Nullité d’Assignation : 4 mai 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 22/01991

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Nullité d’Assignation : 4 mai 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 22/01991
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République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 04/05/2023

****

N° de MINUTE :

N° RG 22/01991 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UHRM

Jugement (N° 2020022429) rendu le 09 février 2022 par le tribunal de commerce de Lille Métropole

APPELANTE

SASU Clémentine, agissant en la personne de son représentant légal domicilié audit siège en cette qualité

ayant son siège [Adresse 1]

représentée par Me Emilie Guillemant, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

INTIMÉE

SARL D [P] [L] prise en la personne de son gérant Monsieur [D] [L], domicilié en cette qualité audit siège

ayant son siège [Adresse 10]

représentée par Me Manuel Buffetaud, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

assistée de Maître Aymeric Louvet, avocat au barreau de Montpellier, avocat plaidant

DÉBATS à l’audience publique du 28 mars 2023 tenue par Agnès Fallenot magistrat chargé d’instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marlène Tocco

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Samuel Vitse, président de chambre

Nadia Cordier, conseiller

Agnès Fallenot, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 04 mai 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Samuel Vitse, président et Marlène Tocco, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 14 mars 2023

****

FAITS ET PROCEDURE

La SASU Clémentine, spécialisée dans le conseil en entreprise, a assuré le développement de la vente des vins de la SARL D [P] [L].

Par un courrier du 7 juin 2019, cette dernière a mis fin à leurs relations, en alléguant notamment de la violation de l’obligation de ne pas représenter ses concurrents.

La société Clémentine a dénoncé en réponse une rupture brutale et injustifiée de leurs relations commerciales.

Par acte d’huissier en date du 3 décembre 2020, elle a saisi le tribunal de commerce de Lille Métropole aux fins de le voir :

«A défaut de conciliation,

Vu les articles L 134-11, L134-12 et L442-1 du code de commerce,

Vu l’article 515 du code de procédure civile,

(…)

Condamner la SARLU D [P] [L] à payer à la SAS CLEMENTINE la somme de 12 737,99 € en principal au titre des commissions impayées, assortie des intérêts au taux légal au titre des pénalités de retard à compter de la mise en demeure du 25 juillet 2019.

Ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir,

Condamner la SARLU D [P] [L] à payer à la SAS CLEMENTINE la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamner la SARLU D [P] [L] aux entiers dépens. »

Par jugement rendu le 9 février 2022, le tribunal de commerce de Lille Métropole a statué en ces termes :

« DEBOUTE DOMAINES [P] [L] de sa demande de constater la nullité de l’assignation

SE DECLARE territorialement compétent

DEBOUTE la Société CLEMENTINE de ses demandes, fins et conclusions, plus amples ou complémentaires

DEBOUTE la société DOMAINES [P] [L] de ses demandes plus amples ou complémentaires

CONDAMNE la société CLEMENTINE à payer à la société DOMAINES [P] [L] la somme de 3 500 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile

ORDONNE l’Exécution Provisoire du présent jugement

CONDAMNE la société CLEMENTINE aux entiers dépens de l’instance, taxés et liquidés à la somme de 73.24 € (en ce qui concerne les frais de Greffe). ».

Par déclaration du 22 avril 2022, la société Clémentine a relevé appel de l’ensemble des chefs de cette décision, à l’exception de ceux ayant débouté la société D [P] [L] de sa demande de constat de l’annulation de l’assignation et retenu la compétence territoriale du tribunal de commerce de Lille Métropole.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions régularisées par le RPVA le 13 mars 2023, la société Clémentine demande à la cour de :

« REFORMER le jugement rendu par le Tribunal de commerce de LILLE METROPOLE en date du 9 février 2022, en ce qu’il a :

« DEBOUTE la société CLEMENTINE de ses demandes, fins et conclusions, plus amples ou complémentaires

CONDAMNE la société CLEMENTINE à payer à la société DOMAINES [P] [L] la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société CLEMENTINE aux entiers dépens de l’instance, taxés et liquidés à la somme de 73.24 € (en ce qui concerne les frais de greffe). »

Par conséquent, statuant à nouveau

A titre principal :

Vu les articles L134-1 et suivants et L134-12 du code de commerce,

CONDAMNER la société D [P] [L] à verser à la SAS CLEMENTINE la somme de 23 164,70 euros,

DEBOUTER purement et simplement la société D [P] [L] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

A titre subsidiaire :

Vu l’article L442-1 du code de commerce,

CONDAMNER la société D [P] [L] à verser à la SAS CLEMENTINE la somme de 23 164,70 euros,

DEBOUTER purement et simplement la société D [P] [L] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

En toutes hypothèses

Vu les articles 1101 et 1103 du code civil

CONDAMNER la société D [P] [L] à verser à la SAS CLEMENTINE la somme de 12 737,99 euros en principal au titre des commissions impayées, assortie des intérêts au taux légal au titre des pénalités de retard à compter de la mise en demeure du 25 juillet 2019.

CONDAMNER la société D [P] [L] à verser à la SAS CLEMENTINE la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTER la société D [P] [L] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

DEBOUTER purement et simplement la société D [P] [L] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

CONDAMNER la société D [P] [L] aux entiers frais et dépens d’instance et d’appel. ».

Par conclusions régularisées par le RPVA le 14 mars 2023, la société D [P] [L] demande à la cour de :

« Vu les articles L134-1 et suivants du Code de Commerce,

Vu les articles 1240 (ex art. 1382) du Code Civil,

Vu la jurisprudence y afférente,

Vu la décision du Tribunal de commerce de Lille Métropole du 9 février 2022,

CONFIRMER le Jugement rendu par le Tribunal de commerce de Lille Métropole le 9 février 2022 en ce qu’il a :

– Débouté la société CLEMENTINE de ses demandes, fins et conclusions, plus amples ou complémentaires,

– Condamné la société CLEMENTINE à payer à la société DOMAINES [P] [L] la somme de 3 500 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

– Condamné la société CLEMENTINE aux entiers dépens. REFORMER le Jugement rendu par le Tribunal de commerce de Lille Métropole le 9 février 2022 en ce qu’il a débouté la société DOMAINES [P] [L] de ses demandes plus amples ou complémentaires.

Et plus précisément :

RECEVOIR la société DOMAINES [P] [L] en ses écritures, fins et conclusions.

1. REJET DES DEMANDES DE LA SOCIETE CLEMENTINE

CONFIRMER le Jugement du Tribunal de commerce de Lille Métropole et REJETER l’ensemble des prétentions de la société CLEMENTINE.

A TITRE PRINCIPAL

DIRE ET JUGER que la société CLEMENTINE ne produit aucune preuve de ses relations contractuelles éventuelles avec la société DOMAINES [P] [L].

DIRE ET JUGER que la société CLEMENTINE ne produit au soutien de ses demandes aucune preuve de ses pouvoirs de négociation et de conclusion des contrats pour le compte de la société DOMAINES [P] [L].

DIRE ET JUGER que la société CLEMENTINE ne démontre pas qu’elle remplit les conditions cumulatives de l’article L134-1 du Code de Commerce.

DIRE ET JUGER que la société CLEMENTINE ne produit aucune explication en fait et en droit justifiant ses demandes de condamnation à près de 38.000 €.

CONFIRMER EN CONSEQUENCE le Jugement du Tribunal de commerce de Lille Métropole ET REJETER les demandes de la société CLEMENTINE fondées sur le statut d’agent commercial dès lors que celle-ci n’apporte pas la preuve, qui lui incombe, de l’application du statut.

A TITRE SUBSIDIAIRE

DIRE ET JUGER que les demandes fondées sur la rupture brutale des relations et donc à l’article L 442-1-II du Code de Commerce sont étrangères à l’indemnité des agents commerciaux prévue à l’article L 134-12 du Code de Commerce ;

DIRE ET JUGER que les demandes fondées sur le statut d’agent commercial sont formulées pour la première fois à l’occasion de la présente procédure.

DIRE ET JUGER en conséquence que la société CLEMENTINE est déchue de son droit à indemnité conformément à l’alinéa 2 de l’article L 134-12 du Code de Commerce.

REJETER en conséquence les demandes indemnitaires de la société CLEMENTINE.

A TITRE TRES SUBSIDIAIRE

DIRE ET JUGER que la société CLEMENTINE est seule à l’origine de la rupture des relations commerciales du fait notamment des fautes graves suivantes :

– représentation de vins concurrents de la société CELLIER DU PIC ‘ expressément reconnue par la société CLEMENTINE – sans autorisation expresse et préalable de DOMAINES [P] [L] ;

– absence de représentation loyale et professionnelle de la société DOMAINES [P] [L] ;

– absence de loyauté dans l’exécution de sa mission.

DIRE ET JUGER que confrontée aux fautes graves de la société CLEMENTINE, la société DOMAINES [P] [L] pouvait rompre immédiatement le contrat sans avoir à respecter un quelconque préavis.

REJETER EN CONSEQUENCE l’ensemble des demandes de la société CLEMENTINE fondées sur le statut d’agent commercial dès lors que cette dernière a commis des fautes graves.

A TITRE EXTREMEMENT SUBSIDIAIRE

DIRE ET JUGER que la société CLEMENTINE ne justifie nullement du préjudice subi au sens de l’article L 134-12 du Code de Commerce.

DIRE ET JUGER que l’indemnité doit être calculée sur la base de 12 mois de commissions compte tenu de la durée très courte des relations, limitée à cinq ans, entre la société DOMAINES [P] [L] et la société CLEMENTINE,

DIRE ET JUGER que cette indemnité doit subir une décote de 50 % dès lors que la société CLEMENTINE est, de par son comportement fautif, en partie responsable de la rupture.

EN CONSEQUENCE DIRE ET JUGER que cette indemnité doit donc être limitée à 5.783,50 euros.

DIRE ET JUGER EN TOUT ETAT DE CAUSE que cette indemnité se compensera avec les sommes dues par la société CLEMENTINE à la société DOMAINES [P] [L] au titre de ses demandes reconventionnelles.

A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE

DIRE ET JUGER que les dispositions de l’article L 442-1-II du Code de Commerce relatives à la rupture brutale des relations commerciales, sont conformément à la jurisprudence constante, inapplicables aux agents commerciaux.

REJETER EN CONSEQUENCE toute demande à ce titre.

EN TOUT ETAT DE CAUSE

DIRE ET JUGER que si ce texte était applicable, la société DOMAINES [P] [L] justifie des fautes exclusives de tout préavis et de tout préjudice.

CONFIRMER EN CONSEQUENCE le Jugement du Tribunal de commerce de Lille Métropole et REJETER les demandes de la société CLEMENTINE.

2. DEMANDES RECONVENTIONNELLES DE LA SOCIETE DOMAINES [P] [L]

2.1 DIRE ET JUGER que la société CLEMENTINE a violé les obligations légales de non-concurrence et de loyauté (art. L134-3 du Code de Commerce).

DIRE ET JUGER qu’un préjudice s’infère directement de ce comportement déloyal.

REFORMER EN CONSEQUENCE le Jugement du Tribunal de commerce de Lille Métropole et CONDAMNER la société CLEMENTINE à verser à la société DOMAINES [P] [L] la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts.

2.2 DIRE ET JUGER que la présente procédure repose sur :

– une argumentation de l’Appelante, en fait et en droit, inexistante ;

– un statut d’agent commercial inapplicable ;

– des fautes graves de la société CLEMENTINE.

REFORMER EN CONSEQUENCE le Jugement du Tribunal de commerce de Lille Métropole et CONDAMNER la société CLEMENTINE à verser à la société DOMAINES [P] [L] la somme de 10 000 euros titre de dommages et intérêts.

3. EN TOUT ETAT DE CAUSE

Dans l’hypothèse où par extraordinaire la Cour condamnerait la société DOMAINES [P] [L] à régler tout ou partie des commissions ou indemnités soi-disant dues à la société CLEMENTINE,

ORDONNER la compensation judiciaire entre les sommes dues de part et d’autre et ce, outre les sommes dépassant ces commissions et indemnités que la société CLEMENTINE devra directement régler à la société DOMAINES [P] [L].

CONDAMNER la société CLEMENTINE à la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

CONDAMNER l’Appelante aux entiers dépens. ».

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 14 mars 2023.

Lors de l’audience de plaidoiries du 28 mars 2023, il a été demandé aux conseils des parties de présenter leurs observations par note en délibéré sur l’irrecevabilité de l’appel en application des articles L. 442-1, L. 442-4 et D. 442-3 du code de commerce.

Par messages adressés par le RPVA le 31 mars 2023, la société Clémentine et la société D [P] [L] s’en sont rapportées s’agissant du moyen relevé d’office par la cour.

SUR CE

Sur la recevabilité de l’appel

Aux termes de l’article L. 442-1 du code de commerce, en sa version applicable au présent litige :

(…)

II.-Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, en l’absence d’un préavis écrit qui tienne compte notamment de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou aux accords interprofessionnels.

Aux termes de l’article L. 442-4 du code de commerce,

I.-Pour l’application des articles L. 442-1, L. 442-2, L. 442-3, L. 442-7 et L. 442-8, l’action est introduite devant la juridiction civile ou commerciale compétente par toute personne justifiant d’un intérêt, par le ministère public, par le ministre chargé de l’économie ou par le président de l’Autorité de la concurrence lorsque ce dernier constate, à l’occasion des affaires qui relèvent de sa compétence, une pratique mentionnée aux articles précités.

(…)

III.-Les litiges relatifs à l’application des articles L. 442-1, L. 442-2, L. 442-3, L. 442-7 et L. 442-8 sont attribués aux juridictions dont le siège et le ressort sont fixés par décret.

Aux termes de l’article D. 442-3 du code de commerce, en sa version applicable au présent litige, pour l’application du III de l’article L. 442-4, le siège et le ressort des juridictions commerciales compétentes en métropole et dans les départements d’outre-mer sont fixés conformément au tableau de l’annexe 4-2-1 du présent livre. La cour d’appel compétente pour connaître des décisions rendues par ces juridictions est celle de Paris.

Conformément au tableau de l’annexe 4-2-1 précité, sont compétents les juridictions commerciales de [Localité 6], [Localité 2], [Localité 11] (en réalité [Localité 4] Métropole), [Localité 3], [Localité 5], [Localité 7], [Localité 8] et [Localité 9].

Il s’évince de ces textes d’ordre public que la cour d’appel de Paris est seule investie du pouvoir de statuer sur les appels formés contre les décisions rendues par les juridictions spécialement désignées dans les litiges relatifs à l’application de l’article L. 442-1 du code de commerce, ce texte fût-il invoqué à titre subsidiaire.

L’inobservation de cette règle est sanctionnée par une fin de non-recevoir.

En l’espèce, la décision entreprise a été rendue par le tribunal de commerce de Lille Métropole.

La cour d’appel compétente pour connaître des décisions rendues par cette juridiction est exclusivement celle de Paris.

Il convient donc de déclarer l’appel interjeté devant la cour d’appel de Douai irrecevable.

Sur les dépens

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

L’issue du litige justifie de condamner la société Clémentine aux dépens d’appel.

Sur les frais irrépétibles

Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

L’équité commande de ne pas faire application de ce texte et de laisser à chacune des parties la charge de ses propres frais irrépétibles d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Déclare l’appel irrecevable ;

Déboute les parties de leurs demandes respectives au titre de leurs frais irrépétibles d’appel ;

Condamne la société Clémentine aux dépens d’appel.

Le greffier

Marlène Tocco

Le président

[U] [S]

 


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