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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Chambre commerciale internationale
PÔLE 5 – CHAMBRE 16
ARRET DU 10 JANVIER 2023
(n° 8 /2023 , 10 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/18655 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CERXV
Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Octobre 2021 – Tribunal de Commerce d’AUXERRE
APPELANTES
Société BASRACA B.V.
société de droit néerlandais
immatriculée au Registre du Commerce et des Société sous le n°74085255
ayant son siège social : [Adresse 3] (PAYS-BAS)
prise en la personne de ses représentants légaux,
Représentée par Me Audrey HINOUX de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : C2477 et assistée par Me Bruno LE CLERCQ, avocat plaidant du barreau de VALENCE, toque : 140
Société ESBOR VASTGOED B.V.
société de droit néerlandais
immatriculée au registre du Commerce et des Sociétés sous le n°24416465,
ayant son siège social : [Adresse 10] (PAYS-BAS)
prise en la personne de ses représentants légaux,
Représentée par Me Audrey HINOUX de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : C2477 et assistée par Me Bruno LE CLERCQ, avocat plaidant du barreau de VALENCE, toque : 140
Société INTERSALES HOLLAND B.V.
société de droit néerlandais
immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés sous le n°29039871
ayant son siège social : [Adresse 11] (PAYS-BAS)
prise en la personne de ses représentants légaux,
Représentée par Me Audrey HINOUX de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : C2477 et assistée par Me Bruno LE CLERCQ, avocat plaidant du barreau de VALENCE, toque : 140
INTIMÉES
Société GRANGE ARTHUIS
société par actions simplifiée (société à associé unique)
immatriculée au RCS de NICE sous le numéro 509 358 644
ayant son siège social : [Adresse 2]
Représentée par Me Frédéric LEPRETRE, avocat postulant et plaidant du barreau d’AUXERRE
SOCIETE D’AMENAGEMENT FONCIER ET D’ETABLISSEMENT RURAL (SAFER) de Bourgogne Franche-Comté
immatriculée au RCS de DIJON sous le numéro 778 212 472
ayant son siège social : [Adresse 1]
prise en la personne de ses représentants légaux,
Représentée par Me Arnaud GUYONNET de la SCP AFG, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : L0044 et assistée par Me Thierry CHIRON, de la SELAS LEGI CONSEILS BOURGOGNE, avocat plaidant du barreau de DIJON
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 14 Novembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Daniel BARLOW, Président
Mme Fabienne SCHALLER, Conseillère
Mme Laure ALDEBERT, Conseillère
qui en ont délibéré.
Un rapport a été présenté à l’audience par Mme Laure ALDEBERT, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Najma EL FARISSI
ARRÊT :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Daniel BARLOW, président de chambre et par Najma EL FARISSI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* *
*
I/ FAITS ET PROCÉDURE
1-La société Grange Arthuis est une société de droit français qui a mis en vente par l’intermédiaire de la Société d’Aménagement Foncier et d’Établissement Rural de Bourgogne-Franche-Comté (ci-après la SAFER) des terrains agricoles avec divers bâtiments situés sur les communes de [Localité 4] (45) [Localité 5] (45) [Localité 8] (58) et [Localité 7] (89) dans le cadre de la procédure prévue par les dispositions des articles L. 141-6 et R. 141-3 du code rural.
2- C’est ainsi que par acte sous seing privé signé à [Localité 9] le 12 novembre 2018, accepté par la SAFER le 24 janvier 2019 et enregistré à [Localité 6] le 28 janvier 2019, la société Grange Arthuis a consenti à la SAFER une promesse de vente des biens immobiliers au prix de 3 000 000 euros avec faculté de substitution.
3-Dans le cadre de la procédure d’attribution des biens, la candidature à l’acquisition du bien de la société Basraca BV de droit néerlandais (ci-après : « Basraca ») a été retenue.
4- La société Basraca fait partie d’un groupe de sociétés néerlandaises détenu par la société La Grange Arthuis Holding BV au sein duquel se trouvent les sociétés de droit néerlandais IBB holding, Esbor Vastgoed BV et Intersales Holland BV (ci-après Esbor et Intersales) qui sont intervenues lors du processus d’acquisition de la propriété agricole.
5-Le 6 décembre 2018, les sociétés Esbor et Intersale ont versé à concurrence de moitié chacune à la SAFER la somme de 300 000 euros pour le compte de la société Basraca qui ne disposait pas de fonds.
