Nullité d’Assignation : 22 juin 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 22/04727

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Nullité d’Assignation : 22 juin 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 22/04727
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République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 22/06/2023

****

N° de MINUTE :

N° RG 22/04727 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UQ3W

Ordonnance de référé (N° 2022015751) rendue le 29 septembre 2022 par le tribunal de commerce de Lille Métropole

APPELANTE

SAS Tape à L’Oeil agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social, [Adresse 2]

représentée par Me Virginie levasseur, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assitée de Me Sandrine Mine, avocat au barreau de Lille, avocat plaidant

INTIMÉE

SAS Neworch prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

ayant son siège social, [Adresse 1]

représentée par Me Loïc Le Roy, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assisté de Me Michaël Piquet-Fraysse, avocat plaidant, substitué par Me Camille Rauzy

avocats au barreau de Paris

DÉBATS à l’audience publique du 24 janvier 2023 tenue par Samuel Vitse magistrat chargé d’instruire le dossier qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marlène Tocco

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Samuel Vitse, président de chambre

Nadia Cordier, conseiller

Agnès Fallenot, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 22 juin 2023 après prorogation du délibéré du 11 mai 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Samuel Vitse, président et Marlène Tocco, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 24 janvier 2023

****

EXPOSE DU LITIGE

La société Tape à l’oeil exerce une activité de commerce de détail d’habillement en magasin spécialisé.

La société NewOrch exerce une activité de vente au détail de vêtements, accessoires, habillement et chaussures pour enfants sous la marque Orchestra.

A la rentrée de septembre 2022, la société NewOrch a communiqué sur ses produits en usant du slogan 0 % d’augmentation sur les indispensables de la rentrée ou encore 0 % d’inflation sur les indispensables de la rentrée.

Considérant qu’une telle campagne de communication était constitutive d’une publicité déloyale et trompeuse, la société Tape à l’oeil a, par acte d’huissier du 31 août 2022, assigné la société NewOrch devant le juge des référés du tribunal de commerce de Lille Métropole aux fins de voir, au visa des articles 873 du code de procédure civile, L. 121-2 du code de la consommation et 1240 du code civil :

– dire que les publicités diffusées présentent un caractère trompeur et déloyal ;

– condamner la société NewOrch à payer à la société Tape à l’oeil à titre provisionnel la somme de 50 000 euros au titre du préjudice matériel ;

– condamner la société NewOrch à payer à la société Tape à l’oeil à titre provisionnel la somme de 50 000 euros au titre du préjudice moral ;

– interdire toute diffusion des publicités en cause sous astreinte de 1 000 euros par infraction constatée, le juge des référés se réservant la liquidation de l’astreinte ;

– ordonner la publication de l’ordonnance à intervenir par extrait sur le site https://shoporchestra.com au-dessus de la ligne de flottaison à compter de la signification du jugement et pendant un délai de 30 jours, le tout sous astreinte de 500 euros par jour de retard, le juge des référés se réservant la liquidation de l’astreinte ;

– ordonner la publication de l’ordonnance à intervenir par extrait dans le prochain exemplaire à paraître du magazine Club Orchestra, le tout sous astreinte de 500 euros par jour de retard, le juge des référés se réservant la liquidation de l’astreinte ;

– ordonner la publication dans trois revues ou journaux au choix de la société Tape à l’oeil aux frais avancés de la société NewOrch sans que le coût de chaque insertion ne puisse excéder 3 000 euros HT ;

– condamner la société NewOrch à payer la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner la société NewOrch aux entiers dépens.

En réponse, la société NewOrch a demandé au juge des référés, au visa des articles L. 112-1-1, L. 121-1 et suivants du code de la consommation, 483, 484, 486, 857, 858 et 873 du code de procédure civile, de :

In limine litis,

– constater, à titre principal, que l’assignation est nulle et, à titre subsidiaire, qu’elle est caduque ;

A défaut,

– constater que les demandes de la société Tape à l’oeil sont mal fondées ;

En conséquence,

– juger qu’il n’y a pas lieu à référé ;

En tout état de cause,

– débouter la société Tape à l’oeil de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

– condamner la société Tape à l’oeil au paiement d’une amende civile et à verser à la société NewOrch la somme de 1 000 euros au titre de la procédure abusive ;

– condamner la société Tape à l’oeil à verser à la société NewOrch la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

L’affaire a été plaidée le 8 septembre 2002, avant d’être mise en délibéré.

‘ Par ordonnance du 29 septembre 2022, le juge des référés du tribunal de commerce de Lille Métropole a statué en ces termes :

« – Déboutons la société NewOrch de ses demandes de nullité et de caducité de l’assignation ; 

– Constatons que les demandes de la société TAPE A L’OEIL sont mal fondées et disons n’y avoir lieu a référé ;

– Déboutons la société NewOrch de sa demande d’amende civile pour action abusive ;

– Condamnons la société TAPE A L’OEIL a payer à la société NewOrch la somme de 5 000 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

– Condamnons la société TAPE A L’OEIL à supporter les entiers dépens de la présente instance, taxés et liquidés a la somme de 40.67 € en ce qui conceme les frais de greffe. »

‘ Par déclaration du 11 octobre 2022, la société Tape à l’oeil a relevé appel de cette ordonnance, limité aux chefs du dispositif constatant que ses demandes sont mal fondées et disant n’y avoir lieu à référé, ainsi qu’à ceux la condamnant au paiement d’une indemnité procédurale et aux dépens.

‘ Par conclusions notifiées par voie électronique le 3 janvier 2023, la société Tape à l’oeil demande à la cour de :

« – prononcer l’annulation et/ou la réformation de l’ordonnance de référé rendue par le Tribunal de commerce de Lille le 29 septembre 2022 sur les chefs critiqués suivants :

‘ constate que les demandes de la société TAPE A L OEIL sont mal fondées et dit n’y avoir lieu à référé ;

‘ condamne la société TAPE A L OEIL à payer à la société NewOrch la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du CPC et aux dépens de l’instance.

Statuant à nouveau

– Déclarer la demande de Tape à L’Oeil recevable et bien fondée, et en conséquence :

– Dire que les publicités diffusées présentent un caractère trompeur et déloyal ;

– Condamner New Orch à payer à Tape à l”il, à titre provisionnel, la somme de 50 000 € au titre du préjudice matériel ;

– Condamner New Orch à payer à Tape à l”il, à titre provisionnel, la somme de 50 000 € au titre du préjudice moral ;

– Interdire toute diffusion des publicités en cause sous astreinte de 1 000 € par infraction constatée, la cour se réservant la liquidation de l’astreinte ;

– Ordonner la publication de l’arrêt à intervenir par extrait sur le site https://fr.shop-orchestra.com/au-dessus de la ligne de flottaison à compter de la signification de l’arrêt et pendant un délai de 30 jours, le tout sous astreinte de 500 € par jour de retard la cour se réservant la liquidation de l’astreinte ;

– Ordonner la publication de l’arrêt à intervenir par extrait dans le prochain exemplaire à paraître du magazine Club Orchestra, le tout sous astreinte de 500 € par jour de retard, la cour se réservant la liquidation de l’astreinte ;

– Ordonner la publication dans trois revues ou journaux au choix de la société Tape à l’Oeil aux frais avancés de New Orch sans que le coût de chaque insertion ne puisse excéder 3 000 € HT ;

– Condamner New Orch à payer la somme de 5 000 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– Condamner New Orch aux entiers dépens ;

– Confirmer l’ordonnance et débouter New orch de sa demande de condamnation à une amende civile ;

– Débouter New orch de ses demandes présentées au titre de l’article 700 du Code de procédure civile. »

‘ Par conclusions notifiées par voie électronique le 10 janvier 2023, la société NewOrch demande à la cour de :

« – RECEVOIR New Orch en son appel incident et la dire bien fondée ;

– CONFIRMER l’ordonnance du 29 septembre 2022 en ce qu’elle a :

o débouté Tape à l”il de l’ensemble de ses demandes ;

o condamné Tape à l”il au paiement de la somme de 5000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;

– INFIRMER l’ordonnance du 29 septembre 2022 au surplus en ce qu’elle a :

o Débouté New Orch de ses demandes de nullité et de caducité ;

o Débouté New Orch de sa demande au titre de la procédure abusive ;

Statuant à nouveau,

In limine litis, JUGER à titre principal, que l’assignation est nulle et, à titre subsidiaire, qu’elle est caduque ;

À défaut :

– CONSTATER que les demandes de la société Tape à l”il sont mal fondées ;

En conséquence,

– JUGER qu’il n’y a pas lieu à référé ;

En tout état de cause,

– DÉBOUTER la société Tape à l”il de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

– CONDAMNER la société Tape à l”il au paiement d’une amende civile et à verser à la société New Orch la somme de 1 000 € au titre de la procédure abusive ;

– CONDAMNER la société Tape à l”il à verser à la société New Orch la somme de 8 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens d’appel, cette condamnation s’ajoutant à celle prononcée en première instance. »

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions précitées des parties pour l’exposé de leurs moyens.

‘ L’ordonnance de clôture a été prononcée le 24 janvier 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l’appel incident

La recevabilité de l’appel incident formé par la société NewOrch n’est ni contestée ni contestable, de sorte qu’il y a lieu d’accueillir la demande tendant à voir déclarer cet appel recevable.

Sur la nullité de l’assignation

Aux termes de l’article 486 du code de procédure civile, le juge s’assure qu’il s’est écoulé un temps suffisant entre l’assignation et l’audience pour que la partie assignée ait pu préparer sa défense.

Sans qu’il soit nécessaire de s’interroger sur la nature de la sanction encourue en cas d’inobservation de ce texte qui constitue le fondement de la demande en nullité de la société Tape à l’oeil, c’est par de justes motifs que la cour adopte que le premier juge a considéré que la société NewOrch avait disposé d’un délai suffisant pour préparer sa défense, dès lors que l’assignation en référé avait été remise à sa personne le 31 août 2022 pour une audience fixée au 8 septembre 2022. L’assignée a pu défendre utilement à l’action, ainsi qu’en témoignent du reste les écritures charpentées qu’elle a produites en réponse la veille de l’audience. Les droits de la défense n’ont pas souffert de la brièveté du délai et aucune atteinte à l’exigence d’un procès équitable n’a ainsi été portée en première instance.

La société NewOrch sera donc déboutée de sa demande en nullité de l’assignation.

Sur la caducité de l’assignation

Aux termes de l’article 857 du code de procédure civile, le tribunal est saisi, à la diligence de l’une ou l’autre partie, par la remise au greffe d’une copie de l’assignation. Cette remise doit avoir lieu au plus tard huit jours avant la date de l’audience, sous peine de caducité de l’assignation constatée d’office par ordonnance, selon le cas, du président ou du juge chargé d’instruire l’affaire, ou, à défaut, à la requête d’une partie.

Ce texte figure au Chapitre Ier (La procédure devant le tribunal de commerce) du Titre III (Dispositions particulières au tribunal de commerce) du Livre II (Dispositions particulières à chaque juridiction) du code de procédure civile.

En l’absence de dispositions spécifiques dans le Chapitre II (Les pouvoirs du président) du Titre III précité, les règles prévues à l’article 857 du code de procédure civile ont vocation à s’appliquer à l’assignation délivrée en référé devant le tribunal de commerce.

Lorsqu’une telle assignation n’est pas remise au plus tard huit jours avant la date de l’audience, sa caducité est encourue de plein droit. Seule une autorisation du président du tribunal de commerce donnée sur le fondement de l’article 858 du code de procédure civile permet de réduire un tel délai et d’échapper ainsi à la caducité de l’acte introductif d’instance. Conformément aux dispositions des articles 640 à 642 du code de procédure civile et par le jeu d’un décompte à rebours, le délai de huit jours prévu à l’article 857 commence à courir le jour précédent celui de l’audience, le placement de l’assignation devant intervenir au plus tard la veille de l’expiration d’un tel délai.

Il s’en déduit qu’en l’espèce, l’assignation devait être remise au greffe au plus tard le 30 août 2022. Or une telle remise n’est intervenue que le 5 septembre 2022, ainsi qu’en témoigne le cachet du tribunal de commerce de Lille Métropole apposé sur la première expédition de l’assignation délivrée par la société Tape à l’oeil.

Contrairement à ce qu’a retenu le premier juge pour écarter la caducité de l’assignation, il importe peu que la société NewOrch ait disposé d’un temps suffisant pour préparer sa défense, les motifs de l’ordonnance se référant de manière inopérante à l’article 486 du code de procédure civile.

Et c’est à tort que l’appelante soutient que, s’agissant d’une procédure d’urgence, aucune autorisation n’était nécessaire pour bénéficier d’un délai de remise inférieur à huit jours, un tel moyen ajoutant aux dispositions des articles 857 et 858 du code de procédure civile qui ne distinguent pas selon la nature de la procédure engagée.

Il convient de constater la caducité de l’assignation délivrée le 31 août 2022.

Une telle caducité emporte l’annulation de l’ordonnance entreprise et prive l’appel de tout effet dévolutif.

Il n’y a donc pas lieu de statuer sur les autres demandes formées au fond par l’appelant ni non plus sur celles formées de manière incidente par l’intimé.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le sens de la présente décision justifie de condamner la société Tape à l’oeil aux dépens de première instance et d’appel. Tenue aux dépens, la société Tape à l’oeil sera condamnée à payer à la société NewOrch la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, tandis qu’elle sera déboutée de sa propre demande formée au même titre.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Déclare recevable l’appel incident formé par la société NewOrch ;

Rejette la demande en nullité de l’assignation délivrée le 31 août 2022 par la société Tape à l’oeil à la société NewOrch ;

Constate la caducité d’une telle assignation ;

Annule en conséquence l’ordonnance rendue le 29 septembre 2022 par le juge des référés du tribunal de commerce de Lille Métropole ;

Condamne la société Tape à l’oeil à payer à la société NewOrch la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la société Tape à l’oeil de sa propre demande d’indemnité de procédure ;

Condamne la société Tape à l’oeil aux dépens de première instance et d’appel.

Le greffier

Marlène Tocco

Le président

Samuel Vitse

 


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