux droits du créancier ne peut plus, par la faute de celui-ci, s’opérer en sa faveur, la caution est déchargée à concurrence du préjudice qu’elle subit.
Toute clause contraire est réputée non écrite.
La caution ne peut reprocher au créancier son choix du mode de réalisation d’une sûreté “.
Toutefois, la faute qu’ils reprochent au Crédit Lyonnais, qui consiste dans le fait de ne pas avoir conseillé à leur père d’effectuer une déclaration de sinistre auprès de l’assureur décès invalidité alors qu’il avait connu de graves problèmes de santé en 2000 n’a pas pour conséquence, à considérer même qu’elle serait établie, d’empêcher leur subrogation dans les droits du fonds commun de titrisation.
En conséquence, ils ne peuvent obtenir leur décharge sur ce fondement.
Sur la créance du fonds commun de titrisation et la déchéance de son droit aux intérêts
Aux termes des dispositions de l’article 48 de la loi n° 84-148 du 1er mars 1984, devenu l’article L. 313-22 du Code monétaire et financier, les établissements de crédit ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de I’année précédente au titre de l’obligation bénéficiant de la caution ainsi que le terme de cet engagement. Si, l’engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée.
Le défaut d’accomplissement de la formalité prévue à l’alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l’établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu’à la date de communication de la nouvelle information.
Le fonds commun de titrisation admet qu’il ne justifie du respect de cette formalité que pour les seules années 2007, 2011 et 2013. Il doit donc être déchu de son droit aux intérêts contractuels pour les autres années.
Le fonds commun de titrisation précise que sa demande en paiement de la somme de 27 836.57 euros tient compte de la déduction des intérêts contractuels du 9 mars 2006 au 22 novembre 2011 s’agissant des sommes dues au titre du solde du compte courant et du 28 février 2006 au 22 novembre 2010 s’agissant des sommes réclamées au titre du prêt bonifié forêt. Il est ainsi fait application de la déchéance pour la totalité de l’intervalle entre 2006 et 2011 de sorte que le moyen de M et Mme [X] faisant valoir que la lettre d’information pour 2007 ne concerne pas le cautionnement du solde du compte courant mais le cautionnement du 7 janvier 1997 est sans emport.
La créance du fonds commun de titrisation au titre du solde du compte courant et du prêt bonifié forêt a été admise au passif de la procédure collective ouverte à l’encontre de la SARL Etablissement [X] pour la somme totale de 39 708.73 euros.
Le tableau d’amortissement et le décompte joint à la déclaration de créance du fonds commun de titrisation permettent de déterminer qu’une somme totale de 2 160.48 euros a été payée au titre des intérêts pour le prêt bonifié forêt. Compte tenu de la décision d’admission des créances du fonds commun de titrisation, qui a autorité de chose jugée à l’égard des cautions et compte tenu de la déchéance du droit aux intérêts, le décompte des sommes restant dues au titre de ce prêt s’établit comme suit :
– Capital restant dû au 28 février 2006 : 8 822.72 euros,
– Intérêts contractuels payés, à déduire : – 2 155.48 euros,
– Versement à déduire : – 3 308.52 euros
Total restant dû : 3 358.72 euros.
Décompte des sommes restant dues au titre du solde du compte courant :
– Solde débiteur : 27 063.71 euros
– Versements à déduire : – 7 053.19
Total restant dû : 20 010.52 euros
Le contrat de prêt bonifié forêt stipule que la caution sera tenue de s’exécuter dès que les obligations de l’emprunteur à l’égard du prêteur deviendront exigibles, fût-ce par anticipation, pour quelque cause que ce soit.
En l’absence de stipulation dans le contrat de cautionnement du solde du compte courant, il doit être considéré que l’obligation de la caution emprunte son terme à l’obligation principale, laquelle est devenue exigible avec la clôture du compte.
En conséquence, M et Mme [X] seront condamnés à payer au fonds commun de titrisation la somme totale de 23 369.24 euros en exécution des engagements de caution souscrits par leur père, outre intérêts au taux légal à compter de l’assignation du 21 août 2017, ainsi que le prévoit l’article 1231-6 du code civil, la lettre du 1er avril 2011, invoquée par le fonds commun de titrisation comme point de départ, ne valant pas mise en demeure, dès lors qu’elle invite la caution à prendre l’attache du mandataire du créancier ” afin d’envisager ensemble le remboursement des sommes indiquées “.
Le fonds commun de titrisation la sollicitant, la capitalisation de ces intérêts doit être ordonnée sur le fondement de l’article 1343-2 du code civil, à compter de la date à laquelle ils seront dus pour la première fois pour une année entière.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
M et Mme [X], parties condamnées, sont tenus aux dépens, de première instance et d’appel.
Le jugement doit donc être infirmé en ce qu’il condamne le fonds commun de titrisation à leur verser une somme sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens et leur demande en paiement au titre de leurs frais irrépétibles doit être rejetée.
L’équité ne commande pas de faire droit à la demande du fonds commun de titrisation au titre de ses frais irrépétibles
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,
Infirme en toutes ses dispositions contestées le jugement rendu le 14 décembre 2021 par le tribunal de commerce de Sedan,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déboute M [R] [X] et Mme [K] [T] née [X] de leur moyen pris de la péremption de l’instance,
Déboute M [R] [X] et Mme [K] [T] née [X] de leur demande d’annulation de l’acte de cautionnement du 31 janvier 1997,
Déboute M [R] [X] et Mme [K] [T] née [X] de leur demande en paiement de dommages intérêts et de compensation,
Dit n’y avoir lieu de décharger les cautions sur le fondement de l’article 2314 du code civil,
Condamne M [R] [X] et Mme [K] [T] née [X] à payer fonds commun de titrisation Hugo Créances I, ayant pour société de gestion la société Equitis Gestion, la somme totale de 23 369.24 euros en exécution des engagements de caution souscrits par leur père, outre intérêts au taux légal à compter du 21 août 2017,
Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne M [R] [X] et Mme [K] [T] née [X] aux dépens de première instance et d’appel.
Le greffier La conseillère faisant fonction de présidente de chambre