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25/04/2023
ARRÊT N°
N° RG 21/02512
N° Portalis DBVI-V-B7F-OGTG
Jonction avec :
N° RG 21/03400
N° Portalis DBVI-V-B7F-OJZO
JCG / RC
Décision déférée du 18 Mai 2021
TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO,
JCP de TOULOUSE ( 20/02084)
M. GUICHARD
[D] [O]
[F] [M]
C/
[U] [C]
S.A.S. LP PROMOTION
S.A. CREDIT FONCIER DE FRANCE
INFIRMATION PARTIELLE
et
JONCTION
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
1ere Chambre Section 1
***
ARRÊT DU VINGT CINQ AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANTS
Madame [D] [O]
[Adresse 4]
[Localité 8]
Représenté par Me Marine BERGUA, avocat postulant, avocat au barreau de TOULOUSE
Représenté par Me Cédric BERNAT, avocat plaidant de la SELARL LEX CONTRACTUS, avocat au barreau de BORDEAUX
Monsieur [F] [M]
[Adresse 4]
[Localité 8]
Représenté par Me Marine BERGUA, avocat postulant, avocat au barreau de TOULOUSE
Représenté par Me Cédric BERNAT, avocat plaidant de la SELARL LEX CONTRACTUS, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMES
Monsieur [U] [C]
Es-qualités d’ancien associé et représentant légal de la SAS LESESAME, qui était immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le n° 413 032 525 dont le siège était [Adresse 2]), liquidée pour insuffisance d’actif par jugement du Tribunal de Commerce de PARIS du 6 JUIN 2018, radiée le 7 juin 2018
[Adresse 6]
[Localité 1]
Représenté par Me François MIRETE, avocat postulant, avocat au barreau de TOULOUSE
S.A.S. LP PROMOTION
Immatriculéé au Registre du Commerce et des Sociétés de Toulouse sous le numéro 433 137 890, venant aux droits de la S.C.I. LP PROMOTION MATISSE, SCCV radiée le 29 octobre 2014
[Adresse 5]
[Localité 7]
Représentée par Me Mathieu SPINAZZE de la SELARL DECKER, avocat au barreau de TOULOUSE
S.A. CREDIT FONCIER DE FRANCE
Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Paris sous le numéro 542 029 848, prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 9]
Représentée par Me Catherine BENOIDT-VERLINDE de la SCP CABINET MERCIE – SCP D’AVOCATS, avocat postulant, avocat au barreau de TOULOUSE
Représentée par Me Georges JOURDE, avocat plaidant, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 Décembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant J.C GARRIGUES, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. DEFIX, président
J.C. GARRIGUES, conseiller
A.M. ROBERT, conseiller
Greffier, lors des débats : N.DIABY
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par M. DEFIX, président, et par N.DIABY, greffier de chambre.
FAITS ‘ PROCÉDURE ‘ PRÉTENTIONS
La Sccv LP Promotion Matisse a fait construire un ensemble immobilier situé à [Localité 10] (33), constituant la résidence ‘Les jardins de Matisse’.
La société Lesesame s’est chargée de la commercialisation de biens de cet ensemble immobilier.
Par acte authentique en date du 12 octobre 2007, M. [F] [M] et Mme [D] [O] ont procédé à l’achat d’un appartement T2 avec balcon et d’un parking au sein de la résidence ‘Les jardins de Matisse’ en l’état futur d’achèvement, financés par un prêt de 140 708 euros accordé par la Sa Crédit Foncier de France.
Courant décembre 2017, le bien a été estimé par une agence immobilière à une valeur comprise entre 50 000 et 55 000 euros.
Les consorts [M] – [O] se sont rapprochés de la Sas LP Promotion, ancienne gérante de la Sccv LP Promotion Matisse désormais liquidée, pour tenter d’obtenir une réparation de leur dommage, caractérisé selon eux par la différence entre le prix d’achat et la valeur vénale du bien en 2017.
Le 5 avril 2018, une transaction aux termes de laquelle la Sas LP Promotion s’est engagée à verser aux consorts [M] [O] une indemnité correspondant à 53 mensualités du prêt bancaire en cours, tandis que ceux-ci s’engageaient à n’intenter aucune action judiciaire à l’encontre de toute entité du groupe LP Promotion, a été régularisée.
Considérant qu’ils n’avaient pas été intégralement remplis dans leurs droits et que la transaction était nulle, par exploits d’huissier en date des 24 et 25 juin 2020, M. [M] et Mme [O] ont fait assigner devant le tribunal judiciaire de Toulouse la Sas LP Promotion, la Sa Crédit Foncier de France et M. [U] [C], ès qualités d’ancien associé et représentant légal de la Sas Le Sésame, afin d’entendre :
Vu ensemble les articles L. 341-1, L. 341-11, L.541-1, L. 541-4, L.550-1, L.519-1 du code monétaire et financier (version en vigueur en 2007) :
– juger que la Sas Lesesame :
# s’est bien livrée à du démarchage au domicile de M. [M] et Mme [O] au cours de l’année 2007 ;
# a failli dans ses obligations en qualité de conseiller en investissement financier, en conseillant à M. [M] et Mme [O] la réalisation d’une opération ruineuse, dite ‘investissement locatif dans le cadre de la loi Robien’ ;
# s’est abstenue de mettre en garde les deux consommateurs contre les risques par eux encourus dans le cadre de ce type d’opérations ;
# a failli dans ses obligations en qualité d’intermédiaire en biens, en prenant part à la commercialisation de biens qu’il savait surévalués, en étant mû par l’objectif de ses propres commissions ;
# est enfin intervenue dans l’opération en qualité d’intermédiaire en opération de banque, activité au demeurant non visée dans son objet social, pour l’obtention du financement nécessaire à la finalisation de cette opération ruineuse ; – juger que la liquidation de la Sas Lesesame ayant été clôturée le 16 juin 2018, c’est à bon droit qu’ils ont assigné l’ancien représentant légal et associé de cette structure, M. [U] [C] ;
Vu ensemble les articles 1147, 1602 et 1134 alinéa 3 du code civil (version en vigueur en 2007 ) :
– juger que la Sci LP promotion Matisse, filiale de la Sas LP Promotion :
# a manqué à son obligation d’informer M. [M] et Mme [O] sur la valeur réelle, sincère et loyale du bien vendu, à savoir un T2 en l’état futur d’achèvement à [Localité 10] (33) ;
# s’est abstenue de mettre en garde les deux consommateurs contre les risques par eux encourus dans le cadre de ce type d’opérations ; Vu l’article 2044 du code civil (en vigueur en 2018)
– juger que la Sas LP Promotion a fait signer aux consorts [M]-[O] un document intitulé ‘protocole transactionnel’ dépourvu de concessions réciproques, aucune concession n’étant accordée par la société LP Promotion, l’objectif central poursuivi par cette dernière étant de se mettre à l’abri de toute poursuite ultérieure, une fois que les deux consommateurs auraient compris que ce prétendu protocole ne répare nullement leurs préjudices ; – déclarer nul ce protocole dit transactionnel du 5 avril 2018, et recevable l’action et les demandes de M. [M] et Mme [O] à l’encontre de la Sas LP Promotion ;
Vu ensemble les articles L. 111-1 du code de la consommation et 1147 du code civil (version en vigueur en 2007) :
– constater que le Crédit Foncier de France :
# a émis une offre de prêt pour 140. 708 € au profit des consorts [M]-[O] le 14 mai 2007, sans les avoir jamais rencontrés, et sans jamais leur avoir dispensé le moindre conseil ni la moindre mise en garde relativement à l’opération alors envisagée ;
# de son propre aveu, s’est contenté d’adresser aux candidats emprunteurs un courrier leur indiquant les coordonnées d’une personne à contacter en cas de question ; – juger que le Crédit Foncier de France a été imprudent et a manqué à ses obligations légales d’information et de conseil, et a régularisé le prêt litigieux, au mépris des textes susvisés ;
– condamner in solidum : – la Sas LP Promotion, sur le fondement des dispositions de l’article 1382 du code civil (en vigueur en 2007), cette dernière étant l’ayant-cause de sa filiale LP Promotion Matisse, liquidée amiablement le 29 octobre 2014, – M. [U] [C], sur le fondement des dispositions de l’article 1382 du code civil (en vigueur en 2007), ce dernier étant l’ancien associé et président de la Sas Lesesame, dont la liquidation a été clôturée le 7 juin 2018, – le Crédit Foncier de France, sur le fondement de l’article 1147 du code civil (en vigueur en 2007), à leur payer les sommes suivantes :
# une indemnité de 78.208 € à titre principal, correspondant uniquement à la réparation de la perte financière subie sur le prix du bien, entre le moment de son achat et le moment de sa revente ;
# une indemnité de 10.000 € chacun en réparation de leur préjudice moral ; Vu ensemble les articles L.313-3 du code monétaire et financier et 503 du code de procédure civile ;
– rappeler que l’ensemble des condamnations porteront intérêts au taux légal majoré de cinq points, à l’expiration d’un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice sera devenue exécutoire ; – condamner in solidum la Sas LP Promotion, M. [U] [C] et le Crédit Foncier de France à leur payer une indemnité de 8000 € en réparation de leurs frais irrépétibles ; – condamner in solidum la Sas LP Promotion, M. [U] [C] et le Crédit Foncier de France aux dépens, en ce compris les éventuels frais d’exécution forcée de la décision à intervenir, dont distraction au profit de Maître Marine Bergua, avocat au Barreau de Toulouse.
Par ordonnance en date du 23 février 2021, le juge de la mise en état a ordonné le renvoi de l’affaire à l’audience civile collégiale du 18 mars 2021 pour qu’il soit statué sur les fins de non recevoir et exceptions de nullité soulevées par la Sas LP Promotion, le Crédit Foncier de France et M. [U] [C], le cas échéant après avoir tranché les questions de fond préalables s’y rapportant.
Par jugement contradictoire du 18 mai 2021, le tribunal judiciaire de Toulouse a :
– dit que le dol allégué par Mme [D] [O] et M. [F] [M] n’est pas établi ;
– déclaré irrecevable l’action de Mme [D] [O] et M. [F] [M] à l’encontre de la Sas LP Promotion et de la Sa Le Crédit Foncier de France ;
– rejeté l’exception de nullité soulevée par M. [U] [C] ;
– déclaré recevable l’action de Mme [D] [O] et M. [F] [M] à l’encontre de M.[U] [C] ;
– rejeté les demandes formées au titre des frais irrépétibles ;
– réservé les dépens de l’incident ;
– renvoyé l’affaire à l’audience de mise en état électronique de la filière 9 du 22 juin 2021 pour conclusions de M. [U] [C].
Le tribunal a rejeté la demande de nullité de l’assignation formée par M. [C] au motif de l’omission de l’une des mentions exigées pour la désignation du requérant, dès lors que M. [C] n’alléguait aucun grief dans ses conclusions d’incident.
Sur la recevabilité de l’action à l’encontre de M. [C], le tribunal a constaté que c’était bien en qualité d’ancien dirigeant et associé de la société Lesesame que M. [C] avait été assigné devant la juridiction, et que l’incident qu’il avait initié ne constituait pas une fin de non-recevoir au sens de l’article 122 du code de procédure civile, les questions qu’il avait soumises initialement au juge de la mise en état relevant exclusivement du fond et devant être tranchées par le tribunal.
Sur la prescription, le tribunal a relevé à titre liminaire que seules la Sas LP Promotion et la Sa Crédit Foncier de France avaient soulevé la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action.
Sur la prescription de l’action fondée sur des manquements contractuels, et plus précisément sur un éventuel manquement à l’obligation d’information ou au devoir de conseil, le tribunal a considéré que c’est au plus tard à l’issue du délai de cinq mois entre la réservation et l’acte de vente définitif, que les consorts [O]-[M] auraient dû se rendre compte des manquements allégués, que l’action se prescrivait donc le 19 juin 2013 compte tenu de la date de signature de l’acte authentique et de l’entrée en vigueur de la loi du 18 juin 2008, et que la fin de non-recevoir devait être accueillie dès lors que les assignations dataient du mois de juin 2020.
Sur la prescription de l’action fondée sur le dol, le tribunal a estimé qu’il était plus pertinent de déterminer en premier lieu si les éventuelles manoeuvres dolosives étaient caractérisées pour vérifier dans un second temps à quel moment les demandeurs avaient été mis en mesure de s’en apercevoir. Il a ensuite jugé qu’aucun des éléments dont faisaient état les consorts [O]- [M] ne permettaient de caractériser les manoeuvres dolosives alléguées, que ni l’existence d’un vice d’origine du programme, ni la surévaluation alléguée n’étaient démontrées, qu’il n’était donc pas justifié d’un motif légitime devant conduire à retarder le point de départ du délai de prescription, lequel devait être fixé à la date du contrat de vente. Il a en conséquence également accueilli la fin de non-recevoir soulevée par la Sas LP Promotion.
De ce fait, il a estimé n’y avoir lieu à analyser la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose transigée.
Il a constaté qu’en définitive le droit d’agir des consorts [O]-[M] ne subsistait qu’à l’encontre de M. [C] qui n’avait pas soulevé la prescription de l’action engagée à son encontre.
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Par déclaration du 4 juin 2021, Mme [D] [O] et M. [F] [M] ont relevé appel de cette décision à l’égard de l’ensemble des parties en ce qu’elle a :
– dit que le dol allégué par Mme [D] [O] et M. [F] [M] n’est pas établi,
– déclaré irrecevable l’action de Mme [D] [O] et M. [F] [M] à l’encontre de la Sas LP Promotion et de la Sa Le Crédit Foncier de France,
– rejeté les demandes formées au titre des frais irrépétibles.
Cette procédure a été enrôlée sous le n° RG 21 – 02512.
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Par ordonnance en date du 23 juillet 2021, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Toulouse, statuant sur la fin de non-recevoir soulevée par M. [C] par suite du jugement du 18 mai 2021, a :
– dit que le dol allégué par Mme [O] et M. [M] n’était pas établi ;
– déclaré irrecevable car prescrite l’action de Mme [O] et M. [M] à l’encontre de M. [C], fondée tant sur un manquement à une obligation contractuelle que sur l’existence d’un dol ;
– rejeté les demandes formées au titre des frais irrépétibles ;
– condamné Mme [O] et M. [M] aux entiers dépens de l’instance.
Par déclaration en date du 27 juillet 2021, Mme [O] et M. [M] ont interjeté appel de cette décision à l’égard de M. [C].
Cette procédure a été enrôlée sous le n° RG 21 – 03400.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Dans leurs dernières écritures transmises par voie électronique le 21 décembre 2021 dans la procédure enrôlée sous le n° RG 21 – 02512, Mme [D] [O] et M. [F] [M], appelants, demandent à la cour, au visa des articles 5, 562, 789, 907, 914 et 700 du code de procédure civile, des articles 1147 du code civil et L.111-1 du code de la consommation (dans leur rédaction applicable en 2007) et des articles 2044 (en vigueur en 2018), 2222 et 2224 du code civil, de :
In limine litis,
Vu le jugement du tribunal judiciaire de Toulouse du 18 mai 2021 RG n° 20/02084,
– déclarer recevable l’appel qu’ils ont formé par acte du 7 juin 2021,
Au fond,
– réformer le jugement déféré, uniquement en ce qu’il a :
* dit que le dol qu’ils ont allégué n’est pas établi,
* déclaré irrecevable leur action à l’encontre de la Sas LP Promotion et de la Sa Le Crédit Foncier de France,
* rejeté les demandes formées au titre des frais irrépétibles,
Et statuant à nouveau :
– constater que le tribunal judiciaire de Toulouse, dans son jugement rendu le 18 mai 2021, a statué ultra petita, en ce qu’il a dit qu’ils avaient fondé une partie de leurs demandes sur le dol,
En conséquence :
– rectifier le jugement déféré, en constatant qu’il a prétendu écarter le « dol », alors que ce moyen n’était pas soulevé par eux ; qu’il n’y avait donc pas lieu de juger qu’il n’était « pas établi »,
– constater que l’ensemble des professionnels intervenus dans l’opération de défiscalisation ont manqué à leurs obligations d’information, de conseil et de mise en garde : le vendeur LP Promotion ; le commercialisateur démarcheur M. [U] [C] ; le prêteur de deniers Crédit Foncier de France,
– constater qu’ils n’ont, à aucun moment, reçu l’information complète et loyale qui aurait dû décrire les risques auxquels il s’exposaient, et plus largement, les caractéristiques essentielles de l’opération complexe de défiscalisation qui leur a été vendue par suite de démarchage ; que, ce faisant, les professionnels en cause ont violé les dispositions d’ordre public des articles 1147 du code civil et L. 111-1 du code de la consommation, dans leur version applicable à la date de commercialisation des produits, en 2007,
– rappeler qu’ils n’étaient soumis à aucune obligation de vigilance ; juger le contraire revenant à renverser la charge de la preuve, qui pèse sur le(s) professionnel(s), en exécution du texte précité du code de la consommation,
En conséquence :
– dire que le délai de prescription de leur action ne peut avoir commencé à courir en 2007, alors que les consommateurs n’avaient pas reçu l’information loyale et complète qui était attendue des professionnels avec lesquels ils contractaient ; qu’à la date de souscription des contrats litigieux, les consommateurs ignoraient leur préjudice futur, et donc, leur futur intérêt à agir,
– fixer la date à laquelle le délai de prescription a commencé à courir au 11 décembre 2017, date de la révélation du très important dommage financier consécutif à l’opération litigieuse, qui, par contre, a enrichi l’ensemble des professionnels intervenants : le vendeur LP Promotion ; le commercialisateur démarcheur M. [C] ; le prêteur de deniers Crédit Foncier de France ; que ce n’est qu’au 11 décembre 2017 que les consommateurs ont donc découvert leur intérêt à agir,
A titre subsidiaire,
– fixer la date à laquelle le délai de prescription a commencé à courir au 7 juillet 2015, date à laquelle ils ont été informés de la première diminution de loyer, information qui leur a permis d’être en mesure de s’interroger sur la rentabilité effective de leur investissement,
– déclarer que leur assignation ayant été signifiée à la Sas LP Promotion et au Crédit Foncier de France en juin 2020, leur action à l’encontre de ces derniers est parfaitement recevable,
– prendre acte qu’ils demandent que la présente affaire soit soumise à l’examen de la formation collégiale de la juridiction,
– inviter la Sas LP Promotion, le Crédit Fondier de France et M. [U] [C] à conclure au fond,
– constater que la déclaration d’appel ne portait pas sur la fin de non-recevoir relative au protocole signé entre eux et la Sas LP Promotion,
– constater que la défense, de surcroît, au fond, soulevée par la Sas LP Promotion, est irrecevable, et que ce moyen ne pourra être examiné que par le seul juge du fond, à savoir, en l’espèce, le tribunal judiciaire de Toulouse, en formation collégiale,
En conséquence,
– déclarer irrecevable la demande formée par LP Promotion portant sur leur prétendu défaut
de droit d’agir et d’intérêt à agir,
A titre subsidiaire,
Vu l’article 2044 du code civil (en vigueur en 2018),
– déclarer que la Sas LP Promotion leur a fait signer un document intitulé « protocole transactionnel » dépourvu de concessions réciproques, aucune concession n’étant finalement accordée par la société LP Promotion, l’objectif central poursuivi par cette dernière étant de se mettre à l’abri de toute poursuite ultérieure, une fois que les deux consommateurs auraient compris que ce prétendu protocole n’accordait qu’une aumône à ses signataires, à charge pour eux de s’exposer à une restitution au moment de la revente du bien, de sorte qu’un tel protocole est assurément déséquilibré au préjudice des consommateurs et ne répare en rien les préjudices réellement subis par ces derniers,
– déclarer nul ce protocole dit transactionnel du 5 avril 2018, puisqu’ils ont abandonné leurs droits pour une contrepartie si faible qu’elle est pratiquement inexistante,
– déclarer en conséquence recevable, leur action et leurs demandes en réparation à l’encontre de la Sas LP Promotion,
Vu l’article 700 du code de procédure civile :
– débouter M. [U] [C], le Crédit Foncier de France et la Sas LP Promotion de leurs demandes sur ce fondement,
– condamner les intimés à les indemniser de leurs frais irrépétibles :
* la somme de 1 500 euros sera ainsi mise à la charge de M. [C],
* celle de 5 000 euros à la charge de la Sas LP Promotion,
* celle de 5 000 euros à la charge de Crédit Foncier de France,
– condamner in solidum la Sas LP Promotion, M. [U] [C] et le Crédit Foncier de France aux dépens de l’incident.
Mme [O] et M. [M] insistent sur le fait qu’ils n’ont à aucun moment fondé leur action sur le dol, ni dans l’assignation, ni dans leurs conclusions d’incident. Ils font valoir que le tribunal a sur ce point jugé ultra petita et ils demandent à la cour de procéder à la rectification nécessaire.
Dans leurs dernières écritures transmises par voie électronique le 21 décembre 2021 dans la procédure enrôlée sous le n° RG 21 – 03400, Mme [D] [O] et M. [F] [M], appelants, demandent à la cour, au visa des articles 5, 562, 789, 907, 914 et 700 du code de procédure civile, des articles 1147 du code civil et L.111-1 du code de la consommation (dans leur rédaction applicable en 2007) et des articles 2044 (en vigueur en 2018), 2222 et 2224 du code civil, de :
In limine litis,
Vu l’ordonnance du 23 juillet 2021 du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Toulouse RG n° 20/02084,
– déclarer recevable l’appel qu’ils ont formé par acte du 27 juillet 2021 ;
Au fond
– Réformer en toutes ses dispositions l’ordonnance déférée ;
statuant à nouveau,
– vu ensemble les articles 103 et 367 du code de procédure civile, constater qu’il est de l’intérêt d’une bonne justice de juger ensemble les deux incidents actuellement pendants devant la cour d’appel de Toulouse, et ordonner la jonction de ces deux procédures sous le n° RG 21 -02512 ;
– constater que le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Toulouse, dans son ordonnance du 23 juillet 2021, a statué ultra petita, en ce qu’il a dit qu’ils avaient fondé une partie de leurs demandes sur le dol,
En conséquence :
– rectifier l’ordonnance déférée, en constatant qu’elle a prétendu écarter le « dol », alors que ce moyen n’était pas soulevé par eux ; qu’il n’y avait donc pas lieu de juger qu’il n’était « pas établi » ;
– constater que le commercialisateur démarcheur [U] [C], intervenu dans l’opération de défiscalisation, a manqué à ses obligations d’information, de conseil et de mise en garde ;
– constater qu’ils n’ont, à aucun moment, reçu l’information complète et loyale qui aurait dû décrire les risques auxquels il s’exposaient, et plus largement, les caractéristiques essentielles de l’opération complexe de défiscalisation qui leur a été vendue par suite de démarchage ; que, ce faisant, les professionnels en cause ont violé les dispositions d’ordre public des articles 1147 du code civil et L. 111-1 du code de la consommation, dans leur version applicable à la date de commercialisation des produits, en 2007,
– rappeler qu’ils n’étaient soumis à aucune obligation de vigilance ; juger le contraire revenant à renverser la charge de la preuve, qui pèse sur le(s) professionnel(s), en exécution du texte précité du code de la consommation,
En conséquence :
– dire que le délai de prescription de leur action ne peut avoir commencé à courir en 2007, alors que les consommateurs n’avaient pas reçu l’information loyale et complète qui était attendue des professionnels avec lesquels ils contractaient ; qu’à la date de souscription des contrats litigieux, les consommateurs ignoraient leur préjudice futur, et donc, leur futur intérêt à agir,
– fixer la date à laquelle le délai de prescription a commencé à courir au 11 décembre 2017, date de la révélation du très important dommage financier consécutif à l’opération litigieuse, qui, par contre, a enrichi l’ensemble des professionnels intervenants : le vendeur LP Promotion ; le commercialisateur démarcheur M. [C] ; le prêteur de deniers Crédit Foncier de France ; que ce n’est qu’au 11 décembre 2017 que les consommateurs ont donc découvert leur intérêt à agir,
A titre subsidiaire,
– fixer la date à laquelle le délai de prescription a commencé à courir au 7 juillet 2015, date à laquelle ils ont été informés de la première diminution de loyer, information qui leur a permis d’être en mesure de s’interroger sur la rentabilité effective de leur investissement,
– déclarer recevable leur action, l’ assignation ayant été signifiée à M. [C], ès qualités d’ancien associé et représentant légal de la sas Le sésame en juin 2020 ;
– prendre acte qu’ils demandent que la présente affaire soit soumise à l’examen de la formation collégiale de la juridiction, statuant au fond ;
– inviter M. [C] à conclure au fond ;
– constater que la déclaration d’appel ne portait pas sur la réparation des préjudices subis par M. [M] et Mme [O] ;
– constater que la défense, de surcroît au fond, soulevée par M. [C], est irrecevable, et que ce moyen ne pourra être examiné que par le seul juge du fond, à savoir le tribunal judiciaire de Toulouse en formation collégiale ;
– débouter M. [C] de ses demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner M. [C] à leur payer une indemnité de 5000 € en réparation de leurs frais irrépétibles ;
– condamner M. [C] aux dépens de l’incident.
Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 3 novembre 2021, la Sas LP Promotion, intimée, demande à la cour, au visa des articles 122 et suivants du code de procédure civile et des articles 2044, 2052, 2222 et 2224 du code civil, de :
– confirmer en tous points, l’ordonnance rendue le 18 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Toulouse,
– juger par conséquent l’action engagée par les consorts [O]-[M] prescrite,
A titre subsidiaire et si par extraordinaire la prescription de l’action n’était pas confirmée,
– juger que les demandes formées par les consorts [O]-[M] à son encontre sont irrecevables, pour défaut d’intérêt et de droit à agir en raison de la transaction intervenue,
– rejeter la demande formée par les consorts [O]-[M] s’agissant de l’examen du dossier au fond,
– condamner solidairement les consorts [O]-[M] au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner solidairement les consorts [O]-[M] aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Mathieu Spinazze, avocat sur son affirmation de droit.
Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 31 janvier 2022, la Sa Crédit foncier de France, intimée, demande à la cour de :
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré irrecevable l’action de Mme [D] [O] et M. [F] [M] à son encontre,
Y ajoutant,
– condamner solidairement les consorts [M] [O] à lui régler la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– les condamner enfin aux entiers dépens dont distraction au profit de Mme Catherine Benoidt Verlinde, avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
M. [U] [C], ès qualités d’ancien associé et représentant légal de la Sas Le Sesame,
intimé, demande à la cour de :
– confirmer l’ordonnance rendue le 23 juillet 2021 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Toulouse ;
– déclarer en conséquence prescrite et comme telle irrecevable l’action en responsabilité intentée à son encontre par les consorts [O]-[M] ;
– débouter les consorts [O]-[M] de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;
– les condamner à lui payer la somme de 5000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS
Dans les strictes limites de l’effet dévolutif de l’appel, la cour ne statuera que sur les chefs de jugement critiqués dont elle a été saisie.
L’action engagée devant les premiers juges par les consorts [O]-[M] visant principalement d’une part à la condamnation de la société LP Promotion à réparer leur préjudice imputé au manquement de cette dernière à son devoir d’information et de conseil ainsi qu’à l’annulation de l’accord transactionnel intervenu entre les parties et d’autre part à la condamnation in solidum de celle-ci et de l’associé de la société chargée de la commercialisation du programme immobilier avec le prêteur de deniers.
Le tribunal a déclaré irrecevable l’action engagée à l’endroit de la Sas LP Promotion et de la Sa Crédit Foncier de France sur les seuls fondements du manquement aux obligations de conseil et d’information et prétendument sur l’existence de manoeuvres dolosives de la part de la société LP Promotion.
Le juge de la mise en état saisi postérieurement à ce jugement a considéré que le dol allégué par les consorts [O]-[M] n’était pas établi et a déclaré que l’action engagée à l’endroit de M. [C] était prescrite pour être fondée tant sur un manquement aux obligations contractuelles que sur l’existence d’un dol.
Sur la jonction des instances
Il existe entre les litiges opposant Mme [O] et M. [M], d’une part à la Sas LP Promotion et au Crédit Foncier de France, et, d’autre part, à M. [C], un lien tel qu’il est de l’intérêt d’une bonne justice de les faire juger ensemble.
Il y a lieu d’ordonner la jonction des instances enrôlées sous les n° RG 21 – 02512 et
21 – 03400.
Sur l’action fondée sur le dol
Aux termes de l’article 5 du code de procédure civile, ‘le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé’.
En l’espèce, M. [M] et Mme [O] n’ont à aucun moment fondé leur action sur le dol, tant à l’égard de la Sas LP Promotion que de M. [C], et c’est donc à tort que le tribunal a statué tant sur la recevabilité que sur le bien fondé d’une telle action.
Il convient d’infirmer le jugement du 18 mai 2021 en ce qu’il a dit que le dol allégué par Mme [O] et M. [M] n’était pas établi et accueilli la fin de non-recevoir soulevée par la Sas LP Promotion en ce qui concerne l’action fondée sur l’existence de manoeuvres dolosives.
Il y a également lieu d’infirmer l’ordonnance du 23 juillet 2021 en ce qu’elle a dit que le dol allégué par Mme [O] et M. [M] n’était pas établi et accueilli la fin de non-recevoir soulevée par M. [C] en ce qui concerne l’action fondée sur l’existence de manoeuvres dolosives.
Sur la prescription de l’action à l’égard de la Sas LP Promotion et de M. [C]
Selon l’article 2270-1 du code civil dans sa rédaction applicable à la date de l’acte de vente, ‘les actions en responsabilité civile extracontractuelle se prescrivent par 10 ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation’.
L’article 2224 du code civil en vigueur à compter de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile dispose désormais que ‘les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer’.
La loi du 17 juin 2008 précitée n’a pas eu pour effet de modifier le point de départ du délai de la prescription extinctive ayant commencé à courir antérieurement à son entrée en vigueur (Civ. 3ème 16 sept 2021, n° 20-17.625).
Aux termes de l’acte introductif d’instance et de leurs conclusions, M. [M] et Mme [O] estiment avoir commis une erreur sur la valeur vénale de l’appartement lors de l’achat et sur sa valeur de revente.
Il soutiennent que cette erreur serait due aux mensonges et silences de la Sas LP promotion et de la Sas Lesesame et que ces dernières, tenues de les informer et de les conseiller dans le cadre de l’acquisition du bien immobilier litigieux, a manqué à ses obligations.
Ils fondent leur demandes sur l’obligation d’information et le devoir de conseil aux fins d’engagement de la responsabilité civile de la Sas LP Promotion et de M. [C] en sa qualité d’ancien associé et de représentant légal de la Sas Le sesame, et d’indemnisation des préjudices qui en auraient découlé.
Conformément aux dispositions de l’article 2270-1 du code civil dans sa rédaction applicable à la date de l’acte de vente, le point de départ de la prescription doit être fixé à la date de la manifestation du dommage ou de son aggravation, à savoir la date de la connaissance effective par la victime, à moins que l’on établisse qu’elle pouvait avoir cette connaissance avant.
M. [M] et Mme [O] situent leur connaissance effective du dommage au 11 décembre 2017, date à laquelle la société Avantim, chargée de l’estimation de leur bien, leur a indiqué que le prix maximum pouvant être demandé pour la vente de ce type de bien était compris entre 50.000 € et 55.000 € net vendeur.
La Sas LP promotion et M. [C] soutiennent quant à eux qu’en matière de contestation du prix de vente, le point de départ de la prescription se situe au jour de l’acte authentique de vente.
Il peut certes être admis que l’acquéreur d’un appartement n’a pas l’obligation, avant de conclure la vente, de réaliser une étude globale du marché immobilier afin de déterminer le prix moyen du secteur géographique concerné et de s’assurer que le prix de vente n’est pas déconnecté de la réalité.
Il apparaît toutefois en l’espèce que M. [M] et Mme [O] ont été informés le 7 juillet 2015 par la société Avantim, gestionnaire de leur bien, que suite à la réception du préavis de leur locataire, aux différentes démarches mises en place pour assurer la relocation du logement dans les meilleurs délais, et à l’étude attentive des prix pratiqués sur la résidence et plus globalement sur la commune de [Localité 10], une baisse de loyer d’environ 50 € favoriserait la relocation de l’appartement, étant précisé que le manque à gagner faisant suite à une baisse de loyer serait moins préjudiciable qu’une absence de locataire pendant une période qui ne pouvait être estimée (pièce n° 38 de M. [M] et Mme [O]).
Cette information a nécessairement mis en mesure M. [M] et Mme [O] de s’interroger sur la rentabilité effective de leur investissement et, partant, sur la valeur réelle de leur bien.
A défaut de tout autre élément de preuve établissant que M. [M] et Mme [O] pouvaient avoir une connaissance plus précoce du dommage allégué, le point de départ de la prescription doit être fixé au 7 juillet 2015.
Leur action, engagée par acte d’huissier en date des 24 et 25 juin 2020, n’est donc pas prescrite.
Il convient en conséquence d’infirmer les décisions entreprises en ce qu’elles ont déclaré irrecevables les actions de M.[M] et Mme [O] à l’encontre de la Sas LP Promotion et de M. [C].
L’action en réparation introduite par M. [M] et Mme [O] sera déclarée recevable, la cour n’entendant pas évoquer le fond.
Il appartiendra donc au tribunal de statuer sur le fond des prétentions ainsi jugées recevables, ainsi que sur la fin de non-recevoir relative au protocole transactionnel signé entre la Sas LP Promotion et les consorts [M]-[O], fin de non-recevoir sur laquelle le tribunal n’a pas statué et qui ne faisait pas l’objet de la déclaration d’appel.
Sur la prescription de l’action à l’égard de la société Crédit Foncier de France
Selon l’article 2270-1 du code civil dans sa rédaction applicable à la date du contrat de prêt, ‘les actions en responsabilité civile extracontractuelle se prescrivent par 10 ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation’.
L’article 2224 du code civil en vigueur à compter de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile dispose désormais que ‘les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer’.
Ce nouveau délai, en vertu des dispositions transitoires de la loi du 17 juin 2008, court ‘à compter du jour de l’entrée en vigueur de la (présente) loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure’
La loi du 17 juin 2008 précitée n’a pas eu pour effet de modifier le point de départ du délai de la prescription extinctive ayant commencé à courir antérieurement à son entrée en vigueur (Civ. 3ème 16 sept 2021, n° 20-17.625).
M. [M] et Mme [O] reprochent au Crédit Foncier de France d’avoir manqué à son devoir d’information, de conseil et de mise en garde au visa des articles L. 111-1 du code de la consommation et 1147 du code civil.
Le devoir d’information impose à un établissement de crédit de donner à ses clients une information objective sur les conditions du service sollicité, avec :
– une obligation générale d’information à la charge de tout professionnel et ce y compris les établissements de crédit, portant sur les caractéristiques du bien ou du service ;
– une obligation plus spécifique en matière de crédit immobilier prévue aux articles L.312-1 et suivants du code de la consommation qui vise à s’assurer du consentement éclairé de l’emprunteur ainsi que de son information complète et totale lors de la conclusion du contrat de prêt.
Le devoir de mise en garde se définit comme l’obligation d’alerter l’emprunteur au regard de ses capacités financières et du risque d’endettement. L’obligation de mise en garde à laquelle peut être tenu un établissement de crédit à l’égard d’un emprunteur non averti avant de lui consentir un prêt ne porte que sur l’inadaptation de celui-ci aux capacités financières de l’emprunteur et sur le risque d’endettement qui résulte de son octroi, et non sur les risques de l’opération financée.
Il ne comporte pas plus que le devoir d’information ou de conseil, le devoir d’apprécier l’opportunité de l’opération financée, ce qui serait contraire au devoir de non-immixtion.
Le dommage résultant d’un manquement à l’obligation de mise en garde consistant en une perte de chance de ne pas contracter se manifeste en principe envers l’emprunteur dès l’octroi du crédit.
En l’espèce, le point de départ de la prescription ne saurait être reporté dans le temps alors même que la lecture de l’offre permettait aux emprunteurs d’exercer leur action ou de prendre contact avec un conseiller dans le délai de prescription.
Au jour de la réception de l’offre de prêt par les emprunteurs, ces derniers, qui avaient préalablement transmis leurs documents justificatifs au prêteur (avis d’imposition, bulletins de paye, état des placements financiers), avaient nécessairement connaissance de leurs ressources et dépenses et des charges liées au prêt (montant des échéances, frais de garantie, durée du prêt…), l’offre de prêt étant à cet égard particulièrement complète.
Le fait que le prêteur n’ait jamais rencontré physiquement les emprunteurs est sans incidence sur la bonne exécution du devoir d’information, et ce d’autant plus que l’offre de prêt indiquait les coordonnées de la personne à contacter si les emprunteurs désiraient une information complémentaire concernant l’offre ou un aspect particulier de l’opération.
Les griefs formés par M. [M] et Mme [O] à l’égard de l’acquisition de l’appartement litigieux et plus largement de l’opération de défiscalisation sont sans lien avec le prêt dont ils ont bénéficié et les conditions dans lesquelles ce prêt leur a été octroyé.
Dans ces conditions, le point de départ du délai de prescription de leur action à l’encontre du Crédit Foncier de France ne saurait être reporté à la date de révélation de la prétendue surévaluation du bien acquis, ni même à la date à la date à laquelle ils ont été informés des difficultés de location de l’appartement. Ce point de départ doit être fixé à la date de l’acceptation de l’offre de prêt.
Le contrat de prêt ayant été accepté le 29 mai 2007, les emprunteurs disposaient donc en vertu des dispositions transitoires de la loi du 17 juin 2008 d’un délai expirant le 19 juin 2013 pour agir à l’encontre du Crédit Foncier de France. Ils n’ont toutefois agi à son encontre que par exploit introductif d’instance du 25 juin 2020.
Le jugement du 18 mai 2021 doit en ce être confirmé en ce qu’il a déclaré irrecevable comme prescrite l’action engagée par M. [M] et Mme [O] à l’encontre de la Sa Crédit Foncier de France.
Sur les dépens et l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
La Sas LP Promotion et M. [C], parties principalement perdantes, doivent supporter les dépens de l’incident et de la présente procédure d’appel.
L’action de M. [M] et de Mme [O] à l’égard de la Sa Crédit Foncier de France étant déclarée irrecevable, ces derniers doivent toutefois supporter les dépens relatifs à l’instance engagée contre cette société, tant en première instance qu’en appel, avec application au profit de Maître Benoidt Verlinde, avocat qui le demande, des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
A l’égard de M. [M] et de Mme [O], la Sas LP Promotion et M. [C] se trouvent redevables in solidum d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, dans les conditions définies par le dispositif du présent arrêt au titre de la procédure de première instance et de la procédure d’appel.
Elles ne peuvent quant à elles prétendre à une indemnité sur ce même fondement.
Compte tenu de la situation économique de M. [M] et Mme [O], la Sa Crédit Foncier de France sera déboutée de sa demande formée en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS, LA COUR,
Statuant dans les limites de sa saisine,
Ordonne la jonction des instances enrôlées sous les n° RG 21 – 02512 et 21 – 03400.
Infirme le jugement du tribunal judiciaire de Toulouse en date du 18 mai 2021, sauf en ce qu’il a déclaré irrecevable l’action de Mme [O] et M. [M] à l’encontre de la Sa Crédit Foncier de France et déclaré recevable leur action à l’encontre de M. [U] [C].
Infirme l’ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Toulouse en date du 23 juillet 2021.
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
Déclare recevable l’action en réparation introduite par M. [M] et Mme [O] à l’encontre de la Sas LP Promotion sur le fondement d’un manquement au devoir de conseil.
Déclare recevable l’action en réparation introduite par M. [M] et Mme [O] à l’encontre de M. [U] [C] en qualité d’ancien associé et représentant légal de la Sas Lesesame sur le fondement d’un manquement au devoir de conseil.
Ordonne le renvoi de l’affaire devant la juridiction de première instance.
Condamne la Sas LP Promotion et M. [C], in solidum, aux dépens de l’incident et de la présente procédure d’appel, à l’exception des dépens relatifs à l’instance engagée contre la Sa Crédit Foncier de France.
Condamne M. [M] et Mme [O] aux dépens de l’instance engagée à l’encontre de la Sa Crédit Foncier de France, tant en première instance qu’en appel.
Condamne la Sas LP Promotion et M. [C], in solidum, à payer à M. [M] et Mme [O] la somme de 2000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Rejette toutes les autres demandes formées en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Accorde à Maître Benoidt Verlinde, avocat, le bénéfice des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier Le Président
N. DIABY M. DEFIX
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