6-La société d’investissement de droit néerlandais IBB holding, société s’ur de la société Basraca, a signé avec la SAFER le 17 décembre 2018 une promesse unilatérale d’achat avec faculté de substitution.
7-Le 27 mars 2019 un protocole de substitution a été signé entre la société Basraca, la société Grange Arthuis et la SAFER constatant l’acceptation de la société Grange Arthuis de la substitution par la SAFER de la société Basraca dans ses droits à acquérir le bien.
8-Au jour de la signature devant notaire, la société Basraca a refusé de réitérer l’acte de vente faute de disposer des fonds nécessaires
9-Le 11 avril 2019, un procès-verbal de carence a été signé, réservant 40 000 euros d’honoraires au notaire qui ont été prélevés sur les fonds reçus par la SAFER.
10-Par courrier du 25 avril 2019, la société Grange Arthuis a, par l’intermédiaire de son conseil, demandé à la SAFER de lui restituer la somme déposée comme une indemnisation du contrat non respecté par l’acquéreur, ce que la SAFER a refusé de faire sans l’accord des deux parties.
11- Par courrier 23 août 2019, la société Grange Arthuis a sollicité l’accord de la société Basraca pour que la SAFER lui remette la somme à titre de dommages et intérêts.
12-Par exploit en date du 14 décembre 2020, les sociétés Basraca BV, Esbor Vastgoed BV et Intersales Holland BV ont fait assigner la société Grange Arthuis et la SAFER de Bourgogne à comparaître devant le tribunal de commerce d’Auxerre afin de voir en principal condamner la SAFER dépositaire de la somme de 260 000 euros à restituer aux sociétés Esbor Vastgoed BV et Intersales Holland BV le montant soit à chacune la somme de 130 000 euros.
13-Par exploit du 18 décembre 2020, la société Grange Arthuis a fait assigner la société Basraca et la SAFER devant la même juridiction en paiement de la somme de 260 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi et correspondant au dépôt de garantie et a demandé d’ordonner à la SAFER de lui restituer la somme qu’elle détient depuis le 14 décembre 2018 en garantie financière.
14-Les instances ont fait l’objet d’une jonction.
15-Par jugement du 11 octobre 2021, le tribunal de commerce d’Auxerre, après avoir rejeté la demande en nullité de l’assignation notifiée le 18 décembre 2020, a débouté la société Basraca de ses demandes, ordonné à la SAFER de verser à la société GA la somme de
260 000 euros qu’elle détient et provenant du dépôt de garantie versé par les sociétés ESBOR VASTGOED B.V ET INTERSALES HOLLAND B.V ».
16-La société Basraca a été condamnée à payer la somme de 5 000 euros à la SAS Grange Arthuis et solidairement avec les sociétés Esbor et Intersales celle de 3 500 euros au profit de la SAFER sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile .
17-Les sociétés sociétés Basraca BV, sociétés Esbor Vastgoed BV et Intersales Holland BV ont été condamnées aux dépens.
18-Par déclaration du 26 octobre 2021 les sociétés les sociétés Basraca Esbor Vastgoed et Intersales Holland BV ont interjeté appel du jugement.
19- L’ordonnance de clôture est intervenue le 14 novembre 2022.
II/ PRÉTENTTIONS DES PARTIES
20-Selon leurs dernières conclusions d’appelant n°2, communiquées par voie électronique le 31 aout 2022, les sociétés BASRACA B.V, ESBOR VASTGOED B.V et INTERSALES HOLLAND B.V, demandent à la cour, au visa de l’article 1103 du code civil, de bien vouloir :
Les DE’CLARER recevables et bien fondées en leur appel,
– REFORMER le jugement du 11 octobre 2021 en ce qu’il a :
” Rejeté la demande de nullité de l’assignation notifiée par la société GRANGE ARTHUIS, le 18 décembre 2020 ;
” Déboute’ la société Basraca BV de toutes ses demandes ;
” Ordonne’ a’ la SAFER de verser a’ la société SAS GRANGE ARTHUIS la somme de 260.000 euros qu’elle détient et provenant du dépôt de garantie verse’ par les sociétés INTERSALES BV et ESBOR BV ;
” Condamne’ la société BASRACA BV a’ payer a’ la société SAS GRANGE ARTHUIS la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;
” Condamne’ solidairement les sociétés BASRACA BV, INTERSALES HOLLANDBV et ESBOR BV a’ payer a’ la SAFER la somme de 3.500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
” Condamne’ solidairement les sociétés BASRACA BV, INTERSALES HOLLAND BV et ESBOR BV aux entiers dépens de l’instance ;
” Dit que l’exécution provisoire est de droit ;
” Liquidé les frais de greffe a’ la somme de 226,26 euros.
– REPARER l’omission de statuant affectant le jugement du 11 octobre 2021 en ce qu’il a omis de statuer sur les demandes des sociétés INTERSALES HOLLAND BV et ESBOR BV.
Et statuant a’ nouveau,
– PRONONCER la nullité de l’assignation notifiée par la SAS GRANGE ARTHUIS a’ la société BASRACA le 18.12.2020.
– CONDAMNER in solidum la SAFER de Bourgogne Franche-Comté et la société GRANGE ARTHUIS a’ restituer a’ la société ESBOR VASTGOED B.V et a’ la société INTERSALES HOLLAND BV, la somme de 260 000,00 €, soit 130 000,00 € a’ chacune d’elle.
– CONDAMNER la société GRANGE ARTHUIS a’ payer aux sociétés BASRACA B.V., ESBOR VASTGOED B.V et INTERSALES HOLLAND B.V. les intérêts légaux sur la somme de 260 000,00 €, depuis l’assignation des 11 et 14 décembre 2020 et ce jusqu’a’ la date de leur complet paiement.
– DEBOUTER la société GRANGE ARTHUIS SAS et la SAFER de Bourgogne Franche-Comté de l’intégralité de leurs demandes, fins et prétentions.
Y ajoutant,
– CONDAMNER in solidum la société GRANGE ARTHUIS et la SAFER de Bourgogne Franche- Comte’ a’ payer aux sociétés BASRACA B.V., ESBOR VASTGOED B.V et INTERSALES HOLLAND B.V. la somme de 10 000,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
– CONDAMNER la société GRANGE ARTHUIS et la SAFER aux entiers dépens de l’instance dont distraction au profit de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocats au Barreau de Paris.
21-Selon ses dernières conclusions, communiquées par voie électronique le 11 novembre 2022 , la société Grange Arthuis demande à la cour, au visa des articles 1231-1 et 1104 du code civil, de bien vouloir :
– CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de commerce d’AUXERRE le 11 octobre 2021
– DEBOUTER, la société BASRACA B.V., la société ESBOR VASTGOED B.V et la société INTERSALES HOLLAND B.V. de l’ensemble de leur demande fin et conclusions
– CONDAMNER la société BASRACA B.V., la société ESBOR VASTGOED B.V et la société INTERSALES HOLLAND B.V. conjointement et solidairement au paiement d’une somme de 10.000 euros en vertu de l’article 700 du CPC,
– CONDAMNER la société BASRACA B.V., la société ESBOR VASTGOED B.V et la société INTERSALES HOLLAND B.V. conjointement et solidairement au paiement de tous les frais et dépens.
22-Selon ses dernières conclusions, communiquées par voie électronique le 21 juin 2022, la SAFER demande à la cour de bien vouloir :
– CONSTATER que la SAFER BOURGOGNE FRANCHE COMTE ne s’oppose pas a’ la remise de la somme de 260 000 euros qu’elle détient ;
– AUTORISER la SAFER BOURGOGNE FRANCHE COMTE a’ se libérer de la somme de 260 000 euros entre les mains de tel bénéficiaire qu’il plaira a’ la Cour de désigner ;
– CONDAMNER solidairement les sociétés BASRACA ‘ ESBOR ‘ INTERSALES HOLLAND a’ verser a’ la SAFER BOURGOGNE FRANCHE COMTE la somme de 4 500 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
– CONDAMNER solidairement les sociétés BASRACA ‘ ESBOR ‘ INTERSALES HOLLAND aux entiers dépens ;
III/ MOYENS DES PARTIES
23- Les appelantes contestent la validité de l’assignation délivrée par la société Grange Arthuis en première instance pour vice de forme au motif que celle-ci n’a pas mentionné la réalité de son siège social.
24-Elles soutiennent que l’intimée, mise en sommeil depuis juin 2021, se prévaut d’un siège social fictif à une adresse de domiciliation.
25-Sur le fond, les sociétés Esbor et Intersales demandent de condamner la société Grange Arthuis et la SAFER à restituer la somme qu’elles ont versée correspondant aux 260 000 euros restant disponibles dans les livres de la SAFER après paiement des émoluments du notaire.
26-Elles soutiennent que la vente ne s’étant pas faite et la SAFER ayant renoncé à ses honoraires, elles ont droit au remboursement de la somme avancée pour le compte de l’entité acheteuse la société Basraca, qui n’a rien versé.
27-Elles exposent que n’étant pas partie aux différents actes du processus de vente, la demande de dommages et intérêts de la société Grange Arthuis leur est inopposable et qu’il n’existe aucune solidarité avec la société Basraca, faute de convention entre elles.
28-Elles en déduisent que c’est à tort que les premiers juges sans répondre à leur demande en restitution ont décidé d’indemniser la société Grange Arthuis avec leurs propres fonds.
29-En l’absence de tout mécanisme contractuel d’indemnisation, elles soutiennent enfin que la responsabilité de la société Basraca ne pouvait être retenue faute pour la société Grange Arthuis de démontrer un préjudice en lien avec le refus de la société Basraca d’acheter le bien qui a été vendu peu de temps après sans difficulté.
30-Elles exposent à ce titre que la société Grange Arthuis a revendu rapidement, en août 2019, les biens immobiliers pour le même prix à une société dénommée Panat et que si elle a accepté de prendre en charge la commission de la SAFER à hauteur de 200 000 euros normalement payée par l’acheteur c’est en raison de ses propres contraintes de temps et d’argent et non du fait de la défaillance de la société Basraca
31-En réponse, la société Grange Arthuis demande la confirmation de la décision de première instance qui a rejeté la demande en nullité de son assignation et qui a fait droit à la demande en réparation du préjudice subi sur le fondement de la responsabilité pour faute de la société Basraca par l’allocation de la somme déposée à la SAFER.
32-Elle s’oppose à la demande de remboursement des sociétés Esbor et Intersales en faisant valoir qu’elles se sont portées caution et sont engagées solidairement avec la société Basraca.
33-Sur la responsabilité de la société Basraca, elle soutient que celle-ci a fait preuve d’un manque de loyauté et d’une particulière mauvaise foi en refusant de réaliser la vente chez le notaire au prétexte que les fonds n’avaient pas été débloqués par les banques sans la prévenir ni lui fournir d’explication crédible.
34-Elle souligne que c’est bien après, au cours de la procédure, que la société Basraca a soutenu pour la première fois qu’elle ne pouvait acheter faute de pouvoir installer une centrale photovoltaïque, ce qui n’était jamais entré dans la négociation, et a fait preuve de mauvaise foi en prétendant qu’elle n’avait pas compris la portée de son engagement.
35-Elle estime que ce comportement fautif a causé un préjudice entrainant une immobilisation de ses biens durant plusieurs mois et un gain manqué pour avoir été contrainte de vendre dans l’urgence les terrains agricoles à un prix plus faible.
36-La SAFER s’en rapporte à justice quant au destinataire de la somme litigieuse laquelle est toujours actuellement entre ses mains.
37-Elle confirme détenir un solde de 260 000 euros sur les 300 000 euros versés lors des formalités d’acquisition des biens immobiliers qu’elle n’est pas opposée à libérer.
38-Elle précise que la partie de cette somme correspondant à l’acompte de 50 000 euros sur le prix de vente n’a pas lieu d’être conservée, l’acquisition n’ayant pas abouti en l’absence de signature de l’acte authentique de vente.
39-Quant à la somme de 210 000 euros, elle correspond à la provision ses honoraires que dans un souci d’apaisement elle a décidé d’abandonner.
IV/ MOTIFS DE LA DECISION
Sur la nullité de l’assignation
40-Selon l’article 54,b) du code de procédure civile, pour les personnes morales, l’assignation mentionne à peine de nullité leur forme, leur dénomination, leur siège social et l’organe qui les représente légalement.
41-Conformément à l’article 114 dudit code, la nullité pour omission de l’une des mentions exigées pour la désignation du requérant n’est encourue que si le destinataire établit que le vice lui cause un grief.
42-Selon l’article 115, la nullité est couverte par la régularisation ultérieure de l’acte si aucune forclusion n’est intervenue et si la régularisation ne laisse subsister aucun grief.
43-En l’espèce, il est constant que dans son assignation la société Grange Arthuis a mentionné l’ancienne adresse de son siège social à [Localité 7] qu’elle n’avait plus depuis plusieurs mois, ayant cessé toute activité depuis la vente des terrains agricoles.
44-Toutefois, il ressort de la procédure de première instance qu’elle a régularisé sa nouvelle adresse chez Regus, [Adresse 2], à [Localité 9], sans causer de préjudice aux sociétés appelantes.
45-Ces dernières soutiennent qu’il ne s’agit pas d’une adresse réelle en faisant observer que la société n’exerce plus d’activité et ne dispose plus de biens en France.
46-Toutefois, aucun élément ne remet en cause l’existence de cette adresse qui ne permet pas en soi à la société Grange Arthuis, même si elle a cessé son activité, d’échapper à ses obligations financières.
47- Il s’agit d’une adresse de domiciliation qui figure sur son extrait Kbis et qui résulte de sa décision de transfert de son siège social issue d’une décision d’assemblée générale extraordinaire du 12 mai 2021 qui n’a fait l’objet d’aucune contestation.
48-Il résulte de ce qui précède que c’est par de justes motifs que les premiers juges ont rejeté la demande en nullité de l’acte introductif d’instance.
49-La décision sera confirmée sur ce chef.
Sur la demande en restitution des fonds formulée par les sociétés Esbor et Intersales contre la société Grange Arthuis et la SAFER
50- Les sociétés Esbor et Intersales reprochent aux premiers juges d’avoir omis de statuer sur leur demande en restitution de la somme déposée entre les mains de la SAFER en faisant valoir qu’ils ne les ont pas déboutées de leur demande de restitution de la somme qu’elles avaient versée entre les mains de la SAFER.
51- Toutefois si le rejet de leur demande ne figure pas expressément dans le dispositif de la décision, il ressort de ses motifs qu’en rejetant la demande de la société Basraca toute en retenant que les sociétés Esbor, Intersales et Basraca étaient solidaires entre elles, le tribunal a nécessairement rejeté du même coup leur demande en restitution de la somme en cause.
52- La demande en réparation de l’omission de statuer sera en conséquence rejetée.
53-Il est constant que les sociétés Esbor et Intersales sont intervenues pour faire une avance financière à la société Basraca et qu’elles ont viré à cette fin la somme de 300 000 euros pour son compte pour couvrir un acompte sur le prix de vente et la provision sur les frais de la SAFER comme indiqué clairement par les parties au protocole sous la clause suivante :
VERSEMENT PAR L’ACQUEREUR-DEPOT DE GARANTIE.
Montant
A titre de dépôt de garantie, L’acquéreur a versé la somme de TROIS CENT MILLE EUROS (300 000,00 €) en plusieurs virements. Ces virements ont été réalisés par les différents associés de la Société BASRACA B.V.
La différence entre cette somme et les frais SAFER est destinée é couvrir les frais de rédaction d’acte d’un montant de QUARANTE MILLE EUROS (40 000,00 €) et une partie du prix d’un montant de CINQUANTE MILLE EUROS (50 000,00 €).
54- Les sociétés Esbor et Intersales demandent de condamner la société Grange Arthuis et la SAFER à leur restituer la somme avancée faute de réalisation de la vente.
55-Toutefois, n’étant pas parties à la vente, elles ne peuvent se prévaloir de ses effets et revendiquer la restitution de la somme qu’elles ont remise à la SAFER pour le compte de l’acquéreur à qui il appartenait au besoin d’en demander la restitution à charge pour lui ensuite de restituer la somme aux sociétés du groupe pour les rembourser de leur avance.
56-Les sociétés Esbor et Intersales qui ne font valoir aucun autre fondement que celui tiré des actes de vente auxquels elles ne sont pas partie, doivent en conséquence être déboutées de leur demande en restitution formée contre la société Grange Arthuis et la Safer.
Sur la demande en paiement de la société Grange Arthuis sur le fondement de l’inexécution contractuelle
57-Aucune des parties ne conteste l’absence d’un mécanisme contractuel ayant prévu mécaniquement la remise de la somme déposée à la SAFER au vendeur en cas de non réalisation de la vente de sorte que c’est sur le fondement de la responsabilité contractuelle que la demande sera examinée
58-Selon l’article 1104 du code civil, les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
59- L’article 1231-1 dudit code prévoit que le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.
