Nullité d’Assignation : 1 juin 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 22/06250

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Nullité d’Assignation : 1 juin 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 22/06250
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N° RG 22/06250 – N° Portalis DBVX-V-B7G-OQIL

Décision du Juge de la mise en état du TJ de LYON

du 16 août 2022

Quatrième chambre

RG : 21/04006

S.A.R.L. MCS

C/

Syndic. de copro. SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L’IMMEUBLE SIS [Adresse 3]

S.A. AXA FRANCE IARD

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

6ème Chambre

ARRET DU 01 Juin 2023

APPELANTE :

S.A.R.L. MCS

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Séverine MARTIN de la SELARL MARTIN SEYFERT & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 1792

INTIMEES :

LE SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L’IMMEUBLE sis [Adresse 3]

Représenté par son ayndic la SAS Régie SIMONNEAU

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Jean-Baptiste LE JARIEL de la SELARL FORTEM AVOCATS (JBL), avocat au barreau de LYON, toque : 863

LA SOCIETE AXA FRANCE IARD

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES – LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON, toque : 938

assisté de la SELARL ALAGY BRET & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

* * * * * *

Date de clôture de l’instruction : 18 Avril 2023

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 25 Avril 2023

Date de mise à disposition : 01 Juin 2023

Audience tenue par Evelyne ALLAIS, conseiller, et Stephanie ROBIN, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistés pendant les débats de Fabienne BEZAULT-CACAUT, greffier

A l’audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré :

– Dominique BOISSELET, président

– Evelyne ALLAIS, conseiller

– Stéphanie ROBIN, conseiller

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Dominique BOISSELET, président, et par Fabienne BEZAULT-CACAUT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

Faits, procédure et demandes des parties

La société MCS exploite un commerce de prêt à porter, situé dans un immeuble en copropriété [Adresse 3], assuré par la compagnie AXA au titre de l’assurance multirisque professionnelle.

Le commerce a subi en février 2013 des infiltrations d’eau pluviale.

Le sinistre a été déclaré à l’assureur, la déclaration de sinistre ayant été enregistrée seulement le 6 février 2014.

La société MCS fait état de l’aggravation des désordres, en lien avec des fuites importantes au niveau de la vitrine. Ainsi, le bandeau de la façade s’est affaissé et l’enseigne s’est décrochée.

Parallèlement, des fuites importantes ont eu lieu également à l’intérieur des vitrines du magasin, en provenance des gouttières.

Une expertise a eu lieu, et à l’issue de celle-ci, la compagnie AXA lui a versé la somme de 2.717,63 euros au titre de l’indemnisation des désordres.

Le syndicat des copropriétaires a ensuite été appelé en intervention, dans la mesure où il était invoqué que les désordres affectaient également les parties communes.

Plusieurs sondages extérieurs et intérieurs de la façade ont été réalisés par des experts entre novembre 2014 et le 12 octobre 2015, ce qui n’a pas permis l’exploitation de la vitrine.

Les travaux de reprise des lintaux ont été effectués en septembre 2015.

Le 12 juillet 2016, la compagnie d’assurances AXA a versé la somme de 7.419,37 euros à la société MCS pour solde de tout compte, ce que cette dernière a contesté, invoquant l’ampleur de la perte d’exploitation dont elle a souffert.

Par ailleurs, par ordonnance de référé du12 septembre 2016, le syndicat des copropriétaires a été condamné à remplacer la vitrine et son pourtour, aux fins de remédier aux infiltrations, au gauchissement et aux défauts de planéité générés par les travaux réalisés par la copropriété en 2015, et ce, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, passé un délai de deux mois à compter de la signification de l’ordonnance.

L’astreinte a été liquidée à la somme de 15.000 euros pour la période du 1er décembre 2016 au 6 mars 2018.

Le remplacement de la vitrine a eu lieu entre octobre et novembre 2018, impliquant la fermeture du commerce entre le 22 octobre 2018 et le 28 novembre 2018.

Par lettre recommandée du 17 septembre 2019, la société MCS a réclamé auprès de la société AXA l’indemnisation de la perte d’exploitation liée aux dégâts des eaux, pour les années 2016, 2017 et 2018.

Par courrier du 9 janvier 2019, la compagnie AXA a répondu qu’elle n’était redevable d’aucune indemnisation, en dehors de la période de fermeture d’octobre à novembre 2018, n’étant pas responsable du retard dans la réalisation des travaux.

Par actes d’huissier du 27 mai et du 1er juin 2021, la société MCS a fait assigner la compagnie AXA France Iard et le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3], devant le tribunal judiciaire de Lyon, aux fins d’obtenir principalement leur condamnation solidaire au paiement de la somme de 262.900 euros.

La compagnie d’assurances AXA et le syndicat des copropriétaires ont saisi le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Lyon d’un incident tendant d’une part à la nullité de l’assignation, et d’autre part à la prescription de l’action.

La société MCS a reconventionnellement sollicité le versement d’une provision.

La demande de nullité de l’assignation a été abandonnée ensuite.

Ainsi, la compagnie AXA a, aux termes de ses dernières conclusions, demandé au juge de la mise en état de :

– déclarer irrecevable l’action de la société MCS à son encontre, comme étant prescrite,

– subsidiairement de débouter la société MCS de sa demande de provision,

– en tout état de cause de débouter la société MCS de toutes ses prétentions,

– de condamner la société MCS à lui payer la somme de 2.000 euros, au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– de condamner la société MCS aux dépens.

Le syndicat des copropriétaires a réclamé au juge de la mise en état de :

– déclarer irrecevables les demandes de la société MCS à son encontre, comme étant prescrites, à tout le moins en tant qu’elles portent sur les pertes d’exploitation pour la période antérieure au 1er juin 2016,

– débouter la société MCS de sa demande de provision,

– la condamner à lui payer la somme de 2.000 euros, au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens avec recouvrement au profit de l’avocat, en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La société MCS a demandé pour sa part au juge de la mise en état de :

– lui donner acte de ce que la demande de nullité de l’assignation n’est plus invoquée ,

– débouter la compagnie AXA et le syndicat des copropriétaires de leurs moyens tirés de la prescription de l’action,

– les condamner solidairement au paiement d’une provision de 50.000 euros,

– les condamner solidairement au paiement de la somme de 3.000 euros, au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par ordonnance du 16 août 2022, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Lyon a :

– déclaré l’action de la société MCS contre la compagnie d’assurances AXA France Iard irrecevable comme étant prescrite,

– déclaré l’action de la société MCS contre le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] irrecevable, comme étant prescrite pour la période antérieure au 1er juin 2016, et rejeté la fin de non recevoir pour le surplus,

– rejeté la demande de provision formée contre le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3],

– condamné la société MCS à payer à la compagnie AXA France Iard la somme de 1.000 euros, au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société MCS à supporter les dépens engagés par la compagnie Axa France Iard,

– réservé les dépens de l’incident pour le surplus et les autres demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– renvoyé l’instance à l’audience de mise en état électronique pour les conclusions au fond des défendeurs qui devront être adressées par RPVA et au plus tard le 17 novembre 2022, avant minuit à peine de rejet ou de clôture.

Par déclaration enregistrée le 13 septembre 2022, la société MCS a interjeté appel de l’ordonnance précitée.

Par des conclusions régulièrement notifiées le 6 mars 2023, la SARL MCS demande à la Cour de :

– déclarer la société MCS recevable et bien fondée en son appel de l’ordonnance rendue le 16 août 2022,

– réformer l’ordonnance en ce qu’elle a :

– déclaré l’action de la société MCS contre la compagnie d’assurances AXA France Iard irrecevable comme étant prescrite,

– déclaré l’action de la société MCS contre le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] irrecevable, comme étant prescrite pour la période antérieure au 1er juin 2016, et rejeté la fin de non recevoir pour le surplus,

– rejeté la demande de provision formée contre le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3],

– condamné la société MCS à payer à la compagnie AXA France Iard la somme de 1000 euros, au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société MCS à supporter les dépens engagés par la compagnie Axa France Iard,

et statuant à nouveau :

– juger la société MCS recevable en son action contre la compagnie AXA France IARD,

– juger l’action de la société MCS contre le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] recevable pour la période antérieure au 1er juin 2016,

– condamner solidairement la société AXA France Iard et le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3] à verser à la société MCS une provision de 50.000 euros,

– condamner solidairement la société AXA France Iard et le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3], à verser la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles,

– condamner la société AXA France Iard aux entiers dépens.

A l’appui de ses prétentions, elle soutient que :

– l’action à l’égard de la compagnie AXA France Iard n’est pas prescrite, le délai de prescription ayant été interrompu à de multiples reprises :

– par le courrier recommandé avec accusé de réception de réclamation du 28 septembre  2018,la lettre recommandée du 17 septembre 2019, avec l’accusé de

réception de ce courrier qui est produit en cause d’appel et enfin par la mise en demeure adressée par le conseil de MCS le 23 décembre 2020,

– par la désignation de l’expert M. [N],

– par la reconnaissance du droit à indemnisation par AXA dans le courrier du 9 janvier 2020, du 2 octobre 2018 au 26 novembre 2018, de sorte que la prescription ne peut être acquise sur cette période,

– l’action à l’égard du syndicat des copropriétaires n’est pas prescrite pour la période antérieure au 1er juin 2016, arguant de l’interruption de la prescription par les procédures devant le juge des référés et devant le juge de l’exécution.

En tout état de cause, la prescription n’a pu commencer à courir, que lorsque les travaux ont été achevés, soit en novembre 2018, condition nécessaire pour déterminer le montant des pertes d’exploitation, de sorte que l’assignation ayant été délivrée le 1er juin 2021, soit avant l’expiration du délai quinquennal, l’action n’est pas prescrite.

– s’agissant de la demande de provision, elle est fondée sur la responsabilité extra contractuelle et la société MCS n’est pas responsable du fait que le syndicat des copropriétaires a tardé à faire réaliser les travaux.

Par des conclusions d’appel régulièrement notifiées par voie électronique le 3 janvier 2022, la société AXA France Iard demande à la Cour de :

– à titre principal

– confirmer l’ordonnance rendue le 16 août 2022 par le juge de la mise en état du tribunal

judiciaire de Lyon en tous ses chefs,

– à titre subsidiaire

– débouter la société MCS de sa demande de provision,

en tout état de cause,

– débouter la société MCS de toutes ses prétentions, demandes reconventionnelles, fins et moyens contraires,

– condamner la société MCS à payer à la compagnie AXA France IARD la somme de 3.000 euros, au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société MCS aux entiers dépens de l’instance d’appel.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que :

– l’action de la société MCS est prescrite, le délai biennal ayant commencé à courir au plus tard le 14 février 2013, date du constat d’huissier relatif aux dégâts des eaux et mentionnant le décrochage de l’enseigne et la détérioration de la vitrine,

– ce délai a certes été interrompu par les indemnisations par AXA les 18 juillet 2014 et 7 juillet 2016 et le courrier recommandé avec accusé de réception de MCS du 9 avril 2018 mais les courriers du 28 septembre 2018, 17 septembre 2019 n’ont pas été envoyés par lettre recommandée avec accusé de réception, les accusés de réception n’étant pas produits, de sorte qu’ils n’ont pu valablement interrompre le délai de prescription. En effet, l’accusé de reception produit par la société MCS du 19 septembre 2019 ne peut être rattaché au courrier du 17 septembre 2019, ce dernier ne comportant pas le numéro de l’AR et le courrier de réponse d’AXA ne faisant aucunement référence à un courrier recommandé avec accusé de réception.

Le courrier du 23 décembre 2020 comporte bien un accusé de reception, mais il est sans effet, puisque la prescription était déjà acquise depuis le 10 avril 2020.

– le courrier du 9 janvier 2020 ne peut présenter un caractère interruptif de prescription, dans la mesure où la compagnie AXA refuse sa garantie et une indemnisation au titre du contrat, ne formulant une proposition d’indemnisation qu’à titre de geste commercial,

– la désignation d’un expert, désormais invoquée en cause d’appel par la société MCS, comme cause d’interruption de la prescription ne repose sur aucun élément de preuve, aucune pièce ne justifiant la désignation d’un expert, ni la date à laquelle celui-ci aurait été désigné.

– subsidiairement, la demande de provision n’est pas justifiée, se heurtant à une contestation sérieuse, dans la mesure où elle n’est pas garantie par le contrat d’assurance souscrit, la perte d’exploitation résultant en réalité du retard dans la réalisation des travaux par le syndicat des copropriétaires.

Le montant de la provision n’est au surplus pas justifié, l’attestation comptable établie non contradictoirement faisant ressortir que la faible diminution du chiffre d’affaires apparaît après la séparation des associés et n’est pas due au sinisitre.

Enfin, le contrat prévoit le cas échéant une méthode de calcul pour la perte d’exploitation, qui n’est pas appliquée en l’espèce.

Le syndicat des copropriétaires, par des conclusions régulièrement notifiées par voie électronique le 9 novembre 2022, demande à la Cour de :

– confirmer l’ordonnance rendue le 16 août 2022 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Lyon en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

– condamner la société MCS à payer au syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3], la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société MCS aux entiers dépens avec recouvrement au profit de maître Jean Baptiste Le Jariel, avocat.

Il fait valoir que :

– l’action est prescrite antérieurement au 1er juin 2016, le délai quinquennal de prescription commençant à courir le jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

Or, la société MCS avait connaissance du sinistre et des conséquences financières dès 2013, évoquant dans ces courriers une perte financière importante et notamment dans le courrier du 18 juillet 2013. Elle était donc en mesure d’intenter une action en indemnisation.

Les actions devant le juge des référés et le juge de l’exécution ne correspondent pas à une demande indemnitaire, et ne peuvent avoir en conséquence un effet interruptif.

– la demande de provision n’est pas justifiée, se heurtant à une contestation sérieuse, le syndicat des copropriétaires contestant le lien de causalité entre les travaux qu’il a fait réaliser pour la reprise des lintaux au dessus de la casquette béton et de l’entrée de l’immeuble et l’état de la vitrine, dont la vétusté avait déjà été constatée avant les travaux effectués en 2015.

Le syndicat des copropriétaires s’est heurté à de nombreuses contraintes matérielles et administratives, retardant les travaux, alors même qu’il a effectué de multiples diligences.

Enfin, la réalité même du préjudice est contestable, alors qu’en 2015 la société MCS a retrouvé un local refait à neuf et que le chiffre d’affaires chute en 2012, soit avant le dégât des eaux, et est ensuite stable.

MOTIFS DE LA DECISION

I/ Sur la fin de non recevoir tirée de la prescription

Aux termes de l’article 122 du code de procédure civile constitue une fin de non recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

A- concernant la demande à l’égard de la compagnie AXA Assurances

Aux termes de l’article L 114-1 du code des assurances ‘toutes actions dérivant d’un contrat d’assurance sont prescrites par deux ans, à compter de l’événement qui y donne naissance.(…).

Toutefois, ce délai ne court :

1° En cas de réticence, omission, déclaration fausse ou inexacte sur le risque couru, que du jour où l’assureur en a eu connaissance ;

2° En cas de sinistre, que du jour où les intéressés en ont eu connaissance, s’ils prouvent qu’ils l’ont ignoré jusque-là.(…)’

L’article L 114-2 du même code dispose que ‘la prescription est interrompue par une des causes ordinaires d’interruption de la prescription et par la désignation d’experts à la suite d’un sinistre. L’interruption de la prescription de l’action peut, en outre, résulter de l’envoi d’une lettre recommandée ou d’un envoi recommandé électronique, avec accusé de réception, adressés par l’assureur à l’assuré, en ce qui concerne l’action en paiement de la prime et par l’assuré à l’assureur en ce qui concerne le règlement de l’indemnité.’

En l’espèce, il ne fait tout d’abord pas débat que le délai de prescription a été interrompu par les indemnisations d’AXA le 18 juillet 2014 et le 7 juillet 2016, et par le courrier recommandé avec accusé de réception de la société MCS du 9 avril 2018, un nouveau délai de deux ans commençant ainsi à courir à compter du 10 avril 2018.

Ensuite, l’envoi d’une lettre recommandée avec accusé de réception constitue une formalité substantielle et il incombe à celui qui se prévaut de l’interruption de la prescription d’en rapporter la preuve, notamment par la production du récepissé postal établissant que la lettre recommandée a été envoyée avec une demande d’avis de réception.

Concernant le courrier du 28 septembre 2018, émanant de la société MCS adressé à AXA, celui ci comporte la mention recommandé et il est produit un accusé de réception signé par AXA le 1er octobre 2018, les dates étant ainsi compatibles avec l’envoi d’un courrier avec accusé de réception.

Mais il ressort surtout du courrier du 17 septembre 2019, de l’avocat de la société MCS à l’attention de la compagnie AXA, concernant les contestations sur le rejet de la demande au titre de la perte d’exploitation que la mention ‘Lettre Recommandé AR’ figure sur ce document. Si le numéro de l’accusé de réception ne figure par sur la lettre, cette seule absence ne peut conduire à considérer que le courrier n’a pas été envoyé avec accusé de réception, contrairement à ce que soutient la compagnie AXA.

En effet, il est produit par la société MCS, en cause d’appel, en pièce 30, le récépissé postal d’envoi du courrier présentant le cachet de la poste le 18 septembre 2019 et la signature de l’accusé de reception le 19 septembre 2019 par AXA. Il est mentionné à la fois sur le courrier du 17 septembre 2019 et sur le récepissé et l’accusé de réception le même numéro de référence 15.002120, de sorte que cet élément, ajouté aux dates qui coïncident démontrent que cet accusé de réception est parfaitement rattachable au courrier du 17 septembre 2019, et que ce dernier a bien été envoyé avec accusé de réception, et est donc interruptif de prescription.

Dès lors, un nouveau délai de deux ans a commencé à courir à compter du 18 septembre 2019, soit jusqu’au 18 septembre 2021.

En outre, la lettre de mise en demeure adressée par lettre recommandée avec accusé de réception du 23 décembre 2020, l’accusé de réception étant produit est également interruptive, le délai n’étant pas expiré à cette date, compte tenu des éléments précités.

Au regard de ces éléments, l’assignation ayant été délivrée à la compagnie d’assurance AXA le 27 mai 2021, la prescription n’était pas acquise.

En conséquence, il convient de réformer l’ordonnance déférée sur ce point et de déclarer l’action de la société MCS à l’égard d’AXA recevable, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens invoqués par la société MCS concernant le caractère interruptif d’une désignation d’expert ou d’une reconnaissance du droit à indemnisation.

B- Concernant la demande à l’égard du syndicat des copropriétaires

L’article 2224 du code civil prévoit que ‘les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans, à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.’

Préalablement, il importe de noter que la référence à la date de consolidation applicable en matière de préjudice corporel ne peut s’appliquer au présent litige, contrairement à l’argumentation développée par la société MCS.

En outre, il ne fait pas débat entre les parties que la demande postérieure au 1er juin 2016, soit les 5 ans précédant l’assignation est recevable.

Ensuite, les faits permettant d’exercer l’action sont constitués par la connaissance des faits permettant d’engager l’action, soit en l’espèce le dégât des eaux, et non le montant du préjudice en découlant.

Le sinistre a eu lieu en 2013 et le constat d’huissier réalisé le 14 février 2013 à la demande de la société MCS permet d’avoir connaissance des désordres et des faits permettant d’exercer l’action. La société MCS pouvait alors intenter une action pour solliciter l’indemnisation du préjudice d’exploitation. Il est à cet égard significatif d’observer qu’elle évoque dans ses courriers, dès juillet 2013, l’importance des conséquences financières, ce qui corrobore sa connaissance des faits lui permettant d’exercer son action, étant précisé qu’il lui était loisible au cours de la procédure d’actualiser le montant de sa demande.

Elle ne peut ainsi valablement prétendre que sa créance était conditionnée à l’achèvement des travaux et fixer le point de départ du délai de prescription à la date de novembre 2018, date d’achèvement des travaux. En effet, comme l’a justement relevé le juge de la mise en état, ce n’est pas la créance dans son principe qui est conditionnée par l’achèvement des travaux, mais le montant de celle-ci, de sorte que son argumentation est inopérante.

Par ailleurs, si elle invoque ensuite l’interruption de la prescription par les actions engagées devant le juge des référés et le juge de l’exécution, il convient cependant de relever que l’interruption nécessite une identité de l’objet de l’action en référé, ou devant le juge de l’exécution avec celui de l’action dont la prescription serait interrompue.

En l’espèce, dans le présent litige, il s’agit d’une action en indemnisation du préjudice d’exploitation. Or, l’action devant le juge des référés consiste en la réalisation de travaux sous astreinte et l’action devant le juge de l’exécution est une demande de liquidation de l’astreinte. Ces deux actions ne présentent pas un objet identique, avec une demande en indemnisation du préjudice d’exploitation et ne sont donc pas interruptives de prescription.

Si la société MCS évoque également devant le juge des référés une demande de suspension des loyers jusqu’à la fin des travaux, il importe d’observer que le bail commercial a été conclu entre la société MCS et le bailleur Mme [C], de sorte que cette demande ne peut pas concerner le syndicat des copropriétaires et revêtir un caractère interruptif.

Ce faisant, ces procédures ne sont pas interruptives de prescription, comme l’a relevé le premier juge.

En conséquence, en l’absence d’interruption de la prescription, l’assignation ayant été délivrée à l’égard du syndicat des copropriétaires le 1er juin 2021, l’action est prescrite uniquement pour la période antérieure au 1er juin 2016, l’ordonnance déférée étant confirmée sur ce point.

II/ Sur la demande de provision

En application de l’article 789 du code de procédure civile, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est jusqu’à son dessaisissement seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal pour accorder une provision au créancier, lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable.

En l’espèce, le syndicat des copropriétaires considère que sa responsabilité ne peut pas être engagée, dans la mesure où les équipements défectueux à l’origine des infiltrations seraient des éléments privatifs et non des parties communes. De plus, il soutient que le lien de causalité entre les travaux qu’il a fait réaliser pour la reprise des lintaux au dessus de la casquette béton et de l’entrée de l’immeuble et l’état de la vitrine, dont l’état de vétusté avait déjà été constaté avant les travaux effectués en 2015 n’est pas démontré.

En outre, la compagnie AXA fait, quant à elle, valoir qu’elle ne peut être tenue à indemnisation, dans la mesure où la demande formée au titre du préjudice d’exploitation est liée au retard de réalisation des travaux par le syndicat des copropriétaires. Or, le contrat prévoit certes la possibilité d’une indemnisation au titre du préjudice d’exploitation, mais dans des hyptohèses précises listées limitativement à l’article 2.1 du contrat.

Elle estime que la situation de la société MCS n’entre pas dans ces cas précis et que le contrat ne peut donc recevoir application sur ce point.

Au surplus, il est également fait état d’une demande non justifiée dans son quantum, les seuls éléments transmis par l’expert comptable étant insuffisants et non établis contradictoirement et la société MCS et le syndicat des copropriétaires soulignant qu’une baisse importante du chiffre d’affaires apparaît en 2012, en lien avec la séparation des associés de la société MCS et ce, donc bien avant le sinistre. .

Il résulte de ces éléments qu’il existe une contestation sérieuse et que c’est à juste titre que le juge de la mise en état a rejeté la demande de provision formée par la société MCS contre le syndicat des copropriétaires.

L’ordonnance déférée est ainsi confirmée sur ce point, mais il convient également de rejeter la demande de provision formée à l’encontre de la compagnie AXA, la cour ayant déclaré recevable l’action à l’égard de cette dernière.

III/ Sur les demandes accessoires

La société MCS obtenant partiellement gain de cause en appel et la compagnie d’assurances AXA succombant, il convient de réformer le jugement en ce qu’il a condamné la société MCS à payer à la compagnie AXA la somme de 1.000 euros, au titre de l’article 700 du code de procédure civile, de débouter AXA de sa demande au titre des frais irrépétibles et de confirmer la réserve des autres demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’équité commande en outre de débouter l’ensemble des parties de leurs demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, en cause d’appel.

Enfin, il convient de réformer l’ordonnance, en ce qu’elle a condamné la société MCS à supporter les dépens engagés par la compagnie AXA, et de réserver les dépens de première instance et de condamner AXA France Iard aux dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour

Réforme l’ordonnance déférée en ce qu’elle a :

– déclaré l’action de la société MCS contre la compagnie AXA France Iard irrecevable comme étant prescrite,

– condamné la société MCS à payer à la compagnie Axa France Iard la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société MCS à payer à la compagnie AXA France Iard les dépens engagés par la compagnie AXA France Iard,

et statuant à nouveau,

– déclare l’action de la société MCS contre la compagnie AXA France Iard recevable,

– déboute la société MCS de sa demande de provision formée à l’égard de la compagnie AXA France Iard,

– réserve les dépens engagés par la compagnie AXA France Iard,

– déboute la société AXA France Iard de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile en première instance,

Confirme l’ordonnance déférée pour le surplus,

Y ajoutant,

– déboute la société MCS, la compagnie AXA France Iard et le syndicat des copropriétaires de leurs demandes formées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

– condamne la compagnie AXA France Iard aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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