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République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 1
ARRÊT DU 01/06/2023
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N° de MINUTE :
N° RG 22/03241 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UL4G
Jugement n° 21/07298 rendu le 10 mars 2022 par le tribunal de commerce de Lille Métropole
Ordonnance d’interruption d’instance n° 22/509 rendue le 10 novembre 2022 par le magistrat chargé de la mise en état
APPELANTES
SAS Camaieu International placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Lille Métropole en date du 14 avril 2021, représentée par la SELAS BMA Administrateurs judiciaires, prise en la personne de Me [D] Miquel, en qualité d’administrateur provisoire
ayant son siège social [Adresse 1]
SELAS MJS Partners représentée par Me [S] [V], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Camaieu International
ayant son siège social [Adresse 5]
SCP BTSG représentée par Me Marc Sénéchal, désignée aux lieu et place de la SELARL MJ Valem Associés, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Camaieu International
ayant son siège social [Adresse 2]
représentées par Me Marie-Hélène Laurent, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
assistées de Me Thomas Obajtek, avocat au barreau de Lille, avocat plaidant
INTIMÉES
SAS Aciam anciennement dénommée FIB NC 7 prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
ayant son siège social [Adresse 1]
SELARL Miquel Aras & Associés représentée par Me Aras ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Aciam
sise [Adresse 3]
Assignée en reprise d’instance le 24 octobre 2022 à personne morale
SELARL [B] [L] et [X] [I], représentée par Me [B] [L] ès qualités de liquidateur judciaire de la société Aciam
sise [Adresse 2]
[Localité 4]
Assignée en reprise d’instance le 24 octobre 2022 à personne morale
représentées par Me Virginie Levasseur, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
assistées de Me Baptiste de Fresse de Monval, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant
DÉBATS à l’audience publique du 15 mars 2023 tenue par Pauline Mimiague magistrat chargé d’instruire le dossier et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Valérie Roelofs
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Dominique Gilles, président de chambre
Pauline Mimiague, conseiller
Clotilde Vanhove, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 01 juin 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Dominique Gilles, président et Valérie Roelofs, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 8 mars 2023
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EXPOSÉ DU LITIGE
La société ‘Camaïeu International’ a signé le 26 avril et le 1er juillet 2020 avec la société ‘Showroomprive.com’ (SRP) deux contrats d’achat de marchandises et visant à l’organisation de ventes privées sur un site internet.
Dans le cadre de l’exécution de ces contrats la société Camaïeu International a livré à la société SRP des marchandises et émis deux factures pour des montants de 470 883,84 euros TTC pour le premier contrat et d’un montant de 3 438 246,43 TTC pour le second contrat.
Le 26 mai 2020 le tribunal de commerce de Lille Métropole a ordonné l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la société Camaïeu International et le 17 août 2020 le tribunal a ordonné la cession de l’entreprise Camaïeu International au profit de la société Financière Immobilière Bordelaise (FIB) avec entrée en jouissance le 18 août 2020.
La société Camaïeu International et la société FIB, devenue la société ‘FIB NC 7’, ont toutes deux revendiqué le règlement des factures par la société SRP.
Par ordonnance de référé du 10 décembre 2020 le président du tribunal de commerce de Paris, saisi par la société SRP, a ordonné la mise sous séquestre entre les mains de M. Le bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Paris de la somme de 3 789 727,19 euros.
Par jugement du 14 avril 2021 le tribunal de commerce a converti la procédure de redressement judiciaire de la société Camaïeu International en liquidation judiciaire et désigné les SELARL MJ Valem Associés et MJS Partners en qualité de co-liquidateurs judiciaires.
Par acte du 14 mai 2021 les SELARL MJ Valem Associés et MJS Partners, ès qualités de liquidateurs judiciaires de la société Camaïeu International, ont assigné la société FIB NC 7 devant le tribunal de commerce de Lille Métropole aux fins de voir dire et juger que la société Camaïeu International est titulaire de la créance sur la société SRP d’un montant total de 3 909 130,27 euros portant sur les stocks de marchandise concernés par les deux contrats signés avec cette société le 26 avril et 1er juillet 2020. Cette procédure a été enrôlée sous le numéro 2021008623.
De son côté la société FIB NC 7 a, le 19 mai 2021, assigné la société Camaïeu International, et ses liquidateurs judiciaires devant le même tribunal aux fins de voir juger qu’elle détient contre la société SRP une créance de 470 883,34 euros TTC au titre du bon de commande n° 73969 du 19 août 2020, prononcer la nullité du contrat du 1er juillet 2020 et juger qu’elle a acquis les stocks litigieux par effet du jugement et détient contre SRP une créance de 3 441 399,60 euros TTC au titre de la vente. Cette procédure a été enrôlée sous le numéro de RG 2021007298.
Dans le cadre de cette seconde procédure les défenderesses ont soulevé la nullité de l’assignation délivrée par la société FIB NC 7 et l’incompétence du tribunal qui a statué sur ces points dans le cadre d’un ‘incident’ et a, par jugement du 10 mars 2022 :
– débouté la SELARL MJ Valem Associés, la SELARL MJS Partners et la société Camaïeu International de leur demande de nullité de l’assignation pour défaut d’objet et de motivation,
– les a déboutées de leur demande d’incompétence,
– les a condamnées à payer à la société FIB NC 7 la somme de 40 000 euros pour procédure abusive et dilatoire,
– dit qu’il y aura lieu d’ordonner la jonction des affaires RG n° 2021007298 et RG n° 2021008623 et renvoyé l’affaire à l’audience de mise en état du 15 mars 2022 à 14 heures,
– demandé au juge de la mise en état de prononcer un calendrier de procédure et de demander aux parties de conclure au fond lors de la prochaine évocation de l’affaire,
– condamné la SELARL MJ Valem Associés, la SELARL MJS Partners et la société Camaïeu International à payer à la société FIB NC 7 la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– les a condamnées aux entiers dépens, taxés et liquidés à la somme de 109,69 euros en ce qui concerne les frais de greffe.
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 6 juillet 2022 la société Camaïeu International, ainsi que les sociétés MJS Partners, représentée par Me [S] [V] et la société BTSG, représentée par Me [T] [U], désignée au lieu et place de la société MJ Valem Associés, ès qualités de liquidateurs judiciaires de la société Camaïeu International, ont relevé appel du jugement en ce qu’il les a condamnées à payer la somme de 40 000 euros pour procédure abusive et dilatoire, la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
L’instance a été interrompue par l’ouverture le 1er août 2022 de la procédure de redressement judiciaire de la société FIB NC 7, devenue la société ‘ACIAM’, convertie en liquidation judiciaire par jugement du 28 septembre 2022. Les appelantes ont assigné en reprise d’instance la SELARL [L] [I] et la SELARL Miquel Aras & Associés ès qualités de liquidateurs judiciaires la société ACIAM par actes du 24 octobre 2022.
Aux termes de leurs dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 14 février 2023 les appelantes demandent à la cour de :
– constater la recevabilité de l’appel,
– infirmer le jugement en ce qu’il a condamné les organes de la procédure et la société Camaïeu International à payer à la société FIB devenue ACIAM la somme de 40 000 euros pour procédure abusive et dilatoire, la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
– juger que l’incident soulevé par les organes de la procédure et la société Camaïeu International n’est pas constitutif d’une procédure abusive et dilatoire,
– débouter les organes de la procédure collective de la société ACIAM et la société ACIAM de l’ensemble de leurs demandes,
– les condamner à leur payer la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– les condamner aux entiers frais et dépens.
Aux termes de leurs dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 2 mars 2023 la société Aciam et les SELARL Miquel Aras & Associés et [B] [L] et [X] [I], ès qualités de liquidateurs judiciaires de la société Aciam, demandent à la cour de :
– confirmer le jugement en ce qu’il a condamné les organes de la procédure et la société Camaïeu International à lui payer la somme de 40 000 euros, la somme de 4 000 euros et aux dépens,
– condamner les appelantes à leur payer la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour l’exposé de leurs moyens.
La clôture de l’instruction est intervenue le 8 mars 2023 et l’affaire a été fixée à l’audience de plaidoiries du 15 mars suivant.
MOTIFS
En application des articles 1240 du code civil et 32-1 du code de procédure civile, l’exercice d’une action en justice constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages-intérêts que dans les cas de malice, de mauvaise foi ou d’erreur grossière équipollente au dol.
Le premier juge, après avoir rejeté les moyens de nullité et d’incompétence soulevés pour la société Camaïeu International, a considéré que la procédure engagée à titre incident, alors que les litiges sont pendants depuis la fin de l’année 2020 et qu’il est dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice de les trancher rapidement, et ce, d’autant que les fonds sont séquestrés depuis le mois de décembre 2020, ne faisait nullement avancer les débats, et, au contraire, mettait en avant des moyens de droit accessoires qui ne faisaient que retarder la procédure, et que l’incident était alors manifestement dilatoire et abusif. Le premier juge a retenu que le préjudice en résultant pour la société FIB NC 7 était entier et réel, cette dernière ayant en charge l’exploitation de l’entreprise.
La société Aciam soutient qu’en raison de l’acquiescement des appelantes les dispositions du jugement rejetant leurs demandes de nullité et d’incompétence constitue la preuve du caractère abusif de ces demandes. Toutefois, le caractère infondé d’une demande ne peut suffire à caractériser un abus de droit d’agir en justice. De même le caractère éventuellement ‘virulent’ des critiques formées par les appelants contre le jugement n’est pas de nature à caractériser un abus de procédure.
En outre, l’absence éventuelle de sérieux de l’argumentation juridique, que la cour n’est pas en mesure d’apprécier dans la mesure où il n’est pas communiqué l’assignation qui faisait l’objet de critique devant le premier juge ni les conclusions de première instance des parties sur la question de la nullité de l’acte ou de la compétence du tribunal, ne peut non plus caractériser un abus à moins qu’elles interviennent dans des circonstances particulières traduisant un cas de malice ou de mauvaise foi.
Il n’est pas établi que les moyens soulevés en défense au fond par la société Camaïeu International l’auraient été dans le seul but de retarder la solution du litige alors, d’une part, qu’ils l’ont été dans le cadre d’un ‘incident’ en vue de voir trancher ces points avant que les parties ne débattent du fond du litige, et, d’autre part, que la société Camaïeu International avait elle-même saisi la juridiction en vue de voir trancher le litige, en des termes différents, et que cette instance était en cours par ailleurs, les deux procédures n’étant pas encore jointes.
Enfin, la société Aciam soutient qu’elle subit un préjudice ‘probablement largement supérieur à 40 000 euros’ à raison du retard causé par l’incident soulevé par la société Camaïeu International, expliquant qu’un jugement sur le fond aurait pu être obtenu dès le mois de juin 2022 alors qu’il n’a pu intervenir qu’au mois d’octobre 2022, sans s’expliquer sur la nature de ce préjudice ni produire aucune pièce permettant de l’établir et de l’évaluer au montant réclamé.
Il n’est ainsi ni justifié d’une faute de la société Camaïeu International permettant d’établir un abus de procédure ni d’un préjudice qui en résulterait pour la société Aciam.
Il convient en conséquence d’infirmer le jugement et de débouter celle-ci de sa demande.
Vu les articles 700 et 696 du code de procédure civile, il y a lieu de confirmer le jugement s’agissant des dépens et de l’indemnité procédurale allouée à la société Aciam, les demandes opposées en défense par la société Camaïeu International ayant été rejetées.
Il convient en revanche de mettre les dépens d’appel à la charge de la société Aciam et d’allouer à la société Camaïeu International représentée par ses liquidateurs judiciaires la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant dans les limites de l’appel,
Réforme le jugement en ce qu’il a condamné la SELARL MJ Valem Associés, la SELARL MJS Partners et la société Camaïeu International à payer à la société FIB NC 7 la somme de 40 000 euros pour procédure abusive et dilatoire ;
Statuant à nouveau sur le chef infirmé,
Déboute la société ACIAM, représentée par les SELARL Miquel Aras & Associés et [B] [L] et [X] [I], ès qualités de liquidateurs judiciaires, de sa demande de dommages-intérêts ;
Confirme le jugement pour le surplus ;
Y ajoutant,
Condamne la société Aciam, représentée par les SELARL Miquel Aras & Associés et [B] [L] et [X] [I], ès qualités de liquidateurs judiciaires, à payer à la société Camaïeu International, représentée par les sociétés MJS Partners et BTSG, ès qualités de liquidateurs judiciaires, la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Aciam, représentée par les SELARL Miquel Aras & Associés et [B] [L] et [X] [I], ès qualités de liquidateurs judiciaires, aux dépens d’appel.
Le greffier
Valérie Roelofs
Le président
Dominique Gilles