60-En l’espèce, il est établi que c’est sans évoquer aucune des conditions suspensives ni faire valoir un juste motif entrant dans les prévisions des parties que la société Basraca a refusé de signer la vente, obligeant la société Grange Arthuis à chercher un nouvel acquéreur après avoir immobilisé le bien durant 5 mois.
61-C’est en effet à l’issue de trois rendez-vous de signature sur une période d’un mois, organisés par le notaire les 27 mars 2019, 3 avril 2019 et 11 avril 2019 qu’après avoir fait signer un protocole de substitution, la société Basraca a attendu le dernier moment, sans avertir le vendeur ni lui fournir d’explication, pour indiquer ne pas disposer des fonds puis ne plus donner aucune suite.
62-La société Basraca qui avait connaissance du financement nécessaire depuis le début des négociations n’a fourni aucun justificatif sur les raisons pour lesquelles les banques n’ont pas débloqué les fonds.
63-Il ressort de la procédure qu’elle a fourni beaucoup plus tard une autre explication devant les premiers juges pour justifier de son abstention en prétendant qu’en réalité elle ne pouvait donner suite à l’achat en raison de l’impossibilité pour elle d’implanter une centrale photovoltaïque sans que cette condition n’ait jamais été évoquée.
64-Il résulte de ce qui précède, sans que cela soit par ailleurs discuté, que la société Basraca a commis une faute engageant sa responsabilité.
65-Les appelantes contestent l’existence d’un dommage pour la société Grange Arthuis en relation de cause à effet avec la faute de la société Basraca, en faisant valoir que la société Grange Arthuis a vendu à la « va vite » les terrains agricoles et que c’est de son fait si elle a pris à sa charge les frais de la Safer.
66-Cependant c’est en raison du refus de signer la vente le 11 avril 2019 que la société Grange Arthuis a été contrainte de remettre en vente les terrains agricoles pour l’acquisition desquels la candidature de la société Basraca avait été retenue dans le cadre de la procédure d’attribution de la SAFER depuis le 15 novembre 2018.
67-Il ne peut être fait grief à la société Grange Arthuis d’avoir, au regard du temps écoulé et de l’immobilisation du bien pendant cinq mois, recherché rapidement un nouvel acquéreur et régularisé en août 2019 la vente en acceptant de prendre à sa charge les honoraires de la SAFER équivalant à une baisse de prix de 200 000 euros.
68-Il résulte de ce qui précède que la société Grange Arthuis justifie de l’existence d’un préjudice financier en lien de causalité avec le manquement de la société Basraca que les premiers juges ont justement évalué à la somme de 260 000 euros correspondant à la perte sur le prix de vente et à l’immobilisation du bien.
69-Pour ces raisons, il convient de faire droit à la demande en réparation pour faute formée par la société Grange Arthuis contre la société Basraca et d’ordonner en conséquence par compensation à la SAFER de se libérer de la somme qu’elle détient pour le compte de la société Basraca au profit de la société Grange Arthuis.
70-Le jugement sera en conséquence confirmé pour ces motifs dans toutes ces dispositions.
Sur les frais et dépens
71- Il y a lieu de condamner les sociétés Esbor Vastgoed BV et Intersales Holland BV (ci-après Esbor et Intersales)et Basraca qui succombent, aux dépens.
72- En outre, elles doivent être condamnées à verser à la société Grange Arthuis et à la SAFER une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile qu’il est équitable de fixer au montant figurant dans le dispositif.
V/
PAR CES MOTIFS
La cour :
1- Déboute les sociétés Esbor Vastgoed BV et Intersales Holland BV de leur demande en réparation d’omission de statuer ;
2-Confirme le jugement du tribunal de commerce d’Auxerre du 11 octobre 2021 dans toutes ses dispositions soumises à la cour ;
3- Condamne les sociétés Esbor Vastgoed BV et Intersales Holland BV et Basraca BV à payer à la société Grange Arthuis la somme globale de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code procédure civile ;
5- Condamne les sociétés Esbor Vastgoed BV et Intersales Holland BV et Basraca BV à payer à la Société d’Aménagement Foncier et d’Établissement Rural de Bourgogne ‘Franche-Comté la somme globale de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code procédure civile ;
6- Condamne les sociétés Esbor Vastgoed BV et Intersales Holland BV et Basraca BV aux entiers dépens.
LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT,