Nullité d’Assignation : 22 juin 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 21/07577

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Nullité d’Assignation : 22 juin 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 21/07577
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4ème Chambre

ARRÊT N° 165

N° RG 21/07577

N° Portalis DBVL-V-B7F-SIRQ

BD / JPC

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 22 JUIN 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Nathalie MALARDEL, Conseillère,

Assesseur : Madame Aurore CARPENTIER, Conseillère, désignée par ordonnance du premier président rendue le 24 avril 2023

GREFFIER :

Monsieur Jean-Pierre CHAZAL, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 04 Mai 2023, devant Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente de chambre, entendue en son rapport, et Madame Nathalie MALARDEL, Conseillère, magistrats tenant seules l’audience en la formation double rapporteurs, sans opposition des parties, et qui ont rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 22 Juin 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTE :

SAS BE HEALTHY

Prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au dit siège

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représentée par Me Bertrand GAUVAIN de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Jean-Christophe DUCHET de l’ASSOCIATION CARMANTRAND-DUCHET, Plaidant, avocat au barreau de METZ

INTIMÉES :

Société ARTI CHAPE FLUIDE

SARL unipersonnelle prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 8]

[Adresse 8]

[Localité 1]

Représentée par Me Sylvie PELOIS de la SELARL AB LITIS / PÉLOIS & AMOYEL-VICQUELIN, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Valérie BURGAUD de la SELARL LEFEVRE ET RAYNAUD, Plaidant, avocat au barreau de LA ROCHE-SUR-YON

SMABTP

société d’assurance mutuelles à cotisations variables, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

C.S. 71201

[Localité 3]

Représentée par Me Charles OGER de la SELARL ARMEN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES

Exposé du litige :

La société Arti Chape Fluide, assurée auprès de la SMABTP, s’est vu confier par la société Be Healthy, maître d’ouvrage, le lot n°3 ‘chapes’ dans le cadre de travaux d’aménagement du centre de consultations médicales dentaires et de radiologie Somed [Localité 7], situé dans le centre commercial [Localité 5] à [Localité 7], suivant un marché du 19 juin 2019 pour un montant de 19 077,72 euros.

Des malfaçons ont été constatées en cours de chantier sur la chape.

Après expertise amiable, la société Arti Chape Fluide est intervenue en réparation et a achevé les ouvrages.

La société Arti Chape Fluide a établi une facture le 27 septembre 2019 pour un montant de 18655,01 euros et une seconde facture le 28 septembre 2019 pour un montant de 422,71 euros.

Le cabinet d’architecte Triptyque a établi une proposition de paiement dans laquelle elle a déduit les pénalités de retard conformément aux stipulations contractuelles et l’a adressée le 27 octobre 2019 à la société Be Healthy, faisant apparaître un solde de 12 537,83 euros.

Un procès-verbal de réception a été établi le 29 octobre 2019, sans réserves.

En l’absence de paiement malgré une mise en demeure, la société Arti Chape Fluide a fait assigner la société Be Healthy devant le tribunal de commerce de Nantes par acte d’huissier du 13 mai 2020.

La société Be Healthy a fait assigner la société SMABTP par acte du 12 février 2021.

Par un jugement en date du 4 octobre 2021, le tribunal de commerce de Nantes a sous le bénéfice de l’exécution provisoire:

– dit que le tribunal est compétent pour statuer sur la mobilisation des garanties auprès de la SMABTP ;

– ordonné la jonction de la société Be Healthy avec la SMABTP sous les n°2020003146 et 2021001711 ;

– débouté la société Be Healthy de sa demande de nullité de l’assignation ;

– dit que les malfaçons ont été reprises par la société Arti Chape Fluide ;

– retient que le procès-verbal de réception est conforme ;

– dit que le décompte définitif est recevable ;

– débouté la société Be Healthy de sa demande de dommages-intérêts à l’encontre de la société Arti Chape Fluide ;

– condamné la société Be Healthy à payer à la société Arti Chape Fluide la somme de 12 537,83 euros au titre du paiement des travaux ;

– condamné la société Be Healthy à payer à la société Arti Chape Fluide la somme de 794,90 euros au titre de la retenue de garantie ;

– débouté la société Be Healthy de sa demande d’expertise judiciaire ;

– condamné la société Be Healthy à payer à la SMABTP la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– débouté la SMABTP de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive à l’encontre de la société Be Healthy ;

– débouté la société Arti Chape Fluide de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive à l’encontre de la société Be Healthy ;

– condamné la société Be Healthy à payer à la société Arti Chape Fluide la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

– débouté les parties du surplus de leur demande ;

– condamné la société Be Healthy aux entiers dépens dont frais de greffe liquidés à 94,36 euros toutes taxes comprises.

La société Be Healthy a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 3 décembre 2021, intimant la société Arti Chape Fluide et la SMABTP.

Dans ses dernières conclusions en date du 26 avril 2022, la société Be Healthy au visa des articles 54 et suivants du code de procédure civile, 1102 et suivants, 1219 et suivants du code civil, demande à la cour de :

– déclarer la société Be Healthy recevable et bien-fondé en son appel ;

– infirmer, en toute ses dispositions, le jugement

En conséquence,

In limine litis,

– prononcer la nullité de l’assignation de la société Arti Chape Fluide du 13 mai 2020 ;

A titre principal,

– dire et juger la société Arti Chape Fluide irrecevable et mal fondée ;

– débouter la société Arti Chape Fluide de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;

A titre reconventionnel,

– condamner la société Arti Chape Fluide au paiement de la somme de 29543,80 euros à titre de dommages-intérêts ;

En tant que de besoin, si, par extraordinaire, le tribunal de céans estimait la créance de la société Arti Chape Fluide d’un montant de 12 537,83 euros TTC fondée,

– ordonner la compensation entre cette somme et la somme de 29 543,80 euros TTC réclamée au titre du préjudice subi pour condamner la société Arti Chape Fluide au paiement de la somme de 17005,97 euros TTC ;

– condamner solidairement la SMABTP et la société Arti Chape Fluide au paiement des sommes suivantes :

– 29 543,80 euros à titre de dommages-intérêts ;

– 2 500 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– aux entiers frais et dépens ;

A titre subsidiaire,

– ordonner une expertise judiciaire ;

– commettre tel expert qu’il plaira à la juridiction ayant pour mission, notamment, d’évaluer les préjudices subis par la société Be Healthy et d’effectuer un décompte définitif ;

En tout état de cause,

– débouter la société Arti Chape Fluide de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

– condamner la société Arti Chape Fluide à payer à la société Be Healthy la somme de 3 500 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner la société Arti Chape Fluide aux entiers frais et dépens de première instance et d’appel.

Dans ses dernières conclusions en date du 10 mars 2022, la société Arti Chape Fluide demande à la cour de :

– confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a :

– débouté la société Be Healthy de sa demande de nullité de l’assignation ;

– dit que les malfaçons ont été reprises par la société Arti Chape Fluide ;

– retient que le procès-verbal de réception est conforme ;

– dit que le décompte définitif est recevable ;

– débouté la société Be Healthy de sa demande de dommages-intérêts à l’encontre de la société Arti Chape Fluide ;

– condamné la société Be Healthy à payer à la société Arti Chape Fluide la somme de 12 537,83 euros au titre du paiement des travaux ;

– condamné la société Be Healthy à payer à la société Arti Chape Fluide la somme de 794,90 euros au titre de la retenue de garantie ;

– débouté la société Be Healthy de sa demande d’expertise judiciaire;

– condamné la société Be Healthy à payer à la société Arti Chape Fluide la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la société Be Healthy aux entiers dépens;

– débouté la société Be Healthy du surplus de ses demande ;

– infirmer le jugement du tribunal de commerce de Nantes du 4 octobre 2021 en ce qu’il a débouté la société Arti Chape Fluide de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive et injustifiée ;

Statuant à nouveau,

– condamner la société Be Healthy à verser à la société Arti Chape Fluide la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et injustifiée ;

– condamner la société Be Healthy à payer à la société Arti Chape Fluide la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– plus largement, débouter la société Be Healthy de toutes ses demandes fins et conclusions.

– condamner la société Be Healthy en tous frais et dépens d’appel ;

– autoriser la SELARL Ab Litis ‘ de Moncuit Saint-Hilaire ‘ Pelois ‘ Vicquelin, avocats postulants à les recouvrer conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions en date du 16 mai 2022, la société SMABTP demande à la cour de

– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société Be Healthy de toute de toute demande formée à l’encontre de la SMABTP ;

– confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Be Healthy à verser à la SMABTP la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– infirmer le même jugement en ce qu’il a débouté la SMABTP de la demande formée au titre des dommages et intérêts pour procédure abusive;

Statuant de nouveau,

– condamner la société Be Healthy à verser à la SMABTP la somme de 2 000 euros à titre des dommages-intérêts pour procédure abusive ;

-condamner la société Be Healthy à verser à la SMABTP la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel;

-la condamner aux dépens.

L’instruction a été clôturée le 4 avril 2023.

Motifs :

-Sur la nullité de l’assignation :

La société appelante soulève la nullité de l’assignation en application de l’article 54 du code de procédure civile, dès lors que l’assignation lui a été délivrée le 13 mai 2020 à [Localité 6] alors que son siège social n’était plus situé dans cette commune depuis la décision prise le 5 février 2020 de le transférer à [Localité 7], régulièrement publiée le 6 mars suivant. Elle estime que cette erreur lui occasionne nécessairement un grief.

La société Arti Chape fluide sans discuter l’erreur de siège social fait observer que celle-ci n’a causé aucun grief à l’appelante, puisque l’assignation a néanmoins été délivrée à la personne de sa présidente, Mme [P], de sorte qu’elle a été avisée de la procédure et a rapidement constitué avocat pour faire valoir son argumentation.

L’article 54 du code de procédure civile exige à peine de nullité que l’assignation d’une personne morale porte mention de son siège social.

Il ne fait pas débat en l’espèce, que la société Be Healthy avait transféré son siège social de [Localité 6] à [Localité 7] depuis le 5 février 2020 à la date de la délivrance de l’assignation le 13 mai suivant, information régulièrement publiée.

Toutefois, comme l’a retenu le tribunal, la mention d’un siège social erroné qui constitue un vice de forme au sens de l’article 114 du code de procédure civile n’a occasionné aucun grief à la société appelante. L’assignation délivrée à son ancien siège social à [Localité 6] a en effet été remise à Mme [P], sa présidente, qui a indiqué être habilitée à la recevoir. La société Be Healthy a donc été avisée immédiatement de l’action intentée contre elle, ce qui lui a permis de constituer avocat rapidement afin de faire valoir ses arguments, de sorte que la nullité de l’assignation a été justement écartée par le premier juge. Le jugement est confirmé de ce chef.

-Sur la réception des travaux :

La société appelante fait valoir que des désordres affectant la chape réalisée par la société Arti Chape Fluide ont été mis en évidence en août 2019 par l’entreprise de revêtement de sol qui a refusé de réceptionner le support, que dès lors qu’elle a toujours contesté avoir été présente aux opérations de réception, le tribunal ne pouvait considérer que ces désordres avaient été corrigés.

Elle soutient qu’elle n’a pas signé le procès-verbal de réception du 29 octobre 2019 en qualité de maître d’ouvrage n’ayant pas été régulièrement convoquée par la société intimée. Sur ce point, elle estime que les deux courriels communiqués par l’entrepreneur ne suffisent pas à démontrer sa convocation à la réception.

Elle fait valoir de plus que la signature de Mme [P] est revêtue du seul cachet de la société Somed qui devait exploiter les locaux, peu important que Mme [P] soit présidente des deux structures, que ce procès-verbal ne lui est pas opposable, qu’il ne peut donc être considéré qu’elle a accepté les locaux sans réserve. Elle estime par ailleurs que la signature est douteuse et que la communauté d’intérêts entre la société Somed et la société Be Healthy, évoquée par le tribunal ne peut constituer un élément permettant de caractériser la réception. Elle fait observer que si elle avait été présente à la réception, l’état de la chape l’aurait conduite à émettre des réserves.

La société intimée demande la confirmation du jugement qui a retenu une réception des travaux sans réserve le 29 octobre 2019. Elle fait observer que les travaux de reprise de la chape ont été organisés avec le maître d’ouvrage, le fabricant de la chape, le maître d”uvre et son expert après une réunion contradictoire le 20 août 2019 qui a permis de valider le procédé de réparation ; que les difficultés d’organisation survenues ensuite avec la société en charge du revêtement de sol ne lui sont pas imputables. Elle en déduit qu’à la date de la réception, le 29 octobre 2019, les désordres avaient été corrigés et ne pouvaient donner lieu à des réserves, qu’aucun autre désordre ne lui a été dénoncé ultérieurement.

Elle soutient que la société dont la représentante était présente aux réunions de chantier était avisée de la date de réception, que le maître d’ouvrage qui procède à la réception ayant délégué cette phase au maître d”uvre, elle n’avait pas en sa qualité d’entrepreneur à convoquer le maître d’ouvrage. Elle fait observer que Mme [P], gérant la société Be Healthy comme la société Somed n’aurait pas manqué de formuler des réserves en présence de désordres avérés, qu’il ne peut être soutenu qu’elle était présente en qualité de représentante de la société Somed au motif que le cachet de cette société figure sur le procès-verbal de réception et absente en qualité de représentant de la société appelante. Elle relève qu’il n’existe pas de doute sur la véracité de sa signature, complexe et difficilement imitable. Elle en déduit que ce document produit les effets d’un procès-verbal de réception sans réserve.

Ceci étant, il résulte des pièces produites qu’un litige est intervenu en cours de chantier en août 2019, en raison du refus de la société en charge du revêtement de sol d’accepter le support réalisé par la société Arti Chape Fluide. Les constatations consignées par le technicien de la société Bostik, producteur de la chape fluide mise en ‘uvre par l’intimée, comme l’avis de la société Socotec et la mise en demeure délivré par le maître d”uvre à l’entreprise témoignent que la chape était affectée de désordres de plusieurs natures. Il est établi que les parties se sont réunies le 20 août 2019 avec l’expert désigné par l’assureur du maître d”uvre. Le courrier de cet expert du 22 août 2019 met en évidence qu’un procédé de réparation a été défini d’accord entre toutes les parties et réalisé par la société Arti Chape Fluide. La société Bostik fabricant a dans un courrier du 10 septembre 2019 confirmé que la chape coulée le 30 août respectait l’avis technique, diverses finitions restant à effectuer. Des difficultés sont intervenues ultérieurement avec la société SACMA en charge des revêtements de sol en lien avec des prestations de ragréage et de pose de primaire, sans qu’il soit établi que cette situation soit imputable à l’intimée.

Les revêtements de sol ont été posés et les derniers comptes rendus de chantier des 15 et 22 octobre 2019 ne font plus état d’aucune prestation à réaliser ni de désordre à reprendre par la société Arti Chape Fluide. Ces éléments démontrent que les travaux de reprise définis en cours de chantier avaient été effectivement exécutés à la date fixée pour la réception.

Sur ce point, selon l’article 1792-6 du code civil, la réception est l’acte par lequel le maître d’ouvrage déclare accepter l’ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, à l’amiable ou judiciairement et est prononcée contradictoirement.

Est versé aux débats un procès-verbal de réception daté du 29 octobre 2019, faisant état d’une réception sans réserve portant sous la mention « maître d’ouvrage » une signature identique à celle figurant au même emplacement sur le marché de travaux de juin 2019. Le cachet sur le procès-verbal est en revanche celui du centre de santé Somed.

La société appelante ne discute pas que la société Triptyque Sophie Saunier en sa qualité de maître d”uvre était en charge de l’organisation de la réception des travaux dont le marché de la société intimée rappelle qu’elle était commune à tous le corps d’état. Les deux derniers comptes rendus de réunion de chantier confirment que cette mission lui était effectivement confiée . Il ne peut donc être reproché à la société Arti Chape Fluide de ne pas justifier avoir convoqué la société Be Healthy à la réception.

Ces deux comptes rendus de réunion de chantier (19 et 20) dont il n’est pas prétendu qu’ils ne relatent pas fidèlement les décisions prises et les informations communiquées à leur occasion mentionnent la présence de Mme [P] comme représentant le maître de l’ouvrage, la société Be Healthy. Ils rappellent que la réception du chantier était fixée au 29 octobre de 8 h à 12h. Il est justifié qu’en outre, ces comptes-rendus ont été adressés par mails aux représentants de la société maître d’ouvrage, à savoir Mme [P], sa présidente et M. [O] [R], son directeur général, ainsi qu’à tous les entrepreneurs. La société appelante ne peut donc prétendre qu’elle n’avait pas été convoquée à la réception.

Elle soutient que Mme [P] y assistait comme représentante du centre de santé Somed.

Toutefois, le procès-verbal identifie clairement la société Be Healthy en qualité de maître d’ouvrage et énonce la conformité des travaux aux contrats d’entreprises et marchés délivrés, documents qui n’intéressent en aucune façon le centre de santé Somed, futur utilisateur des lieux dans le cadre d’un bail. Ce centre n’est en effet pas partie à ces marchés. L’affirmation par la société Be Healthy, au seul motif du cachet apposé sur la signature, que sa présidente, pourtant avisée de la date de réception et qui suivait assidûment le déroulement des travaux, n’a participé aux opérations de réception que comme représentante de la société future locataire (Somed) qu’elles ne concernaient pas, n’est pas crédible. Il s’en déduit que nonobstant le cachet erroné apposé par Mme [P], elle a effectivement participé à la réception comme représentante de la société maître d’ouvrage.

En tout état de cause, la participation du centre de santé Somed représentée par Mme [P] à une réunion qui n’emporte de conséquences juridiques à l’égard des entrepreneurs que pour le maître de l’ouvrage, de même que la signature du procès-verbal par cette structure ne peuvent se justifier qu’au titre d’une intervention en qualité de représentante de la société Be Healthy auquel cas le procès-verbal portant mention d’une réception sans réserve est opposable à l’appelante.

En outre, si celle-ci soutient qu’elle aurait nécessairement fait des réserves, force est de relever qu’elle ne précise pas lesquelles, alors qu’il est acquis que les défauts de la chape avaient été corrigés par l’intimée, que les travaux de reprise avaient été estimés aptes à recevoir les revêtements de sol et que de fait, aucun désordre n’a été dénoncé ultérieurement par le maître d’ouvrage concernant cette partie de l’ouvrage, ni d’autres travaux à la charge de l’intimée.

Le jugement qui a retenu l’existence d’une réception sans réserve par le maître de l’ouvrage est en conséquence confirmé.

-Sur le paiement des travaux  et le préjudice invoqué par la société Be Healthy :

Le maître d’ouvrage fait grief au tribunal de l’avoir condamné au paiement du solde des travaux proposé par le maître d”uvre. Il observe que le document ne constitue pas un décompte général et définitif au sens de la norme NFP 03-001 et que selon les dispositions contractuelles il présente un caractère provisoire.

Il soutient que les frais supplémentaires qu’il a dû supporter du fait des désordres en cours de chantier sont suffisamment démontrés, de même que le montant du loyer qui n’a pas été perçu et le paiement du salarié de l’accueil dont le contrat débutait le 16 septembre 2019, de sorte qu’il est fondé à obtenir paiement d’une somme de 29543,80€ TTC. Subsidiairement, il sollicite une expertise.

La société Be Healthy s’oppose également au paiement de la retenue de garantie, la société intimée ne pouvant se prévaloir d’un procès-verbal de réception sans réserve.

La société Arti Chape Fluide demande la confirmation du jugement qui lui a accordé le solde validé par le maître d”uvre, après déduction de la retenue de garantie et des pénalités de retard selon les modalités prévues dans le contrat dont elle observe qu’elles recouvrent l’inexécution des engagements contractuels et les dépenses supplémentaires supportées par la défaillance de l’entreprise. Elle en déduit que le maître d’ouvrage ne peut demander d’autres sommes, ce d’autant que les frais supplémentaires réglés à deux autres entreprises ne sont justifiés par aucune pièce, qu’une seule page du bail est communiquée et que le coût salarial évoqué concerne la structure exploitante.

Elle soutient que la réception sans réserve justifie le paiement de la retenue de garantie, ce d’autant qu’il n’a jamais été dénoncé de désordres depuis la réception.

*Le paiement des travaux :

Le marché de travaux régularisé entre les parties ne fait pas référence à la norme NFP 03-001 concernant les modalités de règlement des travaux, de sorte que la procédure relative au décompte général et définitif n’a pas à être appliquée.

L’article 3.5 relatif au paiement des travaux stipule que le maître d’ouvrage règle les sommes dues après les avoir reconnues bonnes à payer et après vérification du maître d”uvre. Il précise à l’alinéa 2 que les situations ont un caractère provisoire suspendu à la vérification définitive du mémoire et peuvent faire l’objet de retenues en exécution des clauses du marché, que les règlements interviennent par chèque à compter de la date de la proposition de paiement validée par le maître d”uvre, que les paiements sont amputés d’une retenue de garantie de 5%.

La société Arti Chape Fluide a établi deux factures le 27 septembre 2019 pour un montant de 18655,01€TTC et le 28 septembre suivant pour un montant de 422,71€TTC, soit un montant total de 19077,72€ TTC.

Le maître d”uvre a établi le 24 octobre suivant une proposition de paiement d’un montant de 12537,83€ TTC, après avoir déduit 794,90€ de retenue de garantie et 5723,31€ au titre des pénalités de retard, ce qui correspond à 30% du montant du marché, plafond des pénalités prévu par l’article 5.4 du marché, outre 21,62€ de prestation de nettoyage et dépoussiérage. Il a adressé cette proposition aux représentants de la société maître d’ouvrage le 27 octobre suivant en expliquant précisément son décompte du retard.

Dès lors que les travaux ont été ensuite réceptionnés sans réserve, cette somme est due et la société Be Healthy ne peut se prévaloir d’une exception d’inexécution au titre de désordres en cours de chantier qui ont été repris et n’ont donné lieu à aucune remarque ultérieurement.

Par ailleurs, la société intimée fait justement observer que les pénalités de retard prévues dans le contrat à l’article 5.4 ont pour objet d’indemniser l’inexécution de ses engagements contractuels par l’entreprise et les dépenses supplémentaires occasionnées au maître d’ouvrage.

La société Be Healthy dans ces conditions ne peut solliciter une indemnisation complémentaires à hauteur de 29543,80€.

Au surplus, comme l’a relevé le tribunal, il n’est pas justifié du paiement des frais supplémentaires objets des devis des sociétés Sacma et Pointlog, dont l’acceptation par le maître d’ouvrage n’est pas non plus démontrée. L’extrait de bail produit énonce uniquement le montant annuel du loyer sans qu’il soit même possible de vérifier l’identité des parties à ce contrat. Le contrat de travail produit a été conclu avec le centre de santé sans qu’aucune pièce complémentaire ne témoigne du paiement effectif de ce salaire par la société maître d’ouvrage à l’employeur de l’agent d’accueil.

En conséquence, le jugement qui a condamné la société Be Healthy au paiement du montant des travaux et l’a déboutée, sans qu’il y ait lieu d’ordonner une expertise qui n’est justifiée par aucun désordre constructif, ni aucune difficulté d’apurement des comptes, de sa demande indemnitaire sera confirmé.

*Le paiement de la retenue de garantie.

Il en sera de même s’agissant du paiement de la somme de 794,90€ représentant la retenue de garantie, dès lors qu’il a été jugé que la réception est intervenue sans réserve et que cette retenue vise à garantir la levée des réserves.

-Sur les demandes annexes :

*Sur les demandes indemnitaires contre la société Be Healthy :

La société Arti Chape Fluide sollicite une somme de 3000€ de dommages et intérêts en invoquant une résistance abusive du maître d’ouvrage. Toutefois, il apparaît que les difficultés survenues en cours de chantier puis après les travaux de reprises au regard de la position d’autres entreprises ont rapidement pris une dimension contentieuse, que par ailleurs, même si elle a été limitée, le maître d’ouvrage a effectivement subi une désorganisation du planning des travaux du fait de l’état initial insatisfaisant de la chape, confirmé par l’ensemble des professionnels qui l’ont examinée, allant au delà des quelques fissures admises par le constructeur. La société sera en conséquence déboutée de sa demande et le jugement confirmé.

La SMABTP relève que le contrat la liant à la société Arti Chape Fluide ne concerne que la garantie de la responsabilité décennale, la responsabilité du sous-traitant en cas de dommage décennal, la garantie de bon fonctionnement et des défauts des éléments d’équipement à vocation professionnelle, qu’aucune de ces garanties n’était mobilisable en l’espèce en l’absence de désordre et de garantie de la responsabilité contractuelle de l’entrepreneur. Elle observe que devant la cour, la demande de condamnation n’est soutenue par aucune argumentation. Elle estime que la procédure à son égard est abusive.

La société Be Healthy fait valoir que la société SMABTP ne discute pas qu’elle était l’assureur de l’entrepreneur à la date des travaux qu’au regard du litige sur les désordres survenant en cours de chantier, il était nécessaire de l’attraire à la procédure.

Il est constant que la possibilité d’agir en justice pour faire trancher un différend ne dégénère en abus qu’autant que l’action est exercée de mauvaise foi ou avec une intention de nuire, lesquelles ne sont pas caractérisées en l’espèce, le litige avec la société Arti Chape Fluide étant de nature à justifier la mise en cause de son assureur dans l’optique de soulever des moyens de forme ou de fond permettant d’obtenir sa garantie. En conséquence, sa demande indemnitaire ne peut être accueillie.

*Sur les frais irrépétibles et les dépens.

Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens sont confirmées.

La société Be Healthy sera condamnée à verser tant à la société Arti Chape Fluide qu’à la SMABTP une indemnité de 3000€ au titre des frais irrépétibles qu’elles ont du engager du fait devant la cour.

Elle supportera les dépens d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Par ces motifs :

La cour,

Statuant publiquement, contradictoirement,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la société Be Healthy à verser tant à la société Arti Chape Fluide qu’à la SMABTP une indemnité de 3000€ au titre des frais irrépétibles d’appel et à supporter les dépens d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier, Po/ Le Président empêché,

N. MALARDEL

 


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