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COUR D’APPEL DE BORDEAUX
QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE
————————–
ARRÊT DU : 01 JUIN 2023
N° RG 21/05112 – N° Portalis DBVJ-V-B7F-MJYP
S.A.R.L. SOVIDEX
c/
S.A.S. DISTILLERIE [Adresse 3]
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 septembre 2021 (R.G. 2019003908) par le Tribunal de Commerce d’ANGOULÊME suivant déclaration d’appel du 09 septembre 2021
APPELANTE :
S.A.R.L. SOVIDEX, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 4]
représentée par Maître Marc CASSIEDE de la SELARL AUSONE AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉE :
S.A.S. DISTILLERIE [Adresse 3], prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 3]
représentée par Maître Johnny-Johan GROUSSEAU, substituant Maître Caroline PECHIER de la SELARL JURICA, avocat au barreau de CHARENTE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 04 avril 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,
Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller,
Madame Sophie MASSON, Conseiller,
Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
EXPOSE DU LITIGE
La société [Adresse 2] a confié par contrat du 19 mars 2007 à la société Sovidex la réalisation de travaux agricoles sur son domaine viticole consistant en des travaux manuels et mécaniques d’entretien des vignes (taille, relevage, désherbage, récolte, pressurage, etc..). La société Sovidex avait également une mission de suivi technique du vignoble (élaboration du programme phytosanitaire notamment).
L’article 5 contrat stipulait que la rémunération de la société Sovidex était fixée à la somme de 3800 euros HT/ha pour l’année 2017, ce prix pouvant être revu en fonction de l’inflation. Le contrat portait sur les campagnes 2007, 2008 et 2009 et était renouvelable par tacite reconduction sauf dénonciation par l’une ou l’autre des parties par lettre recommandée avant le 31 de l’année précédente par une cessation effective du contrat à l’issue des vendanges.
Le contrat a été renouvelé par tacite reconduction en 2009 puis en 2012.
Le 27 juillet 2012, la société [Adresse 2] a fait constater par un huissier de justice un défaut d’entretien de certaines parcelles : vigne non épamprée, absence de désherbage.
Par lettre recommandée du 16 novembre 2012, la société [Adresse 2] a indiqué à sa cocontractante, la société Sovidex, qu’elle prononçait la résiliation du contrat du 19 mars 2007 à effet au 16 février 2013 sur le fondement de l’article 1184 du code civil, pour manquement grave de celle-ci à ses obligations, à savoir un très mauvais entretien des vignes, et la nécessité de replanter en 2011 une partie des vignes plantées en 2010 sur la parcelle ZH [Cadastre 1].
Par courrier du 15 décembre 2012, la société Sovidex a contesté les conditions de cette résiliation mettant en avant des conditions climatiques exceptionnelles et une récolte qui restait honorable.
Par courrier du 1er mars 2013, le conseil de la société Sovidex a écrit à la société [Adresse 2] affirmant que le contrat de prestation se poursuivait et que les prestations devaient être réglées. En outre, il faisait état d’une erreur de 4 ha dans la surface objet du contrat et a sollicité le paiement de la somme de 112 784,47 euros selon facture du 31 janvier 2013 au titre du rattrapage de surface de campagnes 2007 à 2012 inclus.
Par courrier du 2 avril 2013, le conseil de la société [Adresse 2] a maintenu que la résiliation aux torts de sa cocontractante était justifiée. Elle s’est opposée au paiement de la facture du 31 janvier 2013, a fait état du préjudice résultant pour elle de caractère inexploitable de la parcelle ZH [Cadastre 1] et a enjoint à la société Sovidex de ne plus intervenir sur ses vignes.
La société [Adresse 2] a demandé à un expert amiable, M. [K], de chiffrer son préjudice. Celui-ci a déposé son rapport le 10 août 2013 après avoir visité les lieux le 9 juillet 2013.
Puis, le 14 mars 2014, la société [Adresse 2] a fait assigner la société Sovidex devant le tribunal de commerce d’Angoulême aux fins de voir prononcer la résolution du contrat.
Par jugement du 18 septembre 2014, le tribunal de commerce d’Angoulême saisi par la société [Adresse 2] a notamment constaté des fautes graves commises par la société Sovidex dans l’exécution du contrat et a prononcé la résolution du contrat à compter du 16 novembre 2012.
Par arrêt du 28 février 2017, la cour d’appel de Bordeaux a constaté la nullité de l’assignation délivrée par la société [Adresse 2] , celle-ci ayant fait l’objet d’une dissolution anticipé le 05 février 2013 et son patrimoine ayant été transmis à la société Distillerie [Adresse 3].
Par acte d’huissier de justice du 26 août 2019, la société Sovidex a, à son tour, assigné la société Distillerie [Adresse 3] devant le tribunal de commerce d’Angoulême aux fins d’obtenir sa condamnation de celle-ci au paiement :
– de sa facture du 31 janvier 2013 à hauteur de 112 784,47 euros TTC ,
-des factures des mois de novembre 2012 à décembre 2013 à hauteur de 23 219,52 euros,
– pour les dix mois travaillés de l’année 2014 de la somme de 188 298,35 euros.
Par jugement contradictoire du 02 septembre 2021, le tribunal de commerce d’Angoulême a :
– prononcé la résolution du contrat de prestations agricoles daté du 19 mars 2007, à compter du 16 novembre 2012 avec effet au 16 février 2013,
– condamné la société Sovidex à rembourser à la société Distillerie [Adresse 3] la somme de 131 184,90 euros outre les intérêts au taux légal à compter de la signification du présent jugement,
– condamné la société Distillerie [Adresse 3] à payer à la société Sovidex la somme de 85 138,68 euros outre les intérêts au taux légal à compter de la signification du présent jugement,
– condamné la société Distillerie [Adresse 3] à payer à la société Sovidex la somme de 3 040,56 euros outre les intérêts au taux légal à compter de la signification du présent jugement,
– rejeté la demande en paiement de la société Sovidex d’un montant de 188 298,35 euros,
– rejeté la demande en paiement de dommages et intérêts formulée par la société Distillerie [Adresse 3],
– rejeté la demande d’expertise judiciaire formulée par la société Distillerie [Adresse 3],
– condamné la société Distillerie [Adresse 3] à payer à la société Sovidex la somme de 3 000 euros,
– condamné la société Distillerie [Adresse 3] à tous les dépens,
– ordonné l’exécution provisoire de la décision,
– débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires.
Par déclaration du 09 septembre 2021,la société Sovidex a interjeté appel de cette décision, énonçant les chefs de la décision expressément critiqués, intimant la société Distillerie [Adresse 3].
Par ordonnance de référé du 20 janvier 2022, la première présidente de la cour d’appel de Bordeaux a ordonné l’arrêt de l’exécution provisoire résultant du jugement du 02 septembre 2021.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par dernières écritures notifiées par RPVA le 31 mai 2023, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Sovidex, demande à la cour de :
– ordonner le rabat de l’ordonnance de clôture au jour des plaidoiries,
– accueillir les présentes conclusions et les pièces produites en réplique en réplique aux conclusions et pièces communiquées tardivement par l’intimée,
– la déclarer recevable et bien fondée en son appel,
– y faisant droit,
– infirmer partiellement le jugement déféré, rendu le 02 septembre 2021 par le tribunal de commerce d’Angoulême,
– et, statuant à nouveau,
– à titre principal,
– déclarer qu’aucun motif n’est propre à justifier la résolution du contrat,
– en conséquence,
– déclarer que les relations contractuelles entre elle et la société Distillerie [Adresse 3] se sont maintenues du mois de février 2013 au mois d’octobre 2014,
– condamner la société Distillerie [Adresse 3] à lui payer la somme de 154 404,42 euros au titre des prestations effectuées en 2013, soit un paiement de 23 219,52 euros déduction faite de la somme de 131 184,90 euros d’ores et déjà payée,
– ordonner la conservation entre ses mains de la somme de 131 184,90 euros d’ores et déjà payée par la société Distillerie [Adresse 3] en exécution de ses obligations,
– condamner la société Distillerie [Adresse 3] à lui payer la somme de 188 298,35 euros au titre des prestations effectuées en 2014,
– à titre subsidiaire,
– déclarer qu’il existait un accord pour le travail du vignoble au titre des années 2013 et 2014,
– en conséquence,
– condamner la société Distillerie [Adresse 3] à lui payer la somme de 154 404,42 euros au titre des prestations effectuées en 2013, soit un paiement de 23 219,52 euros déduction faite de la somme de 131 184,90 euros d’ores et déjà payée,
– ordonner la conservation entre ses mains de la somme de 131 184,90 euros d’ores et déjà payée par la société Distillerie [Adresse 3],
– condamner la société Distillerie [Adresse 3] à lui payer la somme de 188 298,35 euros au titre des prestations effectuées en 2014,
– à titre très subsidiaire,
– ordonner des restitutions réciproques,
– en conséquence,
– condamner la société Distillerie [Adresse 3] à lui restituer, en valeur, les prestations accomplies par cette dernière, et pour cela, condamner la société Distillerie [Adresse 3] à lui payer :
– la somme de 154 404,42 euros au titre des prestations effectuées en 2013,
– la somme de 188 298,35 euros au titre des prestations effectuées en 2014,
– déclarer que par application du mécanisme de la compensation légale, la condamnation au paiement supportée par la société Distillerie [Adresse 3] sera ramenée à la somme de 211 517,87 euros TTC,
– à titre infiniment subsidiaire,
– déclarer que les conditions de l’enrichissement sans cause sont réunies,
– en conséquence,
– condamner la société Distillerie [Adresse 3] à lui payer la somme de 154 404,42 euros au titre des prestations effectuées en 2013, soit un paiement de 23 219,52 euros déduction faite de la somme de 131 184,90 euros d’ores et déjà payée,
– ordonner la conservation entre ses mains de la somme de 131 184,90 euros d’ores et déjà payée par la société Distillerie [Adresse 3],
– condamner la société Distillerie [Adresse 3] à lui payer la somme de 188 298,35 euros au titre des prestations effectuées en 2014,- en tout état de cause,
– débouter la société Distillerie [Adresse 3] de l’ensemble de ses demandes fins et prétention, notamment en restitution de sommes, en paiement de dommages et intérêts et en expertise,
– condamner la société Distillerie [Adresse 3] à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de frais irrépétibles exposés en cause d’appel, en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Par dernières écritures notifiées par RPVA le 4 avril 2023, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Distillerie [Adresse 3], demande à la cour de :
– ordonner le rabat de l’ordonnance de clôture,
– déclarer irrecevable la demande fondée sur l’enrichissement sans cause car nouvelle et rejeter en conséquence toutes les demandes formées à ce titre,
– confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce d’Angoulême le 02 septembre 2021 en ce qu’il a :
– prononcé la résolution du contrat de prestations agricoles daté du 19 mars 2007, à compter du 16 novembre 2012 avec effet au 16 février 2013,
– condamné la société Sovidex à lui rembourser la somme de 131 184, 90 euros outre les intérêts au taux légal à compter de la signification du présent jugement,
– infirmer pour le surplus le jugement rendu par le tribunal de commerce d’Angoulême le 21 septembre 2021, et en conséquence,
– statuant à nouveau,
– débouter la société Sovidex de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
– condamner société Sovidex à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,
– à titre reconventionnel,
– condamner la société Sovidex à lui payer la somme de 174 567, 43 euros à titre de dommages et intérêts,
– subsidiairement, ordonner une expertise judiciaire afin de chiffrer le montant des préjudices subis par elle concernant la parcelle ZH43,
– y ajoutant,
– condamner la société Sovidex à lui payer la somme de 20 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 21 mars 2023 et le dossier a été fixé à l’audience du 04 avril 2023. A cette date, la clôture a été rabattue.
L’affaire a fait l’objet d’une nouvelle clôture à l’audience avec l’accord des parties. Elle a été plaidée et mise en délibéré.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées.
MOTIFS DE LA DECISION
* sur la résolution du contrat :
1-Aux termes des dispositions de l’article 1184 du code civil dans sa version applicable à ce litige, La condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l’une des deux parties ne satisfera point à son engagement. Dans ce cas, le contrat n’est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l’engagement n’a point été exécuté, a le choix ou de forcer l’autre à l’exécution de la convention lorsqu’elle est possible, ou d’en demander la résolution avec dommages et intérêts. La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances.
2- L’appelante soutient qu’elle n’a commis aucune faute; qu’elle a toujours traité de manière satisfaisante les vignes de sa cliente; que durant la fin de l’hiver 2011 de fortes gelées ont endommagé les vignes les plus jeunes; que l’année 2012 a été une campagne particulièrement difficile à gérer du fait d’un printemps très humide; que la priorité a été de préserver le potentiel récolte du vignoble; que la gestion de l’herbe, qui est rattrapable a été secondaire; que la remise en ordre du vignoble est intervenue début août 2012; que l’absence de désherbage n’a pas eu d’effet néfaste en 2012 (concurrentiel sur la ressource en eau disponible pour la culture) car l’année a été très pluvieuse; que le désherbage n’était pas une obligation essentielle du contrat,; que le constat d’huissier est non contradictoire; que le rapport dressé par M. [K] a été établi après l’envoi de la lettre de résiliation et de manière non contradictoire également.
3- L’intimée expose que la société Sovidex a commis des manquements graves et répétées à son obligation d’entretien des vignes, ce dont elle justifie par les pièces produites (attestations, procès-verbaux dressés par un huissier de justice, rapport de M. [K]).
4- Il ressort du procès-verbal dressé par un huissier en juillet 2012 et des diverses attestations produites aux débats que la société Sovidex n’a pas régulièrement désherbé les parcelles confiées à son entretien, malgré les nombreuses demandes qui lui ont été faites. Le contrat de prestation qui comprend une obligation de ‘désherbage des dessous de rang’ et une obligation de ‘désherbage d’été des dessous de rang’ ne distingue pas entre les obligations du contrat qui seraient essentielles et celles qui ne le sauraient pas selon l’allégation de l’appelant. La société Distillerie [Adresse 3] était en droit en tout état de cause d’attendre que l’ensemble des prestations soit réalisé dans les temps et ce afin d’assurer un développement optimal à ses vignes, mais également d’assurer son image de marque, le château étant visité par des clients et des journalistes. Il sera donc jugé que l’appelante a commis des manquements graves et répétés justifiant la résolution du contrat.
5- Il convient en conséquence de confirmer la décision du tribunal de commerce en ce qu’il a prononcé la résolution du contrat d’entretien des vignes au 16 novembre 2012 à effet au 16 février 2013.
* sur les demandes en paiement formées par la société Sovidex :
* sur la facture du 31 janvier 2013 au titre du rattrapage de surface de campagnes 2007 à 2012 inclus :
6- La société Sovidex expose qu’il est ressorti d’un procès-verbal des douanes établi le 15 octobre 2012 que la surface des vignes figurant au cahier agricole était de 30 ha 92 ca alors que la surface réelle est de 36 ha 89 a. La société Sovidex n’a facturé que 32,64 ha de sorte qu’elle est en droit de solliciter le paiement de l’entretien des 4 ha supplémentaires.
7- La société Distillerie [Adresse 3] rétorque que le contrat ne faisait pas état d’une surface totale à travailler et ne mentionnait pas la CVI; que la société Sovidex a facturé en proportion des surfaces qu’elle a réellement travaillées; qu’elle justifie par la production d’un rapport de l’expert [W] que la surface de vignes hors chemins, tournières, fossés, talus, bouts de vigne est de 31ha 80a28ca; que la surface retenue par les douanes inclut les chemins, tournières, fossés, talus; que l’appelante a produit un devis en 2011 et 2012 portant sur le traitement phytosanitaire de 35 Ha; que le prix de l’hectare doit être fixé à 3800 euros; que les demandes sur la période antérieure à 2009 sont prescrites.
8- L’attestation dressée à la demande de l’intimée par un géomètre expert, M. [W], fait état d’une superficie des vignes hors ’bouts et bords de vignes’ de 31ha 80a 28ca alors que le procès-verbal dressé par les douanes mentionne une surface de 36 ha 89 a.
9-La surface retenue par les douanes ou CVI (cadastre viticole informatisé) correspond effectivement à la surface de vignes plantée incluant l’ensemble des éléments du paysage permettant la bonne exploitation de la parcelle, c’est-à-dire les tournières, talus, haie, fossés permettant le bon écoulement des eaux et le drainage de la parcelle. Cette surface est moindre que la surface cadastrale, qui inclut l’ensemble de la surface dont les chemins, mais supérieure à celle de la seule vigne.
10- Le contrat fait état d’un prix par ha mais ne mentionne pas la surface totale entretenue. S’il n’est pas fait mention expressément dans le contrat de prestations de service de l’entretien des tournières, talus et bouts de vigne mis à part la réparation des bouts de rang au titre des opérations d’entretien du palissage, la cour note que cet entretien, complémentaire de celui de la vigne, est indispensable et que la société Distillerie [Adresse 3] ne justifie pas avoir confié cette tâche à une société tierce.
11- Il sera dès lors jugé que la société Distillerie [Adresse 3] a confié à la société Sovidex l’entretien de l’ensemble de la surface des vignes au sens de la CVI et que dès lors, celle-ci est en droit de lui réclamer le paiement des 4 ha non facturés et ce à compter du mois de mars 2009, compte tenu de la prescription, comme l’ont pertinemment retenu les premiers juges et qui n’est pas contesté par l’appelante.
12- Le contrat de prestation de travaux agricole stipule que le tarif fixé pour l’année 2007 est de 3800 euros l’hectare, il est garanti pour une année et pourra être revu chaque année en tenant compte de l’inflation et dans la limite de 2% par an après accord des parties.
13- Il ressort des factures des années 2007 à 2012 produites aux débats qu’une augmentation de 2% a été appliquée chaque année. La société Distillerie [Adresse 3] a réglé ces factures sans jamais en contester le principe.
14- Il y a lieu d’appliquer en conséquence pour le ‘surplus’ des 4 ha le même prix à l’hectare que les factures initiales, c’est-à -dire un prix de 3800 euros majoré de 2% chaque année.
15- Contrairement à ce qui est plaidé, la facture du 31 janvier 2013 applique bien une augmentation de 2% et non de 3%.
16- Contrairement à ce qui a été retenu en première instance, cette augmentation est bien due jusqu’à la fin de l’année 2012, puisque la résolution du contrat est à effet au 16 février 2013. Il apparaît en outre que le montant retenu était affecté d’une erreur de calcul.
17- La société Distillerie [Adresse 3] est débitrice des sommes suivantes :
– année 2009 de mars à décembre soit 10 mois : 15504 euros/12 x 10, soit 12 920 euros ht
– année 2010 : 15814,08 euros TTC
– année 2011: 16130,36 euros TTC
– année 2012 ; 16452,96 euros TTC
soit 61 317,40 euros HT soit 73 335,61 euros TTC.
18- La décision de première instance sera ainsi infirmée de ce chef de condamnation. La société Distillerie [Adresse 3] sera condamnée à verser la somme de 73 335,61 euros à la société Sovidex en paiement de la facture du 31 janvier 2013.
* sur les prestations réalisées en 2013 et 2014 :
19- La société Distillerie [Adresse 3] soutient qu’elle n’est redevable d’aucune somme après la date de résiliation du contrat, soit le 16 février 2013; qu’elle a régulièrement sommé la société Sovidex de quitter sa propriété et de cesser de travailler sur les vignes; que celle-ci a décidé unilatéralement de poursuivre sa prestation; qu’elle reconnaît simplement avoir fait appel à elle pour des missions ponctuelles en urgence au titre desquels des devis ont été émis qu’elle a acceptés; que ces missions étaient auparavant incluses dans le contrat d’entretien des vignes; qu’elle n’a réglé les factures qu’à titre conservatoire par le biais de chèques CARPA, tout en précisant qu’elle ne renonçait pas à se prévaloir de la résiliation du contrat; qu’elle sollicite la confirmation de la décision de première instance ayant condamné la société Sovidex à lui rembourser la somme de 131 184,90 euros. Elle conclut enfin à l’irrecevabilité de la demande subsidiaire fondée sur l’enrichissement sans cause, nouvelle en appel.
20- La société Sovidex soutient que la relation contractuelle s’est poursuivie jusqu’à la fin du mois d’octobre 2014; que la société Distillerie [Adresse 3] lui a laissé l’accès au domaine et lui a réglé la quasi totalité des factures de 2013 et deux factures de 2014; à titre subsidiaire, elle demande à la cour de juger que la résolution rétroactive du contrat implique la restitution en nature des prestations qu’elle a réalisées; à titre encore plus subsidiaire, elle forme ses demandes sur le fondement de l’enrichissement sans cause.
21- Comme l’ont relevé à juste titre les premiers juges, la société Distillerie [Adresse 3] a mis en demeure la société Sovidex par le biais de son conseil de ne plus intervenir sur son domaine. Elle ne conteste cependant pas qu’elle n’a embauché une nouvelle société pour l’entretien de ses vignes qu’à compter du mois de novembre 2014, après la première décision du tribunal de commerce d’Angoulême du 18 septembre 2014, et que le domaine ne pouvait rester sans entretien sur une aussi longue période. Par courrier du 29 mars 2013, la société Distillerie [Adresse 3] indique à la société Sovidex que ‘nous avons constaté que les parcelles que vous continuez de votre propre chef à exploiter, les herbes commençaient à pousser entre les rangs et aux pieds des vignes alors que les parcelles de vigne alentour sont déjà proprement désherbées. Enfin, nous nous avez fait parvenir deux devis de traitement et de piquetage des vignes. Ceux-ci nous apparaissent prohibitifs en regard des tarifs en usage dans la profession. Nous vous saurions gré de revenir ver nous avec une nouvelle proposition’. Elle a par la suite validé les devis, son conseil précisant que cet accord avait été donné compte tenu de l’urgence à réaliser les travaux sur la vigne afin que les interventions indispensables soient réalisées et ne valait pas renonciation à la résiliation du contrat. Elle a réglé ‘à titre conservatoire’ les sommes qui lui étaient réclamées ‘sur la base du seul tarif contractuel’ à hauteur de 73 486,72 euros le 16 janvier 2014 et a laissé la société Sovidex intervenir sur ses vignes dans l’attente de l’issue judiciaire de son assignation en résolution du contrat. Elle ne justifie pas enfin d’une baisse de sa récolte pour les années 2013 et 2014 même si elle argue d’un mauvais entretien des vignes, ce qui établit que la vigne a été a minima entretenue et traitée. La société Sovidex a en outre réalisé la récolte 2013.
22- Il résulte de ces éléments, que même si la société Distillerie [Adresse 3] n’a pas entendu renoncer à la résiliation du contrat de prestations agricoles, elle a accepté que la société Sovidex intervienne sur son domaine jusqu’en novembre 2014 aux conditions contractuelles mais sans donner son accord sur l’augmentation annuelle de 2% pratiquée jusqu’alors.
23- Il sera jugé dès lors que la somme mensuelle de 13 118,49 euros est due au titre de l’entretien des vignes de janvier 2013 à décembre 2013 inclus, outre le paiement des devis acceptés à savoir pallissage ( juin 2013), engrais ( juin 2013), et engrais ( août 2013). La société Distillerie [Adresse 3] a déjà payé l’intégralité de ces sommes. Elle sera déboutée de sa demande visant à en voir ordonner la restitution. La société Sovidex sera déboutée de sa demande en paiement des sommes complémentaires de 13 544,72 euros et 9674,80 euros correspond à l’indexation des prix sur l’inflation en 2013 non acceptée par sa cliente.
24- Concernant l’année 2024, il est également dû une prestation d’entretien non indexée de 13 118,49 euros sur les dix premiers mois de l’année, soit un total de 131 184,90 euros.
La société Distillerie [Adresse 3] sera condamnée à verser la somme de 131 184,90 euros à la société Sovidex au titre des prestations d’entretien réalisées par celle-ci sur l’année 2014.
Le surplus de la demande de la société Sovidex qui porte sur des travaux réalisés au titre de devis non produits aux débats sera rejeté. Les sommes versées cependant à ce titre par la société Distillerie [Adresse 3] à la société Sovidex, dont le montant n’est pas communiqué, restera acquise à cette dernière.
26- La décision de première instance sera ainsi infirmée de ce chef.
* sur la demande d’indemnisation de son préjudice formée par la société Distillerie [Adresse 3] :
27- La société Distillerie [Adresse 3] soutient que la mauvaise exécution de sa prestation par sa partenaire est à l’origine d’un préjudice qu’elle chiffre à 174 567,43 euros. Ce préjudice est constitué par un manque de production, notamment sur la parcelle ZH [Cadastre 1] pour laquelle l’expert estime la perte de récolte à 36hl78, soit une perte d’environ 33 000 à 35 000 euros, auquel s’ajoutent des frais de replantation pour 45 491 euros et ‘un préjudice d’exploitation pour absence de rendement estimé pour les années 2011 à 2018 à hauteur de 35 HLAP conséquence directe de la mauvaise prestation de la société Sovidex au regard de nouvelles plantations réalisées pour un montant de 105480 euros’.
28- La société Sovidex soutient que l’intimée ne rapporte la preuve ni d’une faute ni d’un préjudice en lien avec cette faute alléguée et qu’elle ne produit aucune déclaration de récolte.
29- Aucune déclaration de récolte n’est effectivement produite au soutien de cette demande d’indemnisation de cette perte de rendement. Le tableau produit en pièce 30 par l’intimée qu’elle a elle-même réalisé en prenant pour base la différence entre la production théorique attendue et la production effectivement réalisée n’est étayée par aucune pièce.
30-La société Distillerie [Adresse 3] fonde principalement sa demande d’indemnisation sur un rapport d’expertise amiable qu’elle a fait dresser par M. [K] en août 2013, de deux pages, intitulé ‘évaluation préjudice’. Sans remettre en cause le sérieux de cette expertise, la cour relève que cette expertise, outre qu’elle n’est pas judiciaire, n’a pas été réalisée au contradictoire de la société Sovidex dont les explications n’ont ainsi pas été recueillies par M. [K] qui ne s’est déplacé qu’une fois sur place en 2013 alors qu’il est argué d’un préjudice sur la période 2010-2018. Dès lors, même s’il apparaît établi que des pieds de vigne sont morts sur cette parcelle et doivent être remplacés, ce rapport, même complété par des attestations, procès-verbaux d’huissier et factures, ne suffit pas à établir que la société Sovidex a commis une faute en lien avec le préjudice dont il est demandé réparation.
31- La société Distillerie [Adresse 3] sera dès lors déboutée de sa demande principale en dommages et intérêts et de sa demande subsidiaire visant à voir ordonner une expertise judiciaire.
La décision du tribunal de commerce sera confirmée de ce chef.
* sur les demandes accessoires :
32- Les parties qui succombent toutes deux seront condamnées à supporter chacune la moitié des dépens de première instance et d’appel.
33- Il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour ,statuant publiquement, par décision contradictoire et en dernier ressort
Infirme la décision rendue le 2 septembre 2021 par le tribunal de commerce d’Angoulême , en ses dispositions déférées à la cour, sauf en ce qu’elle a :
– prononcé la résolution du contrat de prestations agricoles daté du 19 mars 2007, à compter du 16 novembre 2012 avec effet au 16 février 2013,
– rejeté la demande en paiement de dommages et intérêts formulée par la société Distillerie [Adresse 3],
– rejeté la demande d’expertise judiciaire,
et statuant à nouveau,
Condamne la société Distillerie [Adresse 3] à verser la somme de 73 335,61 euros à la société Sovidex en paiement de la facture du 31 janvier 2013,
Constate que les sommes versées par la société Distillerie [Adresse 3] au titre des factures 2013 correspondent au montant qui était dû pour l’année 2013,
Déboute la société Sovidex de sa demande en paiement de sommes complémentaires au titre de l’année 2013,
Déboute la société Distillerie [Adresse 3] de sa demande de restitution des sommes versées en paiement des prestations facturées par la société Sovidex en 2013,
Condamne la société Distillerie [Adresse 3] à verser la somme de 131 184,90 euros à la société Sovidex au titre des prestations d’entretien réalisées par celle-ci sur l’année 2014,
Déboute la société Sovidex du surplus de ses demandes sur l’année 2014,
Déboute la société Distillerie [Adresse 3] de sa demande de restitution de sommes versées en paiement de factures portant sur l’année 2014,
y ajoutant,
Condamne la société Distillerie [Adresse 3] et la société Sovidex à supporter chacune la moitié des dépens de première instance et d’appel.
Déboute les parties de leurs demandes d’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par M. Franco, président, et par M. Goudot, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.