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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-2
ARRÊT AU FOND
DU 22 JUIN 2023
N° 2023/220
Rôle N° RG 19/15941 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BFAUR
[V] [E]
C/
[I] [O]
Association ASSOCIATION TUTELAIRE DE GESTION
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Alain-David POTHET
Me Sébastien BADIE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de Toulon en date du 18 Juillet 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 2016J00225.
APPELANT
Monsieur [V] [E]
pris en sa qualité de liquidateur amiable de la société ALTITUDE PHOTO
demeurant Chez Mme [B] [T], [Adresse 3]
Représenté par Me Alain-David POTHET de la SELAS CABINET POTHET, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
INTIME
Monsieur [I] [O],
pris en sa qualité de liquidateur amiable de la société ABJMS MOTORS demeurant [Adresse 2]
Représenté par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
PARTIE INTERVENANTE
Association ASSOCIATION TUTELAIRE DE GESTION,
dont le siège social est sis [Adresse 1], prise en la personne de son représentant légal
défaillante
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 05 Avril 2023 en audience publique devant la cour composée de :
Madame Gwenael KEROMES, Présidente de chambre
Madame Muriel VASSAIL, Conseillère-rapporteur
Madame Agnès VADROT, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Chantal DESSI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 Juin 2023.
ARRÊT
Réputé contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 Juin 2023,
Signé par Madame Gwenael KEROMES, Présidente de chambre et Madame Chantal DESSI, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS PROCÉDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
La société ALTITUDE PHOTO avait pour objet social la création et l’hébergement de sites internet. Le 7 avril 2008, elle a conclu avec la société ABJMS MOTORS un contrat visant la création d’un site marchand de vente en ligne de pièces détachées et l’hébergement de ce site avec abonnement et mise à jour.
Affirmant que le site ne fonctionnait pas, la société ABJMS MOTORS a sollicité et obtenu la désignation d’un expert judiciaire en référé.
L’expert a déposé son rapport le 4 mai 2010.
Le 31 mai 2011, la société ALTITUDE PHOTO a décidé de sa liquidation amiable et désigné M. [V] [E] en qualité de liquidateur.
Le 11 juillet 2012, la société ABJMS MOTORS a, elle aussi, été mise en liquidation amiable, son liquidateur étant M. [I] [O].
Par jugement rendu le 18 juillet 2019 le tribunal de commerce de TOULON a notamment:
– débouté M. [E] ès qualités de sa demande de nullité de l’assignation,
– retenu sa compétence pour trancher le litige,
– homologué le rapport d’expertise déposé par M. [U],
– débouté M. [E] ès qualités de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
– condamné M. [E] ès qualités à payer à M. [O] ès qualités :
– la somme forfaitaire de 72 800 euros,
-10 000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,
– 3 000 euros du chef de l’article 700 du code de procédure civile,
-condamné M. [E] aux dépens.
Pour prendre leur décision les premiers juges ont retenu que :
– M. [E] a souhaité s’expliquer lui-même à la barre du tribunal, mais son propos était décousu et non étayé par des justificatifs,
– les notes remises au tribunal par M. [E] n’étaient pas recevables pour ne pas avoir été communiquées à ses adversaires,
– par arrêt du 26 novembre 2015, la cour d’AIX-EN-PROVENCE a déclaré nul le jugement rendu le 1er septembre 2014 par le tribunal de commerce de TOULON pour nullité de l’assignation,
– le 22 avril 2016, M. [O] ès qualités a de nouveau assigné M. [E] ès qualités,
– cette seconde assignation n’est pas nulle puisque M. [E] ne peut à la fois exciper d’un statut qu’il n’aurait plus vis-à-vis de la société ALTITUDE PHOTO et dénoncer cette assignation à la société NORDNET en qualité de mandataire ad hoc et de liquidateur amiable de la société ALTITUDE PHOTO,
– M. [E] apparaît toujours comme liquidateur amiable sur l’extrait Kbis de la société ALTITUDE PHOTO,
– l’exception d’incompétence du tribunal de commerce de TOULON présentée par M. [E] n’est pas recevable pour ne pas avoir été soulevée in limine litis,
– l’action de M. [O] ès qualités n’est pas prescrite dans la mesure où la demande en justice interrompt le délai de prescription même lorsque l’acte de saisine est annulé par l’effet d’un vice de procédure,
– l’assignation, même affectée d’un vice de fond, a un effet interruptif,
– la liquidation amiable de la société ALTITUDE PHOTO est intervenue le 31 mai 2011 et M. [E] ès qualités a été assigné en responsabilité le 30 avril 2014, soit moins de trois ans après la liquidation amiable de sorte que la prescription triennale a été interrompue,
– il en résulte que l’assignation délivrée le 22 avril 2016 a, elle-aussi, été introduite dans le délai triennal et que l’action de M. [O] ès qualités est recevable,
– il ressort des pièces produites et de l’expertise judiciaire que :
– le devis de la société ALTITUDE PHOTO d’un montant de 35 090, 64 euros a été accepté et intégralement réglé,
– le site internet devait être livré le 1er juillet 2008,
– un an et demi après le site n’était toujours pas opérationnel,
– il existe deux sites internet abjms-motors.fr, l’un appartenant à M. [E], l’autre à M. [O],
– selon l’expert judiciaire, M. [E] devra faire le nécessaire pour céder son site à M. [O],
– selon l’expert judiciaire, l’ensemble des manquements incombe à la société ALTITUDE PHOTO,
– l’expert chiffre les modifications à opérer pour rendre le site opérationnel à la somme de 5 000 euros HT,
– à ce coût il faut ajouter un contrat de maintenance entre 120 et 150 euros par mois sur 48 mois,
– du fait des erreurs de référencement, le site ne peut pas fonctionner,
– du fait des erreurs de référencement, le site de la société ABJMS MOTORS, qui est une société de vente en ligne, ne peut recevoir de mails, ce qui constitue pour elle un manque à gagner et une perte de chance,
– la société ABJMS MOTORS n’a donc pas pu maintenir son activité par la faute de la société ALTITUDE PHOTO,
– la responsabilité de M. [E] est engagée en ce que :
– après le dépôt du rapport de l’expert judiciaire, la société ALTITUDE PHOTO a fait l’objet d’une liquidation amiable et son gérant, M. [E] a été désigné liquidateur amiable,
– cette société n’est plus en mesure de remettre en état le site de la société ABJMS MOTORS et d’en assurer le suivi,
– en qualité de gérant puis de liquidateur amiable de la société ALTITUDE PHOTO, M. [E] avait connaissance du litige et se devait de considérer que la société ABJMS MOTORS était sa créancière,
– le tribunal dispose d’éléments suffisants pour fixer forfaitairement l’entier préjudice de la société ABJMS MOTORS à la somme de 72 800 euros.
M. [E] ès qualité de liquidateur amiable de la société ALTITUDE PHOTO a fait appel de ce jugement le 15 octobre 2019.
Par ordonnance d’incident du 18 mars 2021, le conseiller de la mise en état a débouté M. [E] de sa demande de jonction avec le dossier RG 19-17559 et renvoyé les dossiers à la mise en état dans l’attente de leur fixation au fond.
Le 29 avril 2021, les parties ont été avisées de la fixation du dossier à l’audience du 8 septembre 2021, la clôture de la procédure est intervenue le 1er juillet 2021.
Le 8 septembre 2021, le dossier a été renvoyé à l’audience collégiale du 2 février 2022 avec révocation de l’ordonnance de clôture et injonction :
– aux parties de mettre en cause l’association tutélaire de gestion concernant la liquidation de M. [O],
– à M. [O] de s’expliquer sur la liquidation amiable de la société ABJMS MOTORS et d’en justifier.
Par ordonnance d’incident du 26 octobre 2022, le conseiller de la mise en état a :
– débouté M. [E] de sa demande tendant à ce que les écritures déposées au RPVA le 13 mars 2020 par M. [O] soient déclarées irrecevables,
– renvoyé le dossier à la mise en état dans l’attente de sa fixation au fond,
– débouté M. [O] de ses prétentions au titre des frais irrépétibles,
– condamné M. [E] aux dépens de l’incident.
Dans ses dernières conclusions, déposées au RPVA le 23 février 2023, M. [E] demande à la cour :
A titre principal, de :
– annuler l’assignation qui lui a été délivrée le 22 avril 2016 en qualité de liquidateur amiable de la société ALTITUDE PHOTO,
– annuler le jugement rendu le 18 juillet 2019 par le tribunal de commerce de TOULON,
A titre subsidiaire, de :
– infirmer le jugement frappé d’appel,
– déclarer M. [O] irrecevable en son action et en ses demandes,
– débouter M. [O] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
– condamner M. [O] et l’Association Tutélaire de Gestion à lui payer :
– 10 000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive,
– 5 000 euros du chef de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner M. [O] aux dépens avec distraction.
Dans ses dernières conclusions, notifiées au RPVA le 12 juillet 2021, M. [O] demande à la cour de dire et juger un certain nombre de choses qui sont autant de moyens et :
A titre préliminaire, de confirmer le jugement frappé d’appel en ce que M. [E] n’a saisi la cour d’aucun moyen de contestation en méconnaissance de l’article 954 du code de procédure civile,
In limine litis, de :
– débouter M. [E] de sa demande de nullité de l’assignation,
– débouter la société NORDNET de sa demande tendant à voir prescrite l’action de M. [O]
– déclarer l’assignation valable et ses demandes recevables,
– déclarer que le tribunal de commerce de TOULON était compétent pour trancher le litige,
En tout état de cause, de :
– confirmer le jugement frappé d’appel,
– homologuer le rapport de l’expert judiciaire,
– débouter M. [E] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
– déclarer M. [E] en qualité de liquidateur amiable de la société ALTITUDE PHOTO responsable du préjudice de la société ABJMS MOTORS,
– condamner M. [E] aux dépens et à payer :
– 72 800 euros en réparation du préjudice de la société ABJMS MOTORS,
– 10 000 euros en réparation du préjudice moral subi,
– à la société ABJMS MOTORS la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le 18 août 2022, M. [E] a fait citer l’ATG en intervention forcée en qualité de liquidateur de M. [O].
Par courrier adressé le 31 août 2022 au conseil de M. [E], déposé par ce dernier au RPVA le 8 septembre 2022, l’ATG a indiqué qu’elle ne souhaitait pas se constituer dans l’instance considérant qu’elle n’avait pas qualité ou intérêt à agir de manière autonome.
La présente décision sera réputée contradictoire en application de l’article 474 du code de procédure civile.
Le 20 janvier 2023, en application des articles 908 à 910 du code de procédure civile, les parties ont été avisées de la fixation du dossier à l’audience du 5 avril 2023.
La procédure a été clôturée le 9 mars 2023 et, le même jour, la date de fixation a été rappelée aux parties.
Conformément à la l’article 455 du code de procédure civile, il conviendra de se référer aux écritures des parties pour l’exposé de leurs moyens de fait et de droit.
MOTIFS
1) Dans le dispositif de ses dernières conclusions l’appelant ne soulève aucune contestation à propos de la compétence du premier juge. Il est donc sans objet de statuer sur la demande formée du chef de la compétence par M. [O].
2) Selon M. [O], la cour ne serait pas valablement saisie du litige en ce que M. [E] aurait violé l’article 954 du code de procédure civile en :
– s’abstenant d’indiquer, pour chaque prétention, les pièces invoquées et leur numérotation,
– concluant à l’infirmation du jugement sans expressément énoncer les moyens invoqués.
Il en tire pour conséquence, que la cour n’est saisie d’aucune critique du jugement attaqué de sorte qu’il y a lieu à confirmation par adoption des moyens non critiqués.
Toutefois, la cour observe qu’à titre principal M. [E] soulève l’annulation de l’acte introductif d’instance et l’annulation subséquente du jugement frappé d’appel et que, contrairement à ce que prétend l’intimé, dans le dernier état de ses écritures qui seules lient la cour, il vise expressément les pièces qu’il invoque au soutien de ses prétentions.
Dans ces conditions l’exception de procédure tirée de la violation de l’article 954 du code de procédure civile opposée par M. [O] sera rejetée.
4) M. [E] poursuit la nullité de l’assignation qui lui a été délivrée le 22 avril 2016 au motif qu’il a été assigné en qualité de liquidateur alors que la société ALTITUDE PHOTO était radiée et qu’il n’avait plus cette qualité mais qu’il était mandataire ad hoc.
En réponse M. [O] estime que son acte introductif d’instance n’est pas nul puisqu’il a assigné M. [E] en qualité de liquidateur de la société ALTITUDE PHOTO dans la mesure où c’est en cette qualité qu’il a commis les fautes qui lui sont reprochées.
De son aveu même l’intimé poursuit la responsabilité de M. [E] pour avoir commis une faute personnelle en clôturant la liquidation amiable de la société ALTITUDE PHOTO alors qu’une action judiciaire était engagée et sans prendre en considération la créance dont la société ABJMS MOTORS pouvait légitimement se prévaloir.
Ainsi qu’il ne le conteste pas, c’est en qualité de liquidateur amiable de la société ALTITUDE PHOTO, c’est-à-dire comme représentant légal de cette société, qu’il a assigné M. [E] le 22 avril 2016.
Or, en qualité de représentant légal de la société ALTITUDE PHOTO, M. [E] ne peut que répondre, pour le compte de cette dernière, de fautes commises par cette société et non de fautes personnelles qu’il aurait pu commettre notamment en clôturant la liquidation amiable.
Il est donc établi, ainsi qu’il le soutient, que M. [E] n’avait pas qualité à défendre à titre personnel en étant assigné en qualité de liquidateur amiable de la société ALTITUDE PHOTO.
En conséquence, l’assignation qui lui a été délivrée le 22 avril 2016 en qualité de liquidateur de la société ALTITUDE PHOTO doit effectivement être annulée pour défaut de qualité à défendre du défendeur.
Dans ces conditions, le tribunal de commerce de TOULON n’ayant pas été valablement saisi, le jugement rendu par cette juridiction le 18 juillet 2019 doit effectivement être annulé sans que la cour ne puisse faire usage de son pouvoir d’évocation.
5) La mauvaise appréciation qu’une partie peut faire de ses droits n’est pas fautive en elle-même et ne saurait dégénérer en abus que si l’autre partie rapporte la preuve d’une intention malicieuse.
Dans le cas présent, M. [E] ne produit aucun élément pour rapporter cette preuve alors que les conclusions du rapport d’expertise judiciaire pouvaient justifier une action en justice de la part de la société ABJMS MOTORS.
Il sera, en conséquence, débouté de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.
6) M. [O] qui succombe sera condamné aux entiers dépens comprenant les frais d’expertise judiciaire.
Il se trouve, ainsi, à l’instar de la société ABJMS MOTORS, infondé en ses prétentions au titre des frais irrépétibles.
Au vu des circonstances de l’espèce, aucune considération d’équité n’impose de faire application de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de M. [E]. Il sera débouté de ce chef de demande.
La distraction des dépens sera autorisée pour le conseil de M. [E].
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, après débats publics et par jugement réputé contradictoire et mis à disposition au greffe :
Annule l’assignation du 22 avril 2016 ;
Annule le jugement rendu le 18 juillet 2019 par le tribunal de commerce de TOULON ;
Déboute M. [E] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Déclare M. [O] et la société ABJMS MOTORS infondés en leurs prétentions au titre des frais irrépétibles ;
Déboute M. [E] de sa demande au visa de l’article 700 du code de procédure civile;
Autorise l’application de l’article 699 du code de procédure civile au bénéfice du conseil de M. [E] ;
Condamne M. [O] aux entiers dépens comprenant les frais d’expertise judiciaire.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE