Nullité d’Assignation : 5 mai 2023 Cour d’appel de Colmar RG n° 22/02455

·

·

Nullité d’Assignation : 5 mai 2023 Cour d’appel de Colmar RG n° 22/02455
Ce point juridique est utile ?

MINUTE N° 217/2023

Copie exécutoire à

– Me Guillaume HARTER

– Me Valérie BISCHOFF –

DE OLIVEIRA

Le 5 mai 2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 05 Mai 2023

Numéro d’inscription au répertoire général : 2 A N° RG 22/02455 – N° Portalis DBVW-V-B7G-H3WT

Décision déférée à la cour : 13 Juin 2022 par le juge de la mise en etat de STRASBOURG

APPELANT :

Monsieur [T] [P]

demeurant [Adresse 4] à [Localité 5]

représenté par Me Guillaume HARTER, avocat à la cour.

INTIMÉS :

Monsieur [S] [D]

demeurant [Adresse 3] à [Localité 6]

La MACIF, MUTUELLE ASSURANCE DES COMMERCANTS ET INDUSTRIELS DE FRANCE ET DES CADRES ET SALARIES DE L’INDUSTRIE ET DU COMMERCE, prise en la personne de son représentant légal,

ayant son siège social [Adresse 1] à [Localité 7]

représentés par Me Valérie BISCHOFF – DE OLIVEIRA, avocat à la cour.

Plaidant : Me HANSCOTTE, avocat au barreau de Strasbourg

La CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU BAS-RHIN, prise en son agence de [Localité 8],

sise [Adresse 2] à [Localité 8]

assignée le 31 août 2022 à personne habilitée, n’ayant pas constitué avocat.

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 06 Janvier 2023, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre

Madame Myriam DENORT, Conseiller

Madame Nathalie HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Dominique DONATH, faisant fonction

ARRÊT réputé contradictoire

– prononcé publiquementpar mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

– signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Le 21 octobre 1994, alors qu’il était âgé de 15 ans, M. [T] [P] a été victime d’une agression de la part de M. [S] [D] qui lui a porté un violent coup de genou au niveau des parties génitales.

Le 26 janvier 1995, M. [P] a été opéré d’une varicocèle gauche d’origine congénitale.

Par un jugement du 6 avril 1998, confirmé sur ce point par un arrêt de cette cour du 2 mars 2000, le tribunal de grande instance de Strasbourg a déclaré M. [S] [D] entièrement responsable des conséquences dommageables de l’agression par lui commise le 21 octobre 1994 sur la personne de M. [T] [P], et a ordonné une mesure d’expertise.

L’expert commis, le docteur [C], a déposé son rapport le 19 octobre 1998.

Par ordonnance du 22 novembre 1999, le juge de la mise en état a ordonné une nouvelle expertise confiée au professeur [Y] qui a déposé son rapport le 11 avril 2000.

Par jugement avant dire droit du 2 juillet 2007, le tribunal de grande instance de Strasbourg a ordonné une nouvelle expertise confiée au professeur [W] qui a déposé son rapport le 29 novembre 2007, après s’être adjoint un sapiteur psychiatre, le docteur [K], qui a lui-même établi un rapport daté du 8  novembre 2007.

Les experts successivement commis ont considéré que la varicocèle présentée par M. [P] préexistait à l’agression et était asymptomatique.

Par jugement du 15 décembre 2008, le tribunal de grande instance de Strasbourg a statué sur les différents de chefs de préjudice subi par M. [P].

Invoquant une aggravation de son état de santé, M. [P] a obtenu le 28 avril 2015 du juge des référés du tribunal de grande instance de Strasbourg, une nouvelle expertise confiée à un médecin psychiatre.

Le docteur [E], désigné en dernier lieu, a déposé son rapport le 25 août 2016, et écarté toute aggravation.

M. [P] a subi le 31 août 2018 une intervention ayant consisté en l’ablation du testicule gauche, qui a été suivie de complications infectieuses.

Par ordonnance du 16 avril 2019, le juge des référés a ordonné une expertise confiée au docteur [U], chirurgien-urologue, qui s’est adjoint un sapiteur psychiatre, le docteur [R]. Ce dernier a déposé son rapport le 17 décembre 2019, concluant à une absence d’aggravation sur le plan psychiatrique, et évoquant une fixation invincible autour de l’agression dont M. [P] a été victime en 1994.

Le docteur [U] a déposé son rapport le 8 février 2020, aux termes duquel il concluait que le traumatisme a été le révélateur d’une varicocèle mais n’en est pas à l’origine, qu’il ne s’agit pas d’une complication du traumatisme et qu’il n’y a aucun lien de cause à effet entre le traumatisme et la cure chirurgicale de cette varicocèle et les différentes interventions ultérieures et complications dont la dernière est l’orchidectomie. Il a exclu tout lien de causalité entre le traumatisme et les complications ultérieures.

Selon exploits des 12, 13 et 15 octobre 2021, M. [P] a fait citer M. [D] et son assureur, la Macif, devant le tribunal judiciaire de Strasbourg, en présence de la Caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 8], aux fins de voir dire et juger que l’agression dont il a été victime le 21 octobre 1994 a été l’élément révélateur de la varicocèle et de ses conséquences, et de dire et juger, par conséquent, que son préjudice corporel doit être intégralement réparé. Avant dire droit, sur l’indemnisation des divers chefs de préjudice subis, il a sollicité que soit ordonnée une expertise médicale et la condamnation de la Macif à lui payer une provision de 100 000 euros à valoir sur son entier préjudice, outre une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

M. [D] et la Macif ont saisi le juge de la mise en état d’une fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée du jugement du 15 décembre 2008.

Par ordonnance du 13 juin 2022, le juge de la mise en état a déclaré l’action de M. [P] irrecevable, et l’a condamné aux dépens et à payer à la Macif la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Le juge de la mise en état a relevé, qu’indépendamment de la question de l’autorité de chose jugée soulevée par la Macif et M. [D], l’action de M. [P] était irrecevable comme ne comportant aucune demande au fond.

A titre superfétatoire, il a considéré que le préjudice subi par M. [P] avait été liquidé par le jugement du 15 décembre 2008, rendu entre les mêmes parties, que l’objet de la demande était le même, à savoir la liquidation des préjudices subis par M. [P] suite à l’agression dont il avait été victime et que, contrairement à ce qui était soutenu, le tribunal avait pris en compte le préjudice préexistant relatif à la varicocèle et avait écarté tout lien de causalité entre la révélation de la varicocèle et l’agression du 21 octobre 1994, ce jugement étant désormais définitif. Le juge de la mise en état a en outre relevé que si les expertises antérieures audit jugement avaient écarté l’imputabilité de la varicocèle à l’agression, les expertises postérieures avaient, sans ambiguïté, toutes conclu à l’absence d’aggravation en lien avec cette agression, et a déduit du tout que les conditions de l’article 1355 du code civil étaient réunies, de sorte que l’action de M. [P] était irrecevable du fait de l’autorité de chose jugée par l’effet du jugement définitif du tribunal de grande instance de Strasbourg du 15 décembre 2008.

M. [P] a interjeté appel de cette ordonnance le 24 juin 2022, son appel tendant à l’annulation, ou à la réformation de la décision en tous ses chefs.

Par ordonnance du 29 août 2022, la présidente de la chambre a fixé d’office l’affaire à bref délai en application de l’article 905 du code de procédure civile.

La déclaration d’appel, l’avis de fixation et l’ordonnance de fixation ont été signifiés à la Caisse primaire d’assurance maladie du Bas-Rhin, prise en son agence de [Localité 8], par exploit du 31 août 2022 remis à personne habilitée, et les conclusions d’appel, par exploit du 3 octobre 2022 remis selon les mêmes modalités.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières écritures transmises par voie électronique le 4 janvier 2023, M. [P] demande à la cour de réformer en toutes ses dispositions, l’ordonnance entreprise, et de :

– juger que M. [P] a formulé une demande au fond dans son acte introductif d’instance du 15 octobre 2021,

– juger que M. [P] a bien respecté les dispositions de l’article 954 alinéa 1 et 2 du code de procédure civile,

– juger que M. [P] justifie par le rapport du docteur [U] du 8 février 2020 d’un

état d’aggravation non pris en compte par le jugement du 15 décembre 2008 du tribunal de grande instance de Strasbourg qui l’a seulement indemnisé des chefs de préjudice à partir des rapports des docteur [X] du 8 novembre 2007 et [W] du 29 novembre 2007,

– juger que M. [P] justifie d’une aggravation de son état de santé depuis le jugement du 15 décembre 2008,

– juger que M. [P] formule une nouvelle demande au titre de l’aggravation qui n’a pas été incluse dans le jugement du 15 décembre 2008,

– juger, en conséquence, qu’il ne peut être opposé à la demande nouvelle, l’autorité de la chose jugée puisqu’il n’a pu être statué sur ce chef de préjudice nouveau,

– juger que l’autorité de la chose jugée ne peut donc s’appliquer, le jugement du 15 décembre 2008 n’ayant pas tranché dans son dispositif, la question du lien de causalité entre l’agression et l’élément révélateur de la varicocèle et plus généralement le lien de causalité entre l’agression du 21 octobre 1994 et la survenance de la varicocèle,

– juger que la demande de M. [P] en réparation de son préjudice corporel sur aggravation, liée à l’orchidectomie du 31 août 2018, ne se heurte pas à l’autorité de la chose jugée,

Subsidiairement, si la cour devait infirmer l’ordonnance dont appel,

– juger que la demande en indemnisation des préjudices liés aux interventions sur la varicocèle ne sont pas prescrites, la prescription de 10 ans n’ayant pas couru du fait de son interruption par les jugements, ordonnances et expertises judiciaires médicales,

– juger, en tout état de cause que la demande en réparation de M. [P] découlant de son état d’aggravation lié à l’ablation du testicule gauche du 31 août 2018 n’est pas prescrite, la prescription de 10 ans n’ayant pas couru du fait de son interruption par les jugements, ordonnances et expertises judiciaires médicales,

– juger, en tout état de cause, que la demande en réparation de M. [P] découlant de son état d’aggravation lié à l’ablation du testicule gauche du 31 août 2018 n’est pas prescrite, le délai de 10 ans expirant le 31 août 2028, et M. [P] ayant agi le 15 octobre 2021,

– juger, par conséquent que M. [P] est bien fondé à demander une provision à valoir sur la liquidation de son entier préjudice corporel,

– condamner la Macif à payer à M. [P] la somme de 60 000 euros à titre de provision à valoir sur la liquidation de son entier préjudice corporel,

– débouter la Macif et M. [D] de toutes leurs allégations et demandes,

– condamner la Macif et M. [D] à payer à M. [P] la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner les mêmes aux entiers dépens de l’instance.

Il soutient tout d’abord que la cour est bien saisie de prétentions puisqu’il demande la réformation de l’ordonnance puis détaille chacune de ses prétentions sans qu’il soit mentionné ‘dire et juger’ ou ‘constater’.

Il fait valoir ensuite que :

– il avait bien formé une demande au fond, répondant aux exigences des articles 4, 5, 54, 56, 114 et 115 du code de procédure civile, puisque son assignation comportait un exposé des faits et visait l’ancien article 1382 du code civil, devenu 1240, et demandait la réparation de son préjudice pour aggravation, la demande de provision étant bien une demande au fond,

– le juge de la mise en état n’a pas jugé la demande de M. [P] irrecevable pour absence de prétentions au fond puisqu’il s’est prononcé sur l’autorité de chose jugée,

– devant le premier juge, la Macif n’avait pas motivé sa demande en irrecevabilité ni en droit, ni en fait,

– l’irrégularité de l’assignation n’est pas une fin de non-recevoir,

– l’exposé des moyens en fait et en droit, constitue une formalité de forme, et la partie qui invoque la nullité doit pouvoir justifier d’un grief, ce que ne font pas M. [D] et la Macif.

Il estime que l’autorité de chose jugée ne peut lui être opposée en l’absence d’identité d’objet, dès lors que la demande tend à la réparation d’un chef de préjudice qui n’était pas inclus dans la précédente réclamation. En outre, l’autorité de chose jugée d’une décision de liquidation d’un préjudice ne peut être opposée à une demande en aggravation.

Il rappelle que seul le dispositif est revêtu de l’autorité de chose jugée, or contrairement à ce qu’a retenu le premier juge, le jugement du 15 décembre 2008 ne s’est pas prononcé sur le lien de causalité entre la révélation de la varicocèle et l’accident mais s’est contenté de rappeler les conclusions du rapport d’expertise, et cette question n’a pas été tranchée dans le dispositif.

Il considère donc que sa demande ne se heurte pas à l’autorité de chose jugée, ni à la prescription puisque le délai de 10 ans qui a commencé à courir à compter de la manifestation du dommage initial a été interrompu par les différents jugements, et ordonnances jusqu’au jugement de 2008. Postérieurement, le délai de dix ans prévu par l’article 2226, alinéa 1er du code civil, qui a commencé à courir à compter de la date de consolidation ou de l’aggravation, a été interrompu par des ordonnances et expertises, la dernière intervention subie datant du 31 août 2018.

Il considère donc que sa demande est parfaitement recevable, et que son préjudice résulte d’une aggravation qui a été reconnue par l’ordonnance de référé du 19 avril 2019 dont les intimés n’ont pas relevé appel. Il soutient que, dès lors que l’affection a été révélée par le fait dommageable, la victime a droit à réparation, tel étant le cas en l’espèce, le traumatisme ayant été l’élément révélateur de la varicocèle. Il estime donc être fondé à solliciter une expertise pour déterminer son préjudice, et à obtenir le paiement d’une provision sur le fondement de l’article 789 du code de procédure civile.

Aux termes de leurs dernières écritures transmises par voie électronique le 5 janvier 2023, M. [D] et la Macif demandent à la cour de :

– déclarer M. [P] irrecevable en tout cas mal fondé en son appel,

– se déclarer non saisie par la partie appelante de prétentions au sens des articles 4, 5 et 954, alinéas 1 et 2 du code de procédure civile.

En conséquence,

– confirmer dans toutes ses dispositions l’ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Strasbourg du 13 juin 2022.

A titre subsidiaire, si la cour devait infirmer l’ordonnance dont appel :

– déclarer les demandes de M. [P] contenues dans son assignation en date du 15 octobre 2021, irrecevables puisque prescrites.

En tout cas,

– débouter M. [P] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions, et le condamner à payer à la Macif une indemnité de 3 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers frais et dépens de première instance et d’appel.

Ils rappellent qu’en vertu des dispositions de l’article 954, alinéa 1 et 2 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif, or il est de jurisprudence désormais constante que des demandes qui tendent à voir « dire et juger » ou « constater » ne saisissent pas la juridiction d’une prétention au sens des dispositions des articles 4, 5, 768 et 954 du code de procédure civile. En l’occurrence , la cour constatera qu’elle n’est saisie d’aucune prétention, l’appelant se contentant de solliciter la réformation en toutes ses dispositions de l’ordonnance du juge de la mise en état du 13 juin 2022, et de voir condamner la Macif au versement d’une provision.

En tout état de cause, ils approuvent la décision du juge de la mise en état qui a considéré que l’action de M. [P] était irrecevable en l’absence de prétentions au fond ainsi qu’en raison de l’autorité de la chose jugée attachée au jugement du 15 décembre 2008.

Ils soutiennent que ce jugement a tranché la question du lien de causalité entre la découverte de la varicocèle et l’agression, dans la mesure où le tribunal qui avait, avant dire droit, ordonné une expertise confiée au docteur [W] spécifiquement sur cette question, a fait siennes les conclusions de cet expert sur ce point. Ils ajoutent que la liquidation définitive des préjudices de M. [P] consécutifs à l’agression du 21 octobre 1994 a été effectuée par le tribunal sur la base de ce rapport d’expertise du 29 novembre 2007. Le jugement du 15 décembre 2008 qui n’a pas fait l’objet d’un appel a donc acquis force de chose jugée.

Ils font valoir en outre qu’en présence d’un dispositif laconique l’autorité de chose jugée s’attache à ce que le juge a nécessairement et indiscutablement tranché en tenant compte des questions de fond, qui si elles n’ont pas été formellement reprises dans le dispositif, sont nécessairement englobées dans celui-ci, la jurisprudence reconnaissant que l’autorité de la chose jugée s’étend non seulement aux énonciations formelles du jugement, mais également aux questions incidentes que le juge a dû nécessairement résoudre pour y parvenir.

En l’occurrence, le tribunal qui avait notamment demandé à l’expert de se prononcer sur l’imputabilité des lésions de M. [P] à l’événement traumatique et plus particulièrement sur le lien de causalité entre la varicocèle et l’événement traumatique, et qui a repris les conclusions de l’expert sur ce point en a manifestement tenu compte dans la liquidation du préjudice.

Ils soutiennent que M. [P] qui reconnaît lui même dans ses écritures que « la prescription de 10 ans n’a pas couru du fait de son interruption par les jugements, ordonnances et expertises judiciaires médicales ‘ toujours rendus relativement à la varicocèle », ne peut donc opportunément prétendre que la question de l’imputabilité de la varicocèle n’aurait jamais été tranchée alors qu’il en a toujours été question depuis le début du processus judiciaire indemnitaire.

En tout état de cause, la demande est prescrite, puisque la varicocèle a été diagnostiquée et traitée dès 1995, et qu’une demande en aggravation ne peut reposer que sur un dommage initial qui aurait été déclaré imputable et aurait fondé une demande de réparation avant la fin du délai de prescription, or il ressort des pièces médicales que M. [P] n’a subi aucun traitement lié à la varicocèle a minima depuis 2005

Enfin, M. [P] ne peut fonder sa réclamation sur une aggravation qui a été formellement exclue par les dernières expertises réalisées et qu’il n’évoquait d’ailleurs pas dans son assignation. Si son état de santé s’est aggravé il n’y a cependant pas d’aggravation, au sens juridique du terme, à savoir existence d’un préjudice nouveau, lequel n’a fait l’objet d’aucune évaluation et indemnisation et dont le lien direct et certain avec le fait générateur de responsabilité peut être établi.

Ils s’opposent enfin à la demande de provision, la créance alléguée étant sérieusement contestable.

Pour l’exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions notifiées et transmises par voie électronique aux dates susvisées.

MOTIFS

La Caisse primaire d’assurance maladie du Bas-Rhin, prise en son agence de [Localité 8], assignée à personne morale, n’ayant pas constitué avocat, il sera statué par arrêt réputé contradictoire.

Conformément à l’article 954 du code civil, la cour n’est tenue de statuer que sur les prétentions figurant au dispositif des dernières écritures des parties, et n’a pas à répondre à des demandes tendant à voir ‘dire et juger’ ou seulement ‘juger’ qui correspondent seulement à la reprise de moyens développés dans les motifs des conclusions et sont dépourvues d’effets juridiques.

Si les conclusions de M. [P], ci-dessus rappelées, comporte différentes demandes tendant à voir ‘juger’ qui ne correspondent effectivement qu’au rappel des moyens qu’il développe, la cour est néanmoins saisie de prétentions en ce qu’il lui est demandé de réformer la décision ayant déclaré M. [P] irrecevable en son action et de ‘juger que M. [P] a formulé une demande au fond dans son acte introductif d’instance du 15 octobre 2021, de ‘juger que la demande de M. [P] en réparation de son préjudice corporel sur aggravation, liée à l’orchidectomie du 31 août 2018, ne se heurte pas à l’autorité de la chose jugée’, ou encore de juger que sa demande n’est pas prescrite, outre la condamnation des intimés au paiement d’une provision, ce qui constitue des prétentions en ce que, pour les trois premières, elles visent à écarter les fins de non-recevoir soulevées, et pour la dernière, elle tend à l’allocation de dommages et intérêts à titre provisionnel, la cour qui est saisie de l’appel d’une décision du juge de la mise en état en exerçant les pouvoirs.

Contrairement à ce que soutient l’appelant, pour déclarer l’action de M. [P] irrecevable le juge de la mise en état a retenu, à titre principal, qu’elle ne comportait aucune demande au fond, et n’a examiné la question de l’autorité de chose jugée qu’à titre superfétatoire.

À cet égard, la cour ne peut que constater que, dans son assignation, M. [P] demandait au tribunal judiciaire de :

– dire et juger que l’agression dont il a été victime le 21 octobre 1994 a été l’élément révélateur de la varicocèle,

– dire et juger par conséquent que le préjudice corporel dont il a été victime le 21 octobre 1994 doit être réparé intégralement,

– avant dire droit sur l’indemnisation des divers chefs de préjudice subis par M. [P], ordonner une expertise médicale,

– condamner la Macif et M. [S] [D] in solidum à lui payer la somme de 100 000 euros à titre de provision à valoir sur la réparation de son entier préjudice.

Ce faisant, comme l’a justement relevé le juge de la mise en état, le tribunal qui n’était saisi d’aucune demande tendant à voir reconnaître la responsabilité de M. [D] dans le préjudice allégué ou à obtenir sa condamnation et celle de son assureur à l’indemniser au titre d’une aggravation de son préjudice, n’était saisi d’aucune prétention au fond, une demande d’expertise avant dire droit et de provision ne constituant pas de telles prétentions. De même, les demandes préalables de ‘dire et juger’ ci-dessus rappelées qui constituent seulement le rappel de moyens et non l’objet de la demande, c’est à dire le résultat concret que le demandeur recherche par l’exercice de son action, ne sont pas des prétentions au fond.

Les arguments développés par M. [P] tirés de l’application des articles 4, 5, 114 et 115 du code de procédure civile et de l’absence de preuve d’un grief, sont inopérants, dès lors que n’est pas poursuivie la nullité de l’assignation, la question soulevée n’étant pas celle de la validité de l’acte introductif d’instance, mais celle de la régularité de la saisine de la juridiction, le défaut de saisine régulière de la juridiction ne constituant pas un vice de forme mais une fin de non-recevoir.

En effet, conformément à l’article 30 du code de procédure civile, l’action est le droit, pour l’auteur d’une prétention, d’être entendu sur le fond de celle-ci afin que le juge la dise bien ou mal fondée, et selon l’article 53 du même code la demande initiale est celle par laquelle un plaideur prend l’initiative d’un procès en soumettant au juge ses prétentions.

Par voie de conséquence, l’action engagée devant le juge du fond n’est recevable qu’autant qu’elle a pour objet de faire trancher un litige au fond, tel n’étant pas le cas lorsque la juridiction n’est saisie que de demandes avant dire droit.

L’ordonnance entreprise doit donc être approuvée en tant qu’elle a déclaré irrecevable l’action de M. [P] pour absence de prétentions au fond, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres fins de non-recevoir soulevées.

L’ordonnance entreprise sera donc confirmée en toutes ses dispositions, y compris celles relatives aux dépens et frais exclus des dépens.

Les dépens d’appel seront supportés par M. [P], qui sera débouté de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Il n’est toutefois pas inéquitable de laisser à la charge de la Macif les frais exclus des dépens qu’elle a exposés en cause d’appel

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

CONFIRME l’ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Strasbourg en date du 13 juin 2022 ;

Y ajoutant,

DEBOUTE M. [P] et la Macif de leurs demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [T] [P] aux entiers dépens d’appel.

Le greffier, La présidente,

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x